Ruedi Baur dessine le civisme et l`urbanité
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Ruedi Baur dessine le civisme et l`urbanité
18 Culture&Société Le Temps Mardi 5 juillet 2011 Ruedi Baur dessine le civisme et l’urbanité > Ecole Le designer introduit à la HEAD à Genève une formation continue sur la question de la ville Le directeur Jean-Pierre Greff exulte, les étudiants s’étonnent: la Haute Ecole d’art et de design de Genève (HEAD) leur propose désormais une nouvelle formation continue préparant à un certificat VÉRONIQUE BOTTERON.COM > Le design, estime-t-il, peut restaurer le contrat social Lorette Coen Ruedi Baur. «Il en faut peu pour rendre vivables des espaces détestables. En travaillant avec les sons, les silences, les ombres, le design peut introduire des perturbations positives, utiliser la force du fragile.» GENÈVE, 16 JUIN 2011 Ahmad Mansour, le dernier accord Radio-TV > Disparition Le guitariste de jazz genevois a succombé vendredi à un arrêt cardiaque AFP / IMAGEFORUM Portrait Cet été, Charles Sigel explore dans «L’Humeur vagabonde» l’univers de grands du cinéma. Cette semaine, il s’agit d’Alfred Hitchcock. 10h, Espace 2, jusqu’au 8 juillet Monde «Géopolis» plonge au ProcheOrient cette semaine, avec notamment un débat sur les patriotes qui descendent dans la rue. 15h06, RSR La Première Cinéma Dans «Huit femmes», François Ozon réunit huit actrices françaises de premier plan dans la grande tradition des comédies à l’ancienne, style George Cukor. 20h40, Arte Né en 1960, mort en 2011. Pas très long pour articuler une carrière de guitariste. Mais suffisamment pour imposer une vision de la musique. D’autres ont connu plus météorique. Django par exemple, avec qui Ahmad Mansour partageait tout autre chose qu’une approche stylistique: une philosophie (disons un instinct) basé(e) sur l’ouverture tous azimuts. C’est le maître mot, celui que lui inculque d’abord un parcours de vie (naissance iranienne, éducation genevoise, formation musicale américaine) qui vire très tôt au credo artistique: pourquoi se figer dans une identité unique et butée, alors que tout dans la vie nous pousse au choix multiple? Sa hantise, au fil d’une discographie en mutation, aura été non la recherche de l’accord parfait, mais celle du raccord juste, au plus près de la vérité de l’instant, entre une esthétique et une exigence interne forcément changeante. Il s’en expliquait dans ces colonnes, lors d’un entretien que nous avions avec lui il y a tout juste dix ans: «Tous mes disques ont été faits en deux ou trois jours, et il y a rarement les bidouillages qui sont la norme dans d’autres musiques. Chaque fois que je l’ai fait, je l’ai regretté. Il y a beaucoup de choses que l’on aurait pu mieux faire, mais au détriment de la spontanéité qui est quelque chose de vital pour le jazz. Il faut apprendre à vivre avec l’imperfection.» L’importance d’être soi-même Cet apprentissage, Ahmad Mansour l’a mené avec une intégrité rare, compatible avec une recherche de l’audience («j’aime toucher le public») qui le conduisait à se méfier d’une certaine avant-garde «trop consciente d’elle-même». Son jazz à lui n’a rien voulu révolutionner: juste rappeler l’importance d’être soi-même dans un monde (musical) agonisant de concessions. Michel Barbey d’études avancées où il est question de ville, de civisme et de design. Curieux mélange de domaines qui intrigue les intéressés. La figure du professeur a cependant de quoi les rassurer: Ruedi Baur, 55 ans, célèbre designer, auteur d’une œuvre graphique imposante. Né à Paris, élevé entre la Savoie et les Grisons – «Disons que je suis un montagnard» –, formé en Suisse, il obtient son diplôme de graphiste à la Schule für Gestaltung de Zurich, la future Zürcher Hochschule der Künste (ZHdK) où il fondera plus tard son institut de recherche, Design2context. Mais, auparavant, cet homme solide aura monté les ateliers Intégral Ruedi Baur actuellement installés à Paris et à Zurich, édité des livres, monté des expositions et enseigné sans relâche, avec passion. D’abord à l’Ecole des beaux-arts de Lyon puis, au cours des années 90, à la Hochschule für Grafik und Buchkunst de Leipzig dont il devient recteur, à Zurich ensuite et désormais à Genève, à la tête de l’Institut de recherche Civic City où une partie de son équipe l’a suivi. Ses travaux, on les rencontre souvent sans le savoir: signalétiques du Centre Pompidou, de l’aéroport de Cologne, d’Expo.02, entre autres; nombreux livres créés chez les éditeurs Lars Mueller et Jean-Michel Place notamment. De plus, Ruedi Baur bourlingue intensivement, parce qu’il enseigne aussi à Paris, en Chine et ailleurs encore. Et comme il voyage, il réfléchit à son métier. C’est cette réflexion épistémologique, fondée sur une vaste pratique, qui sera dispensée aux étudiants du niveau postgrade de la HEAD. «Le Temps»: Avec le certificat Civic City – Civic Design, vous introduisez une tonalité nouvelle dans l’enseignement du design. De quoi s’agit-il? Ruedi Baur: A travers les cours que je propose, j’ouvre le débat sur un design qui ne pense pas l’objet isolément, comme un élément infiniment répété à l’identique mais qui, revenant au contexte et réfléchissant «in situ», le fait émerger d’une réalité sociale. J’introduis les chercheurs à de nouvelles problématiques – les rapports entre design et évolution de l’espace urbain contemporain, envisagé