Narlégon, Barldon et Maloya d... - univ-reunion

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Narlégon, Barldon et Maloya d... - univ-reunion
Héritage de l’engagisme et dynamique du théâtre
populaire indien dans la tradition orale réunionnaise :
Narlgon, Barldon et Maloya. Aapravasi Ghat Trust
Fund, Nouvelles Perspectives sur l’engagisme
Sully Govindin
To cite this version:
Sully Govindin. Héritage de l’engagisme et dynamique du théâtre populaire indien dans la
tradition orale réunionnaise : Narlgon, Barldon et Maloya. Aapravasi Ghat Trust Fund, Nouvelles Perspectives sur l’engagisme. Symposium international Université du Réduit, Dec 2011,
Le Réduit, Maurice. <hal-00906547>
HAL Id: hal-00906547
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1
« Héritage des migrations indiennes et intraculturalité en milieu créolophone.
Une étude de la dynamique du théâtre populaire tamoule
dans la tradition orale réunionnaise :
narlgon, Barldon et maloya »
GOVINDIN Sully Santa
(Docteur en Histoire : Cultures & Langues Régionales)
Chercheur Associé au laboratoire LCF
Langues textes et Communication dans les espaces créolophones et Francophones
(Université de La Réunion)
Cette communication présente l’héritage des migrants que nous illustrons dans l’art
théâtral, le domaine du sacré et la performance des poètes en milieu créolophone. Nous
exposons aussi une histoire de l’intraculturalité, 1 à l’aune des tendances observées dans le
patrimoine indien. En effet, ce champ d’investigation apporte un éclairage sur les évolutions
culturelles et linguistiques depuis les débuts des flux migratoires jusqu’au temps présent.
Nous mettons en perspective l’art des travailleurs indiens et les processus de la créolisation en
montrant comment ces pratiques ancestrales fondent et irriguent en permanence le patrimoine
artistique et culturel d’une société créole. Nous présentons le narlgon encore désigné « bal
tamoul » puis nous exposons le « ballet rituel » qui est lié aux épopées hindoues du
Rmyanon et particulièrement du Mahbhrata ou Barldon. 2 Nous montrons ensuite la
résurgence de ces héritages dans le champ de la « tradition orale créole » du maloya.
Narlgon
Le patrimoine artistique et linguistique des ballets indiens se rattache particulièrement
au théâtre populaire du Sud de l’Inde. Pour comprendre ce lien, nos recherches nous ont
conduit respectivement vers l’histoire théâtrale et folklorique dravidienne, puis sur les
dynamiques observées dans les pratiques artistiques des travailleurs indiens et de leurs
descendants dits Malbar. Nous focalisons nos observations sur leurs fidélités à la tradition
ancestrale relativement aux innovations des idiolectes 3 qui ont réalisé des synthèses inédites
et spécifiques en milieu créolophone.
Les sources indiennes : les répertoires, les idiolectes et le mythe
Dans l’aire méridionale indienne, la littérature dramatique tamoule se singularise par
l’abondance de ses productions où se mêlent la poésie et la prose. Le mélange de ses deux
registres de langue dans le « style poétique », içaï, et « courant », iyal, caractérise le genre
nâdagam, une transcription du sanscrit nâtaka créolisé en narlgon pour le « théâtre ». Dans
son essai sur le théâtre indien, Sylvain Lévy 4 inventorie une dizaine de pièces de genre
nâtaka et vilasa.
Il précise les intitulés et la nature des sujets 5 :
1-« la Cakuntala tamoule »,
2-« le drame de Sâranga »,
3-« le Tiruvaranda nâtaka » de Terumalaya,
4-« le Kuçalava-nâtaka » par Binadhitten sur le Rmyana, 6
5-«Palininondinâtaka »,
6-« Cidambarakoravangi »,
7-« Payamukhiçvarakoravangi »,
8-« Cârngadhara-Yacchagâna »,
9-« Vallîyammâ-nâtaka »,
2
10ânamati-yulla-nâtaka »,
11- « Nondi-nâtaka »,
12-« Bhaktangiri-nâtaka ou Vaijayanti-vilasa »,
13-« Matiyulla-nâtaka »,
14-« Sanakâdi-mundi-nâtaka ».
