(OTT) sur le secteur des télécommunications en Afrique.

Enjeux et impacts des « Over-The-Top »
(OTT) sur le secteur des télécommunications
en Afrique.
L’arrivée des Over the Top (OTT) crée de nombreux challenges pour les opérateurs
télécoms en Afrique en cannibalisant les revenus voix et SMS et en accroissant le
trafic vidéo sur les réseaux 3G/4G, au moment où les opérateurs télécom doivent
investir dans les infrastructures. Dans ce contexte, les acteurs (opérateurs télécom,
états, régulateurs et OTT) font face à plusieurs questions traitées dans ce document :
•
Quelle est l’ampleur de la menace OTT pour les opérateurs télécom africains ?
• Comment les régulateurs abordent la régulation des OTT sur les autres
continents ?
•
Quels leviers peuvent activer les opérateurs pour protéger leurs revenus et leurs
marges ?
•
Comment les relations OTT / opérateurs devraient évoluer en Afrique ?
•
Que doivent faire les Etats et régulateurs Africains pour favoriser l’indispensable
effort d’investissement dans les réseaux 3G/4G et Fibre Optique ?
Success for what's next
Les OTT, un segment croissant qui bouscule les opérateurs
télécoms.
L’engouement pour les services Over-The-Top
(OTT) a donné naissance à des groupes qui, parfois,
surpassent les opérateurs télécoms historiques. Les
OTT regroupent à la fois des acteurs des services
de communication, (WhatsApp, Skype ou Viber), de
l’audio et de la vidéo (Netflix, Deezer, YouTube)
Si leur arrivée en Afrique est selon nous inéluctable,
ils posent des challenges aux opérateurs télécoms
et aux autorités et régulateurs, à l’heure où les
opérateurs africains doivent investir dans les réseaux
3G, 4G et fibre optique et gérer une transition de
leur modèle de revenu de la voix vers les services de
données.
Si les régulateurs peuvent être tentés de bloquer
ou de limiter ces services, nous pensons que ces
mesures ne pourront être que transitoires et que
les régulateurs devront trouver d’autres mesures
d’accompagnement des opérateurs telecom (par
exemple réduction de certaines taxes, allègements
fiscaux, …). Les relations entre opérateurs et OTT, qui
sont également des investisseurs en infrastructures,
deviendront progressivement moins conflictuelles
et plus partenariales, mouvement que l’on observe
aujourd’hui dans les pays avancés, lorsque les
opérateurs auront migré leurs modèles de revenus
vers la data.
OTT ET «INTERNET PLAYERS»
Stricto sensu, la plupart des services Internet sont
des services Over-The-Top (OTT), c’est-à-dire
utilisant les réseaux des opérateurs télécoms et
apportant de la valeur aux utilisateurs, mais sans
que les opérateurs télécoms ne soient impliqués
dans le développement, la vente ou la fourniture de
ces services aux clients, et par conséquent, sans que
les opérateurs télécoms ne tirent aucun revenu de
ces services. Potentiellement, il s’agit donc de tous
les Internet Players tels que présentés sur le schéma
ci-dessous. Nous retenons une définition plus limitée
des services Over-The-Top (OTT) comme étant ceux
qui ont un impact significatif sur l’économie des
opérateurs télécoms :
•
Les services de communication sur IP (Internet
Protocol) comme la voix sur IP, les messages
instantanés (fournis par exemple par Skype,
Viber, Whats’App, facebook) ; ces services
viennent directement « concurrencer » les
services des opérateurs télécoms de voix, SMS,
MMS, etc.
• Les services d’audio et de vidéo, qui pèsent
fortement sur les volumes de données
transportées sur les réseaux – ce qui nécessite
des investissements en infrastructure de la
part des opérateurs télécom à la hauteur de la
spectaculaire croissance du trafic de données
liée à la vidéo.