dans ses aspects sociaux, écologiques et politiques. Je leur propose d’étudier différents cas en les invitant à les considérer de manière interdisciplinaire: par la psychologie, la sociologie, la criminologie, la physique quantique… – Le design prépare-t-il vraiment à aborder des thèmes qui relèveraient plutôt de l’architecture et de l’urbanisme? – Mon enseignement zurichois m’a montré qu’une approche en provenance du design peut vivement intéresser de jeunes urbanistes. Que, par un effet de retournement, le design, tout en restant modeste, puisse animer le discours et traiter d’égal à égal avec ceux qui conçoivent la ville me paraît tout à fait salutaire. Sur l’échelle, la proximité, la temporalité, la dématérialisation, nous nous interrogeons différemment du constructeur. Et c’est précisément ce qui m’intéresse. Nombre d’écoles d’architecture de par le monde s’ouvrent d’ailleurs à ce renouvellement de perspectives. – Tel que vous l’envisagez, le design semble glisser hors de toute définition. – En effet, et je le revendique. C’est sa force et sa faiblesse. On peut y mettre n’importe quoi. Mais aussi quelle liberté! Elle permet d’aborder des questions très diverses à des niveaux très différents sans se trouver aussitôt enfermé dans une boîte. – Quelles retombées concrètes peut-on attendre d’une formation en design urbain? – La ville se trouve confrontée à des problèmes auxquels elle apporte des réponses aussi insatisfaisantes que répétitives. Mécontentement, xénophobie, violence, vandalisme, désabusement: autant d’effets d’une insatisfaction sociale et de crispations sur lesquelles je prétends que le designer, qui travaille dans la proximité, peut agir. Ainsi, il en faut peu pour rendre vivables des espaces détestables. Voyez la question si lancinante du bruit en ville. Comment rendre acceptable la cohabitation entre touristes fêtards et habitants? Comment améliorer la qualité du bruit sans l’interdire? Comment, par exemple, transformer une sortie de parking en boîte musicale douce? Travailler avec les sons, les silences, les ombres; introduire des perturbations positives; utiliser la force du fragile; engager, enfin, le dialogue avec la ville: voici des exemples de ce qui nous intéresse et qui relève du civisme. Le design peut reconstruire le contrat social. Critique: Charles Bradley, Aloe Blacc et Raphael Saadiq en concert Comment Montreux se donne la réplique A Montreux, il a enfilé son blouson doré, sur pantalon doré; la coupe est celle des capitaines de croisière, clone de certains vestons de James Brown. En 1962, Charles Bradley était entré dans l’Apollo Theater de Harlem. Il avait 14 ans. «James! Brown!» avait hurlé le Monsieur Loyal. Et la vie de Bradley, irrémédiablement, s’était infléchie pour atteindre ce moment où il deviendrait lui-même une réplique convaincante du maître soul. Quelques minutes avant qu’il ne pénètre sur scène, à Montreux samedi, on croise Charles Bradley dans les coulisses. Il suffit qu’il parle de lui pour que ses yeux prennent l’eau. Il a 63 ans et vient enfin de sortir son premier disque, après des années de différance. Il a tout fait: cuistot en Alaska, demi-clodo en Californie, il a perdu son frère, assassiné par son neveu. Alors, il a peur d’y croire. «J’ai tellement vécu d’empêchements que j’essaie de ne pas être trop heureux maintenant que je suis enfin reconnu comme chanteur.» Ce qui frappe, c’est que Charles Bradley a arrêté sa musique le jour de ses 14 ans. Ce n’est pas l’esprit de son temps qui l’intéresse. Mais de renouer avec cet instant précis où la fatalité aurait dû faire de lui une vedette de la black music. Il a trouvé pour l’entourer de très jeunes musiciens blancs, new-yorkais, qui eux aussi n’aiment rien tant que la Motown et les années 60. Son orchestre, brûlant, est une machine à rabibocher le temps. «Mes musiciens ont appris la soul, dit Bradley. Ils sont très bons. Mais quand je rentre dans les profondeurs de moi, alors il faut que je remonte à la surface de temps en temps pour qu’ils ne me perdent pas.» C’est le sentiment aussi, dimanche, au Miles Davis Hall. Quand une armada de jouvenceaux, blancs, noirs, calque ses gestes sur les gestes des anciens. Raphael Saadiq porte les costumes et les lunettes d’une époque où la télévision venait de passer à la couleur. Quant à Aloe Blacc, 32 ans, il imite même le déhanché saignant de Marvin Gaye lorsqu’il en appelait à la fin du conflit vietnamien. Il y aurait beaucoup à dire de cette époque qui célèbre éperdument des rythmes vieux de quatre décennies. Sur ce public, 20 ans à peine, qui renonce au coupé-hâché du hip-hop contemporain pour retrouver un art des chansons qui ne se résumait pas à un art du gimmick. Les années 60 et 70 n’étaient sans doute pas moins anxiogènes que ce début de millénaire. Mais la fonction de la pop, en ce temps-là, et en particulier de la musique noire, était de contrarier l’air du temps. La nostalgie a bon dos, à Montreux. Dans un festival, précisément, qui vit de son histoire. Où Marvin Gaye, Nina Simone et James Brown apparaissent ces jours-ci en format géant sur les murs du Centre des congrès. A leurs manières, singulières, Charles Bradley, Raphael Saadiq et Aloe Blacc réactivent un âge périmé. Sous la forme, réconfortante, d’un musée des cires perdues. Arnaud Robert 45e Montreux jazz Festival, jusqu’au 16 juillet. Rens. www.montreuxjazz.com/2011