Dans un ouvrage plus récent sur une pièce théâtrale du poète Poukajéndi Poulavar
intitulé Karna moksam, Hanne de Bruin 7 présente deux autres traditions théâtrales du pays
tamoul en les désignant : kattaïkkuttu et terukkuttu. Le kattaïkuttu concerne davantage les
troupes professionnelles qui assurent des spectacles durant les festivités religieuses ou à
l’occasion des événements de nature privée et des cérémonies mortuaires. Le terukkuttu reste
lié aux processions religieuses, et la performance est assurée par deux à trois acteurs. Ces
genres théâtraux majeurs constituent le soubassement du théâtre populaire au pays tamoul et
ses répertoires toujours magnifiés dans les îles restent populaires auprès des descendants des
coolies indiens.
La performance des engagés sur les entreponts et dans les dépôts au XIXe siècle ou « danser
le bal tamoul » dans les rapports des chirurgiens navigants
Outre les regrets de la perte du défunt, et les lamentations occasionnées au cours des
veillées funèbres, plusieurs moments dans l’espace des croyances indiennes sont propices à la
remémoration du mythe. Les archives de médecine navale confirment l’importance des
prestations théâtrales qui se produisaient sur les entreponts des navires et qui se perpétuaient
dans les dépôts de migrants. Deux témoignages sur les bâtiments de navigation et un compterendu relatif à un dépôt d’engagés au lazaret montrent l’enjeu de ces performances. Durant
leur périple sur les navires d’émigration, les migrants indiens subissaient des épreuves atroces
liées aux conditions de navigation et aux traitements abjects que leur réservaient trop souvent
les équipages. Les chirurgiens responsables des conditions sanitaires et morales durant
l’acheminement des Indiens jusqu’à la terre d’accueil insistent dans leur rapport adressé à
l’Amirauté sur ces instants de bonheur qu’ils encourageaient vivement. Ainsi le convoi Le
Siam quitte Pondichéry le 2 août avec à son bord 429 émigrants et mouille le 1er septembre
1859 en rade de Port-Louis (île Maurice). Il passa deux jours sans que l’intendance sanitaire
voulût se rendre à bord, et fit route alors pour La Réunion, puis reste onze jours pour faire de
l’eau. Il quitta Saint-Denis le 13 septembre au soir, et mouilla le 11 octobre devant SainteHélène, en direction de la Martinique. Le médecin Leclerc 8 précise dans son rapport médical
l’emploi des journées par les Indiens :
« Les émigrants passaient toute la journée sur le pont, lorsque le temps le permettait;
ils ne descendaient que lorsque la nuit était venue, et lorsqu’il y avait lieu, on
prolongeait encore ce séjour. Cependant, quand il pleuvait, et au passage du Cap, il
fallut autoriser les Indiens à rester en bas, le froid quoique peu intense, les éprouvait
trop fortement, et il y aurait eu danger à les retenir à l’air libre. On avait embarqué
deux tamtams et des cymbales pour leur amusement ; tous les soirs les hommes se
livraient à des danses et à des représentations tragi-comiques de leur invention. Le jeu
des instruments accompagnait un chœur de chanteurs. J’ai favorisé, autant qu’il m’a
été possible, ces divertissements qui leur font trouver le temps de la traversée moins
long, et entretiennent la gaieté parmi eux. »
Doressamy Gnanadicéam 9 élève médecin embarqué à bord du Suger où il n’eut à
déplorer aucun décès parmi les engagés, précise aussi dans son rapport sur le voyage de
Pondichéry à La Réunion en 1865, l’emploi de la journée des émigrants en insistant sur la
pratique artistique :
3
« Pendant la majeure partie du jour nous les autorisions à chanter et à danser. Nous
excitions leur émulation par des distributions raisonnables d’eau de vie pour les
