Spectacles Cinna / Daniel / Daniel Mesguich

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Spectacles Cinna / Daniel / Daniel Mesguich
Spectacles
Théâtre
Cinna / Daniel Mesguich
Automne en Normandie a passé commande de cette mise en scène de Cinna ou la clémence d’Auguste à
Daniel Mesguich dans le cadre de la célébration des 400 ans de la naissance de Pierre Corneille. Le pari
d’une relecture vivifiante qui amène les Hauts Normands à découvrir leur patrimoine littéraire sous un jour
nouveau.
« Cinna, mais ça se lit à l’école ! » Et en effet, quant à moi, je ne l’avais pas relu depuis l’école. J’ai
toujours été plutôt « Racine ». C’est que je suis retourné aux alexandrins classiques grâce aux écrivains
modernes : c’est parce que je découvrais les grands poètes du XXe siècle, et la philosophie, la
psychanalyse, et, surtout, la « pensée de l’écriture » de mon temps, que je suis allé, le goûtant comme un
comble, jusqu’à Racine, jusqu’à ses vers de désir et de cendre. Corneille, lui, me paraissait trop « droit »,
trop « simple ». Pas assez d’inconscient… Ses vers me paraissaient, non pas comme chez Racine, comme
autant de rochers à fleur de mer, de cicatrices sur la page, sans cesse menaçant de se rouvrir, mais
comme de solides constructions, ludiques et lourdes à la fois, forteresses imprenables à force de lisse
rugosité.
Lycéen, pourtant, je me souviens de l’avoir préféré à Racine. Mais c’est, précisément, qu’il me semblait
écrire comme un adolescent. Un adolescent savant, surdoué, incollable sur l’histoire romaine par
exemple, ou sur la confection d’un vers bien sonnant de douze syllabes, mais un adolescent. Le « Vieux
Corneille » m’a toujours paru beaucoup plus jeune que le « Jeune » Racine (j’ai eu le même sentiment pour
ce qui concernait le Vieux Descartes et le Jeune Pascal). Et, pendant des années, j’ai cru pouvoir opposer
les érections de cathédrales de l’avocat de Rouen aux effondrements de chambres intérieures de
l’orphelin de Port Royal ; et c’était, avec injustice et ingratitude, pour mieux préférer les seconds.
En vérité, je crois que je suis encore, aujourd’hui, plus proche de Racine. Mais voici que – parce qu’on me
le demande – je relis Corneille, et Cinna. Et que je trouve Corneille « grand ». Banal, me diront certains,
ceux qui, pour ne jamais l’avoir relu, « savent » cependant, de ce savoir paresseux qui finit hélas par avoir
raison de toutes les œuvres, que c’est là le nom d’un grand écrivain. Bon. Mais quelle est cette grandeur ?
Pas celle de l’héroïsme ou de la gloire, ou de la pompe. Mais celle du secret. Qu’on ne pourra, donc, pas
dire.
Chez Racine, je sais qu’Hermione n’est pas une princesse spartiate, mais le nom d’un des chatoiements
de l’inconscient, celui d’un mouvement d’écriture, surtout, affolé et implacable à la fois. Je « crois » plus
volontiers, chez Corneille, qu’Auguste est « véritablement » empereur à Rome : il semble discourir et
délibérer plus qu’il ne semble être parlé. Ou écrit. Pourtant, rappelons-le, aucun empereur romain n’a
jamais parlé en alexandrins français : ici, plus c’est vrai, plus c’est faux. La langue est devenue folle, cette
histoire romaine est vraie sans avoir eu lieu, sans avoir eu temps. Ce vrai était irréel, c’est le rêve qui
revient. Qui nous revient. Ailleurs, autrement que chez Racine, mais il revient.
C’est ce rêve que je rêve de mettre en scène aujourd’hui. Avec son cortège d’anachronies et
d’« anatropies ».
