Le terme Humanités dérive de l`expression latine studia humanitatis
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Le terme Humanités dérive de l`expression latine studia humanitatis
Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » Humanité : singulier ou pluriel ? Claude G. Meyer Au pluriel Le terme Humanités dérive de l'expression latine studia humanitatis, littéralement étude de l'humanité, l’Humanité avec une grand H qui par une métonymie pernicieuse est prosaïquement ramenée à l’étude des Lettres antiques, de la littérature grecque et latine. Pour ses promoteurs, c’est le chemin qui permet à l'homme de se distinguer de la brute et de s’élever à la véritable dignité de sa nature. Dans l’université médiévale, marquée par l’héritage de Boèce, les Humanités correspondaient plutôt au trivium (grammaire, rhétorique et logique) qu’au quadrivium (arithmétique, astronomie, géométrie et musique). Par la suite, les Humanités ont continué à désigner les disciplines littéraires classiques (latin, grec et littérature ancienne) formation donnée aux « humanistes » de la Renaissance. Il s’agissait à cette époque d’une discipline de l’intelligence plutôt que d’une conception philosophique. L’humaniste était celui qui cultivait son esprit par les langues anciennes, culture qui pouvaient aussi devenir le moteur de la redécouverte des valeurs morales et intellectuelles dont la littérature gréco-latine était porteuse. Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, on appela plus spécialement humanités, dans les collèges classiques, la partie littéraire proprement dite, de la troisième à la classe de terminale de philosophie. C'est dans ce sens que l'on dit encore aujourd'hui « faire ses humanités ». Toutefois, au XIXe siècle, révolution industrielle oblige, l’humanisme prend le sens général de formation de l’esprit humain par la culture littéraire ou scientifique avec pour fin la personne humaine et son épanouissement. Ce qui rejoint une idée développée, entre autres, par Friedrich Nietzsche (Le Crépuscule des idoles ou comment on philosophe avec un marteau1), cette idée que l’homme, du point vue moral, doit s’affranchir de toute croyance religieuse et construire son avenir en se fondant sur les forces humaines. Aujourd’hui, comme le note Michel Zink 2 (2001) « Cet apprentissage par les lettres, cette formation de l’esprit par les lettres, fondés sur la conviction que l’on devient soi-même et que l’on s’arme pour la vie par une confrontation avec les grands textes du passé, et par une confrontation personnelle, en les lisant, en les traduisant, en les comprenant, en les commentant, en les imitant par soi-même, c’est ce qu’on appelait naguère "faire ses humanités". Cette conception de l’éducation a été universellement reconnue comme naturelle et légitime presque jusqu’à nos jours. Mais pas jusqu’à nos jours. Car la deuxième constatation est qu’elle n’existe plus. Je ne dis pas qu’elle est en recul ni qu’elle s’est marginalisée. Elle a disparu ». Elle a disparu à une époque où apparaissent les humanités numériques (humanités digitales) se situant dans la convergence des sciences du numérique et des Sciences Humaines et Sociales. Dans ce domaine des travaux intéressants sont produits, en France, à l’Université de Bordeaux, à l’institut des Humanités Digitales et de l’Institut des Sciences de la Communication au CNRS. Ce qui n’empêche pas Martha Nussbaum3 de se lancer dans un plaidoyer pour une certaine vision de l’éducation et des humanités avec notamment une prise en compte du rôle des émotions, de l’imagination et de la narration. Pour cet auteur, non seulement les humanités doivent être Götzen-Dämmerung oder wie man mit dem Hammer philosophiert. http://www.asmp.fr/travaux/communications/2001/zink.htm 23 Not for Profit. Why Democracy Needs the Humanities, Princeton/Oxford, Princeton University Press, 2010. http://www.asmp.fr/travaux/communications/2001/zink.htm 1 2 3 Not for Profit. Why Democracy Needs the Humanities, Princeton/Oxford, Princeton University Press, 2010. Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » préservées malgré la crise économique et les exigences technologiques accrues mais elles constituent un des éléments de la réponse à cette crise parce que, pour elle, « si les valeurs démocratiques nous tiennent à cœur, alors il nous faut former non seulement de bons techniciens, mais également des hommes et des femmes dotées des capacités critiques et empathiques nécessaires pour bien remplir leur rôle de citoyen même si « knowledge is no guarantee of good behavior, but ignorance is a virtual guarantee of bad behavior » (p. 81). La diversité culturelle croissante et la mondialisation ne font qu’ajouter à la liste de ces exigences : « How do people become capable of respect and