engager à jouer les soirs des comédies, excellent moyen de distraction. »
Enfin Auguste Vinson médecin au lazaret assista lui aussi à un spectacle au lazaret et
en fit une description en 1883. Le médecin caractérise la prestation théâtrale telle une
comédie-ballet 10 :
« une bonne comédie en cinq actes, en grande partie mimés avec chœurs, danses,
chants et dialogues. Tous les genres s’y trouvaient. »
En dépit des scènes burlesques, l’auteur précise cependant, qu’au dernier acte :
« nous sommes transportés dans une pagode de l’Inde, où la divinité sur un trône est
assise et voilée. Des chants religieux se font entendre. On lui adresse des hymnes, des
motets,11 des concerts et des cantiques. La scène est vraiment majestueuse. Les prêtres
indiens exercent deux métiers dans leur sacerdoce : ils récitent des prières et vendent
des amulettes… »
Aucun de ces auteurs ne signale cependant le répertoire des ballets indiens. Le
chirurgien navigant Gnanadiceam souligne le registre tragi-comique, et Auguste Vinson
reconnaît cependant leur fécondité et les qualifie de « littérature du théâtre indien » qui
pourrait servir à des études comparatives.
Le sacré et le profane dans les pratiques théâtrales
A la fin du XIXe siècle, le répertoire des engagés intégrait des pièces à thèmes
catholiques. A des fins catéchétiques12 les missionnaires en 1871 autorisaient les
représentations des bals indiens. Ainsi l’engagé Lazare du camp Ozoux organise des
répétitions de comédie sur la mythologie chrétienne intitulée « Sainte Marguerite » afin
d’évangéliser les coolies. De Montforand dans la description des travailleurs étrangers à La
Réunion signale l’existence de troupes théâtrales Malabars (sic) qui mettent en scène Joseph
vendu par ses frères ».13 Nous mentionnons en notes plusieurs genres théâtraux écrits durant
les XVIIIe et XIXe siècles par des auteurs catholiques et musulmans du pays tamoul.14 Cet art
théâtral vise plusieurs enjeux : plaire, instruire et dénoncer, et il se situe à la lisière du monde
sacré et profane. Ces répertoires tournent en vaste farce les travers de la société et dénoncent
leurs absurdités. Auguste Vinson 15 décrit ainsi dans le ballet indien joué au lazaret de la
Grande-Chaloupe :
« Cette fine comédie, dans sa facture philosophique, représente les scènes de la vie
humaine avec un vieux qui est dupé ; une jeune intrigante qui l’exploite, et un plus
habile qu’eux qui profite de tout, en courant très peu de périls. Ce dernier est
vraiment le héros de la pièce : il a bénéficié de l’imbécilité du débauché, de la folie de
l’intrigante, de l’impuissance des prêtres. Il a tout mis à son profit, va se retirer : mais
avant de prendre congé des spectateurs, il leur en demande très poliment la
permission, puisqu’il ne reste plus rien à faire et que, comme il le dit lui-même, il a
vidé les plats. »
Les migrants ont réalisé des synthèses inédites puisque nous retrouvons des éléments
épars dans les pratiques théâtrales à La Réunion. Contrairement aux classifications sur les
catégories simplistes et inopérantes à La Réunion entre les « grandes » et les « petites »
traditions, la tradition orale et théâtrale des engagés a évolué. Poungavanon, informateur des
Hauts de l’Ouest à La Réunion, énumère huit pièces théâtrales dont la thématique est relative
4
aux épopées et aux récits de terroir. Son répertoire magnifie l’héroïsme des « dieuxguerriers » et les jeux magiques de leurs incarnations :
1-Malkandin narlgon est une allégorie du Destin, de Dieu, de la Mort et d’un roi
héroïque.
2-Mardé Virin narlgon conte les aventures du gardien du temple de Kali à Madouraï.
