CR du 15 mars 2016- Expo PERSONA

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CR du 15 mars 2016- Expo PERSONA
Actualités culturelles : thème du 15 mars 2016
PERSONA : étrangement humain
L’Exposition au musée du quai Branly : du 26 janvier au 13 novembre 2016
Per sonare : latin parler à travers, Persona : le masque que portait les acteurs du théâtre antique
Une audacieuse exposition qui interroge - entre chamanisme et robotique -la part d’humanité que l’homme
dépose dans ce qu’il crée. PERSONA ouvre de multiples pistes de réflexion.
Entre les 230 objets, vidéos et installations, on admire des spectaculaires spécimens peints, sculptés, parés
des collections d’arts premiers mais également des œuvres contemporains, des automates et robots en
passant par le spiritisme, les surréalistes et le cinéma.
Dès l’entrée, l’Homme invisible (une amusante petite vidéo) prépare le visiteur à des rencontres insolites.
Afin que l’expo soit plus qu’une procession de choses belles ou bizarres, il invite à des expériences de
présence :
Regardons la Tête qui regarde (plâtre 1929) d’Alberto Giacometti. L’artiste n’a pas modelé un portrait, mais
a rendu visible l’invisible. Une présence se manifeste.
Voilà une autre rencontre du 3° type : Homo Luminoso, une création de Roseline de Thélin (2015) en fibres
optiques et plexiglas.…une présence tissée d’air et de lumière.
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
se demandait Alphonse de Lamartine (1790 - 1869 ) dans Milly ou la terre natale.
Alors, comment l’esprit vient aux objets ?
Deux chercheurs nous donnent un début de réponse :
En 1944, Fritz Heider (1896 - 1988 ) psycho-sociologue et Marianne Simmel ( 1923 - 2010 ) spécialisée en
neuropsychologie cognitive réussissent une expérience devenue célèbre : des ronds, des triangles, un
rectangle sont projetées sur un écran et animées de mouvements aléatoires. Les cobayes de l’époque
doivent raconter ce qu’ils ont vu. Quasiment tous inventent des histoires et attribuent à ces figures
géométriques des intentions et des sentiments. Dire que le gros rond poursuit le triangle chétif est une
personnification.
Dans L’âme primitive (1927) l’anthropologue Lucien Lévy-Bruel ( 1857 - 1939 ) parle de incroyable porosité
du terme ‘être humain’ chez les peuples premiers. Pour eux, hommes, plantes, roc, animaux sont tous
égaux. Depuis la nuit des temps, l’homme crée des supports afin que des forces mystérieuses puissent se
manifester.
Au Congo, l’accordéon divinatoire (1920 - 195 ) fait parler l’esprit des ancêtres qui - à partir de l’autre monde
- voient des choses que l’homme ne peut pas voir.
Depuis, la modernité s’est infiltrée dans les forêts amazoniennes. Lors d’une Conférence au musée du quai
Branly, l’anthropologue Jean Pierre Chaumiez raconte que de nos jours, les chamanes appellent les esprits
à l’aide de leurs portables imaginaires.
Esprit où est tu ? Dès le 19° siècle, l’Europe se met passionnément à la chasse aux esprits et invente toute
une panoplie d’objets divinatoires, de détecteurs d’aura et d’autres équipements du parfait petit chasseur de
fantômes. En 1877, Thomas Edison ( 1847 - 1931 ) dépose le brevet de son Phonographe, capable
d’enregistrer et reproduire la voix humaine et des sons. Cette personnalité mythique du progrès technique,
consacre les dix dernières années de sa vie à fabriquer le Nécrophone, une machine pour faire parler les
morts … restée inachevée.
Jean-Jaques Lebel, artiste de contre-culture ( né 1936 ) présente en 1962 Radio Momo - sculpture avec
crâne humain qui transmet les pensées d’outre-tombe d’Artaud Mômo( Antonin Artaud 1896 - 1948 poète
visionnaire, auteur de théâtre). Qu’est-ce que Mômo peut bien nous dire ? En 1936 il séjourne en Mexique
chez Les Tarahumaras, mangeurs de peyotl, cactus hallucinogène. Ce rite « mène à l’état où l’âme n’est
plus soumise à rien ».