democratic equality ? What makes them seek domination ? » (p. 29). Et d’ajouter (p. 95) : « Citizens cannot relate well to the complex world around them by factual knowledge and logic alone ». Quelles sont les capacités qu’il faut développer pour que les individus soient capables de réfléchir adéquatement aux problèmes normatifs complexes qui se posent aux citoyens des démocraties contemporaines ? Par delà les restructurations à marche forcée, les pseudo-ravages des « initiatives d’excellence » et les ravages de l’idéologie gestionnaire dénoncés par Vincent de Gaulejac4, l’enjeu pour les humanités est, comme le remarque Solange Chavel 5, « d’apporter des réponses humanistes à des questions comme : quelle éducation et quelle recherche sont pertinentes pour le XXIe siècle ? Qui voulonsnous former et à quoi ? Quelles qualités d’esprit voulons-nous cultiver ? Quel type de citoyen souhaitons-nous pour maintenir des démocraties ouvertes et des espaces publics vivants ? » Mais on ne peut s’empêcher de penser au livre de George Steiner Le Château de Barbe-Bleue Notes pour une redéfinition de la Culture. Avec cet ouvrage, initialement nommé La Culture contre l'homme, Steiner pose la même question que le conte du tueur de femmes : existe-t-il dans la culture, une porte, qu'il ne faut pas ouvrir ? La dichotomie barbarie/culture sur laquelle nous vivons depuis plusieurs siècles ne fait-elle pas partie des reliefs du grand festin de la Raison célébrée par Les Lumières ? Derrière l'esclavagisme ou le racisme, à l'origine du totalitarisme ou de l'antihumanisme le visage de l'humanité n’avance-t-il pas masqué ? Il semble que les restes de ce festin, l’« ombre des Lumières », l’expression est de George Steiner, ne soient plus que leurres, vidés de leur substance par Auschwitz, le mal absolu. Steiner compose l’éloge funèbre du dessein humaniste. Il rappelle que la ville de Weimar, cette concentration de trésors du génie européen qui, par le passé, accueillit Bach et Liszt et qui abrite les tombes de Goethe et de Schiller se trouve à côté de Buchenwald. L’éloge funèbre du dessein humaniste, c’est l’image du SS mélomane torturant le jour et écoutant Schubert le soir. Pour Steiner, l’homme, la nuit, fait des rêves humides de sang et de haine. Auschwitz est la catastrophe qui incarne la défaite du verbe devenu fou dans sa tentative, jamais achevée, de permettre à l’homme de sortir de l’animalité, d’une animalité perverse parce que l’on n’a jamais vu d’animaux ériger des camps de concentration, parce que rares sont les animaux qui tuent pour le plaisir. Ce rappel symbolique se double d’une réflexion lucide sur une évidence : non seulement la culture n’immunise pas contre les apocalypses barbares rendues plus efficaces par la technique, mais elle serait plutôt parmi les causes de ces malheurs. G. Steiner note que, parmi les origines lointaines de la barbarie contemporaine, préfiguration sinon fondement des tortures des camps de concentration, figure la désacralisation du corps rendue nécessaire par l’investigation scientifique : « c’est chez Sade, et aussi chez Hogarth, que le corps humain, pour la première fois, est soumis méthodiquement aux opérations de l’industrie. Les tortures, les postures grotesques imposées aux victimes de Justine et les Cent vingt journées établissent avec une logique consommée, un modèle de rapports humains, fondé sur la chaîne de montage et le travail aux pièces. Chaque membre, chaque nerf est déchiré ou tordu avec la frénésie impartiale et glacée du piston, du 4 La Société malade de gestion. Idéologie Gestionnaire, Pouvoir Managérial et Harcèlement Social Paris. Ed. du Seuil, 2005. « L’utilité sociale des humanités », La Vie des idées, 14 février 2011. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Lutilite-sociale-des-humanites.html 5 2 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » marteau pneumatique et de la foreuse. Le corps n’est plus qu’un assemblage de parties, toutes remplaçables par des « pièces détachées ». La multiplicité, la simultanéité des outrages sexuels offrent une image minutieuse de la division du travail à l’intérieur de l’usine ». La désacralisation de l’être humain, légitimant ainsi l’habitude, déjà parvenue à un stade avancé, de le traiter comme une chose, c’est la réification que Descartes appelait la liberté d’indifférence. Rappelons-nous des deux derniers vers du poème de Constantin Cavafy6: « Et maintenant qu’allons-nous donc devenir sans Barbares ? Ces gens-là c’était pour nous une sorte de solution. » Au singulier Humanité au singulier, cela fait déjà penser au quotidien fondé en 1904 par Jean Jaurès, leader de la SFIO, quotidien qui est devenu en 1921 après le congrès de Tours, l’organe du PCF. Le journal organise aussi depuis 1930 La Fête de l’humanité au