Les diversités au cœur de la recherche interculturelle

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Les diversités au cœur de la recherche interculturelle
XIIIème congrès de l'Association Internationale pour la recherche interculturelle " Les
diversités au coeur de la recherche interculturelle: harmonies et dissonances Du 19 au 23 juin,
Sherbrooke, Québec, Canada
« Les diversités au cœur de la recherche interculturelle : harmonies et dissonances »
« Voyages d’histoires »
Comment faire voyager les histoires de mobilité des étudiants en travail social ?
Comment recueillir la parole, garder des traces, transmettre, partager et échanger, questionner
ces histoires et promouvoir leur diversité ?
Présentations de quelques réalisations au départ de mots, paroles, sons, images et émotions.
En quoi la multiplicité des rencontres et des cultures diverses ouvre à des possibles scénarios
de projets de vie et de développement pour chacun d’entre nous et pour notre planète ?
Elisabeth Neuforge et Claire Walthéry, enseignantes à ESAS/HELMO, Ecole Supérieure
d’Action Sociale à Liège en Belgique, ont présenté une intervention artistique et
interactive lors d’un symposium.
De la « MOVING AUDIO AND VIDEO BOX » aux « PARAPLUIES DE
SHERBROOKE »
« Mon pays ce n’est pas un pays » d’Elisabeth Neuforge
Mon pays, c’est toute une histoire ! Trois régions, trois communautés linguistiques. Bruxelles
siège des communautés européennes.
Les diversités font partie de notre identité, avec « ses harmonies et ses dysharmonies »
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Quinze fois plus petit que la France, cinquante fois plus petit que la province de Québec.
Peuplé de onze millions d’habitants pour presque huit millions de Québécois.
Nous avons un roi, une cinquantaine de ministres et nous attendons depuis plus d’un an un
nouveau gouvernement.
On dit souvent de la Belgique qu’elle est surréaliste (Magritte, Delvaux). Ce contexte
explique sûrement en partie notre intérêt pour l’interculturalité, les diversités, la recherche.
Notre métier ce n’est pas un métier, c’est une longue histoire. D’abord une histoire d’amitié.
Trente ans de collaboration à l’ESAS : école supérieure d’action sociale. Diplômées en
travail social, Claire Walthéry est également licenciée en communication et je suis
sociologue. Nous partageons avec d’autres collègues un cours de première année intitulé :
« Approche des techniques en travail social » ; Nous formons ainsi les étudiants à une
approche de l’observation, de la communication et de la recherche. Vaste programme que
nous abordons à travers la participation à des projets culturels menés par des associations de
la ville et du quartier dans lesquels l’école est implantée. Depuis de longues années nous
sommes partenaires de la biennale de la photographie. Un travail sur le terrain en
collaboration avec des artistes, des animateurs, des techniciens. Un travail en atelier qui
débouche sur la réalisation de manifestations festives portant sur des thèmes comme le
développement durable, la mobilité, mais aussi les rapports entre hommes et animaux, la
nature, l’amour etc.… Le social n’est donc pas abordé à travers des problématiques sociales,
telles que pauvreté, assuétudes, prostitution…mais à travers des thématiques sociales.
Outre l’enseignement proprement dit, nous développons différents partenariats avec des
écoles et des universités. Nous entretenons depuis plusieurs années une collaboration
importante avec l’INAS de Tanger au départ d’un projet Wallonie- Bruxelles sur le
développement des compétences en ingénierie sociale. De nombreux contacts, échanges et
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expériences continuent d’être menés avec la participation de plus en plus active des étudiants
belges et marocains.
