La migration et les transferts des fonds en RDC

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La migration et les transferts des fonds en RDC
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par l’Union européenne
Migration en République
démocratique du Congo :
Document thématique 2009
La migration et les transferts
de fonds en RDC
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conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société tout entière. En
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75_09
La migration et les transferts
des fonds en RDC
Préparé par
Germain Ngoie Tshibambe
Avant-propos
Grâce au soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement, l’OIM met en œuvre le projet « Migration en Afrique de l’Ouest et centrale : profils nationaux pour le développement de politiques stratégiques » dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal), afin de promouvoir une approche politique de la migration cohérente et dynamique, en appui à la planification des politiques stratégiques au niveau national et régional. Les profils migratoires nationaux sont un résultat fondamental de cette recherche et de ce projet de renforcement des capacités. Ils constitueront un outil politique utile pour suivre les tendances migratoires et identifier les domaines nécessitant des développements politiques subséquents. Mais, en étant principalement un outil de suivi, les profils nationaux fournissent des lignes directrices limitées au type de politiques pouvant être développées dans un domaine particulier (i.e. méthodologies et approches politiques). La série de documents thématiques traite cet aspect particulier en aidant les responsables politiques et les praticiens à définir les priorités d’action et les options politiques dans les domaines particulièrement pertinents dans le contexte politique national. Sous la direction et avec l’appui des groupes de travail techniques nationaux et interministériels (GTTN) ainsi que des sous‐groupes de travail thématiques, établis dans chaque pays cible au cours du projet, trois documents thématiques ont été rédigés par des experts locaux pour chacun des pays concernés. Le but de ces documents est d’accroître les capacités de développement de politiques, par l’identification des bonnes pratiques et en évaluant les perspectives de développement politiques sur des éléments présentant un intérêt particulier pour le gouvernement. Abye Makonnen Frank Laczko Représentant régional Chef de la division recherche et publications Mission à fonctions régionales Siège de l’OIM Dakar, Sénégal Genève, Suisse Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 2 Table des matières
Résumé .................................................................................................................................................... 4 Introduction............................................................................................................................................. 6 1. Justifications.................................................................................................................................... 6 2. Objectifs de l’étude ......................................................................................................................... 8 3. Méthodologie.................................................................................................................................. 8 4. Structure du rapport ....................................................................................................................... 9 1. La migration en RDC et à Lubumbashi .............................................................................................. 10 1.1 Historique de la migration .......................................................................................................... 10 1.2. Les déterminants de la migration .............................................................................................. 12 1.3. La perception de la migration .................................................................................................... 13 2. L’anatomie des migrants congolais résidant en Afrique du Sud ....................................................... 15 2.1. Les systèmes de migration à partir de la ville de Lubumbashi .................................................. 15 2.2. Régularité à l’irrégularité de la migration en RDC ..................................................................... 16 3. Les migrants congolais et les flux financiers et matériels entre l’Afrique du Sud et la RDC. ............ 19 4. Conclusions et recommandations ..................................................................................................... 22 4.1. Conclusions ................................................................................................................................ 22 4.2. Recommandations pour des actions futures ............................................................................. 23 Références............................................................................................................................................. 25 Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 3 Résumé
Les niveaux de vie de la population en RDC ne cessent de baisser depuis le milieu des années 70. La situation a été aggravée par la guerre. En 1998, le revenu par tête était estimé à 110 USD, soit un des plus bas du monde. Le taux de croissance du PIB a été de 14,7% en 1999 et de ‐5,5% au premier semestre 2000 : cette décroissance témoigne de l’aggravation continue des conditions de vie de la population congolaise. Si ces statistiques sont anciennes, rien ne semble avoir changé positivement par rapport à des paramètres importants reflétant le degré du développement humain. Le Congolais moyen continue à vivre avec moins de 1 dollar US par jour. Ce contexte a des conséquences sur les initiatives de la population qui adopte différentes ripostes pour faire face à la crise. Outre le développement des activités du secteur informel que l’on observe, il y a également le développement de la culture de l’émigration dont la manifestation conduit à entretenir la dynamique migratoire. Pour la plupart des familles congolaises, avoir un enfant qui émigre est déjà un début de solution à terme à toutes sortes d’incertitude par rapport à l’avenir. Sur le plan statistique, le taux de migration en RDC pour l’année 2008 est de 1,24% (Kongo, 2008). Pour faible qu’il soit, ce pourcentage reflète néanmoins un courant fort largement partagé par plusieurs familles et exprime autrement une réalité que les chiffres ne peuvent pas traduire : la volonté de quitter le pays. La migration est valorisée dans ce pays en raison des attentes d’offre de différentes ressources qu’elle peut procurer à la famille dont le migrant est membre. Parmi ces ressources, les transferts de fonds constituent un aspect le plus important. Si cet aspect est rarement bien documenté, pourtant les transferts de fonds alimentent dans une mesure croissante les budgets de beaucoup des ménages des Congolais dans des villes comme Kinshasa et Lubumbashi. Ces transferts de fonds alimentent également le fond onirique et discursif de l’imaginaire social. C’est pour contribuer à la compréhension du phénomène de la migration et des transferts de fonds en RDC que cette étude est menée. Cette étude se fonde sur des observations de terrain effectuées dans la ville de Lubumbashi, une ville à vocation minière située au sud de la RDC. Elle a privilégié essentiellement l’approche qualitative. Les résultats de l’étude mettent l’accent sur la complexité du phénomène étudié. Les flux monétaires s’effectuent dans les deux sens ; il y a une multiplicité des canaux, formels et informels, à travers lesquels s’effectuent des transferts entre la ville de Lubumbashi et l’extérieur. Il n’est pas aisé d’accéder à des informations exactes sur les montants réels des transferts de fonds qui s’effectuent entre la RDC à partir de cette ville et l’extérieur. Beaucoup de ménages entretiennent des relations avec les leurs qui sont des migrants. A travers ces échanges, il n’y a pas que des flux financiers ; mais également des flux matériels comme les biens et les marchandises. Ces flux matériels concourent au développement des activités du secteur informel en ce pays. C’est ce secteur qui semble porteur de toute la dynamique de la vie économique et sociale dans cette ville comme dans tout le pays en général. La prise en compte de cet aspect de la « définanciarisation » des transferts devrait amener à revoir les termes du débat sur le rapport entre migration, transferts des fonds et développement dans ce pays. Dans les recommandations, nous avons identifié plusieurs acteurs qui pourraient être mobilisés afin de considérer autrement les effets de rapport entre la migration, les transferts de fonds et le développement et esquisser des solutions idoines. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 4 Au niveau des ménages et des individus Pour augmenter les avantages et les bénéfices des relations avec les membres de la diaspora, il est recommandé : ƒ Aux parents et responsables des ménages d’être informés sur des opportunités et des avantages à utiliser des fonds dans des activités durables ; ƒ Aux membres de la société civile en RDC de s’investir dans ce domaine pour susciter les débats dans l’opinion publique et entreprendre des campagnes de formation et d’information de l’opinion publique sur ces questions. En direction de l’Etat congolais Pour capitaliser les avantages des relations entre les Congolais et leur diaspora à l’étranger, l’étude recommande à l’Etat congolais de : ƒ Multiplier des contacts avec les Congolais de la diaspora de manière que ces derniers apportent leur capital social, technique et intellectuel dans le développement des activités pour la reconstruction du pays ; ƒ Chercher, par une bonne politique de sensibilisation, de communication et d’information à obtenir le soutien de l’opinion pour l’engagement dans la reconstruction du pays ; ƒ Engager une politique d’ouverture pour alléger les barrières tarifaires et non‐tarifaires dans le domaine de la fiscalité de porte ; ƒ Renforcer la bonne gouvernance pour réduire sensiblement la corruption et les tracasseries de la part des agents des services publics de manière à créer un environnement qui encourage à faire des affaires. ƒ Mettre en œuvre l’engagement du gouvernement pour la mise en chantier d’un Programme National de Migrations pour le Développement ainsi que cela est suggéré dans le document de stratégie de croissance et de la réduction de la pauvreté en RDC (DSCRP, 2006). A l’attention de l’OIM De façon spécifique, il est recommandé à l’OIM, dans le cadre de la mise en œuvre de ses programmes et en relation avec ses partenaires et autres organismes intervenant en RDC, de : ƒ Restituer et vulgariser les résultats de la présente étude auprès des services pertinents de l’Etat congolais, ONG et organisations de la société civile ; ƒ Encourager le partage d’expériences comparatives entre la RDC et les autres pays africains ayant bénéficié de l’apport constant de leur diaspora, afin de capitaliser les expériences des apports de la diaspora au développement de leur pays. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 5 Introduction
Les transferts de fonds sont des transferts privés et les épargnes constituées appartiennent aux migrants et à leurs familles. Les gouvernements peuvent certes offrir des mesures incitatives afin d’accroître le volume des transferts et d’orienter leur affectation dans les pays d’origine, mais il convient de souligner l’échec récurrent des tentatives qui n’ont pas reconnu la primauté du choix individuel. Jean‐Christophe Dumont, 2007 1. Justifications
Les études sur la migration et le développement en RDC ne sont pas encore nombreuses. Comparativement à de telles analyses sur la Chine, les Philippines ou le Mexique ailleurs et sur le Sénégal ou le Mali en Afrique, le cas de figure de la RDC est bien moins loti. Les recherches bibliographiques menées sur ce thème de la migration en rapport avec ce pays ventilent à peu près deux cents titres. Sur la question spécifique de la contribution de la diaspora congolaise au développement du pays d’origine, il n’y a pas plus de 50 titres (Ngoie et Vwakyanakazi, 2009). Cette rareté des recherches sur cette question constitue un défi pour la communauté des chercheurs. Par ailleurs, le survol de la littérature montre que la plupart des recherches se fondent sur des approches qualitatives. Il reste ainsi une mine d’aspects à explorer pour autant que ces aspects sont liés aux transferts de la diaspora congolaise vers la mère‐patrie. A l’exemple, on parle empiriquement des transferts de fonds qui font vivre beaucoup des ménages dans ce pays ; mais il est rare de disposer des chiffres qui présentent des séries dans le temps sur les montants de ces transferts. Même la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement, dans son Rapport de 2008, manque des données sur les transferts vers la RDC (Rapport de la CNUCED, 2007 :340 www.unctad.org/en/docs/tdstat33ch7_enfr.pdf). Des chiffres sur cette question, on en dispose bien sûr, mais pas sur une longue période. Dans une étude menée pour le compte de l’OIM en 2004, il se dégage que plus ou moins 94,4 millions de dollars US ont été transférés vers la RDC par les migrants congolais (De Bruyn, T. and Wets, J. 2005). A peu près les mêmes chiffres sont présentés pour cette même année par des animateurs de la Fédération des Congolais de l’étranger (Panu, 2005). Les rapports de la Banque centrale du Congo présentent pour certaines années des données chiffrées sur des transferts de la diaspora congolaise. En fait, sur le plan discursif, le traitement de cette question des transferts de fonds se déroule selon deux axes d’intérêt qui s’enchaînent. Le premier axe de préoccupation se concentre sur le volume des transferts et les méthodes utilisées pour les transferts des fonds. Le deuxième axe entend analyser les possibilités d’utiliser des transferts de fonds comme un outil de développement. C’est ce dernier axe qui est intéressant et que nous voulons envisager dans cette étude. Bien que cette dernière perspective ait le vent en poupe, de plus en plus, on prend conscience de ces limites ainsi que le démontrent bien à propos Castles et Delgado Wise (s.d. :7‐9). Bien d’auteurs qui ont fait des recherches sur cette question en RDC arrivent à douter de l’efficacité des transferts de la diaspora à jouer un rôle dans la croissance économique de la RDC (Sumata, 2002 ; Sumata et al., 2002 : 135‐
154). Cette remise en cause de l’efficacité des transferts de fonds à jouer un rôle dans la croissance économique en RDC se fonde sur la complexité des niveaux auxquels il sied de se placer de manière à évaluer l’impact des transferts sur le pays d’origine qu’est la RDC. A l’évidence, il y a trois niveaux, le niveau individuel, le niveau familial et le niveau national que l’on ne peut pas confondre. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 6 Actuellement, des évidences empiriques attestent la contribution effective des apports financiers de la diaspora congolaise dans la survie des ménages congolais. A ce compte, les transferts de fonds sont affectés à des dépenses de consommation. Par ailleurs, dans le contexte d’un pays fouetté par la crise socio‐économique, et comme le soulignent certains économistes, il convient d’aller au‐delà de la distinction bien abusive de l’emploi productif et non productif de ces transferts financiers. Au niveau national, il y a peu à espérer de ces transferts en rapport avec la relance de la situation économique. La revisite scientifique de cette question en ce pays se déroule dans un contexte où l’opinion publique congolaise attribue une forte valeur à la migration tandis que les décideurs politiques au niveau national ainsi que des institutions internationales accordent une attention quant à la capture des ressources des migrants pour leur contribution au développement du pays d’origine. Pour l’opinion publique congolaise, les migrants congolais vivant à l’étranger constituent un portefeuille assurant la sécurité de la survie des ménages tant que la crise socio‐économique continue à sévir dans cette post‐colonie. En Juillet 2008, les autorités publiques de la RDC ont parrainé la tenue des assises des Congolais de l’étranger. A l’issue de ces assises, les participants ont émis l’engagement de constituer un fonds d’un million de dollars USD pour la reconstruction du pays. Quoi qu’il en soit des attentes placées de la migration, il s’avère que les transferts des fonds des migrants Congolais, pour importants qu’ils sont, ne viennent pas avec le même volume de partout au monde. La RDC est un vaste pays. Dans la cartographie des migrations à partir de la RDC, il est facile de dégager trois pôles de projection migratoire. Il s’agit de trois villes qui constituent des espaces à partir desquels les Congolais arrivent à émigrer. A l’Ouest, c’est la ville de Kinshasa ; à l’Est, il s’agit de l’espace entre Goma et Bukavu tandis qu’au sud, Lubumbashi joue le rôle de site ayant la capacité d’être le promontoire pour la migration. Cette distribution spatiale déroule la dynamique migratoire avec des réseaux changeants et des connections évoluant au gré de la diversification et de la complexification des flux migratoires à partir de ce pays. Nous voulons nous intéresser à une seule ville, Lubumbashi. Cette ville a une longue histoire de vocation minière. Jusque dans les années 90, la vie économique de cette ville tournait autour de l’exploitation minière avec la Générale des carrières et des mines (Gécamines), une société de portefeuille de l’Etat innervant les autres entreprises. Cette société minière rencontre des difficultés à partir des années 90 : sa dislocation sur fond de la mauvaise gouvernance de la classe dirigeante projette cette ville dans une phase économique de récession et d’augmentation de la pauvreté. La guerre qui s’abat sur le pays vers la fin de la décennie 90 entraîne des mouvements de déplacés internes vers cette ville devenue entre‐temps un espace de la misère. La fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud attire alors les Congolais qui émigrent de Lubumbashi vers le pays « arc‐en‐ciel » (Kadima, 1999). Des ingénieurs et des médecins ‘lushois’ prennent le chemin de la migration vers l’Afrique australe. Cette migration prend l’ampleur de la fuite de cerveau, comme le démontre le professeur César Kuku Nkonde (2009). Entre ces deux espaces, Lubumbashi et l’Afrique du Sud, se créent des liens et des interactions de toutes sortes. Des flux matériels, immatériels et symboliques entretiennent ce qu’Alain Tarrius appelle à juste titre l’espace transnationalisé marqué par des « traversées, flux, parcours entre étages territoriaux, entre univers de normes, mixités, métissages » (2005 : 3). Ainsi, Lubumbashi fait partie de « zone de grande affluence », selon l’expression fort idoine forgée pour caractériser des différentes localités de la RDC qui ont de l’importance quant au volume des transactions entre les migrants et leur pays d’origine. De la sorte, par cette étude, nous voulons revisiter cette question des transferts. Nous entendons avancer l’hypothèse selon laquelle dans la connexion entre l’Afrique du Sud et la ville de Lubumbashi, les transferts vers la RDC se « définanciarisent » de plus en plus. La ville de Lubumbashi reçoit moins d’argent de l’Afrique du Sud tandis qu’elle exporte de plus en plus d’argent vers le pays arc‐en‐ciel. Au lieu de considérer seulement les transferts de fonds dans leur aspect financier de manière à voir Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 7 comment ils peuvent être canalisés pour le développement du pays d’origine, il convient de prendre la mesure de l’au‐delà des transferts de flux financiers pour penser à l’importance des transferts des biens et des services comme participant au cœur de la mobilité des Congolais qui se mettent à explorer le monde. Dans ce cadre, il y a une évidence à noter, c’est que le contexte institutionnel, légal, administratif et fiscal de la RDC ne parait pas suffisamment incitatif pour favoriser des dividendes positifs à tirer du monde de la diaspora au regard de cette tendance. 2. Objectifs de l’étude