3-Kichenin vilarson illustre les étapes du Dieu depuis son enfance, puis durant sa
jeunesse, son mariage, ses jeux avec les filles et les scènes où il dérobe les vêtements
des dévotes.
4-Désigou narlgon remémore les exploits du roi Dessingou contre les envahisseurs
Moghol à Gingy.
5-Harischandrin narlgon narre l’histoire d’un roi déchu qui est l’objet de rivalité entre
deux représentants des ordres spirituels et politiques.
6-Kovilin narlgon est le récit de la déesse Karli réincarnée.
7-Ramin narlgon représente la première épopée du Rmyana, « la Geste de Rma ».
8-Vali narlgon16 dévoile les exploits amoureux et guerriers du Dieu Souplémaniel.
Un glissement s’opère néanmoins dans l’espace du sacré entre la pénitence et la
dimension festive conformément aux remarques de Poungavanon à la fin du XXe siècle 17 :
Et il existe une version spécifique pour la mise en scène théâtrale, et pour jouer le bal
tamoul ! On cherche les moyens pour le réaliser, par exemple vous procédez ainsi :
Pour assister on fait payer l’entrée et on peut accumuler des bénéfices !
C’est une opération financière ! On aurait dit des professionnels qui le réalisent.
On balise un espace clos et on joue au milieu, ainsi il nous est loisible de rentrer et
d’y assister[….]
Les sélections opérées par les responsables associatifs remémorent les épisodes des
mythes à travers une lecture et une vision tamoule. Mais les performances opèrent dans
l’espace du sacré selon une dynamique artistique, ritualiste et dévotionnelle. Cette mise en
scène du sacré est ainsi juxtaposée dans la programmation annuelle avec les « bals tamouls ».
Ainsi la dynamique attestée dans les pratiques théâtrales actuelles privilégient surtout le sacré
hindou dont la focalisation opère d’après la vision des descendants d’engagés indiens et au
détriment des répertoires profanes. Nous retenons ici les deux situations encore perpétuées
aujourd’hui qui caractérisent le théâtre des Malbar : le « bal tamoul » des associations
culturelles, et le « théâtre rituel » dans l’espace du sacré. Plusieurs autres associations
culturelles réunionnaises pratiquent le narlgon et elles offrent des prestations théâtrales à
l’occasion des festivités que ponctuent le calendrier hindou ou/et les évènements
familiaux. Les groupes culturels sont répartis sur le littoral de l’Est et les Hauts de l’Ouest, et
la presse hebdomadaire signale leurs performances.
Nous recensons au moins sept associations sur le terrain d’enquête, et une dizaine de
pièces théâtrales ont déjà été jouées :
1-L’association Natiyé penguel de Saint-Louis a innové dans les années 90 en jouant
la pièce Sakuntala en créole.
2-La Troupe de l’Est a présenté Cosslevin (Kusalava du Rmyana) avec l’association
Varni et le Centre d’Intervention Culturel en 1992 ; elle a aussi mis en scène
Vilkoumarin narlgon en 2001 à Bras-Panon.
3-L’école Tamij Shri Mahalaksmi de la Ravine des Cabris offrit au public KovalenKannaguy en 2004 au Centre National de Région à Saint-Pierre.
4-L’association Kala Bhaaskara de Saint-Paul a mise en scène Kannagi en 2004 au
Champ Fleuri et Padel pou in vartial en 2006 au Séchoir à Saint-Leu.
5
5-La troupe culturelle de Baba L. représentait pour le jour de l’an tamoul en 2011 le
Rma narlgon au Foirail au Piton-St Leu.
6-L’association de Saint-Gilles les Hauts à Villèle Oubli pa nout tradisyon tamoul
jouait Vali au Colosse à Saint-André pour le jour de l’an tamoul 5112, et renouvelait
sa performance à la Maison des Cultures du Monde à Paris en mai 2011.