Sous le vieux Corneille, le jeune Corneille ? Sous le classique, le baroque ? Peut-être. Mais surtout : la
raison comme un cas particulier de la folie.
Daniel Mesguich
Cinna, une réflexion sur le pouvoir absolu…
Trois ans après Le Cid, qui lui avait valu les critiques de l’Académie, Corneille revient en 1640 aux règles
de la tragédie classique avec deux pièces inspirées de l’histoire romaine : Horace et Cinna. Pour celle-ci, il
reprend le thème de la conspiration de Cinna et de la clémence d’Auguste, que Sénèque avait racontées
dans son Traité de la Clémence. Emilie, recueillie par Auguste après que celui-ci a fait mourir son père, ne
se donnera à Cinna qu’elle aime, que s’il la venge en tuant l’empereur. Alors qu’il s’apprête à passer à
l’action, Cinna est appelé par Auguste qui, las du pouvoir, songe à abdiquer et cherche conseil auprès
d’un ami. Cinna convainc l’empereur de demeurer à la tête de Rome car la vengeance d’Emilie, pour être
complète, ne s’accommoderait pas de la mort d’un Auguste déchu. Abandonné par son complice et rival
amoureux, Maxime, puis dénoncé à l’empereur par Euphorbe, l’esclave affranchi de ce dernier, Cinna se
retrouve devant Auguste qui hésite entre le châtiment et le pardon, auquel l’encourage son épouse Livie.
Accablé par la révélation que Maxime fait partie du complot et qu’Emilie en est l’inspiratrice, il surmonte
sa colère et pardonne aux conjurés auxquels il offre une nouvelle chance d’être ses amis. Au contraire du
Cid, dominé par la tendresse passionnée qui lie Chimène et Rodrigue, les amours de Cinna et d’Emilie ne
sont pas le ressort principal de la pièce. Plus politique qu’historique, Cinna est, en effet, avant tout une
admirable réflexion sur le pouvoir absolu, dont le fameux monologue d’Auguste met en évidence les
limites, et sur la vertu du chef qui doit savoir pardonner. Plus qu’à une Rome antique idéalisée, Corneille
renvoie ici aux questions qui agitaient la France dans la première moitié du dix-septième siècle.
Daniel Mesguich, homme de scène complet
Après des études d’art dramatique au Conservatoire de Marseille, Daniel Mesguich intègre le
Conservatoire National supérieur d’Art Dramatique de Paris. Il fonde en 1974 sa compagnie, le Théâtre du
Miroir qui, en 1998, deviendra Miroir et Métaphore. Daniel Mesguich commence véritablement sa carrière
de comédien en enchaînant les rôles de jeunes premiers dans des classiques, puis fait ses premières
apparitions à la télévision et au cinéma à la fin des années 70. Il interprète des personnages secondaires
dans des films d’auteur comme Molière d’Ariane Mnouchkine (1978), L’ Amour en fuite de François Truffaut
(1979) et Clair de femme de Costa-Gavras (1979). Mais très vite son activité de metteur en scène de
théâtre, initiée en 1972, prend le pas sur son métier de comédien.
Depuis 1983, il est professeur d’art dramatique au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de
Paris. Comédien, professeur d’art dramatique et metteur en scène de théâtre et d’opéra, Daniel Mesguich
a signé de nombreuses mises en scène de Racine, Molière, Marivaux, Hugo, etc. Homme de théâtre
complet dans la tradition qui va de Molière à Jacques Lassalle, il a fait du théâtre son mode d’existence.
Son travail, qui n’a jamais manqué de susciter la polémique, s’attache avant tout à la célébration du
théâtre sous toutes ses formes.
spectacle créé en résidence au Volcan, Scène nationale du Havre
production Automne en Normandie / coproduction Le Volcan, Scène nationale du Havre / Théâtre de Guerrey
Coaccueil Théâtre Charles-Dullin / Scène Nationale Evreux Louviers / Le Volcan, Scène nationale du Havre

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