OTT ET INTERNET PLAYERS
INTERNET PLAYERS
2
OVER-THE-TOP
PORTAIL INTERNET
MARCHAND
INTERMÉDIAIRE
AUDIO/VIDÉO
COMMUNICATION
Google
Jumia
Airbnb
Netflix
Telegram
Yahoo!
Amazon
Tripadvisor
YouTube
Whatsapp
Bing
Zando
Uber
Vimeo
KakaoTalk
Yandex
Konga
Freelancer
Deezer
Viber
Baidu
Takealot
Booking
Dailymotion
Messenger
Cdiscount
BlaBlaCar
Spotify
Wechat
Tisu
Skype
Alibaba
Tencent
| ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE
Des volumes d’utilisateurs colossaux
Les acteurs de ces services OTT sont les groupes
Internet américains dits « GAFA » : (Google, Apple,
Facebook et Amazon), mais aussi des acteurs venus
de tous les continents, comme le chinois Youku,
l’israélien Viber, le français Daily Motion.
S’agissant du paysage audiovisuel, le site web
d’hébergement de vidéos Youtube (appartenant à
Google) peut aujourd’hui compter sur son milliard
de visiteurs pour garder son statut de leader
indiscutable. Second sur le podium mondial des
OTT audiovisuels, le site Youku compte plus de 256
millions de visiteurs et d’abonnés, faisant de lui la
principale plateforme de vidéo en ligne chinoise.
WhatsApp arrive grand gagnant des OTT
communication avec ses 990 millions d’utilisateurs,
suivi par l’application de sa maison mère, Facebook
Messenger (800 millions d’utilisateurs), ainsi que
l’Israélien Viber (610 millions).
Usage des services OTT
NOMBRE DE VISITEURS / UTILISATEURS / ABONNÉS
OTT Communication
WHATSAPP
(FACEBOOK) (USA)
FACEBOOK MES.
(USA)
900
WECHAT
(CHINA)
600
800
LINE
(JAPON)
560
millions
millions
610
VIBER
(ISRAEL)
millions
millions
millions
300
SKYPE
(USA)
millions
OTT Audiovisuels
SERVICES VIDÉOS
YOUTUBE (USA)
1
milliard
YOUKU (CHINA)
256
millions
VINE (USA)
200
millions
SERVICES AUDIOS
NETFLIX (USA)
65
millions
AMAZON (CHINA)
15-40
millions
SIRIUS XM (USA)
23
millions
SPOTIFY (SWEDEN)
20
millions
APPLE MUSIC (USA)
11
millions
DEEZER (FRANCE)
6
millions
HULU (USA)
9
millions
*données à mai 2016
ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE
|
3
concurrencent directement les services de voix
et SMS des opérateurs, mais offrent également
de nouvelles fonctionnalités (accessibilité
sur différents terminaux, expérience client
simplifiée, rapidité des échanges de messages,
communication enrichie intégrant voix, message,
photo et vidéo de façon fluide et simple).
Les services OTT touchent plus du tiers de la
population mondiale et sont en forte croissance,
grâce à plusieurs avantages par rapport aux services
des opérateurs télécom :
• L'absence de frontière : Les OTT peuvent
facilement déployer leurs services sur plusieurs
pays, alors que, par construction, les opérateurs
telecom sont définis par le pays sur lequel ils
opèrent.
•
• Le multi-device : Les services OTT peuvent
également facilement être fournis sur ordinateur,
smartphone et tablette via les Apps , alors que les
services des opérateurs mobiles, comme le SMS
et MMS, ont été « construits » pour fonctionner
sur mobile uniquement.
•
Le prix …. Et des fonctionnalités plus riches :
Les services gratuits de communication des OTT
Le paradoxe suprême étant que la qualité des
communications voix est souvent meilleure
via un service OTT que la voix tarifée sur les
réseaux 2G des opérateurs télécoms. A la fin
des années 2010, il est donc possible d’avoir
des communications voix gratuites en son haute
définition sur Viber ou Skype et de payer très
cher la même conversation internationale avec
un son presque inaudible et régulièrement
coupé sur un réseau 2G… Le challenge est donc
loin d’être uniquement tarifaire.
