Faut-il se maquilleR pour réussir - Clarence Edgard-Rosa

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Faut-il se maquilleR pour réussir - Clarence Edgard-Rosa
21 août 2o15
info
p o l é m i q u e
« Makeup tax ». C’est le nom donné par
essaient au contraire de neutraliser leur
la journaliste américaine Olga Khazan à
apparence pour parer le désavantage
l’inégalité due aux cosmétiques. Dans un
qu’elles ont d’être une femme dans leur
article du journal « The Atlantic », elle commilieu professionnel. »
pile une série d’études qui a de quoi filer
le bourdon. Dans une société qui attend
Une autre étude, commandée par la mar­
La question peut sembler
des femmes qu’elles soient féminines, notre
que de cosmétiques Procter & Gamble,
futile. Pourtant, elle
look affecte notre fiche de paie : celles
révèle qu’au travail les femmes sont jugées
est sérieuse : les femmes
qui se maquillent réussissent mieux profesplus compétentes quand elles sont maquil­
maquillées gagneraient
sionnellement que les autres. Cette course
lées. Mais sans excès ! Trop maquillées,
mieux leur vie que
à la féminité coûte cher : nous dépensons
elles paraissent moins fiables. « Rappelonsles
autres. Vraiment ?
en moyenne 15 000 $ (13 500 €) de pronous les ateliers de relooking de Pôle
par clarence edgard-rosa
duits cosmétiques dans une vie. Dans un
Emploi : il y a toujours un besoin de dire aux
débat lancé sur Facebook par l’équipe de
femmes qu’une partie de leurs compéHillary Clinton, une jeune femme a évoqué la contrainte et le temps tences repose sur leur apparence physique », commente Mona
passé pour se refaire une beauté tous les matins… L’ex-secrétaire Chollet, auteure de l’essai « Beauté Fatale » (2). Certaines féministes
d’Etat a répondu sur cet impératif d’apparence soignée : « Amen, américaines suggèrent de boycotter le maquillage au travail, pour
ma sœur. Vous prêchez une convaincue. C’est un défi quotidien. » renverser la tendance. Une solution vaine ? Pas tant que ça, pour
Mona Chollet, qui estime qu’il suffit parfois qu’une personne trans« L’apparence physique des femmes au travail a toujours été gresse la règle pour que l’on se rende compte que, finalement, ce
le terrain de compromis, note Christine Bard, historienne du fémi- n’est pas si grave. « Mais sans maquillage, l’injonction à être
nisme (1). Au début du XXe siècle, le travail des femmes est accusé jolie peut être encore plus puissante, comme pour la tendance
de tous les maux, notamment de leur faire perdre leur féminité. » des selfies no makeup, où le fond de teint est remplacé par quinze
Dans les années 60 se développe l’idée d’une féminité pro- filtres Instagram. » n
fessionnelle : une sorte de code de présentation féminine mais (1) « Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances »,
pas trop. « Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de règle. Certaines (éd. Autrement, 2010).
femmes sont au travail comme elles sont en dehors, d’autres (2) Ed. Zones/La Découverte, 2012.
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E L L E .FR
carmen kemmink
faut- il se
maquiller
pour
réussir ?

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