MARIE LABERGE

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MARIE LABERGE
MARIE LABERGE
Marie Laberge (1950-) est née à Québec le 29 novembre 1950. Elle est une dramaturge,
romancière, comédienne et metteure en scène québécoise reconnue. Au début de son
parcours, Marie Laberge a entrepris des études en
journalisme, qu’elle a finalement abandonnées en 1970
pour se diriger dans une autre voie : l’art dramatique. En
effet, à ce moment, elle entre au Conservatoire d’art
dramatique de Québec, d’où elle obtient son diplôme. Plus
connue en début de carrière comme comédienne, elle
deviendra rapidement metteure en scène et enseignante,
puis, inévitablement, une des dramaturges les plus
importantes du Québec. Ses vingt pièces de théâtre ont été
traduites et jouées dans plusieurs pays comme le Canada, l’Allemagne, la France, la
Suisse, l’Italie ou le Portugal. Outre cela, elle a, également, à son actif dix romans, tous
publiés par Boréal.
Fait intéressant, en 1995, à la demande du premier ministre du Québec, Monsieur Jacques
Parizeau, elle a rédigé le préambule de la Déclaration d’indépendance du Québec avec,
entre autres, Gilles Vigneault. En 1988, elle est consacrée «Chevalière de l’ordre des Arts
et des Lettres» par le gouvernement français. En 2006, elle écrit une chanson pour Céline
Dion intitulée Le temps qui compte. À la demande de l’homme d’affaires Peter Simons,
c’est elle qui a signé le mot de présentation de la célèbre fontaine de Tourny devant le
Parlement à Québec. Finalement, en 2010, elle établit un concept original en rédigeant le
roman épistolaire Des nouvelles de Martha, puisque c’est chaque
mois que l’auteure fait parvenir par la poste des nouvelles de son
héroïne aux abonnés.
C’est aux côtés de Robert Lepage, Louis Hamelin et Dany
Laferrière, que Marie Laberge s’inscrit dans la littérature
postmoderne, un courant dans lequel les repères traditionnels
s’effritent et l’interrogation est à son comble. Cependant, c’est
vers la toute fin de ce courant qu’elle écrira son œuvre qui aura le
plus grand succès, la trilogie Le goût du bonheur, vendue à plus
de 500 000 exemplaires en une année.
Écrite au début des années 2000, cette trilogie raconte d’abord l’histoire de Gabrielle
(2000), une femme québécoise des années 1930, mère de cinq enfants, rejetant les
obligations et les valeurs traditionnelles que la société veut lui imposer et qui sait, avec
tendresse et fermeté, imposer aux autres sa conception du bonheur. Bonne catholique,
femme respectée de tous, mère aimante et protectrice, Gabrielle se distingue néanmoins
de ses sœurs dans son refus de compromettre son bonheur. Par la suite, personnage plus
flamboyant que sa mère Gabrielle, Adélaïde (2001) nous plongera au cœur de la
Deuxième Guerre mondiale. Femme forte et volontaire,
déterminée à trouver son bonheur, elle fait fit des conventions et
représente à elle seule la génération des femmes qui ont repris les
affaires de leur mari partit à la guerre, prouvant au monde qu’elles
étaient autant capables qu’eux. Entêtée, refusant les compromis,
elle a un ami d’enfance auquel elle tient plus que tout, Florent
(2003) qui, pour sa part, fermera la boucle de cette trilogie.
Artiste, homosexuel, sensible et éternel acolyte d’Adélaïde,
Florent est le personnage le moins éclatant de cette série et il
donnera l’impression de chercher le bonheur des autres avant le
sien.
L’histoire de cette trilogie comptant un total de 2000 pages serait beaucoup trop longue à
raconter, mais ce qui la caractérise particulièrement c’est qu’on reconnait dans les
personnages qu’a créés Marie Laberge, des individus se démarquant de leur contexte
social. En effet, tout commence avec Gabrielle, une femme qui a refusé les conventions.