cours du second week-end de septembre. Ce qui n’est sans ambiguïté puisque l’on sait que chez Marx, l’idée de nature humaine, qu’il qualifiait de « totem de la pensée bourgeoise » n’est pas recevable. « Il n’y a pas de nature humaine, il n’y a que des rapports sociaux ». Ce qui pour Marx définit l’homme, c’est le travail. Par le travail l’homme transforme le monde et se transforme lui-même. C’est le milieu qui est déterminant dans ce qu’est un homme et non une supposée nature. Le marxisme dénonce « le mythe de la fatalité génétique ». Ce qui n’empêchera pas, en 1871, Eugène Pottier le parolier de L'Internationale d’utiliser le l’expression genre humain dans le refrain. Les catholiques, de leur côté utilisent le vecteur de l’Homme nouveau pour véhiculer la bonne nouvelle de l'humanité du Verbe, l'incarnation parfaite de la deuxième hypostase trinitaire. C’est la question de la nature humaine qui vient d’être posée. Parler de nature humaine, c’est rappeler que l’homme est un être vivant qui, s’il possède un génome qui lui est propre partage aussi de nombreux caractères avec le monde animal. D'un point de vue biologique, l'espèce humaine est en continuité évolutive avec les autres espèces animales et notamment les grands singes. Pourtant, l’homme se différencie du monde animal et c’est cette différence qui fonde aussi la Nature humaine, c’est-à-dire l'idée que les êtres humains ont en commun certaines caractéristiques propres, des comportements spécifiques qui les différencient des autres espèces animales. Patrimoine génétique, bipédie, néoténie (le fait de naître avec des caractères relativement immatures), usage approprié des mains, langage, pensée, conduite réglée par des normes, historicité, partage d'une rationalité, reconnaissance mutuelle…, il existe de nombreux critères qui permettent d’identifier l'ensemble des individus appartenant à l'espèce humaine (Homo sapiens sapiens) quelles que soient leurs différences, qu'elles soient culturelles, ethniques, religieuses, philosophiques, sexuelles, géographiques…, l'ensemble des êtres humains ainsi identifiés constituant l'humanité. Cette nature humaine invalide l'ethnocentrisme qui essentialise des caractéristiques biologiques, culturelles ou des comportements propres à tel groupe pour refuser le statut d'humain à des individus d'une autre ethnie. Ce qui renvoie en filigrane à la figure du sauvage qui interroge le principe d’altérité. Le mot sauvage vient du latin silva, forêt. Étymologiquement, le sauvage est donc celui qui habite la forêt. Cette étymologie n’est pas fortuite. Lévi-Strauss nous rappelle que, barbare dans l'Antiquité, sauvage dans la modernité participent du même jugement : nier l’humanité de celui qui est différent. « Dans les deux cas, on refuse d'admettre le fait même de la diversité culturelle ; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit »7. Le renvoi à la forêt dans le terme sauvage prive celui-ci de son humanité en connotant l’animal. Le processus est 6 7 En attendant les barbares (1904). C. Lévi-Strauss. Race et Histoire, Unesco, 1952, p. 19. 3 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » identique pour le Barbare, celui qui ne parlant pas grec, est réputé ne pas disposer d’un langage humain. Pendant longtemps, le sauvage est censé marquer la frontière entre l'animalité et l'humanité. La question de l’humanité du sauvage se posait encore au XVIe siècle avec la question de la possession d’une âme. Rappelons-nous la controverse de Valladolid qui, au milieu du XVIe siècle, opposa le dominicain Las Casas défenseur des amérindiens au théologien Sepúlveda qui soutenait la colonisation. L’idée de nature humaine fait elle-même problème car elle signifie étymologiquement « ce qui est donné à la naissance, ce qui est inné ». Et, dans la dichotomie traditionnelle, le naturel s’oppose à l’acquis. Tant l’approche phylogénétique qu’ontogénétique montre que l’on ne naît pas homme mais qu’on le devient dans un cadre culturel et social et en s’inscrivant dans une histoire. L’homme ne descend pas du singe mais du signe. Peut-on encore admettre l’ordre de la nature (constance et universalité) alors que la culture est marquée par le changement et la particularité ? Même s’il possède un substrat biologique identique, un Guarani vivant en Amazonie est différent d’un balinais et si nous devions aujourd’hui rencontrer un contemporain de Platon, serions-nous capables de nous comprendre ? Notons aussi que dans un sens faible, est considéré comme humain parmi les humains celui dont les traits de personnalité ou les actions incarnent les qualités ou les valeurs considérées comme essentielles à l'humain, telles que la bonté, la générosité. Dans un sens proche, l'humanité désigne une prescription proprement comportementale, souvent définie