7-Au-delà du rôle fondamental assuré par une famille dans la création, le
fonctionnement et l’animation de l’association Tirouvallouvar à Saint-Louis, nous précisons
que cet outil culturel au service de la pratique théâtrale est exemplaire par la longévité de
l’institution, la régularité de ses activités et la prestance d’un siège social à vocation
uniquement culturelle à La Réunion. Elle rassemble des experts dotés de compétences dans
l’art chorégraphique, vocal et musical. Le répertoire des pièces théâtrales tamoules jouées est
présenté de manière récurrente par les maîtres de ballet, L.M. et A.V. Ce dernier rédige aussi
succinctement en français les résumés et les transpose en langue créole. Nous avons été
témoin de quatre pièces jouées : Kovilen-Kannagui, Harischandra, Malkandeya et Bardévilarson en avril 2012. Ce vartial, « maître », affirme qu’il maîtrise encore la mise en scène
d’autres pièces à l’instar de Cosslévin, Vilkoumarin, et Décingou Raja.18
Barldon
Le mythe du Mahbhrata est aussi véhiculé en Inde du sud par la littérature de
colportage laquelle est incluse dans le champ des études folkloriques. Ses ouvrages de
vulgarisation mettent à la portée du peuple, les thèmes de l’héroïsme issus de la grande
tradition orale et épique. Les épisodes mythologiques sont ainsi véhiculés par la mémoire
populaire à l’instar des bardes qui déambulent les rues à la nuit tombée en sélectionnant des
passages de leur répertoire à la grande délectation du public. 19 Ce corpus oral est véhiculé par
les troupes d’acteurs semi-professionnels qui se spécialisent dans le répertoire du terrukkuttu,
la « danse des rues », fondée sur les épisodes du Mahbhrata. C’est un théâtre populaire
avec des acteurs-danseurs masculins qui improvisent et qui sont habillés de spectaculaires
costumes.20 Parfois de simples amateurs, voire des mendiants errants du pays tamoul
modifient l’œuvre initiale au cours de leurs exhibitions. En 1960 dans le district de
Coimbatore au Tamil Nadu, Brenda Beck21 les estimait à une cinquante de chanteurs
regroupés autour de quinze à vingt groupuscules dont les âges variaient de 25 à 80 ans, y
compris les femmes. Cette tradition orale était particulièrement vivace dans l’aire de
Kongunadu au pays tamoul.
Associant la narration et le chant, les répertoires sont rythmés et accompagnés d’une
mélodie simple. Au cours des prestations, les musiciens itinérants se complaisent ainsi à
reprendre plusieurs fois les mêmes expressions. Les idées sont souvent énoncées de diverses
façons pour prolonger le plaisir et l’attente de l’épisode suivant. Le chant est susceptible
d’être remodelé successivement par les artistes au gré de leur convenance. L’aire
géographique se situe particulièrement sur la trajectoire indiquée par les sanctuaires destinés
au culte de la déesse Draupadi encore désignée Sundari dans les villages sud-indiens. Les
interprètes de la littérature folklorique sont des prêtres récitants de caste Gaoundar nonbrahmanique, les pousari-Bharatam, spécialisés dans la lecture et le commentaire de
l’épopée. Son énonciation s’inscrit aussi dans la temporalité du sacré qui ritualise le mythe
dans la cérémonie de la « marche sur le feu ».
