Il faut retrouver le soldat Dupré - Perray-en

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Il faut retrouver le soldat Dupré - Perray-en
Il faut retrouver le soldat Dupré
A la lecture de chaque nom gravé sur ce granit, je voudrais qu’on ajoutât toujours, dans les siècles futurs, un
souvenir particulier des faits significatifs et précis.
Alfred TONDEUR
Maire du Perray,
Inauguration du Monument aux Morts, 2novembre 1920
(cf. en annexe, le texte complet)
Dans le cadre de la commémoration nationale du centenaire de la Grande Guerre, l’association
Histoire et Mémoire du Perray-en-Yvelines s’est proposé de publier, pour chaque année du conflit, un
hommage aux soldats de notre commune tombés au champ d’honneur.
Pour ceux morts en 1914, notre premier article est paru dans Le Perray-Infos de novembredécembre 2014.
Lors de l’élaboration de l’article, nous nous sommes aperçus que nous ne disposions pas
d’informations sur le soldat Georges DUPRÉ, dont le nom est gravé sur le Monument aux Morts du
cimetière et inscrit sur la plaque commémorative de l’église.
Le registre d’état civil du Perray ne porte pas la transcription de son décès.
Dans les procès-verbaux de délibérations du Conseil Municipal des années 1914-1918, nous ne
relevons aucune déclaration relative aux mobilisés décédés.
Dans la presse locale et départementale, réduite par le manque de journalistes, de papier,
d’encre, etc…, Georges Dupré n’apparaît pas dans les rubriques « Au champ d’honneur ».
Dans le Livre d’or des morts pour la France (Archives Nationales, en ligne), Georges Dupré ne
figure pas sur la liste nominative du Perray, pourtant contrôlée par le maire de l’époque.
En principe, les municipalités portent sur le Monument aux morts les noms des soldats nés dans
la commune ou y habitant au moment de la mobilisation.
Georges Dupré était-il né au Perray ?
Un rapide contrôle dans les tables décennales des naissances (1802-1902) reste négatif.
Georges Dupré habitait-il Le Perray ?
Le recensement de 1911 mentionne uniquement Romulus DUPRÉ, né en 1878 à Frétigy (28)
cafetier (maison 42, correspondant à l’actuel café-restaurant Au Bienvenu 24, rue de Chartres) et sa
femme, Marie HUBERT, née en 1888 à Jouars-Pontchartrain (78), mariés à Elancourt (78) en 1908.
Ils auront par la suite, deux enfants, Maurice, né en 1911 et René, né en 1914. Marie décèdera à
Rambouillet en 1963 et Romulus dix ans plus tard au Perray. Georges Dupré, sauf à demeurer au
Perray après 1911, semble étranger à la commune.
A ce stade, il faudrait consulter aux Archives Départementales, ou sur les sites en ligne le cas
échéant, les tables alphabétiques des conscrits par classes d’âge (entre 1867 et 1900), de Seine-etOise, puis des départements circonvoisins, puis au-delà… Un travail fastidieux.
Pour le Centenaire de 14-18, les ministères de la Culture et de la Défense ont lancé en novembre
2014 le site « Grand Mémorial ». A terme, à partir d’un nom, puis en précisant prénom, classe, etc…,
on pourra, que le soldat soit décédé ou non lors du conflit, obtenir directement sa fiche matricule,
c’est-à-dire son état signalétique et des services.
Mais il existe d’autres sources telles « Memorial gen-web 14-18 », « Généanet » et « Mémoire des
hommes » qui exploite le fichier des 1,4 million soldats français morts en 14-18.
Sur ce dernier site, en indiquant Dupré on obtient 618 réponses ; en ajoutant Georges il reste 28
réponses, dont 3 à Paris et 1 en Seine-et-Oise. D’un clic sur cette dernière réponse, apparaît la fiche
suivante :
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Mémoire des Hommes Fiche Georges Adrien DUPRE
Question : s’agit-il du soldat honoré au Perray ?
Lors de l’inauguration du Monument aux Morts, le 2 novembre 1920, le maire, M. Alfred TONDEUR,
prononça un discours dans lequel il exaltait la mémoire des jeunes gens trop tôt disparus. Une
coupure de presse
Locale retrouvée, extraite de L’Indépendant ou de L’Union républicaine, rapporte son propos :
….
Extraits du discours d’Alfred TONDEUR où apparaît le nom de DUPRÉ
Sans doute, approchons-nous, mais il faut d’autres convergences.
Georges Adrien DUPRÉ est né le 28 décembre 1895 (il appartient donc à la classe 1915), à
Versailles, chez ses parents domiciliés rue d’Anjou. Son père, Adrien, Céleste, Alfred, né le 21 août
1861 au Mesnil-Thomas (28), travaille au Chemin de fer de l’Ouest, comme le témoin de cette
naissance, Emile HUBERT, né en 1844 à Villiers-Saint-Frédéric (78), attention, celui-ci n’a pas de
parenté directe avec Marie HUBERT, l’épouse du cafetier Romulus… La mère, Rosalie Aspasie
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ONEN est née le 12 février 1867 à Saint-Maudez1 (22). Le lieu de mariage d’Adrien et Rosalie reste
à retrouver : ce n’est ni leurs villages d’origine, ni Versailles et son arrondissement, ni Paris ou
Asnières…
Rosalie a deux sœurs, nées également à Saint-Maudez (22), l’une Marie en 1864 et l’autre Anne
e 1872. Elles vivent ensemble à Asnières où elles convolent, Marie le 4 juillet 1896 et Anne le 4
septembre 1897, cette dernière ayant pour témoin Adrien, Céleste, Alfred DUPRÉ.
