Jacques Koskowitz, Michel Dinet Destins croisés

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Jacques Koskowitz, Michel Dinet Destins croisés
Jacques Koskowitz, Michel Dinet
Destins croisés
Comme de nombreux normaliens de Nancy dont Michel Dinet, j'ai eu la chance de bénéficier de
l'enseignement de Jacques Koskowitz. Nous l'appelions plus familièrement« Kosko ».
C'était un professeur qui n'imposait rien mais qui suggérait, qui proposait, qui aidait, qui éveillait aux arts
picturaux devenus maintenant les arts plastiques. Devant un élève en difficulté dans sa création, il savait
donner le conseil qui permettait de continuer à progresser dans la création artistique. En cas de besoin, il
donnait le coup de crayon ou de pinceau qui permettait de surmonter l'obstacle.
Il avait l'art d'expliquer le travail d'un artiste comme Picasso, Van Gogh, Cézane, entr'autres, en mettent
en évidence la façon dont le tableau avait été composé par des tracés superposés en papier calque.
Il n'hésitait à faire le lien entre la façon de travailler d'un élève avec le style d'un artiste.
Pour un élève qui se plaignait de peindre sans précision, sans respecter les contours, Kosko lui déclarait :
« Vous peignez comme Soutine » et il montrait une œuvre de cet artiste qui a finit par avoir un succès
certain.
J'ai rencontré Michel Dinet comme moniteur lors d'un sortie camping dans le cadre d'une colonie
de vacances à Mandres-sur-Vair avec des ados de Paris. Il m'avait impressionné par sa capacité à diriger
des jeunes avec une autorité naturelle bien comprise et bien admise.
Après l’École Normale, Michel Dinet a entretenu une correspondance épistolaire avec son ancien
professeur, Jacques Koskowitz. Du Niger où il effectuait son service national en coopération, Michel
décrivait ses essais, ses recherches et sa production à Kosko tout en sollicitant quelques conseils. En
particulier, il se renseignait sur la voie à suivre pour devenir professeur de dessin.
Finalement, Michel Dinet a choisi une autre direction : instituteur, animateur culturel dans son village de
Vannes-le-Châtel où il est devenu maire, conseiller général, député, et président du conseil général de
Meurthe-et-Moselle.
Malgré ses nombreuses activités et responsabilités, il a toujours continué à dessiner, à peindre.
Lorsque ses engagements politiques ne lui permettaient pas de peindre au quotidien, il pratiquait
activement la peinture pendant ses vacances.
Pour ma part, j'ai retrouvé Kosko lorsqu'il animait un atelier d'Arts Plastiques et donnait des cours
sur l'histoire de la peinture à la MJC Lillebonne.
Le destin provoqua la disparition de Jacques Koskowitz en 1997.
En 2002, constatant que son œuvre et sa personnalité risquaient de sombrer dans l'oubli, j'ai créé avec
d’autres personnes appréciant son travail, l'association « Les Amis de Jacques Koskowitz ».
En 2007, avec l'appui de Michel Dinet et avec la participation des héritiers de Jacques Koskowitz,
l'association a mis sur pied une magnifique exposition sur l’œuvre ultime de cet artiste trop modeste qui
n'avait pas été connu du grand public mais dont le travail avait été apprécié et soutenu par des amis
amateurs d'art.
Voici le discours prononcé par Michel Dinet à cette occasion :
« Cette exposition sera l’occasion d’une importante rencontre entre le public et la production de
cet artiste sortie d’un cercle trop confidentiel. Exposer Jacques Koskowitz, c’est aussi et tout simplement
un événement culturel majeur, car l’œuvre est dense, forte et tout à la fois marquée par un travail patient
de plusieurs décennies, et très contemporaine.
C’était une immense personnalité exigeante et révoltée, en bouillonnement permanent, un passeur
d’idées, de regards, de découvertes et de talents. Des mots contradictoires comme douceur et violence,
calme et révolte, sérénité et obsessions peuvent tenter de le cerner. J’ai eu le sentiment fréquent, et cela
n’a pas changé dans nos rencontres ultérieures, tout à la fois de bien le connaître, et d’être en même temps
confronté à un énorme mystère.
C’est un vrai privilège d’avoir bénéficié de son enseignement. Il a ouvert nos regards pour que
nous puissions percevoir le sensible autant que le visible, la puissance artistique derrière la précision des
traits, des couleurs et de la matière. Il nous a permis de comprendre qu’une émotion n’était jamais le fruit
du hasard, mais celui d’une patiente et souvent douloureuse construction.
L’œuvre de Jacques Koskowitz constitue un immense apport, j’en suis convaincu.