Le théâtre désigné nadagam est un genre qui possède des ressemblances avec le jeu
médiéval et le drame liturgique mais dont la performance artistique souligne la piété,
6
l’émotion et aussi le comique. Nous inventorions au moins sept titres dans le répertoire lié à
l’épopée du Mahbhrata :
1- une pièce racontant l’histoire de Hariscandra, très souvent jouée pendant les nuits
de fêtes dans les temples de villages : Aricchandra mhpr;re;jpuh ehlfk; ;
2-une pièce sur un clan rival : Douriyotanan tunppatta éniyétta JhpNahjdd;
Jd;gg;gl;l VdpNaj;j ehlfk; ;
3-une pièce dans un genre particulier sur Draupadi, héroïne du Mahbhrata :
Duropataï kuravanci, JNuhgij FwtQ;rp ehlfk; ;
4-une pièce sur la lutte entre Arjuna, héros du Mahbhrata et un démon ghjhs
mufd; mh;r;Rdd; rz;il ehlfk; ;
5-une pièce sur la lutte du dix-huitième et dernier jour de la Grande Bataille :
Patinéttam por natagam gjpndl;lhk; Nghh;ehlfk; ;
6-une pièce tirée du Virataparvan du Mahbhrata : Madoupidi candaï khLgpjp
rz;il ehlfk; ;
7-la reine de Madurai, intégrée à des thèmes du Mahbhrata : l’histoire d’Alli. Cette
pièce fut écrite par Ramassamy Aiyar au XIXe siècle, Alli nadagam.
Le corpus complexe du Barldon
Nous portons une attention particulière à l’étude dynamique du corpus complexe 22
parce la tradition orale du Barldon est chantée en langue tamoule puis racontée en langue
créole. Nous nous interrogeons ainsi sur les critères culturels et linguistiques qui incluent le
Barldon dans la catégorie du corpus complexe ? Notre exposé montre le rôle fondamental de
l’idiolecte et du répertoire épique dans la dynamique culturelle. Nous focalisons sur les
idiolectes de la tradition orale auprès de qui l’arrivée tardive des supports livresques à la fin
du XIXe siècle n’a pu retarder les évolutions observées dans les répertoires. Les contraintes
de l’insularité ont exigé des engagés et de leurs descendants qu’ils transposent une épopée
hindoue le Mahbhrata en une religion créolisée le Barldon. Notre questionnement porte sur
les corpus sacrés de l’hindouisme épique et nous nous demandons dans quelle mesure les
dynamiques observées interrogent les théories de la créolisation linguistique et culturelle ?
La cartographie des sanctuaires réunionnais liés à l’épopée
Plusieurs cartes de sanctuaires hindous ont déjà été publiées : Amourette23 en 1973
dans l’Atlas des DOM ; Christian Barat24 en anthropologie sur « les lieux de cultes Malbar et
tamoul » dans Nargoulan ; et deux cartes ont été établies en histoire, 1984 avec Claude
Prudhomme25 et 1986 avec Jean-Marie Desport 26. Nous avons synthétisé les données sur les
sanctuaires hindous en 1990 27 en partant d’une carte éditée par Hatier internationale sur « La
Réunion de la seconde moitié du XIXe siècle. »28 Nous avons établi la relation avec l’activité
agricole et industrielle de la canne à sucre et la population des engagés indiens vers le milieu
du XIXe siècle. Notre carte complète la cartographie en reliant les paramètres de la
créolisation du sacré hindou et du terrain d’enquête en 2008 : les sanctuaires de la « marche
sur le feu » liés au Barldon, les idiolectes, et l’iconographie. Une évolution de la physionomie
des sanctuaires est perceptible depuis les années 1980 puisqu’une orthodoxie architecturale en
conformité au kovil, « temple hindou », selon les traités normatifs est adoptée. Cette tendance
que les anthropologues désignent par « tamoulisation » ou « retour aux sources indiennes » est
perceptible depuis les années 1970 avec la demande réunionnaise d’officiants mauriciens et
indiens qui exercent pour ces derniers un rituel exclusivement brahmanique avec ses sources
védiques et sanscrites. Les sanctuaires dits chapelles d’établissements sucriers sont pour la
majorité sauf le koyil du Koloss au Champ-Borne à Saint-André exempts de ces mutations
normatives et sont concentrés sur les aires agricoles et industrielles de l’activité sucrière.
Ainsi la Sapel malbar du Portail en 1977 est présentée avec une cheminée en plan
7
intermédiaire et ce même sanctuaire en 2006 témoignait d’une extension horizontale en plus
de l’ajout des nouvelles niches dévotionnelles.