PAYS D'ORIGINE DES PRINCIPAUX SERVICES OTT
OSN |
myHD
cinemoz
4
| ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE
LES OTT OFFRENT DES PERSPECTIVES
JUGÉES CONVAINQUANTES PAR LES
MARCHES
UN
CONTEXTE
RÉGLEMENTAIRE
FAVORABLE AUX OTT MAIS CONTRASTÉ
SELON LES RÉGIONS
Croissance
élevées
capitalisations
Déséquilibre de la régulation entre OTT et
opérateurs télécoms
Les business models des OTT convainquent les
investisseurs: les capitalisations des plus grands
acteurs internet dépassent nettement celles des
opérateurs télécoms. Alors que les valeurs boursières
des deux plus grands opérateurs mondiaux, China
Mobile et Verizon, s’établissent respectivement à
250 et 174 milliards de dollars*, Apple culmine à 630
milliards de dollars et Google à 440 milliards (Oct.
2015*)
Les OTT se differencient des opérateurs non
seulement par leur business model (investissements
limités, peu d’employés, croissance forte, empreinte
mondiale, …) mais aussi par la façon dont ils ont été
traités sur le plan de la régulation et de la fiscalité.
Ils ont bénéficié jusqu’ici d’une régulation limitée
ou inexistante, alors que les opérateurs télécoms
sont de leur côté fortement régulés. Par ailleurs, ils
sont capables de mener des optimisations fiscales
à l’international en bénéficiant de la concurrence
fiscale à laquelle se livrent les Etats. Ces différences
sont reprises sur le schéma ci-dessous.
dynamique
et
Des capitalisations qui dépassent nettement
celles des opérateurs télécom (octobre 2015)
OPÉRATEURS TELECOM (BN$)
China mobile
250
Verizon
174
AT&T
170
NTT DoCoMo
150
Vodafone
85
Deutsche Telekom
77
America Movil
56
Telefonica
55
Orange
40
Telecom Italia
20
Déséquilibre des modèles économiques
INDUSTRIE TÉLÉCOM
TECH & INTERNET (BN$)
Apple
630
Google
440
Facebook
260
Amazon
250
Alibaba
232
Priceline
Netflix
64
45
Ebay
31
Yahoo
29
LinkedIn
25
Twitter
18
Néanmoins, les États et les Régulateurs s’intéressent
de plus en plus aux OTT et remettent en cause
les conditions avantageuses dont ils bénéficient,
que cela concerne l’optimisation de leur fiscalité,
leur position dominante sur certains marchés, la
sécurité des données, leurs obligations en matière
de contribution à la sécurité des Etats dans le
contexte de renforcement du terrorisme mondial, ou
la problématique de la libre circulation des données
sur les réseaux des opérateurs télécom (« neutralité
du net »).
•
•
•
•
•
•
•
Industrie fortement régulée
Fiscalité nationale
Croissance en ralentissement ou limitée
Industrie fortement capitalistique
Grand nombre d’emplois
En conversion vers l’IP
Business models traditionnels
OTT
•
•
•
•
•
•
•
Régulation limitée ou inexistante
Optimisation fiscale internationale
Croissance rapide
Investissements limités
Nombre d’emplois limité
Basé sur l’IP
Business models disruptifs (gratuit,
freemium,etc.)
ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE |
5
Le principe de la neutralité du net, réaffirmé
aux Etats-Unis et en Europe, est favorable aux
OTT
sont soumis à l’obligation de transparence quant
à la gestion du trafic internet, le suivi des plaintes
utilisateurs étant d’ailleurs assuré par la FCC.