En 1921 à Prague, l’écrivain tchèque Karel Capek ( 1890 - 1938 ) met en scène un esclave-machine nommé
Robot dans sa pièce de science-fiction R. U. R. (Rossum's Universal Robots). Il s’inspire du mot robota qui
signifie ‘travail pénible’ en tchèque et ‘rob’ esclave en slave ancien.
L’année suivant la pièce est jouée à New York et en 1924 à Paris.
En 1926 l’image inquiétante d’un robot vivant sous les traits de Maria apparaît dans Métropolis le film
expressionniste de Fritz Lang. Beaucoup moins séduisant le robot humanoïde japonais en acier 1931. Les
robots utilitaires du 21° siècle imitent l’apparenc e humaine pour gagner le marché du service à la personne.
Ici intervient la théorie de ‘la vallée de l’étrange’, élaborée dans les années 1970 par Masahiro Mori, un
pionnier de la robotique au Japon : Plus une créature artificielle a forme humaine, plus elle crée de la
curiosité, de l’empathie et de l’attachement. En revanche, dès qu’on dépasse un certain degré de réalisme,
la ressemblance suscite le malaise, même le rejet.
L’expo propose des êtres étrangement humains pour tester leur potentiel d’attraction et de répulsion : une
tête trophée momifié du Pérou, une crâne reliquaire du Congo, des ex-voto turques, un bras vagabond 1973
de Jack Vanarsky et De Doctorandus 2011 de Stan Wannet,
une créature hybride mi-automate mi prothèse qui bascule entre le vivant et l’inerte.
Mais le plus inquiétant est Eye box 2007 oeuvre de Wang Zi Wong ( né 1980, Corée du Sud ). Tout un
attroupement de boîtiers munis d’un oeil unique au centre. Des yeux indiscrets étrangement humains qui
suivent le visiteur du regard. A côté on lit un texte de Nicolas de Cues Le Tableau ou La vision de Dieu
(1453). Pour lui, c’est comme cela que Dieu regarde regarde tous ensemble et chacun en même temps.
On s’arrête en contemplation béate devant Mechanical Avalokitesvara - le Seigneur qui observe depuis le
haut. Wang Zi Wong 2015 a crée ce merveilleux mécanisme entre robotgracieux et sagesse incarnée,
représentant le Bouddha de compassion.
Nous entrons dans le domaine des robots domestiques anthropomorphiques. Ces petits lutins
cybernétiques doivent aujourd'hui savoir plier le linge sortant d'une machine à laver, apporter des plateaurepas ou délivrer des médicaments à l’hôpital.…et plus si affinité.
Depuis 1981, les Japonais peuvent se marier (et ne pas acheter… insiste le fabricant) avec une Love doll,
une poupée de compagnie très réaliste. Dans le petit film tourné lors de la cérémonie, on voit l’heureux
propriétaire-mari couper le traditionnel gâteau avec sa Dulcinée. Il semble aux anges. Le visage lisse de la
poupée d’amour est complètement dénoué de personnalité, une créature-miroir prête à accueillir toutes ses
phantasmes.
Dans l’imagination féconde du cyber-artiste Yann Minh, ( 59 ans ) cela donne la sex-machine immatérielle
NooScaphe-X prototype de dispositif immersif cybersexuel haptique .
Déjà réalité : Le chercheur japonais Higashi Ishiguro s’est dédoublé, il vit avec son jumeau artificiel un robot
clone, le Geminoid.
Berenson, le gentleman robot se promène parfois dans les allées de l’exposition et s’adresse aux visiteurs.
La plupart d’entre eux font comme s’il était une vraie personne. Berenson est conçu ( 2011) dans un
programme de recherche mené en commun par des roboticiens et des anthropologues du labo ETIS Uni de
Cergy-Pontoise.
De quelles créatures voulons-nous nous entourer ? demande l’exposition à la fin du parcours.
La robotique est au centre de profonds changements de société. Les machines sont dotée d’une
l’intelligence artificielle - plus intelligente que l’homme.
D’autres cultures n’ont cessé d’étendre le statut de personne à des choses.
A partir de quels critères une chose devient une personne ?
Nous attribuons des qualités humaines à tout ce que nous aimons : un doudou, un chien, une voiture.et en
prenons soins.
Peut-on former des liens affectifs avec un robot ?

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