Cette étude vise à analyser les perspectives qui s’offrent en RDC à partir du cas de la ville de Lubumbashi concernant le potentiel de développement attendu de la diaspora congolaise, du moins celle vivant en Afrique du Sud. Ce potentiel de développement de la diaspora se manifeste non pas par les transferts de fonds financiers, mais au contraire par les transferts des biens/marchandises vers le pays d’origine. Cet objectif général a des implications particulières sur des objectifs spécifiques, comme par exemple susciter les débats publics de manière à sensibiliser les acteurs pertinents de la société civile et les institutions publiques sur l’importance d’un environnement économique incitatif et non obstruant pour le développement des activités d’entrepreneuriat et de création d’emplois. A l’évidence, en améliorant l’environnement économique, on encouragerait ainsi en RDC, les activités du secteur informel qui prolifèrent et qui donnent la soupape de vie et de la survie à des individus et à des ménages. De façon spécifique, l’étude vise à comprendre la nature des flux financiers et matériels qui s’échangent entre la RDC et certains pays d’émigration, ici l’Afrique du Sud, à travers : - une description de la nature et si possible la saisie du volume de transferts (des biens matériels et financiers) ; - une analyse des motivations et des conséquences de ces transferts, et - des propositions de solutions pour la création d’un bon environnement économique et commercial incitatif pour ces transactions. 3. Méthodologie
L’enquête dont nous présentons les résultats a été menée essentiellement à partir de la ville de Lubumbashi. La RDC est bien vaste et il faut beaucoup de temps et de moyens pour réaliser des études à l’échelle de tout le pays. Lubumbashi représente le microcosme du pays. Sa position au sud du pays la loge dans un espace de multifonctionnalité branché sur plusieurs autres espaces dans le champ migratoire qui se globalise. Cette étude procède d’une recherche menée dans cette ville entre le mois d’Octobre 2008 et Février 2009. Plusieurs visites effectuées en Afrique du Sud (Durban et Johannesburg en juillet‐août 2008, Capte Town Octobre 2009) nous ont permis voir, observer et situer relativement la mesure de certaines choses en rapport avec le sujet de recherche. Le choix de ce thème retenu pour la RDC a conduit le GTTN qui s’est réuni le 29 novembre 2008 à Kinshasa à baliser certaines pistes de réflexion qui sont récupérées ici. Au regard de ces réflexions, il se dégage l’importance de mettre l’accent sur : - une approche qualitative dans l’étude du phénomène. Cette approche qualitative est couplée à l’approche quantitative de manière à saisir le volume des transferts de fonds entre la ville de Lubumbashi et le pays ciblé. Ces deux approches et surtout la première se fondent ainsi sur l’utilisation des méthodes de collecte des informations comme l’entretien semi‐structuré, l’observation, les méthodes biographiques et l’analyse documentaire ; Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 8 -
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la complexité des transferts qui s’effectuent entre la RDC et certains pays de destination des émigrants Congolais. Même si généralement, on se concentre sur la composante financière ou monétaire des transferts, il sied de relever l’importance des transferts en nature dont il importe de saisir la prépondérance en ce qui concerne la ville de Lubumbashi. la nature dynamique de l’économie de la R.D.C. qui vit et survit en déployant de l’ingéniosité dans le chevauchement entre le secteur formel et le secteur informel. Ce chevauchement est entretenu par des ressources que l’on extrait du monde globalisé et transnationalisé. Explorer la mécanique de ces ressources constitue un éclairage important de certains pans des rapports entre la migration et le développement du pays. 4. Structure du rapport
Ce rapport est présenté en trois chapitres avec la bibliographie. Le premier chapitre analyse la configuration des migrations en RDC et à Lubumbashi. Sont abordés alors les points relatifs à l’historique de la migration, aux déterminants de la migration et à la perception de la migration dans ce pays. Le deuxième chapitre fait un plongeon pour saisir l’anatomie des migrants congolais installés ou se dirigeant vers l’Afrique du Sud. Un regard sera porté sur les systèmes de migration, la dialectique de la régularité et de l’irrégularité des migrants congolais en Afrique du Sud et les interactions transnationales des migrants congolais. Dans le troisième point, l’analyse va s’intéresser aux transferts financiers et matériels s’opérant entre la ville de Lubumbashi et l’Afrique du Sud. L’intérêt sera porté aux flux financiers et matériels des migrants congolais vivant en Afrique du Sud vers la RDC et aux flux de la RDC vers l’Afrique du Sud. La conclusion contiendra des recommandations pour des actions futures. Les annexes contiennent le protocole de recherche et la liste des agences de transfert des fonds situées dans la ville de Lubumbashi. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 9 1. La migration en RDC et à Lubumbashi
Nous voulons procéder à la compréhension globale de ce phénomène dans le ce pays. Si la migration est définie comme un mouvement des personnes à des fins de résidence, d’un pays d’origine vers un pays de destination, par rapport à un pays, la migration implique la prise en compte d’un double mouvement, celui des personnes qui quittent le territoire (émigration) et le mouvement des personnes qui y entrent (immigration). Par ailleurs, il est de coutume de distinguer la migration interne de la migration internationale. Elle est interne lorsque le mouvement des personnes s’opère à l’intérieur des frontières d’un même pays ; la migration est internationale lorsque le mouvement des personnes conduit celles‐ci à traverser les frontières d’un pays vers un autre. A ce compte, nous voulons analyser l’historique de la migration internationale, en comprendre les déterminants, en dégager la perception dans les représentations populaires, discuter des problèmes liés à la nature régulière et irrégulière de la migration avant de voir les systèmes de migration à partir de la ville de Lubumbashi. 1.1 Historique de la migration
La RDC et la ville de Lubumbashi ont une longue histoire de migrations. Aussi loin que l’on peut remonter dans le passé, il importe de rappeler que ce pays et cette ville sont construits dans les méandres d’intenses flux migratoires internes et internationaux. A remonter à partir des années 1884‐1885, correspondant à la fin de la Conférence internationale de Berlin, l’attribution au Roi Léopold II des Belges de ce territoire imprime le processus de la pénétration et de la standardisation territoriales. La pénétration de l’administration coloniale entend assurer l’intégration territoriale de la colonie, cette intégration se définissant comme « la réduction progressive de tensions et des discontinuités culturelles et régionales sur le plan horizontal dans le processus de création d’une communauté politique territoriale homogène » (Coleman et Rosberg cités par Sklar, 1967 :2‐3). La standardisation, pour reprendre l’expression de Stein Rokkan, est le processus consistant à l’extension de l’effectivité des actions de l’Etat jusqu’à la dernière frontière du système sociétal en dotant la communauté politique des mêmes règles (Rokkan, cité par Ayoob, 1995 : 17). Ce double processus conduit à la mise en forme du territoire : le découpage administratif se fait de manière à permettre à l’Etat Indépendant du Congo de mettre en mouvement les populations du territoire pour la mise en valeur des ressources de cet espace (de Saint Moulin, 1988). Léopold II met en place « le domaine de la couronne », un vaste espace comprenant le territoire inoccupé entre le bassin de la Lukenie et le Lac Léopold II dans la province du Bandundu (Vangroenweghe, 1986 :221). La migration interne commence, accompagnée de l’exercice de la violence sur la main d’œuvre locale. Le « caoutchouc rouge » et la pratique de la main coupée constituent des fresques des conditions de la population autochtone mise en mouvement pour la mise en valeur des ressources de cette colonie. Joseph Conrad publiera une fiction, The Heart of Darkness (1902) pour décrier le contour de la violence liée à la « mise en valeur » à l’ouverture du Congo à la civilisation. Lorsque la Belgique prend en héritage le Congo pour en faire une colonie, les compagnies à charte ont également besoin de la main d’œuvre. Au Katanga, les sociétés minières sont à la recherche des bras. Alors que le Katanga est presque sans ressources humaines, les campagnes de recrutement de la main d’œuvre se font d’abord en dehors de la colonie, dans d’autres colonies limitrophes comme la Rhodésie du Nord (actuellement la Zambie). Par la suite et presqu’au même moment, on entre dans le Congo profond pour recruter la main d’œuvre au Kasaï et au Kivu. Des missions de recrutement explorent ainsi d’autres contrées lointaines et amènent, par exemple, au Katanga, des recrutés pour travailler dans les entreprises minières et autres y installées (Dibwe, 2005). Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 10 Dans ces espaces qui sont des îlots de la modernité occidentale (devenant par la suite des centres urbains), on a besoin de la main d’œuvre indigène. Ces centres attirent les indigènes, ce qui entretient la dynamique migratoire interne. Les exigences de la sécurité coloniale imposaient alors une migration saisonnière tandis que les populations autochtones étaient soumises à détenir des « passeports de mutations pour tout déplacement », pour reprendre les termes de l’ordonnance n° 68/AIMO du 15 avril 1935 (Obotela, 2002). Par exemple, vers le Katanga, seuls les hommes étaient autorisés à s’y rendre pour des raisons de travail sans leurs épouses (Dibwe, 2005). Après la crise de 1929‐1930, les entreprises coloniales adoptent la politique de la stabilisation de la main d’œuvre locale : les travailleurs bénéficient des contrats de travail en bonne et due forme ; des maisons d’habitations dans des camps sont construites à leur profit et ils sont autorisés à avoir une vie de famille sur les milieux de travail. L’exode rural commence à cette époque : des villes congolaises attirent et aspirent les populations vivant dans des villages et des campagnes. A l’époque coloniale, les populations autochtones ne peuvent pas émigrer vers des contrées lointaines. On atteste néanmoins la présence des Congolais dans des territoires des colonies limitrophes comme au Buganda et en Rhodésie du Nord dans le cadre de la migration du travail. Ces travailleurs s’adonnaient à toutes sortes d’activités nécessitées par l’essor local de l’économie de traite. Ils étaient ouvriers agricoles ou urbains, domestiques ou non (Coquery‐Vidrovitch, 1992). Après l’indépendance de ce pays en 1960, la configuration de la migration est marquée par la conjoncture politique et économique qui scande l’histoire de ce pays. Ainsi, après les troubles (mutinerie de l’armée nationale, sécessions de la province du Katanga et du Sud Kasaï) qui surviennent au pays alors que les lampions de festivités de l’indépendance ne se sont pas encore éteints, il y a de forts mouvements des déplacés internes. Au Katanga, les Balubakat du Katanga et les ressortissants originaires du Kasaï sont obligés de fuir cette province contrôlée par les sécessionnistes. Les ressortissants européens, en majorité des Belges, sont obligés de quitter le pays en raison de l’insécurité grandissante qui sévit au pays. Entre 1960 et 1965, le chaos donne un coup de frein à l’immigration vers la RDC tandis que les migrations internes (forcées ou volontaires) sont intenses au même moment que les Congolais, de manière timide, prennent le chemin de l’émigration. Les pays limitrophes reçoivent les premiers lots de réfugiés congolais. La stabilisation de la situation politique en 1965 lorsque le régime du président Mobutu prend le pouvoir entraîne que ce pays joue le rôle d’attraction : l’immigration redevient normale. Les étrangers viennent dans ce pays pour des affaires. Des souches des Sénégalais et des Maliens se retrouvent ainsi dans ce pays dès cette époque et actuellement, ils y ont des enfants de la 2e génération. Des quartiers entiers dans la ville de Lubumbashi abritent des « ouestaf », un terme générique pour désigner tous les ressortissants de l’Afrique de l’Ouest. Les Congolais émigrent également pour des raisons d’études, mais aussi de travail. Leur première destination en Afrique est l’ensemble des pays limitrophes. En Europe, c’est la Belgique, pour des raisons évidentes de liens historiques, et la France qui constituent les destinations classiques. A partir des années 70, la crise économique sur le fond de la nature dictatoriale du pouvoir en place ferme les horizons pour beaucoup de Congolais qui se lancent dans l’émigration. Notons que sur le plan interne, s’intensifient les migrations internes sous la forme rurale‐urbaine ou urbaine‐rurale, celles‐ci étant liées par effet de vases communicants à la migration internationale. L’émigration se complexifie et se densifie. Cette complexité se déroule sous la forme de la diversité des sujets migrants avec une diversité des statuts, l’apparition des sujets féminins dans le champ migratoire et la diversification des destinations, des routes et des réseaux migratoires. La densification migratoire conduit les migrants congolais qui rencontrent des barrières et toutes sortes d’obstacles à imaginer des voies même les plus insolites pour réaliser leurs projets migratoires. Les voies de la clandestinité dans l’acte migratoire deviennent le « prêt‐à‐porter » dans la quête du savoir circuler qu’empruntent les Congolais. Des artistes musiciens, des athlètes sportifs et même des prêtres se prêtent à ce jeu en Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 11 basculant dans la migration clandestine (ou irrégulière) s’ils le font eux‐mêmes ou en favorisant d’autres Congolais à entrer dans les pays européens dont les frontières sont fermées. Si les années 70 et 80 sont marquées par la crise économique sans issue, la décennie 90 en RDC a eu pour trait le développement de la violence politique portée au paroxysme par le régime du président Mobutu qui, comme un chien enragé, mord sur son passage tous ceux qu’il rencontre. Au Katanga, l’instrumentalisation des différences régionales et ethniques conduit à la chasse aux Kasaïens qui sont obligés de quitter précipitamment cette province. Si des refoulés Kasaïens rentrent dans leurs provinces d’origine au centre du pays, d’autres préfèrent prendre le chemin de la migration en se dirigeant vers l’Afrique australe. Des ressortissants d’autres groupes ethniques prennent également le chemin de l’émigration vers les multiples destinations. Outre le développement de la violence politique, il y a lieu de noter le développement de conflit armé qui élit domicile dans cet espace. Pour la plupart des Congolais candidats à l’émigration, ce double développement de la violence les conduit à chercher des nouvelles destinations qu’ils trouvent dans le pays arc‐en‐ciel. L’Afrique du Sud de la fin de l’apartheid ainsi que des pays de l’Afrique australe attirent les Congolais de toutes catégories, ingénieurs métallurgistes, médecins, professeurs d’université, etc. Par ailleurs, les Congolais explorent des nouvelles voies migratoires vers la Chine et d’autres pays asiatiques. Lubumbashi, ville minière devenant de plus en plus un fantôme joue le rôle de plaque tournante dans la migration : lieu d’attraction évanescent, il est un site de transit pour des multiples destinations dont les sujets migrants gardent bien le secret dans leurs projets migratoires. 1.2. Les déterminants de la migration
Plusieurs raisons expliquent la densification du phénomène migratoire qui a pris des proportions impressionnantes. Nous allons d’abord présenter les variables explicatives de l’émigration avant de discuter sur les raisons de l’immigration vers la RDC et la ville de Lubumbashi. Concernant l’émigration, il y a lieu de noter que le désir des jeunes Congolais de migrer ailleurs vers des multiples destinations (Afrique, l'Europe, la Chine ou les Etats‐unis) découle de la situation objective de leur pays d'origine caractérisée par la détérioration continue des conditions de vie. La pauvreté, le chômage et le sous‐emploi des jeunes en RDC ont une tendance lourde et obstruent l’horizon de la jeunesse. Le pourcentage de Congolais vivant en dessous du seuil de pauvreté, c'est‐à‐dire vivant avec moins de 1 dollar par jour, est passé de 44,5% en 1994 à plus de 70% en 2003 (PNUD, 2005). Selon certaines sources, ce chiffre avoisinerait actuellement plus de 80% de la population congolaise. Le secteur informel est le premier pourvoyeur de travail. La plupart des indicateurs de développement sont en recul ces dernières années, notamment dans le domaine des revenus de la population et de la santé. L’indice de développement humain (IDH) connait des variations inquiétantes : ainsi, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), il était évalué à 0,423 en 1990 et a perdu plus de 10 % de sa valeur en dix ans (0,375 en 2000) même s’il est remonté à 0,411 en 2005 (PNUD, 2007‐2008). La population sous‐alimentée représente 74%. Face au défi démographique, avec une croissance annuelle de la population dont le taux varie entre 3,24 et 3,7 (Ngoie et Lelu, 2009) tandis que la proportion des jeunes entre 15 ans et 60 ans est de 50,4%, le chômage, la pauvreté et l'absence de perspectives professionnelles constituent des facteurs déterminants qui poussent les jeunes à chercher à partir vaille que vaille. Par ailleurs, la conflictualité qui a élu domicile en RDC dans la décennie 90 a joué un rôle déterminant dans la volonté de partir absolument du pays. L'approfondissement de la crise économique et la progression de la pauvreté expliquent que, même au sein de la famille, les mécanismes de solidarité se sont affaiblis. Cet affaiblissement de liens de solidarité au pays se déploie autrement en conjuguant des efforts pour soutenir un sien qui veut Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 12 migrer pour autant que le succès de son projet migratoire puisse concourir à appeler d’autres. Le succès d’un migrant congolais dans son voyage appelle un autre à migrer. La nécessité rend ingénieux, dit‐on. Cette nécessité a démultiplié l’ingéniosité des Congolais qui sont à la recherche des opportunités pour « casser la pierre » et survivre. On casse cette pierre chez soi, comme on peut bien la casser ailleurs. Ainsi, la migration devient une occasion pour chercher une niche d’affaires d’autant plus qu’au pays, seul le secteur informel tourne à fond. On migre de manière à explorer les opportunités de découvrir les niches d’affaires pour augmenter les rentes de la translocalité. S’explique alors la découverte par les Congolais de la voie vers la Chine et d’autres pays asiatiques (le modèle Guangzhou). A la migration de travail et la migration des études (le modèle Lola) se superpose la migration commerciale (le modèle Guangzhou). Les déterminants de l’immigration en RDC procèdent de l’attraction que ce pays exerce en tant que site ayant plusieurs richesses naturelles que l’on exploite à moindres frais. « C’est un pays des affaires et il suffit d’avoir une couverture ou un parapluie politique pour que l’on évolue calmement en brassant toutes sortes d’activités. » C’est en ces termes qu’un sujet étranger, homme d’affaires libanais, 45 ans, reconnaît les mérites du choix de la RDC comme lieu de migration. Depuis l’organisation des élections en RDC en 2006 et à la suite de la signature d’un accord de coopération entre le gouvernement congolais et la Chine, les ressortissants de ce dernier pays migrent de plus en plus vers la RDC. Des Sénégalais, des Maliens, des Nigérians, des Indo‐Pakistanais, des Libanais, des Chinois se retrouvent bien nombreux à Lubumbashi. 1.3. La perception de la migration