Acte de naissance de Georges Adrien DUPRÉ
Dès lors, nous découvrons un élément décisif dans le recensement de 1911 à Versailles. La
famille habite toujours rue d’Anjou. Georges, 15 ans, est peintre en bâtiment dans l’entreprise G.
PETIT, 68 rue Royale (fonds vendu à J. PERFETTA le 18 mars 1913). Mais il a aussi un frère,
Maurice, né le 3 mai 1898 à Versailles, donc de la classe 1918 et qui sera mobilisé en 1917.
Extrait du Recensement de 1911 mentionnant la famille DUPRÉ rue d’Anjou
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Fébrilement, nous consultons aux Archives Départementales des Yvelines sa fiche matricule (voir les
Saint Maudez est un saint Breton des V°-VI° siècle non reconnu par l’église Catholique. D’origine irlandaise, il était le
dernier fils du roi Ercleus. A l’âge de sept ans il rentra au monastère où il devint prêtre et accomplit de nombreuses
guérisons. Si un village d’Armor a gardé son nom, une partie de ses reliques est venue jusqu’aux portes de Paris où fut
créée la ville de Saint-Mandé.
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extraits ci-dessous) sur laquelle il est mentionné que ses parents demeurent désormais au PERRAY,
qu’il a passé le conseil de Révision à Rambouillet et qu’il a été incorporé le 16 avril 1917au 101 e
Régiment d’Infanterie. Maurice, libéré le 15 juin 1920, « se retire au Perray », mais en fait, il retourne
s’installer à Bacouël (60) en Picardie où, avant d’être mobilisé, il était comptable à Barleux 2, près de
Péronne. Il se marie dans la commune voisine de Prouzel (80), le 29 juillet 1922 avec Renée
GAUDRILLER.
Le Versaillais Georges Adrien DUPRÉ est donc bien notre homme !
Extraits de la fiche Matricule de Maurice DUPRÉ (1)
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Le site des Archives Départementales, adepte du Grand Mémorial, propose un accès direct par le
Barleux fut aussi un site de tranchées pendant la deuxième bataille de la Somme, c’est là où se
déroule les deux heures En attendant minuit de Claude MICHELET.
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nom à la fiche matricule. Mais, par ce biais, notre soldat est inconnu…. Heureusement, il y a un
sésame : le numéro de recrutement à Versailles (le 438 de la classe 1915, renseignement figurant
sur la fiche de « Mémoire des hommes » (voir document p. 2, le numéro cerclé de rouge) qui permet
de retrouver la biographie militaire de Georges Adrien DUPRÉ. Sur la ligne du fichier est désormais
mentionné que la fiche est absente au classement alphabétique. Voici les renseignements qu’on peut
y lire :
Extraits de la fiche Matricule de Georges Adrien DUPRÉ
Le Semeur de Versailles du 20 septembre 1914 et les affiches placardées l’informent du
recensement de la classe 1915.
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Extraits du Semeur de Versailles et de l’Echo de Versailles
Il passe devant le conseil de révision le samedi 10 octobre 1914 à partir de 8h30. Il est ajourné pour
« faiblesse ». L’Echo de Versailles du 16 avril 1915 lui apprend que conformément à la loi du 6 avril
1915, les réformés de 1914 doivent s’inscrire pour repasser devant le conseil de révision avec la
classe de 1917. C’est le samedi 5 juin 1915 en mairie de Versailles que Georges est déclaré bon
pour le service.
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Extraits de L’Echo versaillais
Georges Adrien DUPRÉ est incorporé le 9 septembre 1915 au 10e Régiment d’Infanterie,
ordinairement cantonné à Auxonne (21). Ses parents sont probablement venus demeurer au Perray
en 1916. Pourquoi ? Son père a dû être muté à la halle de la gare du Perray pour prêter main forte à
la manutention d’une grande quantité de bois de chauffage.
Le 10e R.I. versé dans la 15e Division d’Infanterie combat en Champagne en septembre-décembre
1915 dans la IIe Armée commandée par le Général Philippe Pétain, en particulier du 3 octobre à fin
novembre, au niveau de la Butte de Tahure, dans l’actuel Camp militaire de Suippes (51),
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puis, une centaine de kilomètres plus à l’est, en Woëvre à Apremont-la-forêt (55), à côté de
Commercy, au sud-est de Verdun.