en creux : des actes manquant d'humanité, ou qualifiés d'« inhumains ». Cette question de nature humaine est d’autant plus problématique que l’homme n’a jamais vécu à l’état de nature. S’il est évidemment un mammifère terrestre, il se comporte comme un être culturel, le plus souvent en opposition avec la nature. L’idée de nature est surdéterminée culturellement avec les glissements de sens et des quiproquos constants. Par exemple, les usages sociaux, les manières de penser propres à un groupe, le fameux « habitus » de Pierre Bourdieu sont souvent présentés comme « naturels ». N’entend-t-on pas dire, par exemple, que la nature de l’homme est d’être agressif, orgueilleux, nomade et celle de la femme sensible, douce, sédentaire J. Simone Manon (2008)8 s’interroge « comment démêler ce qu’il y a de naturel, d’originaire et de culturel dans la réalité humaine ? En l’absence d’un tel travail de discernement ne risquonsnous pas de tenir pour naturel et donc en droit universel ce qui ne constitue qu’un particularisme culturel avec les conséquences redoutables d’une telle méprise ? Car si la nature de l’homme se définit par les caractéristiques de telle culture, tous ceux qui ont d’autres traits culturels vont se trouver exclus de l’humanité ». Et Simone Manon d’ajouter « Les enjeux pratiques d’une telle confusion sont immenses car en prétendant dire ce qui fait qu’un homme est un homme de manière universelle et éternelle alors même qu’elle entérine une norme culturelle, la représentation idéologique fonctionne comme une référence normative et comme l’alibi des entreprises de normalisation. On s’autorise d’elle pour exclure comme anormales, toutes les conduites non conformes, autrement dit pour réprimer, discipliner, rééduquer, stigmatiser, emprisonner voire pour justifier un nettoyage ethnique. Dans notre culture subsiste toujours la différence introduite par les Romains entre ce qui fait partie de l’espace du temple (fanum) par rapport à ce qui se trouve autour (profanum). Le domaine profane entoure le sacré qu’une clôture, une frontière, sépare. Dans l’espace profane, critiques et questionnements sont possibles. Dans l’espace sacré, interdits et tabous en gardent la pureté en excluant les questions non appropriées. Avec l’idéologie, le pouvoir doit s’incarner dans le sacré. 8 http://www.philolog.fr/faut-il-se-mefier-de-lidee-de-nature-humaine/ 4 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » En se localisant dans le fanum, l’idéologie se met à l’abri de la critique et contribue grandement à la naturalisation de l’ordre existant ou de l’ordre nouveau. La disparition du sacré dans la société occidentale a-t-il à voir avec la disparation des grandes idéologies ? Faut-il alors renoncer à l’idée d’une nature humaine qui limite et circonscrit à l’avance la sphère de ses possibles variations et admettre que l’homme n’a pas de nature, qu’il est totalement un être de culture ? Jean-Paul Sartre nous dit que chez l’homme « l’existence précède l’essence »9. C’est une réfutation de la nature humaine. « Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait ». S’il suit l’existentialisme, en se libérant de sa nature, l’homme peut vivre, à l’heure de la mondialisation, la multiplicité des cultures dans la liberté. Mais, dans ce cas, l’universalité humaine, l’unité du genre humain sont-ils encore pensables ? Comment rendre compte de la production des cultures et de l’histoire si on ne peut voir en elles l’expression d’une nature ? Dans un monde sans transcendance, dans un monde déserté par le sacré et le religieux (au sens latin de religare, c’est-à-dire relier), dans un monde où la loi divine comme les dix commandements ne régit pas les rapports humains, se pose la question de protéger les hommes des risques liés à un usage non réglé de la liberté, la question de la limitation de puissance sans limite et, par conséquent, celle du surhomme, question que Nietzsche a analysé dans La Volonté de puissance et L'Éternel Retour. De façon plus générale se pose la question de la légitimation des procédures normatives des rapports humains. Et force est de constater un retour en force de l’idée de nature humaine autour de questions comme la conscience, la raison, la personne, le sujet de droit, le respect… Une nature humaine qui ancre la notion de crime contre l'humanité et trouve un écho dans les questions de solidarité intraspécifique : « l’humanitaire ». Une nouvelle figure de l’homme ? Quatre figures de l'homme Dans son ouvrage Notre humanité. D’Aristote aux neurosciences10 Francis Wolff (2010) nous donne à voir quatre figures de l'homme qui, selon lui façonnent notre monde, chacune ayant une ombre positive et une ombre négative, « cognitive et normative, scientifique et morale ». Voyons ces quatre figures en nous