Généralement lorsqu’on aborde la question de la perception de la migration, on tombe facilement dans une approche monolithique consistant à supposer que les opinions vont dans le même sens. Un tel point de vue qui privilégie la pensée unique est spécieux. La perception de la migration est variable en fonction du vécu ou non de l’expérience migratoire par soi ou par les siens. Quelqu’un qui n’a pas vécu l’expérience migratoire se fait une représentation autre de la migration par rapport à quelqu’un qui a déjà migré ou dont un membre de la famille vit à l’étranger comme migrant. Voyons la perception de ceux qui n’ont pas encore connu l’expérience migratoire. La représentation de l’émigration parmi cette catégorie de la population est faite d’un condensé des fantasmes oniriques et édéniques dont le socle discursif est entretenu par « le temps de malheurs » (Mbembe, 2001) qui enserre la RDC post‐coloniale. Les fantasmes oniriques font généralement de certains pays de destination (comme l’Europe, les Etats‐Unis, l’Afrique du Sud) des Eldorado qu’il faut atteindre absolument pour voir la misère se terminer. A l’exemple, cette idée d’un jeune Congolais de 25 ans, universitaire chômeur : « L’eau va à la rivière. Les richesses et le bien‐être sont bien au nord ; alors, nous, on veut aller vers le Nord ! Qu’y a‐t‐il chez nous ici ? Rien ne va. Les autres qui dirigent mangent seuls. Tous les horizons sont bouchés. » La musique populaire a joué et continue à jouer un grand rôle dans la distillation de la culture de la migration parmi les jeunes. Des vedettes de la musique congolaise ont chanté et loué le « Mpoto », « le Miguel » et les « jeunes de quatre saisons ». Ainsi, le premier dividende de la migration est le prestige social de la famille au pays dont un ou quelques membres sont à l’étranger. Avoir un « mikiliste » (un fils résidant en Europe) augmente le poids social de la famille dans les réciprocités sociales. Au‐delà du prestige social, il y a la perspective de la réception des transferts de fonds (financiers et matériels). Les transactions des biens financiers et matériels entre les migrants et leurs familles restées au pays permettent à ceux qui sont au pays de tenir la tête en dehors de l’eau de la crise économique rampante. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 13 A l’évidence, à Kinshasa ou à Lubumbashi ainsi que dans d’autres villes de la RDC, la plupart des familles sont branchées, vivent ou survivent grâce à des transferts qu’effectuent les « mikilistes », ce sauvetage donnant encore une prégnance dans l’imaginaire populaire à l’importance de la migration. La migration devient ainsi « une forme de la diversification de portefeuilles, dans un contexte où les marchés financiers et les réseaux d’assurance formels sont inexistants » (Sumata et al., 2004 : 144). Par ailleurs, les sujets migrants eux‐mêmes créent une culture de la mystification et de l’impressionnisme sur eux‐mêmes et donc sur l’acte migratoire. Ils s’étalent comme ayant réussi lorsqu’ils rentrent dans leur pays. Les émigrés qui reviennent au pays sont perçus comme des modèles de réussite. Ils circulent à bord de belles voitures, construisent et font construire des plus grandes maisons et mènent une belle vie. Ces signes extérieurs de richesse amènent de plus en plus de jeunes gens à vouloir s'expatrier pour gagner de l'argent et imiter ces émigrés. Dans la société de départ, on a toujours eu beaucoup de considération pour les émigrés. Les familles qui s'en sortent bien financièrement dans ce contexte de la crise sont celles qui comptent des émigrés parmi leurs membres. Il revient de nuancer cette analyse pour présenter une autre manière de voir la chose. Car il y a un autre son de cloche parmi certains migrants ou même certains membres de leurs familles restés au pays. Evidemment, ce son de cloche n’est pas répercuté dans la littérature. Il s’agit des frustrations et de toutes les sommes de désillusions accumulées qu’ils n’hésitent pas à raconter en certains moments. Ces désillusions les conduisent à exprimer leur volonté à rentrer un jour au pays pour y passer le reste de leur vie. C’est le cas de M. Kamb, 45 ans, ayant vécu longtemps en Europe et qui est rentré au pays où il fait des affaires tout en gardant un pied en Europe : « Ouf, j’ai quand même eu la chance de vivre en Europe. Mes enfants y étudient. Mais, je préfère que les conditions de vie s’améliorent chez nous au pays. Je souhaite passer ma vieillesse au pays. Je souhaite avoir des affaires au pays. En Europe, il y a trop d’impôts, trop de factures à payer. On est dans la cage de contrôle permanent. On peut craquer là‐bas. » Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 14 2. L’anatomie des migrants congolais résidant en
Afrique du Sud
Ce point entend présenter à partir des enquêtes menées à partir de Lubumbashi et à la suite des voyages dans trois villes d’Afrique du Sud (Durban, Johannesburg et Cape Town) les catégories des migrants congolais qui se retrouvent en Afrique du Sud. En identifiant ces catégories, il est aisé de comprendre les termes d’un problème – rarement abordé dans la littérature sur la migration des Congolais – de l’intégration des Congolais à l’étranger. L’intégration ou l’insertion d’un migrant est liée à la régularité de sa situation ainsi que de la capacité du migrant à obtenir un emploi ou à élargir ses perspectives et ses initiatives dans le pays de destination. Que fait le Congolais en Afrique du Sud ? Avant de répondre à cette question, il sied de présenter les systèmes de migration. 2.1. Les systèmes de migration à partir de la ville de Lubumbashi
A ce niveau, nous voulons aborder la question analytique de l’expérience migratoire en abordant le concept théorique de système migratoire. Pour Mabogunje (cité par de Hein, 2008 : 148), le système migratoire déroule l’enchâssement des espaces liés par des flux et des reflux de peuples, des biens, des services et de l’information qui tendent à faciliter divers échanges, y compris les migrations. Ce système renvoie aux itinéraires et aux espaces qui déroulent les activités migratoires. En nous concentrant sur Lubumbashi, il importe de noter que cet espace est la façade qui ouvre le pays vers l’Afrique australe tout en reliant à d’autres pays aussi lointains que les pays asiatiques. Si à partir de Lubumbashi, l’Afrique du Sud est le pays de destination finale, il y a lieu de reconnaitre qu’il y a des pays de transit qu’il faut traverser. Ainsi du cas de la Zambie, du Zimbabwe, du Botswana ou de la Namibie. Dans son projet migratoire vers le pays de l’arc‐en‐ciel, un médecin congolais cherche à s’installer en Zambie pour y exercer son métier et y apprendre l’anglais avant de chercher à regagner Johannesburg. Actuellement, des médecins congolais travaillant en Afrique du Sud rapportent avoir transité par un ou deux pays d’Afrique australe avant de chuter dans le dernier pays. Plus de 50 % de nos interviewés ont fait ce récit. Il en y a qui prennent le chemin de la Namibie ou du Botswana. Par ailleurs, il en y a qui choisissent l’Afrique du Sud comme un pays de transit, leur destination finale étant un pays de l’Europe occidentale, la Grande Bretagne ou le Canada (Sumata et al., 2004). Et lorsque les voies sont réellement bouchées pour quitter le pays arc‐en‐ciel, le transit devient la destination finale. C’est le sort de beaucoup des migrants congolais. Les voies utilisées pour migrer sont terrestres. L’utilisation des camions‐remorques ayant acheminé des produits divers vers la RDC et transportant, sur le chemin de retour, des minerais vers le sud est souvent en vogue. Lorsque le migrant voyage régulièrement, il peut emprunter la voie aérienne. Entre deux et demi et trois heures suffit pour quitter Lubumbashi et atteindre l’Afrique du Sud par la voie aérienne. N’empruntent cette voie que ceux qui sont porteurs de visas en bonne et due forme. L’ouverture d’un consulat général d’Afrique du Sud dans la ville de Lubumbashi a permis de réduire les coûts d’obtention du visa. Le coût de voyage vers Kinshasa qui était obligatoire avant l’ouverture de ce consulat général est désormais supprimé dans le projet migratoire. Avec un passeport ordinaire, lorsqu’on détient toutes les pièces exigées dans le dossier de demande de visa, le visa s’obtient sept jours après moyennant paiement d’un montant inférieur à 80 USD. Une caution dont le montant varie entre 650.00 et 1,000.00 USD est de fois demandée pour certains dossiers en partance vers l’Afrique du Sud. Ce montant décourage certains demandeurs de visa. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 15 Si, en termes de Mabogunje, on peut considérer les migrations comme faisant partie des échanges entre espaces, il convient alors de reconnaître que quatre vagues de migrants congolais se sont ébranlées de la RDC vers l’Afrique du Sud. Selon Kazadi (1999 :14‐22), la voie de l’Afrique du Sud s’ouvre aux migrants congolais après les années 90 lorsque le régime sud‐africain de De Klerk prend langue avec le régime du président Mobutu. La première vague est allée de 1990 à 1992. Ces émigrés congolais étaient essentiellement de la classe moyenne. La deuxième vague comprend les Congolais de toutes les catégories et classes sociales qui quittent le Katanga après la chasse aux Kasaïens. Cette deuxième vague bénéficie de l’ouverture en Afrique du Sud de la possibilité d’obtenir le statut de réfugié avec la fin du régime de l’apartheid en 1994. La troisième vague de l’émigration se déploie à partir de Mai 1997. En RDC, c’est la fin du régime du président Mobutu. Les barons de l’ancien régime, leurs familles et alliés s’enfuient ainsi du Zaïre vers l’Afrique du Sud. La quatrième vague des migrants congolais est constituée des jeunes, pour la plupart des universitaires qui quittent le pays, profitant du contexte du conflit (1996‐2001) pour chercher à bénéficier du statut de réfugié. Le nombre exact des congolais résidant en Afrique du Sud n’est pas reconnu. Cette difficulté à répertorier les Congolais procède de la difficile distinction à opérer entre les réguliers et les irréguliers dans la colonie congolaise. 2.2. Régularité à l’irrégularité de la migration en RDC