Aux Etats-Unis, la Federal Communications
Commission
(FCC),
le
régulateur
des
communications, a récemment réaffirmé des
principes de neutralité concernant les services,
les applications et les contenus légaux, avec trois
obligations qui s’imposent aux opérateurs télécom
sur le contenu internet, en ligne avec les principes
de liberté inscrits dans la Constitution américaine :
En Europe, le Parlement Européen a voté la loi du
27 octobre 2015, confirmant les principes de la
neutralité du net, similaires à ceux appliqués aux
USA. Le Parlement Européen autorise cependant
des exceptions qui sont considérées plus favorables
aux opérateurs télécom. Les pratiques dites de Zero
Rating seraient autorisées. Ces pratiques consistent
à ne pas décompter dans des offres de volume
de données le trafic réalisé sur certains sites : par
exemple, vous disposez d’1 GO de données pendant
un mois pour 10 euros mais vous avez également
le droit d’aller sur Facebook de façon illimitée .
Des Fastlanes seraient autorisées pour permettre
certains services qui ne peuvent pas fonctionner
sans cette priorisation, comme les services de
télévision sur IP à très haute définition ou les services
de visioconférence.
No blocking
Les Fournisseurs d’Accès Internet ou FAI, ne
peuvent interdire l’accès en ligne à du contenu,
des applications ou des services légaux ; évitant
ainsi toute action de censure ou de discrimination à
l’encontre de sites ou de services précis.
No throttling
Les FAI ne peuvent délibérément proposer des
offres différentes aux sites et ralentir ou accélérer
intentionnellement le chargement de leurs données.
Objectif : éviter l’instauration et le développement
d’un Internet à deux vitesses.
No paid prioritization
Désormais, il est interdit aux fournisseurs de services
Internet de facturer un surplus aux sites souhaitant
accélérer l’accès à leurs contenus.
Puisque le Net est perçu comme un « bien d’utilité
publique », les FAI américains - Verizon, AT&T,
6
L’attitude des régulateurs demeure plus restrictive
dans certains pays d’Afrique, du Moyen-Orient et
d’Asie, où les services OTT sont parfois interdits.
Au Maroc début 2016, l'Agence Nationale de la
Régulation des Telecom a considéré que les services
de voix sur IP fournis par les OTT entraient dans le
champ des services de téléphonie dont l’exploitation
est soumise à des licences, et a demandé aux
opérateurs de « bloquer » ces services OTT,
déclenchant une importante polémique avec le
public et la jeunesse marocaine en particulier.
| ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE
LES OTT A LA CONQUETE DE L’AFRIQUE
Les OTT se développent en Afrique portés
par la pénétration des smartphones et le
déploiement des réseaux 3G/4G.
Le développement en Afrique des OTT internationaux
reste moindre que sur les autres continents.
L’Afrique restant pour eux le principal gisement
de croissance future, ils investissent l’ensemble du
continent Africain en direct (Facebook et Netflix
ouvrent des bureaux en Afrique du Sud, 2015) ou en
partenariat avec les opérateurs télécom : Naspers
avec Vodacom (Afrique du Sud, 2015), WhatsApp
avec Airtel (Nigeria, 2014 par exemple). L’Afrique du
Sud est le point d’entrée privilégié des OTT anglosaxons, du fait de sa culture anglosaxonne et de sa
plus forte maturité (réseaux télécoms développés
et PIB par habitant plus élevé) mais l’ensemble des
pays sont ciblés.
Des acteurs OTT africains émergent et se développent
à travers le continent depuis 2010, notamment :
•
Les OTT communication :
•
•
•
•
2go (Afrique du Sud, 2007)
Saya (Ghana, 2011),
HowFar (Nigeria, 2014), …
Les OTT audiovisuels :
•
•
•
•
•
Veesion TV (Namibie, 2014),
ShowMax (Naspers, Afrique du Sud 2015),
FrontRow (MTN, Afrique du Sud 2015),
AfroStream
Iroko (Nigeria, UK)
Les OTT se développent en Afrique portés par la pénétration des smartphones et le
déploiement de la 3G/4G
Pays ayant lancé la 4G
Pays ayant lancé la 4G,
en phase test ou sur zone
restreinte
Pays en 2G / 3G
OTT INTERNATIONAUX
OTT AFRICAINS
ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE |
7
LES OPERATEURS TELECOM AFRICAINS
SONT PARTICULIEREMENT IMPACTES PAR
LES OTT EN RAISON DE L’IMPORTANCE
DES REVENUS DE LA VOIX EN AFRIQUE
La
problématique
est
essentiellement sur la voix
aujourd’hui
Les OTT menacent les revenus issus des produits
téléphoniques phares : SMS, roaming, voix sur les
appels nationaux et internationaux.