écartant parfois du texte de Francis Wolff. La première figure est l'animal rationnel, le zôon logikon d'Aristote (en oubliant le tout aussi important zôon politikon L). C’est celui qui a permis de fonder dès l'Antiquité les sciences naturelles, il a aussi servi à rationaliser la domination des Grecs sur les barbares et, plus tard, la colonisation des Européens sur le monde. Puis vient la seconde figure, celle de l'animal pensant, la res cogitans qui a créé la science moderne, mais qui aussi servilement a suivi l’injonction de Descartes de « se rendre comme maître et possesseur de la nature »11. Descartes est aussi celui qui inaugure la philosophie moderne en instituant la conscience solitaire du cogito12 la primauté d’un sujet assuré de l'existence de sa propre conscience. Ce qui le conduisit à tracer une frontière nette entre l'animal déterminé par la nature et l'homme libre grâce à sa conscience. C'est ainsi que Descartes fonde la nature mécanique de 9 L’existentialisme est un humanisme, Paris, 1996, Gallimard p. 26. Wolff : Notre humanité. D’Aristote aux neurosciences, Paris, Fayard, 2010. 11 C’est dans la sixième partie du Discours de la méthode : « [...] au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » 12Vocable latin signifiant « je pense » qui désigne, depuis Descartes le sujet connaissant et plus généralement, dans la philosophie moderne, la subjectivité humaine. 10Francis 5 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » l’animal qu’il considère comme res extensa, substance 13 étendue dont l’étude renvoie à la mécanique. Sur ce point aussi, la pensée de Descartes est en rupture complète avec l’esprit de la Renaissance qui voyait la Nature comme un organisme vivant doué d'une âme. Au Moyen-âge, tout membre de la faune pouvait faire l’objet de poursuites. Il pouvait être animal-objet ou animalhumanisé. Il ne semblait pas y avoir d’objection à traiter l’animal comme une chose et à le considérer aussi comme un homme dans la mesure où certains humains, notamment les prisonniers, pouvaient être réifiés et traités eux-mêmes comme des choses. Ce statut d’animalhumanisé se poursuit à la Renaissance. Au milieu du XVIe siècle, l’évêque d’Autun a souhaité excommunier des rats parce qu’ils transmettaient la peste. Ils ne furent sauvés que par la brillante plaidoirie de leur défenseur, Barthélémy Chassaneux. Les procès d’animaux se poursuivirent jusqu’au début du XVIIIe siècle. Notons que, aujourd’hui, de nombreuses religions intègrent les animaux et les humains dans l'univers, sans rupture de continuité, tous les êtres étant dotés d'une même âme, d'un même principe vital. Il n’y a pas de séparation de nature mais une différence de degré14. Ce qui est renforcé par la réincarnation selon la tradition hindoue. Le XVIIe siècle, c’est aussi le passage définitif du « monde clos » de la cosmologie aristotélicienne à l’« univers infini » d'Isaac Newton avec une représentation du monde complètement nouvelle que Blaise Pascal résume merveilleusement avec sa phrase célébrissime « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie », exprimant ainsi l’expression de l'angoisse métaphysique de l'homme, saisi de vertige et de frayeur à l'idée de l'infini du temps et de l'espace. Alexandre Koyré15 décrit méticuleusement l'apparition de la science moderne et le changement qui s'est produit dans la perception du monde durant la période qui s’étale du XVe siècle au XVIIe siècle. Newton invite ses contemporains à voir dans la Nature les rouages d’une machinerie cosmique aveugle, sans intelligence, mais régie seulement par les lois que la science découvre. Ce qu’Angelus Silesius16 exprime de façon plus poétique : « La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit, elle ne se soucie pas d'elle-même, elle ne se demande pas si on la voit ». La troisième figure est celle de l'animal symbolique (celui d’Ernst Cassirer) célébré par les Sciences Humaines et Sociales, celui qui a mis à jour les structures aveugles qui l'assujettissent dans l'économie, le langage17, l'inconscient, mais c’est aussi celui qui a procuré aux régimes totalitaires les outils de propagande pour la domination des peuples. La quatrième figure est celle de l’homme neuronal18 qui serait tout entier défini par son cerveau mais qui serait aussi en voie de « re-naturalisation », une re-naturalisation qui s’inscrit dans un courant qui tend aujourd’hui à assimiler l’homme à un « animal comme les autres », dépouillé de tous les « propres » que la tradition lui avait reconnu même si elle s’appuyait sur des dichotomies parfois triviales nature/culture, déterminisme/liberté, animalité/humanité. C’est un nouveau paradigme naturaliste à la mode aujourd’hui qui rejette l’idée d’espèce au profit de celle de population et tend à effacer la frontière séparant l’homme de l’animal et en l’homme celle qui séparait le physique du mental, le mental du social ainsi que celle qui distinguait le naturel et l’artificiel. Ce paradigme s’appuie sur des recherches en éthologie cognitive à propos des représentations animales, je pense en particulier aux travaux de Jacques Vauclair à l’université de Provence, des travaux en 13 Dans la philosophie du XVIIe siècle, ce terme désigne ce qui existe en soi, ce qui n’a pas besoin d’autre chose pour exister. Alors que les qualités n’existent que si elles se rapportent à une substance. Sur la question de l’animal voir la lettre de Descartes au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646. 