L’idiolecte et le répertoire épique
Officiant attitré, Baba notre interprète vient de Tamatave, une localité située dans les
Hauts de Saint-Paul et assure depuis plusieurs années déjà diverses cérémonies dont celle
précisément de la « marche sur le feu ». Il eut le privilège de côtoyer d’illustres prêtres
descendants d’engagés indiens et reste dépositaire d’une tradition orale variée. Qualifié de
pousari-Barldon, c’est un officiant éprouvé dans le rituel et la connaissance des textes
épiques. Ainsi, depuis le début des cérémonies, l’amar-kap, 29 à la mi-décembre, il assure
durant ce temps sacré, soit dix-huit jours minimum, le rituel de la « marche sur le feu » qui se
déroule au début des mois de janvier. Quotidiennement les hindous remémorent les épisodes
de la "Grande (Bataille des) Bhrata." Assisté d’un disciple, l’officiant rassemble en fin de
journée les pénitents afin d’honorer les Dieux et les Déesses majeurs tels Siva, Pèlmal, Karli,
Maliémin. L’interprète magnifie l’exploit des héros déifiés et convoqués dans l’enceinte du
temple : les cinq frères Pandévèl, Dolvédé l’héroïne de l’épopée, Alvan le fils d’Arjuna, et
évoque l’histoire d’autres personnages mineurs tels que sages, démons et rois. Insérés dans
un espace sacré sous le regard auspicieux des héros du panthéon et des familles attentionnées,
les marcheurs et l’officiant lisent le Barldon et chantent le Vanavarson 30 : deux autres
désignations respectivement pour le Mahbhrata et le Pañcapandava Vanavaçam ou encore
respectivement la Grande guerre des Bhrata et les Chants de l’Exil. Ces performances sont
des actes complexes, puisque nous observons plusieurs phases alternées : récit rythmé et
chanté voire déclamé de Baba en langue tamoule ; répétition des pénitents ; commentaires en
langue créole. En fonction de la disponibilité de l’officiant et de l’importance des cérémonies,
le temps de la diction se dilate ou se contracte. Maints remaniements sont effectués dans le
choix des extraits. Des trajectoires transversales sont réalisées dans les répertoires en
empruntant différents genres dont les supports sont issus des textes épiques ou des livrets de
marché : résumé ou vasanam, extraits des textes classiques à l’instar de l’Adi parvan et du
Vana parvan (« Livre de la forêt ») ; prosodie dite vanom, issue d’un texte populaire intitulé
Pañjapandava Vanavaçam et provenant de la littérature des récits dits kadaï ; scènes
théâtrales de type narlgon sélectionnées à partir du Draupadi Natakam. Les genres sont variés
et les interprètes utilisent des versions aussi bien narratives31 que poétiques32 et théâtrales33. A
l’issue de la guerre des dix-huit jours, les épisodes importants du récit sont récités et les
pénitents célèbrent leur déesse Dolvédé encore désignée Pañjali, « Celle du royaume de
Pañchala » en traversant un brasier rouge et cendré.
Une tradition orale théâtralisée et ritualisée
Le Barldon est en représentation par des pénitents acteurs qui miment dans le
sanctuaire la nuit les exploits des « dieux guerriers ». La tradition orale ritualisée n’est point
un objet esthétique qui se joue et s’apprécie hors de l’espace sacré. Le contexte à son
élaboration est lié à la remémoration de l’épopée et plus précisément aux exploits des héros
du Barldon durant leur exil. Cette récitation se produit durant les dix-sept jours précédents
la « marche sur le feu » pour se terminer avec la montée du tavsi : « l’exploit d’Arjuna sur le
poteau de pénitence ». Déterminé à rencontrer le Dieu Siven, le troisième fils du roi Pandou
se rend au mont Kaïlasa en Himalaya auprès de Siven et surmonte avec opiniâtreté plusieurs
épreuves puis est récompensé par l’obtention d’une arme magique. Les textes et les corpus
sont actualisés dans la performance d’une œuvre musicale en représentation et les pénitents
miment les exploits divins avec le soutien des percussions et la récitation d’un idiolecte. Le
texte en réalité est utilisé par le récitant-officiant sous une forme chantée ou déclamée. Son
rôle est de remémorer l’épopée, et de ce fait il demeure un expert du corpus écrit et oral.