La migration est dite régulière lorsque le sujet migrant effectue son parcours migratoire en détenant les titres d’entrée et de séjour valables et conformes à la législation en vigueur en la matière. Elle devient irrégulière –et les termes varient d’illégale à clandestine‐ lorsque les migrants se trouvent « au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durant leur séjour ou leur emploi, [dans] des conditions contrevenant aux instructions ou accords internationaux, multinationaux ou bilatéraux pertinents ou à la législation nationale » (Moulier Boutang, Garson et Silberman, cités par Tapinos, 1999). Cette définition met l’accent sur les divers aspects de l’irrégularité : l’entrée, le séjour dans le pays d’accueil et l’exercice d’une activité. Par ailleurs, l’immigration clandestine échappe à l’enregistrement et à la statistique, comme le note bien à propos Tapinos (1999).
Généralement, le label collé à la migration des Congolais est celui des migrants clandestins (ou irréguliers). Pour forte que soit cette expression, elle traduit néanmoins la volonté des Congolais déterminés à échapper aux affres de leur pays d’origine et à contourner les mesures de restrictions qu’on leur impose quant à leur entrée dans certains pays. Par rapport aux pays limitrophes, le statut d’irrégularité des Congolais est sujet à caution car pour la plupart des Congolais vivant dans des franges frontalières, se mouvoir d’un côté vers un autre ne pose pas problème d’autant plus que ces espaces constituent des mêmes aires socioculturelles donnant sens au « transnationalisme communautaire qui est pris en compte par l’Etat territorial généralement au sujet des régions transfrontalières… ; il y a dispense de visa pour les ressortissants de l’un ou l’autre Etat dans les localités transfrontalières » (Sindjoun, 2002 : 66). « Nous, Congolais, on est suspect lorsqu’on se présente à certaines ambassades pour solliciter le visa d’entrée. Il y a trop de tracasseries. Ce qui surprend, c’est que ces ambassades ne donnent pas de visas facilement à des gens sérieux. Il suffit d’être musicien ou sportif pour obtenir facilement ces laissez‐passer. Cela décourage et conduit à des stratégies de toutes sortes pour partir ». C’est en ces termes qu’un Congolais traduit les misères qu’il subit lorsqu’il sollicite l’obtention d’un visa d’entrée dans un autre pays. Un autre jeune congolais, de 30 ans, a traduit cette idée autrement en disant : « ils nous barrent la route, nous on ouvre un autre chemin. » Dans le passé, pour obtenir le visa vers l’Afrique du Sud, il fallait, à un Congolais, laisser une caution de 1,000.00 USD. Ces mesures restrictives sont facilement contournées par l’ingéniosité du Congolais qui est prêt à devenir « caméléon », soit un clandestin en attendant de bénéficier de la régularisation des titres de séjour et d’établissement. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 16 De même que Nathalie Ferré a tenu à démonter la mécanique bureaucratique et juridique en France concourant à « la production de l’irrégularité » dans la situation de migration (1997 :47‐64), de même, le Congolais se réalise que la clandestinité est une posture provisoire qui peut conduire à la production de la régularité. Dans le cas de l’Afrique du Sud, le Congolais cherche à détenir les documents qui lui permettent d’assurer une entrée « saine ». Une fois étant entré, le Congolais est confronté à toutes les gymnastiques de manière à obtenir les documents pour prolonger, voire régulariser le séjour. Du reste, pour Alan Morris, dès qu’on est en Afrique du Sud, il est difficile d’en être expulsé rapidement (Morris, 1998 : 1116‐1136). Un observateur vivant en Afrique du Sud a dit : « Ici, on peut catégoriser le comportement de certaines nationalités africaines. Les nigérians sont violents ; ils braquent et attaquent facilement. Le Congolais, il faut le chercher pour les faux papiers ». Que font les migrants congolais en Afrique du Sud ? Sans prétendre à l’exhaustivité, il sied de noter que les compatriotes vivant en Afrique du Sud peuvent facilement tomber dans l’une ou l’autre catégorie suivante : catégorie d’étudiant (ou étudiante), catégorie de pasteurs d’églises de réveil, catégorie de business, catégorie de l’emploi dans le secteur privé sud‐africain, catégorie de sans emploi, et catégorie de réfugié. Alan Morris écrit à cet égard : « la plupart des Congolais (…) en aussi petit nombre qu’ils sont, venus en Afrique du Sud avant 1993 l’ont fait volontairement soit pour étudier soit pour travailler. Ils sont jeunes, célibataires et d’origine modeste de la classe moyenne » (Morris, 1998 : 1121). Kazadi, K.D (1999) est arrivé presqu’à une catégorisation similaire. Les Congolais qui vont pour les études universitaires en Afrique du Sud sont issus des familles aisées ; mais en raison des coûts élevés des études, ils s’arrangent pour avoir des papiers comme des réfugiés de manière à obtenir certaines facilités (Morris, 1998 :1121). Les pasteurs des églises représentent le côté succès de la migration des Congolais. Ceux qui font le business doivent être distingués car il en y a qui font des affaires dans le secteur formel comme le commerce et le secteur des services (conseillers en affaires pour les transactions vers le Congo) et ceux qui évoluent dans des activités qui frôlent au secteur informel. Ainsi du cas du réseau des Congolais conseillers‐chauffeurs : ils ont des agences ‘fictives’ de transports, leurs véhicules n’étant que ceux de leurs clients qu’ils ont la charge de convoyer en RDC. Pour cette opération de convoi d’un véhicule, le chauffeur‐conseiller prend les marchandises affrétées chez lui qu’il achemine jusqu’à Kasumbalesa, un poste frontalier de la RDC. D’autres font le travail de commissionnaires, de coups de main en orientation et accueil d’autres Congolais ; il en y a qui tiennent les salons de coiffure pour hommes et femmes. Il en y a qui se convertissent dans tous les travaux (peintres, maçons, éboueurs). La catégorie ‘stable’ et ‘respectable’ est celle des employés dans le secteur privé ou public sud‐africain. Professeurs d’université, chercheurs inscrits dans des centres de recherche, médecins dans des hôpitaux, ingénieurs dans des entreprises sud‐africaines, les Congolais en situation régulière gravitent beaucoup d’échelons et occupent de bonnes positions. Ils ne sont pas nombreux en raison de la discrimination dont ils sont l’objet (Morris, 1998 : 1125). Les sans‐emploi sont aussi nombreux. Il s’agit de tous les jeunes (ayant terminé les études universitaires ou non au pays), hommes ou femmes, qui prennent le chemin de la migration pour échapper à la misère du pays. La dernière catégorie comprend les réfugiés et les demandeurs d’asile. En raison des avantages sociaux dont ils bénéficient, les Congolais se débrouillent pour entrer dans cette catégorie. Sous réserve des enquêtes quantitatives de terrain pour clarifier cette question et ainsi apporter des précisions sur le nombre des migrants Congolais, il importe de noter que ces derniers sont éparpillés dans toutes les catégories. Selon les estimations partielles fondées sur le recoupement des informations d’ordre qualitatif (observation et entretiens avec les sujets), ce ne serait pas une erreur de dire que plus ou moins 45% des migrants congolais en Afrique du Sud sont dans la précarité existentielle. Cette précarité sociale de la situation congolaise provient de « la manière de faire » (de Certeau, 1990) l’acte migratoire chez le Congolais : beaucoup se jettent dans ‘l’aventure’ migratoire Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 17 sans autre idéal que d’aller à l’étranger. Ceci nous renvoie au cas de la morale de jeunes clandestins sénégalais dont le seul leitmotiv est Barça ou Barzakh (‘voir Barcelona ou mourir’). Aller coûte que coûte à l’étranger, et dans le cas précis, en Afrique du Sud, devient une motivation si forte que, pour Alan Morris, un Congolais interrogé en Afrique du Sud sur cette question n’a eu de réponse que celle‐
ci : « je suis venu en 1991 parce que j’ai appris des amis qu’il y a beaucoup d’opportunités ici, surtout pour les médecins, les ingénieurs et c’est pour cela que nous nous sommes dit que cela valait la peine de tenter le coup. Peut‐être nous aurons la chance de travailler ou d’étudier ici. » (1998). Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 18 3. Les migrants congolais et les flux financiers et
matériels entre l’Afrique du Sud et la RDC.
