Parité salariale : la France bonnet d`âne

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Parité salariale : la France bonnet d`âne
dimanche 20 novembre 2011
Société
Anne-Laure Barret - Le Journal du Dimanche
Parité salariale : la France bonnet d’âne
Classé au 131e rang mondial de l’égalité de rémunérations hommes-femmes, l’Hexagone a des efforts à
faire. Les écarts y sont de 27%.
Paru dans leJDD
La socialiste Olga Trostiansky (à gauche) et l’UMP Chantal Brunel dénoncent
toutes les deux les écarts de salaires. (Maxppp)
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L
es Françaises font un rêve récurrent dans lequel leur patron dit : «Madame, je vais augmenter votre salaire pour qu’il soit égal à celui de
vos collègues masculins», au lieu de «Mademoiselle,
je compte sur vous pour travailler autant qu’eux et
gagner moins». Seule la toute première partie du
songe pourrait se réaliser très bientôt : la ministre
des Solidarités, Roselyne Bachelot, a demandé cette
semaine la suppression du «Mademoiselle» des documents administratifs. Pour le reste, les spécialistes
des inégalités hommes/femmes au travail sont plutôt pessimistes. Le classement annuel du Forum de
Davos ne vient-il pas de rétrograder la France au
131e rang mondial en matière d’égalité de salaires?
Seul espoir : que, sous la pression des féministes, le
sujet s’invite dans la présidentielle.
Le soupçon de maternité
Quatre lois prometteuses (1972, 1983, 2001, 2006) –
la dernière envisageant même des sanctions – ont
été votées depuis quarante ans pour supprimer les
écarts, mais les chiffres restent cruels : les femmes
gagnent en moyenne 27% de moins que les hommes.
«Le salaire est le symbole, mesuré chaque mois
en monnaie sonnante et trébuchante, de toutes
les autres inégalités», analyse l’inspectrice des affaires sociales Brigitte Grésy, auteure du Petit Traité
contre le sexisme ordinaire (Albin Michel). Françoise
Milewski, économiste à l’Observatoire français des
conjonctures économiques (OFCE), relève que «les
écarts ont cessé de se réduire depuis la moitié des
années 1990». Mais comparaison n’est pas toujours
raison, du fait de certains effets structurels. «Les
femmes font des métiers moins reconnus, moins
bien payés. Elles interrompent plus souvent leur
carrière et surtout elles sont frappées par le temps
partiel subi», assène Françoise Milewski, l’économiste de l’OFCE.
Les inégalités de salaire relevant de la pure discrimination restent importantes. Une étude de l’OFCE
montre que même celles qui n’ont pas interrompu
leur carrière ont des rémunérations inférieures de
17%. Pour Rachel Silvera, économiste à l’université
Paris X-Nanterre, «on les soupçonne d’être moins
disponibles, moins mobiles» : «L’ombre des enfants
pèse sur toutes les femmes… Même sur celles qui
n’en ont pas!»
Une seule solution : la sanction
Prévu par la loi de 2006, le mécanisme de sanction
anti-inégalités a finalement été intégré à la loi sur
les retraites de 2010. Le décret d’application, en
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Parité salariale : la France bonnet d’âne
vigueur au 1er janvier 2012, suscite des critiques
unanimes. «Il n’est pas bon», résume la députée
Chantal Brunel (UMP). Dans les faits, selon l’économiste Françoise Milewski, «les entreprises rétives
n’ont rien à craindre : les inspecteurs du travail sont
trop peu nombreux pour constater les infractions.
Ensuite, en cas d’infraction, les entreprises disposeront de six mois pour se mettre en conformité
et les pénalités ne sont dues que pour cette seule
période de transition». Outre la mise en place de
vraies mesures coercitives, les spécialistes réclament
la pénalisation du temps partiel subi (fiscalité et
cotisations sociales plus contraignantes).
de négociations conjugales» afin de mettre à la
double peine pour la majorité de femmes qui «en
plus de leur travail, font gratuitement le travail domestique»!
Lire notre sondage Ifop pour le JDD sur
les femmes et la condition féminine.
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Olga Trostiansky, adjointe au maire (PS) de Paris, va
plus loin : son think tank «Laboratoire de l’égalité»
vient de présenter un pacte pour l’égalité soumis à
tous les candidats à la présidentielle : «On demande
notamment la mise en place d’un plan de rattrapage
des salaires féminins en cinq ans et une revalorisation des retraites des femmes».
Un label pour distinguer les
entreprises
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«L’État ne peut pas tout. Tous les grands groupes
doivent faire des efforts, aiguillonnés par des syndicats et un Medef plus sensibilisés que par le passé»,
exhorte l’économiste Rachel Silvera. Elle-même
plaide pour la revalorisation des métiers féminins
: «Pourquoi une assistante de direction serait-elle
moins payée qu’un technicien de l’industrie? Les
emplois à prédominance féminine, dans les soins
ou les services, sont moins reconnus. Dans la sphère
professionnelle, l’œuvre féminine reste souvent invisible».
La députée Chantal Brunel suggère de faire de
l’égalité une grande cause nationale en 2012 et de
créer un label égalité pour distinguer les entreprises
vertueuses. Favorable à l’allongement du congé de
paternité et à la multiplication des places de crèche,
Brigitte Grésy lance, elle, un appel à «l’ouverture
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