L’exposition qui lui est consacrée éclairera je l’espère spécialistes et grand public. Tout dans son
travail est aboutissement en même temps qu’approfondissement, rien n’est rupture. Il n’y a pas de
rupture, par exemple, entre ses premiers portraits figuratifs et le travail plus abstrait mené plus tard.
Il y a quelque chose d’obsessionnel dans la démarche artistique de Jacques Koskowitz. Même s’il
disait effectivement qu’on ne se répète jamais assez, je parlerais plutôt d’approfondissement perpétuel.
Ses angles, pointes, directions, lignes, couleurs et matières sont l’expression d’une recherche et d’une
redécouverte permanentes.
Sa peinture, sa création, transmet de l’émotion, du sens et une certaine angoisse : le noir à la fois
beau et noble souligne la vie et le mouvement c’est sûr, mais évoque tellement la mort... Son œuvre ne se
termine pas sur un cri parce que son œuvre ne se termine pas, ses tableaux n’ont pas de limites physiques.
Le rapport du noir à lui-même, du rouge à son vert complément créent une plastique, un choc qui
perdurent.
L’artiste mérite aujourd’hui de trouver une véritable place dans la vie culturelle de la cité. Cela apparaîtra
comme une évidence après les expositions qui lui sont consacrées. »
A la suite de cette exposition, les héritiers firent don au conseil général de deux tableaux monumentaux
de Jacques Koskowitz. L'un de ces tableaux est exposé au premier étage du conseil départemental à
proximité du bureau du président. L'autre est situé dans une petite salle au rez-de-chaussée.
Le destin frappa à nouveau et faucha la vie ce Michel Dinet dans un terrible accident.
« Ce soir du 2 avril 2014, je suis allé au conseil général saluer mon ami Michel Dinet qui, suite à
ce malheureux accident, repose dans une petite pièce intime de ce grand bâtiment.
En fait, Michel Dinet repose devant un grand tableau de Jacques Koskowitz donné par ses héritiers
au conseil général en remerciement de la magnifique exposition Jacques Koskowitz en 2007-2008.
Cette rencontre ultime entre deux Hommes que j'apprécie et que j'admire, m'a fortement touché :
j'ai eu le sentiment que Jacques Koskowitz et Michel Dinet communiquaient encore une fois entre
personnes fondamentalement différentes, l'un politique et l'autre artiste plasticien et pourtant si proches et
si semblables par leur Humanité.
Michel ciselait les mots dans ses discours et ses textes, mêlant les convictions politiques, les
considérations humanistes et les détails de la vie courante. Il parvenait à convaincre par une
argumentation rigoureuse et détaillée. Il avait une culture et un sens politique extraordinaires !
Jacques manipulait les traits, les couleurs et la matière pour exprimer avec force sur la toile et à
travers ses personnages ce qu'il ne pouvait pas dire autrement. Il possédait une connaissance de l'Art d'une
grande profondeur et a toujours eu le souci de la partager avec se interlocuteurs.
Jacques Koskowitz et Michel Dinet portaient en commun la capacité d'écoute et le sens du respect
de l'autre ce qui leur permettait de communiquer en profondeur avec des personnes d'horizons très variés.
Dans des domaines différents comme l'action politique et l'expression artistique, ils ont tous deux
fait progresser à leur façon l'Esprit d'Humanité. »
En 2015, lors de la visite de la ferme du Charmois à Vandoeuvre-lès-Nancy, j'ai constaté au
premier étage de cet espace culturel magnifiquement restauré, l'existence d'un salle dédiée à Michel Dinet
et d'une salle modulable sans dénomination précise. Compte tenu du fait de l'amitié d'estime entre Michel
Dinet et Jacques Koskowitz par ailleurs habitant de Vandoeuvre, l'idée a surgit de proposer à la mairie de
Vandoeuvre de baptiser cette salle au nom de cet artiste.
Le conseil municipal du 21 septembre 2015 a pris la décision d’attribuer le nom de Jacques Koskowitz à
cette belle salle d'exposition.
Une exposition sur l’œuvre de Jacques Koskowitz organisée par la ville de
Vandoeuvre avec la participation des associations « Jacques Koskowitz » et « Les Amis de
Jacques Koskowitz » sera présentée à la Ferme du Charmois du samedi 17 septembre au
jeudi 13 octobre 2016 du mardi au dimanche de 14 à 18 heures.
Les membres de l'association « Les Amis de Jacques Koskowitz » sont invités au
vernissage de cette exposition
le vendredi 16 septembre à 18 heures 30 à la Ferme du Charmois.
Serge Herbuvaux

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