Qu’envoient les migrants congolais vivant en Afrique du Sud dans leur pays d’origine ? A cette question, il y a lieu de dire que les migrants congolais ne coupent pas le pont avec leur pays d’origine. Ils créent une « continuité territoriale » dans les interstices de laquelle s’intensifie l’entretien des liens sociaux malgré la séparation géographique (Tarrius, 2005 :6). Des flux financiers et matériels s’échangent entre les deux espaces. A la suite des recherches documentaires auprès des agences de messagerie financière installées dans la ville de Lubumbashi, il s’avère que d’intenses flux financiers s’échangent entre la ville de Lubumbashi et l’Afrique du Sud. Trois agences de messagerie se sont prêtées à nous fournir des informations. Il s’agit de l’agence Zifa TF (tableau n°1), située sur l’avenue Mwepu, de l’agence Kin Services Express (tableau n°2), sur l’avenue Kasaï et Grace World Business (tableau n°3), sur l’avenue Tabora dans la commune de Lubumbashi. Les données disponibles couvrent huit années, soit de 2000 à 2008. Tableau 1 : Transferts d’argent à l’Agence Zifa TF (montant en dollars US), 2000‐2008. Année Lubumbashi‐République d’Afrique du Sud (RAS) RAS‐Lubumbashi 2000 5 000
1 500
2001 12 000
3 500
2002 11 300 3 250
2003 18 000
2 500
2004 27 000
3 400
2005 32 500
2 550
2006 36 000
5 400
2007 65 800
8 900
2008 15 600
9 200
Source: Agence ZIFA TF, Lubumbashi, 2008. L’évolution des montants transférés dans les deux directions démontre de fortes disparités. Si en 2000, les transferts des fonds venant de l’Afrique du Sud vers Lubumbashi représentent le tiers des fonds envoyés de Lubumbashi vers l’Afrique du Sud, ce rapport reste inchangé par la suite. C’est en 2007 que les disparités sont énormes tandis que pour l’année 2008, la proportion atteint plus de 50%. Tableau 2 : Transferts d’argent à l’Agence Kin Services Express (montant en dollars US), 2000‐2008. Année Lubumbashi‐ RAS 2000 320 000
2001 24 700
2002 151 000
2003 94 000
2004 276 000
2005 398 000
2006 487 000
2007 557 000
2008 675 000
Source: Agence KIN SERVICES EXPRESS, Lubumbashi, 2008. RAS‐Lubumbashi 17 000
13 000
42 000
52 000
56 000
19 000
18 000
34 000
23 000
Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 19 Tableau 3: Transferts d’argent à l’Agence Grace World Business (montant en dollars US), 2000‐
2008. Année Lubumbashi – RSA RSA – Lubumbashi 2000 6 500 3 250
2001 8 200
4 750
2002 34 000
6 700
2003 76 000
8 700
2004 87 000
9 100
2005 132 000
13 030
2006 167 000
2 300
2007 208 000
3 000
2008 235 000
4 320
Source: Agence GRACE WORLD BUSINESS, Lubumbashi, 2008. A la lecture de ces trois tableaux, il s’avère évident que les migrants congolais n’envoient pas suffisamment des fonds vers leurs familles restées au Congo car dans le sens inverse, de Lubumbashi vers l’Afrique du Sud, les transferts des fonds sont bien importants. Comment expliquer cette situation ? La première piste d’explication est que les migrants Congolais installés en Afrique du Sud ne semblent pas avoir réussi l’intégration dans le pays d’installation ou bien s’ils ont réussi cette insertion, ils font face à plusieurs difficultés de vie et de survie et ne peuvent pas soutenir l’envoi durable des fonds trop importants vers le pays d’origine. Cette hypothèse se vérifie et est appuyée par 49% de nos répondants interviewés. Dans l’ensemble des réponses avancées par les migrants congolais, on trouve les assertions suivantes traduisant les difficultés de la vie en Afrique du Sud (loyer élevé, coûts élevés des études, on fait de petits jobs sans revenus intéressants, insécurité et la violence déstabilisatrices). La deuxième piste d’explication devient un peu plus sophistiquée. Le migrant congolais installé en Afrique du Sud s’y rend, outre pour échapper à la misère et à la fermeture des horizons sociaux au pays, pour des raisons de mobilité commerciale. Les raisons de mobilité commerciale participent de la recherche de l’extension du territoire de l’informalité au niveau global. L’extension du territoire de l’informel au niveau global concourt à la recherche de ce qu’Alain Tarrius appelle d’ « importants différentiels de richesses » (2005 :4). La mobilité commerciale constitue une passerelle de recherche de ressources externalisées fort utiles en rapport avec la configuration économique dont les activités relèvent de la « subterranéité » (Tarrius, 2005 :2). Beaucoup de répondants interviewés sont d’accord sur cette grille d’initiatives pour faire des affaires avec le pays (plus de 80%). A ce compte, il est aisé de comprendre le sens de l’orientation des flux financiers de Lubumbashi vers l’Afrique du Sud. Ces transferts de fonds permettent aux migrants congolais de jouer le rôle de comptoirs d’achats des biens et marchandises en Afrique du Sud, lesquelles seront envoyées au pays d’origine. En jouant ce jeu, les migrants congolais ont des raisons de demeurer encore longtemps dans le pays de destination tant que les affaires peuvent se faire et tourner. Ainsi, jusqu’en 2006, une agence de transport dénommée Mboko Business disposait des bus reliant Lubumbashi à l’Afrique du Sud. Ces bus transportaient exclusivement les biens et les marchandises. Après 2006, une autre agence a été créée : elle est dénommée DRC‐RSA Express. La spécificité de cette dernière agence est qu’elle aligne les bus ayant une capacité de cent personnes pour transporter les personnes de Lubumbashi à Johannesburg. Sur la route de retour vers Lubumbashi, le bus ne prend que 20 personnes, les autres places étant réservées pour le transport des biens et marchandises à livrer aux clients de Lubumbashi (entretien avec les responsables de cette agence, Mai 2009). Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 20 Qu’on prenne bien la mesure des transferts de fonds de Lubumbashi vers l’Afrique du Sud : ils ne participent pas seulement au développement des transactions commerciales entre les deux espaces ; une partie d’argent est utilisée par les migrants Congolais pour les subsistances au quotidien là où ils sont. Une dame congolaise (36 ans) rapporte qu’elle a deux membres de sa famille en Afrique du Sud qui lui demandent régulièrement de l’argent pour faire face à la vie. « J’envoie ainsi 300 à 400 USD par mois à ma sœur et mon frère qui sont en Afrique du Sud. C’est un casse‐tête pour moi. J’espère qu’ils vont s’en sortir ». Dans les kits des subsistances des migrants congolais en Afrique du Sud, on cite les études, le loyer et d’autres besoins sociaux quotidiens. Par ailleurs, des fonds qui partent de Lubumbashi vers le sud ne viennent pas seulement de cette ville. Des opérateurs et hommes d’affaires vivant dans d’autres provinces du pays comme les deux Kasaï, voire de la capitale, Kinshasa, ont des relais à Lubumbashi, un point à partir duquel l’argent est envoyé au sud. A quoi servent les fonds envoyés d’Afrique du Sud vers Lubumbashi ? Une partie de ces fonds est envoyée comme de l’argent sans contrepartie à utiliser par des individus et/ou des ménages pour leur consommation à Lubumbashi. Selon les commentaires d’un responsable d’une agence de messagerie à Lubumbashi, « l’argent qui vient de l’Afrique du Sud sert à plus ou moins 50% comme des fonds envoyés pour aider des familles congolaises à faire face à des besoins sociaux. Je sais que l’autre partie des fonds sert à financer le démarrage des affaires ici de manière à appuyer ce que les gens impliqués veulent faire avec les autres qui sont au Sud ». Ce responsable dit fonder son point de vue au regard des messages accompagnant les transferts de fonds qui indiquent de fois le motif du transfert. Monsieur Y, 35 ans, qui tient un kiosque d’alimentation à Lubumbashi dit qu’il est soutenu par son frère qui est en Afrique du Sud : « il m’envoie régulièrement un peu d’argent (dont il ne veut pas déterminer le montant). Cet argent m’aide comme fonds de commerce. Et je tiens ma boutique. Le manque de l’emploi m’a conduit à faire cette affaire. » Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 21 4. Conclusions et recommandations