Or, les revenus voix et SMS des opérateurs mobiles
africains pèsent encore pour environ 90% (contre
moins de 50% en Europe) dans leur revenu total (en
2015) avec très peu d’offres forfaitaires illimitées
comme on les trouve en Europe, mais une majorité
d’offres tarifée à la minute ou à la seconde. Dans ce
contexte, les offres « gratuites » des OTT sont non
seulement attractives pour les consommateurs mais
directement impactantes sur le chiffre d’affaires des
opérateurs en Afrique.
Par exemple au Maroc, le trafic SMS a baissé de
près de 25% sur un an, sous l’effet des i-message et
messages instantanés Viber, Whats’App. A l’échelle
mondiale, la VoIP OTT représenterait 8700 milliards
de minutes et 63 milliards de dollars de revenus
estimés en 2018.
En Afrique, les opérateurs sont donc impactés sur
leurs revenus voix, alors qu’ils doivent consentir en
même temps de lourds investissements dans les
licences et fréquences 4G et dans les infrastructures
réseaux 3G et 4G.
LE DEVELOPPEMENT DES RESEAUX 3G/4G
ET DES SMARTPHONES VA ACCELERER
L’ARRIVEE DES OTT EN AFRIQUE
Le développement des smartphones low cost (moins
de 50 USD), à l’instar d’Orange Kliff ou d’Elikia,
premier smartphone africain créé par le constructeur
congolais VMK, va dynamiser l’usage des OTT dans
les pays où des réseaux 3G/4G sont installés.
Entre 2015 et 2020, la pénétration de l’internet
mobile haut-débit va accomplir une ascension
fulgurante. Estimée en 2015 à 81% dans l’OCDE et à
19% en Afrique, on estime que d’ici 2020, ces valeurs
atteindront 61% pour le continent africain, contre
93% pour le vieux continent.
Les investissements dans les câbles sousmarins ces 10 dernières années ont connecté
l'Afrique au très haut débit mondial
Là encore, ce mouvement est favorable
développement des usages OTT en Afrique.
au
Pénétration de l'internet mobile haut-débit
*
TCAM
3%
26%
* Taux de
Croissance
Annuel
Moyen
8
| ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE
QUELS LEVIERS POUR QUELLES RÉPONSES ?
Les opérateurs disposent de plusieurs leviers
stratégiques pour répondre aux défis portés par les
OTT : des leviers marketing vis-à-vis de leurs clients,
leur capacité à négocier avec les OTT et des leviers
réglementaires en agissant auprès des pouvoirs
publics et des régulateurs.
Leviers marketing
Maîtrisant le client final, les opérateurs peuvent
profiter de leurs leviers marketing pour amortir
l’impact des OTT sur leur chiffre d’affaires.
1. Offrir de l’abondance sur la voix. Les opérateurs
peuvent agir sur l’abondance voix - “l’illimité voix” pour supprimer ou réduire l’avantage tarifaire lié aux
OTT sur la voix. Ces offres sont possibles en prépayé,
qui est le mode de fonctionnement ultra-majoritaire
en Afrique.
2. Monétiser la data. Les opérateurs doivent donner
un prix à la data et éduquer le marché dans ce
sens (c’est bien aujourd’hui la data qui a un coût
pour les opérateurs et non la voix). Ils peuvent à la
fois limiter l’usage de la data (capping / shaping )
pour se protéger contre les usages data excessifs,
et encourager à sa consommation (tiering) via des
offres de rechargement. Ces stratégies tarifaires
permettent à la fois de développer les revenus des
données et d’éviter la saturation des réseaux.