Depuis quinze ans la mission des hautes écoles s’est officiellement étendue à la promotion de
la mobilité professeurs et étudiants. Des formations et stages ont lieu dans tous les pays
d’Europe mais aussi au Vietnam, au Brésil, en Turquie, au Canada, au Rwanda…
Le texte en annexe est un premier bilan de ces expériences autour de trois questions posées a
des étudiants : En partant vous former à « l’étranger » que cherchiez-vous ? Qu’avez-vous
trouvé ? Et comment pensez vous avoir trouvé. En synthèse, on trouve des points communs
en terme de recherche identitaire, d’attitude relationnelle (savoir qu’on ne sait pas),
d’approche politique et idéologique de l’action sociale (pouvoir d’agir). Mais on rencontre
surtout des diversités dans ces démarches. On ne trouve pas ce que l’on cherche, on trouve ce
qu’on ne cherchait pas. On ne sait pas toujours ce que l’on cherche, on ne sait pas encore ce
que l’on a trouvé. On rencontre l’inattendu.
Dans cet atelier nous vous proposons un voyage, un voyage d’histoires nourrit de nos
pratiques et expériences diverses. Nous vous présentons un outil la MOVING BOX, réalisée
par une artiste partenaire Rosalinde Baillet . Et puis, nous nous livrerons avec vous à une
première expérimentation de nos parapluies de Sherbrooke : outil de papote et de bougeotte.
C’est le cœur de notre propos : comment faire voyager les histoires ? En travail social,
« L’anamnèse est caractérisée par une intervention centrée sur l’aide, avec une vision
thérapeutique de la relation. L’enquête par questionnaire peut relever d’une pratique
sociologique, mais aussi, le vocable lui est d’ailleurs emprunté, d’une pratique policière
d’investigation. La notion d’interview utilisée principalement en sciences de la
communication, nous place dans un échange visant surtout l’information.
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Avec l’arrivée des histoires, nous voici dans une pratique d’inspiration plus artistique, plus
romanesque…Libérer l’imaginaire, changer son rapport aux autres, au monde, devraient
protéger l’intervention sociale contre la dictature du seul réalisme et lui confier la clé des
champs. Cela s’appelle, peut-être, l’innovation sociale. »i
Nous vous invitons à la réalisation d’une performance artistique. A un déplacement dans
l’espace qui correspond pour moi aux quatre mouvements qui caractérisent l’intervention
narrative.
« Le premier mouvement dans ce travail narratif sera la COMPREHENSION, la construction
de SENS. Il ne s’agit pas d’expliquer mais de mettre en expression signifiante, de livrer « sa »
vérité…
Le deuxième mouvement dans cette intervention est la DIFFUSION, le maintien ou la
création de LIEN…
Le troisième mouvement est celui de la TRANSFORMATION des rapports sociaux. Les
CHOIX…
Avec le dernier mouvement, nous abordons la CREATION, le RÊVE… »1
Entamez ce voyage sous parapluie avec une question « Que cherchiez-vous en venant à ce
colloque sur les diversités ? » Laissez-vous deviner !
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L’intervention narrative en travail social », I.Graitson, E.Neuforge, l’Harmattan, Paris, 2008
ibidem
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Quelques mots baladeurs d’une enseignante nomade : Claire Walthéry.
Barcelone, Madrid, Séville, Dublin, Glasgow, Aix en Provence, Budapest, Nancy, Paris,
Marseille, Cannes, Strasbourg, Istanbul, Rabat, Tanger, Marrakech, Tunis, Hammamet, Riga,
Rome…et puis, Sherbrooke
ART être dedans plutôt que devant
ACCUEIL comme l’hospitalité sacrée dans les sociétés traditionnelles
BRICOLER trafiquer relier coller secouer macérer installer comme un chantier
CHANTIER pour s’autoriser à construire déconstruire et reconstruire
CULTURE comment la définir plus largement dans un effort permanent de renouvellement ?