14 Point de vue très darwinien ! 15 Du Monde clos à l’univers infini, trad. Raïssa Tarr, Paris, Gallimard, 2003. 16 Dans Le Livre 1 du Pèlerin chérubinique (Cherubinischer Wandersmann), Paris, Aubier, 1946. 17 Les Mots et les choses de Michel Foucault par exemple ou bien encore du même auteur Surveiller et punir. 18 Expression éponyme du livre de Jean-Pierre Changeux paru en 1983. 6 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » philosophie de l’esprit comme l’ouvrage de Joëlle Proust au titre iconoclaste19, en neurosciences, en paléoanthropologie comme les travaux de Pascal Picq au Collège de France… avec des questions telles que : peut-on trouver les prémisses d’une théorie de l’esprit chez l’animal ? Où situer la frontière entre l’animal et l’homme ? La culture humaine est-elle spécifique ou doit-elle se penser en continuité avec les sociétés animales ? Peut-on postuler une spécificité de la culture symbolique humaine ? Etc. L’homme numérique On peut regretter que Francis Wolff n’ait pas pris en compte une cinquième figure, celui de L’Homme-Machine dont traite Julien Offray de La Mettrie dans son livre éponyme (1747). Dans les dernières pages de celui-ci, La Mettrie tient des propos que Jean-Pierre Changeux ne démentirait pas aujourd’hui : « concluons hardiment que l’homme est une machine et qu’il n’y a dans tout l’univers qu’une seule substance diversement modifiée ». C’est donc une naturalisation de l’esprit qu’il nous propose dans un cadre matérialiste. Il initie ainsi une entreprise qui s’étalera sur plusieurs siècles puisque cet « Homme-Machine », vidé de sa substance métaphysique, entièrement accessible à l’analyse, servira encore de modèle au XXe siècle pour les Sciences Cognitives et pour l’Intelligence Artificielle Symbolique, dans cette vaste tentative d’incorporation du monde à l’intérieur d’un ordinateur. Et Francis Wolff, manifestement n’a pas pris la mesure de la numérisation du monde20 et l’émergence de l’Homme numérique de Nicholas Negroponte21. En 1995, celui-ci, professeur au MIT, fondateur du Media Lab et du magasine Wired publiait L’Homme numérique, ouvrage qui connut un succès mondial en prenant acte de la mutation anthropologique induite par l’usage social et économique de l'ordinateur, mutation qui a aujourd’hui abouti à la numérisation du monde, c’est-à-dire à la représentation de nombreux objets symboliques sous forme de bits pouvant être traités par un dispositif informatique ou d'électronique numérique. Bien qu’informaticien, l’auteur avait compris que des technologies comme le courrier électronique ou les forums de discussion donneraient naissance à de nouvelles formes d’organisation sociale et de nouvelles pratiques de communication et, par conséquent de nouvelles formes de sociabilités. Il montrait aussi que le numérique engendrerait de nouvelles méthodes d’apprentissage, non plus fondées sur la seule acquisition de connaissances, mais sur l’expérimentation exploitant le prodigieux pouvoir de simulation de ces machines. Prenant des accents prophétiques dans un propos plus spéculatif, l’auteur évoquait aussi les technologies du futur comme les médias portables de plus en plus compacts et intégrés, les environnements intelligents, les robots ménagers, l’interconnexion des appareils électroniques, ce qu’aujourd’hui nous appelons l’internet des objets, les voitures intelligentes dotées notamment de GPS, d’appareils capables d’expliquer leur fonctionnement, de vêtements numériques, etc. Il s’interrogeait aussi sur le viol de la propriété intellectuelle, l’invasion de l’intimité, la disparition de nombreux emplois dus à la prolifération des systèmes automatisés.... Ce monde du futur que nous décrivait Nicholas Negroponte voici presque vingt ans, nous y sommes. Si l’on admet avec Ernst Cassirer que l’homme est un animal symbolique, que ce qui fonde l’humanité, c’est sa capacité à utiliser des symboles, alors cette numérisation ne peut nous laisser indifférent parce qu’elle s’immisce au cœur même de l’humain, dans son identité et dans sa nature la plus intime. Cela est d’autant plus important que l’homme numérique, Homo numéricus, n’est plus tant un personnage conceptuel qu’un être semi-fictif en train d’accéder au statut d’individu historique. Il 19 Comment l'esprit vient aux bêtes - essai sur les représentations, Gallimard, 1997. 