Alors que sa famille refusait son mariage avec un Irlandais, cette femme a quand même
agi, tenant tête à toute sa communauté. Au début du livre, quelques années suite au
mariage, sa sœur Georgina souligne a quel point Gabrielle a été chanceuse de s’être
mariée à Edward. Gabrielle lui répond «Georgina, je n’ai pas été chanceuse, j’ai été
décidée et têtue». 1On retrouve là ce personnage qui refuse d’être soumis au rôle que la
société veut lui donner, celui de la femme au foyer, ménagère et soumise à l’autorité de
son mari. Sa fille, Adélaïde, suivra ses pas, mais d’une manière beaucoup plus colorée.
Au service d’anniversaire du décès de sa mère, Adélaïde décide de s’y présenter même si
toute la «bonne société» et même sa famille la voient comme
une pécheresse et une traitresse. Alors que la communion a lieu,
elle décide d’abord de ne pas se lever, mais revient finalement
sur sa décision et c’est devant toute l’église qu’elle se lève pour
aller communier. Sa cousine s’étonne de ce geste à la sortie de
l’église. «Je pensais que tu n’allais pas communier pour ne pas
qu’Edward te voie. On peut dire que là il t’a vue» déclare
Isabelle.2 Ce à quoi Adélaïde répond « [j]e l’ai fait pour les
1
2
LABERGE, Marie. Gabrielle, Montréal, Boréal, 2000, p.44 (Le goût du bonheur)
LABERGE, Marie. Adélaïde, Montréal, Boréal, 2001, p.257 (Le goût du bonheur)
défier, tous».3 On voit que ce personnage bouillonne de rébellion. Selon elle, personne
n’est bien placé pour la juger, ni sa famille, ni l’église, ni la «bonne société». D’ailleurs,
elle protègera son ami Florent, refusant qu’il soit jugé de par son orientation sexuelle.
Homosexuel, pour Florent, «l’impossible désir des femmes est une vérité de son être qu’il
passera sa vie à déplorer, mais pas à nier».4 Il est un personnage qu’on illustre peu
fréquemment dans les romans. Artiste, homosexuel, grand couturier, sensible, il semble
aux premiers abords être un stéréotype parfait, mais son déchirement intérieur, sa honte et
son combat éternel contre cette attirance envers les hommes qu’il refuse, alors
qu’Adélaïde essaye de le lui faire accepter, fait de lui un personnage vrai qui vient
chercher le lecteur jusqu’au plus profond de son être.
Nous conclurons donc en soulignant le génie remarquable de Marie Laberge qui réussit à
créer des personnages si réels et touchants qu’on a l’impression qu’ils vivent pour de
vrai. C’est ce qui fait que ligne après ligne nous en voulons toujours plus et que nous
attendons avec impatience le prochain tome. Cette femme aura su marquer son public,
particulièrement ses lectrices, et laisser sa trace dans la littérature québécoise. J’ai lu Le
goût du bonheur onze fois et je ne me lasserais pas de le lire une autre fois.
BIANCA BERNARD
BIBLIOGRAPHIE
LABERGE, Marie. Gabrielle, Montréal, Boréal, 2000, 606 p. (Le goût du bonheur)
LABERGE, Marie. Adélaïde, Montréal, Boréal, 2001, 648 p. (Le goût du bonheur)
LABERGE, Marie. Florent, Montréal, Boréal, 2003, 758 p. (Le goût du bonheur)
MÉDIAGRAPHIE
«Marie
Laberge»,
Boréal,
[En
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/marie-laberge-404.html
consultée le 30 avril 2012)
ligne],
(Page
DROUIN, Serge. «Carrière prestigieuse», Canoë divertissement, [En ligne],
http://fr.canoe.ca/divertissement/livres/nouvelles/2010/02/04/12742551-qmi.html
(Page consultée le 30 avril 2012)
3
4
Ibid., p.257
LABERGE, Marie. Florent, Montréal, Boréal, 2003, p.275 (Le goût du bonheur)
JAVET, Marie. Parlons bouquins, [En ligne], http://parlons-bouquins.com/?p=178
(Page consultée le 30 avril 2012)