COLLECTIF réactif moi et les gens dans un environnement une institution souvent
CREATIVITE prendre en compte notre sensibilité jusqu’au réveil de l’humain qui
sommeille
DECLOISONNER les frontières pour en faire des passoires en plastique de toutes les
couleurs
DIVERSITE pour éviter l’uniformisation d’une certaine mondialisation et sauver la
multiplicité
EXPRESSION me lever bouger hurler ça fait brouillon et subversion face à la loi du bâillon
EPANOUISSEMENT c’est puissant et violent car il faut se redresser avec dignité
ENGAGEMENT dire ce qu’on fait faire ce qu’on dit prendre des risques c’est passionnant
FUTUR probable improbable l’imaginer pour éviter la tête dans le mur
HISTOIRES en tiroirs ça m’intéressent c’est complexe et laisse perplexe
HUMAIN avant tout comme une lutte une résistance contre tout ce qui le tue
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INSTRUMENTALISATION attention à l’utilisation pour un diagnostic thérapeutique
réagissons
INTERCULTUREL multidimensionnelle diversité conflictuelle rebelle mais si belle
IMAGINATION innovation pour l’émergence d’une nouvelle génération
JOUER sérieusement en s’amusant ou s’efforçant, en gagnant ou en perdant
LIBERTE de venir, de partir puis de revenir, de prendre son temps, de l’occuper de le laisser
filer
MILITANT mais avec nos peurs nos angoisses nos handicaps nos fragilités nos débilités
MOBILITE pour un art du mouvement de l’évitement se poser ou léviter
OUVERTURE des frontières lieux de passage et non pas de fermeture
PARTENARIAT attention récupération méfiance concurrence mais aussi dialogue entre
différences
PROJET en faire ne pas en faire on persévère on espère
POLITIQUE systémique critique et poétique
PARTICIPATION pas obligation en vue d’une co-construction
QUESTIONNEMENT nécessaire pour chercher pour expérimenter sans jamais clôturer ou
terminer
RESEAUX pour rebondir s’entrainer se solidariser se ramifier et grandir
RECYCLAGE d’un lieu d’un objet à réinvestir quelque soit son âge en vue d’un nouveau
métissage
REFLEXIVITE analyser nos activités les critiquer en débattre puis rebondir sur le plancher
SOCIAL mélange des gens des genres de nos vies singulières les plus bancales
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SOLIDARITE oui mais qu’est ce qu’on est prêt à laisser, ne faudrait-il pas que nous vivions
plus léger ?
TERRITOIRE merveilleux foutoir dans les villes et les campagnes s’y installer s’y poser ou
les traverser
TRANSDISCIPLINARITE toujours au bord dans l’entre deux dans les interstices des savoirs
à partager
TRANSNATIONALITE migrer, traverser, voyager, laisser circuler aujourd’hui c’est une
priorité
UTILITE et surtout inutilité juste pour le désir la poésie nécessaire pour survivre
UNIFORMISATION protection en vue de plus de cohérence mais je préfère la dissidence
VALORISATION de l’expression de la contestation difficile dans nos institutions
De la nécessité de créer un petit studio audio-visuel léger mais réel comme une sorte de
passerelle… Avis aux partenaires que cette aventure séduit…de faire vivre cette
« Moving, Audio and Video Box », en forme de parasols ou de parapluies pour
recueillir, échanger et garder traces de ces mots et histoires de voyages d’étudiants et
d’enseignants .
« Créer une cabane, construction qui fascine et séduit l’humain depuis toujours pour diverses
raisons !
Elle interroge le rapport de l’humain à la nature et à l’interdit, elle véhicule en elle une part de
rêve et d’aventures, elle surprend et permet d’expérimenter et d’inventer.
La construction d’une cabane peut être déclinée selon les plus diverses expressions.
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Elle est à la fois une architecture, un jeu, une expérience qui fait appel aux émotions et offre
une infinité de formes, de matières, de couleurs… Elle permet de donner corps à l’imaginaire
et aux formes de langages les plus divers. »
(D’après le texte de présentation de l’exposition : « cabanes » du 8 mai au 13 novembre 2011
au domaine du Château de Seneffe en Belgique
Depuis plusieurs années, nous créons des cabanes avec les étudiants, lieux d’expressions,
projets collectifs et œuvres artistiques destinées à partir par monts et par vaux dans les
quartiers et les villes lors de manifestations les plus diverses.