20 On peut, à ce sujet, écouter avec beaucoup d’intérêt la conférence inaugurale de Gérard Berry au Collège de France sur un livre audio MP3 : http://devivevoix.com/sciences/la-numerisation-du-monde-gerard-berry. 21 Nicholas Negroponte. L’Homme numérique, Paris, Laffont, 1995. 7 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » habite une partie de son temps dans le cyberspace (contraction des termes Cybernétique et Espace), un univers d’information et un milieu de communication constitué par l’interconnexion mondiale des ordinateurs que William Gibson décrivait déjà en 1984 dans son roman Neuromancien. Aujourd’hui, ce n’est plus de la science-fiction. Plus du quart de la population mondiale est connecté à Internet, l’un des outils de communication dont la pénétration a connu la progression la plus rapide de l’histoire. Il s’est diffusé vingt fois plus vite que le téléphone, dix fois plus que la radio, trois fois plus que la télévision. l’apparition d’Homo numericus coïncide, sans doute pas fortuitement, avec une nouvelle époque géologique du quaternaire qui succède à l'Holocène : l’Anthropocène22 que certains appellent aussi le poubéllien supérieur qui voit consacrer les activités anthropiques comme agent géophysique majeur. À l’Anthropocène, l’homme a plus que réalisé l’injonction de Descartes de se rendre « comme maître et possesseur de la nature ». Il faut dire qu’avec la modernité, la nature n’est plus considérée comme un ordre, ayant son organisation et sa signification propres, dans lequel l’homme tient la place que Dieu lui a assignée, elle n’est qu'un objet à « civiliser ». Devenue étrangère à la sphère des activités humaines, la Nature est livrée aux aménageurs de tous poils, elle est positionnée comme simple pourvoyeuse des moyens nécessaires à la mise en œuvre des actions humaines. Elle n’est plus qu’un décor, juridiquement appropriable et techniquement exploitable. Notre représentation moderne introduit dans notre relation à la Nature un désenchantement complet. Le monde enchanté des mythes et des religions s’est effondré. Fini le monde magique des elfes et des trolls que l’on ne retrouve plus que dans les jeux de rôles. À la fin du XVIIIe siècle, Johann Wolfgang von Goethe pouvait encore écrire son Erlkönig23, le roi des aulnes. Ainsi la deuxième strophe : Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht ? – Siehst Vater, du den Erlkönig nicht ! Den Erlenkönig mit Kron’ und Schweif ? – Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif… Qui oserait encore écrire un tel poème ? Le merveilleux a quitté la poésie pour le gaming. L’une des caractéristiques spécifiques d’Homo numericus, c’est son exocerveau et avec celui-ci, l’externalisation des fonctions cognitives donnant corps à la vision prémonitoire de LeroiGourhan24. Homo numericus passe beaucoup de temps devant son écran conceptuel (au sens où G. Deleuze parle de personnage conceptuel) qui est constitué de cette multitude d’écrans qu’ils soient de télévision, de vidéo, d’ordinateurs, de Smartphones, de tablettes, des écrans qu’il consulte en permanence que ce soit au bureau, dans la rue, dans les transports ou bien au restaurant. Il leur confie sa mémoire et ces machines deviennent de plus en plus des « Digital Live Assistant ». Michel Serres aime à dire que, comme Saint-Denis, Homo numericus a sa tête devant lui. Cette mémoire, Homo numericus la confie, non plus à la seule écriture comme du temps de sapiens, mais à des machines qui se métissent, qui s’hybrident : le téléphone devient télévision et la montre téléphone et organizer. La « social TV » vise à donner une dimension audiovisuelle aux médias sociaux et une dimension sociale aux médias audiovisuels. C’est un monde dans lequel Homo numéricus se comporte de façon addictive, devenu le terminal d’une toile d’araignée mondiale. L’un des comportements typiques d’Homo numericus n’est-il pas de toucher l’écran de 22 Le terme a été popularisé par Paul J. Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, professeur honoraire à l’Institut Max Planck, à Mayence. Voir à ce sujet : La géologie de l’humanité : l’Anthropocène http://www.cairn.info. 23 Mon fils, pourquoi cette peur, pourquoi te cacher ainsi le visage ? Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes, Le roi des Aulnes, avec sa couronne et ses longs cheveux ? — Mon fils, c'est un brouillard qui traîne… 24 À la fin de son ouvrage Le Geste et la Parole - Technique et Langage, il disait « L’étape actuelle est marquée à la fois par l’intégration audiovisuelle qui inaugure une expression où l’interprétation individuelle perd une grande partie de ses possibilités et par la séparation sociale des fonctions de création des symboles et de réception des images. Ici encore l’échange entre technique et langage apparaît avec netteté. L’outil quitte précocement la main humaine pour donner naissance à la machine : en dernière étape, parole et vision subissent, grâce au développement des techniques un processus identique. Le langage qui avait quitté l’homme dans les œuvres de sa main par l’art et l’écriture marque son ultime séparation en confiant à la cire, à la pellicule, à la bande magnétique les fonctions intimes de la phonation et de la vision ». 8 Claude Meyer-Quelques éléments de réflexion pour « La Maison des humanités » son Smartphone, de tapoter sur sa tablette, d’appuyer sur des boutons de son ordinateur ? L’expérience virtuelle remplace de plus en plus l’expérience réelle. Ce qui permet des manières inédites de créer ou de faire circuler des contenus et des formes de sociabilité originales parce qu’un homme nouveau habite ce cyberspace et que l’arpenteur universel en est Google. Mais, avec Google, ce n’est pas que le moteur de recherche le plus performant qui a surclassé Altavista ou Kartoo, c’est aussi le début du marketing « personnalisé » toujours à l'affût de plus d'informations sur les pratiques et les relations des consommateurs, croisant les informations du moteur proprement dit, de G. mail et des autres services proposés par la société de Mountain View. Dans ce monde, l'image devient un moyen universel de représenter et de diffuser des connaissances, non seulement des connaissances populaires mais aussi des connaissances scientifiques de toutes natures. L’image devient expérience du monde et Homo numéricus est une homme augmenté, c’est-à-dire que ses capacités humaines sont augmentées en dehors de son évolution biologique naturelle par des techniques comme la réalité augmentée mais aussi par des démarches de réparation, de transformation et d’augmentation. Homo numéricus annonce-t-il la proximité de la singularité25 ? En finir avec la nature humaine : le post-humain La grande convergence des NBIC (Nanotechnologies, Biologie moléculaire, Informatique et Cognition) annonce-t-elle une époque où l’être humain sera tellement augmenté, modifié réparé qu’il ne souffrira plus de handicap, de maladie, de vieillissement et, surtout qu’il sera devenu plus intelligent ? C’est ce que prédisent les penseurs de la nébuleuse transhumaniste qui voient l’homme du futur doté par la technologie de capacités telles qu'ils mériteraient l'étiquette de « posthumains ». Certains de ces penseurs comme Raymond Kurzweil ont une foi presque naïve dans la technologie. Ils estiment l’arrivée de la singularité et le changement de nature de l’homme à une cinquantaine d’années. D’autres, comme le suédois Nick Bostrom, fondateur de Humanity+ et directeur de l’Institut pour le Futur de l'Humanité de l'université d'Oxford mettent en garde contre les dangers inhérents à une accélération brutale du progrès technologique et insistent sur le risque existentiel lié à la préservation de la santé future de l'humanité. A « good story », à l’heure du « storytelling », c’est ce qu’il nous faudrait pour terminer cette petite réflexion. J’ai une histoire, mais elle n’est pas bonne. Elle est même de l’aveu de Jacques Sadoul une histoire d'une poignante beauté, un récit humain et désespéré. De quoi s’agit-il ? De l’ouvrage de Daniel Keyes Flowers for Algernon. C’est l’histoire de Charlie Gordon, un jeune arriéré mental qui subit une opération du cerveau qui doit lui permettre de démultiplier ses facultés mentales, l'intervention ayant réussi avec une souris de laboratoire dénommée Algernon. Après son opération, Charlie Gordon devenu très intelligent progresse rapidement, accumule de nombreuses connaissances. Malheureusement, la souris Algernon donne des signes inquiétants de dégénérescence cérébrale et finit par mourir. Charlie, qui sait fort bien que son sort est lié à celui d'Algernon, comprend qu'il va lui aussi régresser et s'empresse alors de reprendre tous les travaux scientifiques qui ont permis « le miracle » afin de trouver les erreurs permettant d'expliquer l'origine de cette dégénérescence et d’y remédier. Le temps lui manque et Charlie, suivant Algernon, sombre lentement mais inexorablement, dans la débilité mentale de ses débuts. Il vivra à l'asile tant redouté depuis sa plus jeune enfance. Pourquoi raconter cette histoire ? Parce qu’elle peut, peut-être, servir de métaphore au devenir de l’humanité devenue post-humaine. 25 La singularité technologique désigne un point hypothétique dans notre futur, à partir duquel nous atteindront un niveau de croissance technologique d’un ordre supérieur. 9