Le 15 avril 1916, Georges est reversé dans le 69 e Régiment d’Infanterie commandé par le
lieutenant-colonel Charles Pesme et qui participe à la bataille de Verdun en assurant la relève
(Haucourt, Malancourt), après les violentes offensives de mars et début avril. Du 22 avril au 2 juin, le
régiment reprend des forces à Conty, une quarantaine de kilomètres au sud d’Amiens, puis il
remonte vers le front pour participer à une nouvelle offensive, la Bataille de la Somme, dans le
secteur de Curlu, dès le 1er juillet.
Selon sa fiche matricule, Georges Adrien DUPRÉ est blessé le 17 septembre 1916 devant …
Verdun ! Il y a là une invraisemblance de date et de lieu à la lecture du Journal des Marches et
Opérations du 69e R.I. Georges est hospitalisé et n’est réaffecté que le 20 janvier 1918 au 226e
Régiment d’Infanterie, alors cantonné près de Mulhouse.
Reportons-nous au J.M.O. du 226e R.I. :
13 octobre 1918, le 226e RI, aux ordres du colonel Jean Moillard, énergique périgourdin de 53 ans,
est en Belgique flamande à la hauteur de la ferme de Tolhoek, entre Houthulst et Staden, où il relève
les unités de secondes lignes « dans la plus grande obscurité sous des tirs de harcèlement ennemis
nourris et par une pluie battante ».
Le régiment se porte en première ligne et « reçoit l’ordre d’attaquer en direction du plateau Hooglede
Gits » tenu par une bonne division allemande avertie de l’attaque.
14 octobre 1918, « le jour J est le 14, l’heure H 5h32 ».
L’action dure trois jours, mais la progression est victorieuse : 566 prisonniers, 13 officiers dont un
chef de bataillon, des canons, des mitrailleuses, des attelages, un dépôt…
Nos pertes : 6 officiers blessés, 28 soldats blessés, 134 blessés, 4 disparus.
Georges Adrien DUPRÉ est grièvement blessé dès les premières heures du 14 octobre. Il reçoit les
premiers soins à l’ambulance de Hooglede. Puis il est transporté, 40 km à l’ouest et à 7 km de la
France, vers l’hôpital militaire de Hoogstade tenu par les Belges (où Marie Curie vint en 1915 avec
son camion radiologique permettant de localiser les objets étrangers dans le corps des blessés). Il
décède à l’hôpital le vendredi 15 octobre 1918. Il est inhumé sur place.
Non informées, les autorités françaises le considèrent disparu.
Quatre semaines plus tard, le 11ème jour du 11ème mois, à la 11ème heure, le clairon sonne le
cessez-le-feu.
Le 226e R.I. cantonne alors à Vynckt (20km à l’ouest de Gand) ; il poursuit sa marche vers le
Rhin, passe à Bruxelles le 1er décembre, puis à Louvain et Liège et arrive enfin le 12 décembre à
Aachen (Aix-la-Chapelle). Entretemps, le 8 décembre, le 226e R.I. est cité à l’ordre de l’Armée :
« régiment d’élite ». Le Maréchal Pétain lui « donne le droit au port de la fourragère aux couleurs du
ruban de la Croix de Guerre », qu’il lui remet lui-même à Eupen. Le Colonel Moillard est promu
commandeur de la Légion d’honneur.
Plus tard, le corps du soldat DUPRÉ sera rapatrié en France dans l’immense nécropole nationale
de Notre-Dame de Lorette où il repose dans la tombe n° 10933, 7ème rang du carré 54. Son acte de
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décès, dressé par les autorités belges le 16 octobre 1918, ne fut transcrit que le 8 juillet 1921 sur les
registres de la Mairie de Versailles, son domicile au moment de l’incorporation. Mais le nom de G.
DUPRÉ n’est pas gravé sur le Monument aux Morts de Versailles (parce qu’il est déjà gravé sur celui
du Perray ?).
Assurément, Georges Adrien DUPRÉ n’a pas résidé au Perray, sauf éventuellement à l’occasion
d’une permission.
Après-guerre, le recensement de 1921 confirme que ses parents habitent Le Perray, au lieu-dit
Bel-Air en 1908 ; celui de 1926 mentionne que son père est devenu cantonnier du Perray. Georges
Adrien avait une petite sœur, Christiane, née en 1908 à Versailles. Le dimanche 30 juillet 1922, lors
de la distribution des prix aux élèves de l’école communale du Perray, en présence du maire, Alfred
Tondeur, du conseiller général Jules Godin, des notables et de la population, elle se voit remettre un
premier prix à l’issue de son CM2 et un prix spécial pour sa réussite au certificat d’études primaires,
aux accents de la Société Musicale du Perray dirigée par Eugène ANDRÉ, ancien combattant,
décoré de la Croix de Guerre.
Les conclusions de cette recherche coïncident globalement avec les données du Livre d’Or de
l’U.A.A.C., ouvert en 1933 par le Secrétaire de Mairie, M. SOTTEAU :
DUPRE Georges Adrien
(annotation au crayon : Fils de M. DUPRÉ employé de chemin de fer)
Classe 1915, parti en janvier 1915 au 226ème Régiment d’infanterie
Disparu le 14 octobre 1918 devant Geit Saint Joseph Belgique.
Michel MAZET
01/2015

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