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Des milliers de références au cours de ce travail de chercheuses…mais 2 auteurs nous
ont inspirées tout au long de ce voyage…
Jean-Claude Kaufmann dans « Quand Je est un autre » explique : Partir du terrain pour
élaborer la théorie, pas à pas partir du concret. Tâtonner dans cette direction, bricolant ses
instruments de façon artisanale et modeste. Mais attention à la fétichisation du terrain. Il faut
se libérer de la seule induction et la combiner avec des propositions théoriques bien établies.
Nécessité d’un aller et retour sur la longue durée. Revenir sur les réalisations passées et leur
faire dire autre chose sous un autre éclairage. Construire sa propre discipline (sur une vie
entière !) sans interférence avec les sollicitations et contraintes diverses. Affronter scepticisme
et incompréhension car elle contrevient aux codes académiques. Pour une théorie concrète,
ancrée ! Tourner indéfiniment en boucle sur ce qui a déjà été fait (sans autisme cependant !),
toute enquête a une richesse sans fin. Offrir une vision nouvelle par exemple en travaillant la
forme différemment. Et puis après tout, même si ma démarche n’est pas comprise comme je
le souhaiterais, l’important pour moi n’est-il pas comment je la vis (comment je me vis) dans
mon rêve. Car je est un autre.
À 90 ans, Edgar Morin reste un homme en colère. Vers l’Abîme, est le titre d’un des derniers
livre de cet intellectuel atypique, dans une interview donnée au magazine « Le Ligueur », en
2008, il déclare :
"En France, il y avait une culture humaniste, issue de la Révolution et une culture
internationaliste, issue du socialisme. Le vote de gauche, socialiste, communiste, favorisait
l’intégration des immigrés. Ce qui n’empêchait pas des sentiments xénophobes dans la sphère
privée. Le même qui votait communiste pouvait dire : ‘Sale étranger, rentre chez toi !’ Or,
cette culture humaniste a connu une dégradation aussi bien chez les socialistes que chez les
communistes. La seule compensation actuelle est dans la jeunesse parce que, par sa culture,
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par ses voyages, elle est cosmopolite et elle comprend les autres jeunes, ceux d’origines
différentes. Notre système d’enseignement ne joue plus son rôle d’intégration des étrangers, il
est en décadence, mais la culture juvénile joue un certain rôle. Et puis cette culture humaniste
reste vivante chez certaines personnes et dans certaines associations. Il y a donc une minorité
qui prend à cœur ce problème des immigrés sans-abri, sans-papiers...
…Il y a une dégradation de l’hospitalité. Dans les sociétés traditionnelles, elle était sacrée. En
Andalousie, il y avait une ville, Nijar, qui accueillait tous les fuyards. Il y avait ce proverbe :
‘Si tu tues ton père et ta mère, va à Nijar’. Les églises étaient des refuges inviolables. C’est
fini, désacralisé. Pour restaurer le sens de l’hospitalité, il va falloir un grand effort culturel, un
grand effort éducatif, un grand effort de civilisation…
…Si je regarde le cours probable des choses, nous allons à la catastrophe. Mais, dans
l’Histoire, l’improbable est parfois arrivé et a empêché ces catastrophes. Je crois à la
possibilité de l’improbable. Prenez, par exemple, la question écologique. Plus on prend
conscience de catastrophes qui peuvent arriver, plus cela encourage à faire quelque chose, de
sorte que plus on va à la catastrophe, plus on a des chances d’aller vers le salut."
Des extraits de documents audio visuels réalisés par des étudiants de Liège et de Tanger
en collaboration avec Paracommand’Art, le service de la communication de la Haute
Ecole HELMO, et par Claire Walthéry ont été présentés lors de notre atelier.
« Voyage d’histoires : Développement durable – Liberté de se terre »
« Interview des étudiantes de Sherbrooke en stage en Belgique »
« Les mots d’Amira et Hanan »
« Le slam de Sarah »
En annexe, vous pouvez lire « Qui cherche trouve » d’Elisabeth Neuforge.
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