Solutions réglementaires
Les régulateurs en Afrique et les pouvoirs publics
peuvent envisager de mettre en place des mesures
d’accompagnement pour aider les opérateurs
télécom à gérer leur transition vers la data, par
exemple sur le terrain fiscal.
Un blocage ou une limitation des OTT : qui pourrait
se justifier de façon transitoire, le temps que les
opérateurs télécom soient moins dépendants de la
voix, aurait sur le long terme un impact économique
négatif qui ne doit pas être sous-estimé.
L'impact positif économique et social des services
Internet est sans équivoque : une hausse de l’accès
à la data de 10%, s'accompagne d'hausse du PIB
Mondial de 1,35% (GSMA). D’un point de vue social,
l’éducation et la culture pourraient bénéficier
grâce à la démocratisation de la data de gains de
productivité estimés à 30 à 70 milliards de dollars.
Les régulateurs et les pouvoirs publics devraient
explorer des remèdes d’autres natures, par exemple
sur le terrain fiscal.
Stratégies de partenariat
De plus en plus, les OTT et les acteurs télécoms
développent des stratégies de partenariats en
commun, à l’instar de Netflix Open Connect (Europe
/ USA) ou Google Open Flow Wan (Europe/
USA), qui proposent aux opérateurs télécoms de
se raccorder directement à leurs infrastructures.
Google et Netflix ont en effet investi dans leurs
propres réseaux, dans le but d’assurer une forte
qualité de service à leurs clients. Cela se traduit
par une collaboration avec les opérateurs télécoms,
en installant leurs équipements au plus près des
réseaux des opérateurs télécom locaux. Facebook
met en œuvre des projets similaires.
Certains OTT acceptent de payer pour avoir accès
à une qualité de service (QoS), garantie auprès des
grands opérateurs télécoms. C’est le cas de Netflix
qui, en 2014, a accepté de payer Comcast pour
garantir une qualité de service optimale à ses clients.
Cette tendance à la coopération entre OTT et
opérateurs télécoms tend à se renforcer dans les
pays développés et pourrait constituer un modèle
pour l’Afrique à moyen terme.
ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE |
9
LES IMPLICATIONS POUR LES POUVOIRS
PUBLICS ET LES REGULATEURS
L’arrivée des OTT en Afrique est inéluctable; cela
doit faire l’objet de mesures d’accompagnement afin
de continuer à favoriser les investissements dans les
réseaux télécoms. Pour cela, plusieurs pistes doivent
être suivies :
Encourager
le
infrastructures 4G
•
•
développement
des
Attribuer des licences et des fréquences 4G en
prenant en considération le nouveau paradigme
du marché (prix des licences, objectifs de
couverture, …)
Faciliter le partage d’infrastructure sur la fibre
optique longue distance
• Favoriser le partage d'infrastructure dans les
zones peu denses
•
Adapter le cadre réglementaire et fiscal
•
Accompagner les opérateurs dans la transition
vers la data en adaptant la fiscalité
• Définir une position commune entre pays
africains sur la neutralité du net
•
Définir une position commune sur la fiscalité des
OTT
• Encourager les investissements par les OTT
internationaux en Afrique (réseaux de diffusion
de contenu, …)
Favoriser l’émergence d’OTT africains
•
Encourager
l’innovation,
la
formation
technologique et les start-up africaines
• Créer les conditions (juridiques et fiscales)
favorables aux investisseurs financiers en
Afrique.
Faciliter l’accès à la bande passante internationale
• Favoriser le développement d'offres d'accès
fibre optique dans les zones urbaines denses
(CF cas du Kenya)
10
| ENJEUX ET IMPACTS DES OTT SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN AFRIQUE
Success for what's next
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