4.1. Conclusions
La migration à partir de la ville de Lubumbashi vers l’Afrique du Sud a commencé lorsque le régime d’apartheid a pris langue avec le régime du président Mobutu dans les années 90. Ce mouvement s’est accéléré lorsque quelques années après, le conflit ethnique/provincial fortement instrumentalisé par le pouvoir central a opposé les Katangais aux Kasaïens (Bakajika, 1997). Ces derniers et dans la foulée des ressortissants d’autres provinces ont quitté Lubumbashi et pris le chemin vers les pays de l’Afrique australe. Les congolais de toutes origines, y compris les politiciens ayant servi sous Mobutu en fuite en 1997, se sont retrouvés nombreux en Afrique du sud. Alan Morris et bien d’autres observateurs ont ainsi fait état de la visibilité des migrants Congolais même si leur nombre n’était pas bien documenté (Morris, 1998). Les migrants congolais en Afrique du Sud rencontrent des difficultés d’insertion. Leur accès au marché du travail est difficile, la discrimination sur fond de la xénophobie étant forte. Par ailleurs, même ceux qui y vont pour des études sont confrontés à des coûts de vie et d’études exorbitants et finissent, comme les autres, dans la précarité existentielle. Malgré la précarité sociale et la difficile immersion dans le pays de destination, les migrants congolais ont une capacité d’adaptation. L’esprit de débrouille (article 15 popularisé en RDC comme la traduction du développement de l’informel) leur donne les occasions et opportunités d’exploiter leur imagination en exploitant des niches pour faire des affaires. Aux termes de cette étude, il importe de rappeler que nous avons cherché à explorer la piste d’identification du volume de transferts de fonds des migrants congolais vivant en Afrique du Sud vers leur pays d’origine. Cette manière de voir les choses est populaire dans la littérature sur la migration et le développement. Au regard des données disponibles auxquelles nous avons accédé, il s’avère qu’il y a d’intenses flux matériels et financiers qui s’échangent entre les deux espaces, Lubumbashi et l’Afrique du Sud. En considérant les flux financiers, c’est de Lubumbashi que partent les flux vers l’Afrique du Sud tandis que Lubumbashi reçoit des envois des fonds en un volume faible en provenance de ce pays de destination. Par ailleurs, ce sont les flux matériels qui sont bien abondants coulant de l’Afrique du Sud vers Lubumbashi. Ces flux matériels sont des biens et marchandises achetés en Afrique du Sud et envoyés à Lubumbashi dans le cadre des activités de la débrouillardise, le secteur informel constituant le secteur porteur de vie pour beaucoup de ménages congolais. Au regard de cette évidence, il importe de tenir compte de la complexité de la réalité migratoire en RDC et tirer les conclusions suivantes : • La migration internationale entre Lubumbashi et l’Afrique du Sud est intense et ne participe pas à la migration du travail. Ceux des Congolais émigrant dans ce dernier pays n’ont pas un accès facile au marché du travail sud‐africain. Les discriminations de toutes sortes couplées à la violence dans une sorte de xénophobie réduisent les chances d’insertion des Congolais dans le pays de destination. • Les Congolais émigrés en Afrique du Sud y vont pour plusieurs raisons parmi lesquelles nous pouvons citer les raisons d’études, la recherche de l’emploi ou la recherche des opportunités de faire des affaires avec le pays d’origine. La culture des activités informelles qui est bien prégnante dans la manière de vivre du Congolais, et nous ne voulons pas tomber dans un Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 22 essentialisme élémentaire, structure relativement le comportement du Congolais à l’étranger dans ce sens. • Dans ce cadre, le Congolais explore toutes les fenêtres d’opportunités pour faire les affaires tant qu’il est à l’étranger. A partir de l’Afrique du Sud, des niches d’affaires ont été explorées par les Congolais et ils continuent à les exploiter en créant un territoire transnational entre les deux espaces. A ce compte, les transferts des flux matériels peuvent être considérés au même titre et avec la même importance que les flux financiers qui ont trop le vent en poupe dans la littérature sur la migration et le développement. • Une attention doit être portée sur ces flux matériels de manière qu’ils concourent à capitaliser les opportunités que recherchent aussi bien le gouvernement que la population congolais dans la lutte pour la réduction de la pauvreté en RDC. Car trop de lumière portée sur les envois de fonds aveugle d’autres dynamiques pourtant porteuses d’alternatives dans les recompositions sociales au pays en rapport avec la migration. • Pour capitaliser les externalités des transferts des biens et marchandises vers la RDC, il est important d’assainir l’environnement des affaires au pays. Trop des tracasseries des services publics contrarient le développement des affaires, brisant l’élan des initiatives privées pourtant indispensables dans la lutte contre la pauvreté qui se généralise au pays. 4.2. Recommandations pour des actions futures
Rôle des ménages et des individus Pour augmenter les avantages et les bénéfices des relations avec les membres de la diaspora, il est recommandé : ƒ Aux parents et responsables des ménages d’être informés sur des opportunités et des avantages à utiliser des fonds dans des activités durables ; ƒ Aux membres de la société civile en RDC de s’investir dans ce domaine pour susciter les débats dans l’opinion publique et entreprendre des campagnes de formation et d’information de l’opinion publique sur ces questions. Rôle de l’Etat congolais Pour capitaliser les avantages des relations entre les Congolais et leur diaspora à l’étranger, l’étude recommande à l’Etat congolais de : ƒ Multiplier des contacts avec les Congolais de la diaspora de manière que ces derniers apportent leur capital social, technique et intellectuel dans le développement des activités pour la reconstruction du pays ; ƒ Chercher, par une bonne politique de sensibilisation, de communication et d’information à obtenir le soutien de l’opinion pour l’engagement dans la reconstruction du pays ; ƒ Engager une politique d’ouverture pour alléger les barrières tarifaires et non‐tarifaires dans le domaine de la fiscalité de porte ; ƒ Renforcer la bonne gouvernance pour réduire sensiblement la corruption et les tracasseries de la part des agents des services publics de manière à créer un environnement qui encourage à faire des affaires. ƒ Mettre en œuvre l’engagement du gouvernement pour la mise en chantier d’un Programme National de Migrations pour le Développement ainsi que cela est suggéré dans le document de stratégie pour la réduction de la pauvreté en RDC. Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 23 Attentes auprès de l’OIM De façon spécifique, il est recommandé à l’OIM, dans le cadre de la mise en œuvre de ses programmes et en relation avec ses partenaires et autres organismes intervenant en RDC, de : ƒ Restituer et vulgariser les résultats de la présente étude auprès des services pertinents de l’Etat congolais, ONG et organisations de la société civile ; ƒ Encourager le partage d’expériences comparatives entre la RDC et les autres pays africains ayant bénéficié de l’apport constant de leur diaspora, afin de capitaliser les expériences des apports de la diaspora au développement de leur pays ; Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 24 Références
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par l’Union européenne
Migration en Côte d’Ivoire :
Document thématique 2009
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