8
Pougajéndi Poulavar le poète et Vinaryéguèl le Dieu-éléphant narrateur sont oblitérés par la
performance même de l’exécutant, l’officiant spécialisé dans la lecture du Barldon. Il est en
réalité un spécialiste de la tradition orale mixte et peut intervenir dans un cadre festif et plus
rarement profane. A l’occasion de la nouvelle année tamoule à la mi-avril, il peut-être sollicité
pour une prestation de « bal tamoul/malbar » en puisant dans un répertoire folklorique et
mythologique lié au terroir tamoul. Au cours de la récitation des épisodes des Chants de
l’Exil, les pénitents marcheurs répètent inlassablement les phrasés qui sont rythmés par les
« percussions » du matalon et les « cymbales » tarlon. La reprise en chœur des refrains
marque une césure dans la performance orale de l’interprète.
L’intégration du public
Une intrusion du public s’opère au cours de l’énonciation du Barldon. Il peut être sur
l’initiative de la famille des pénitents, d’un étranger voire de l’enquêteur même qui honorent
les Dieux et ses desservants pour les plaisirs esthétiques procurés. Régulièrement, l’officiantinterprète interrompt sa récitation et fait part en langue créole plus rarement en tamoul du
soutien moral et financier d’un donateur. Il le nomme, désigne son lieu d’habitation et qualifie
sa contribution, puis réamorce sa performance à l’aide de formule type la récitation en
remerciant les dieux du panthéon. Occasion de plaisanteries, cet intermède assure aussi une
fonction phatique entre l’énonciateur et le public. Seule la solennité de certains épisodes
implique le silence ou la répétition des syllabes auspicieuses, voire des refrains, et prohibe
toute intrusion du public.
Les Chants de l’Exil
Le corpus est constitué d’un ensemble de données qui s’entremêlent et complexifient
la tradition sacrée : l’oral, l’écrit et le champ artistique. Le chant épique subit en exil les
soubresauts de l’insularité depuis près de deux siècles, et le contexte dans lequel s’exerce la
production des Chants de l’Exil demeure contraignant. Plusieurs expressions artistiques
perpétuent le patrimoine ancestral. Les pénitents entonnent le récit et d’aucuns miment
l’héroïsme d’Arjuna. Outre les chorégraphies, les mélodies des interprètes et les parodies des
voix auxiliaires que rythment cymbales et percussions dans l’espace sacré, l’iconographie des
héros déifiés illustre aussi l’épopée.34
Oralité et écriture
Selon les travaux de Paul Zumthor dans sa tentative de simplifier la complexité des
situations poétiques de l’oral et de l’écrit, les Chants de l’Exil illustreraient une oralité
coexistant avec l’écriture en tant qu’ oralité mixte, » à savoir que l’influence de l’écrit y
demeure externe, partielle et retardée.35 Aussi sa transmission s’appuie sur une version
imprimée qui pallie la défaillance de la transmission orale. Littérature de marché, les « Chants
de l’Exil » sont vendus dans les échoppes des épiceries à la Réunion. La langue écrite mêle le
vocabulaire sanscrit au mot tamoul et elle daterait du dix-huitième siècle. Cependant le récit
est une version en prose qui émanerait d’anciennes sources orales archaïques et versifiés de
l’époque médiévale. La graphie tamoule présente des modifications phonétiques dues aux
« liaisons », les sandhi. La compréhension n’est pas aisée car le poète excelle dans l’art de
créer les ambiguïtés en jouant sur les subtilités de la poésie. Imprimé en gros caractères
typographiques, ce répertoire épique est toujours actualisé par les bardes au sein de la culture
populaire en pays tamoul.
Une poétique de l’oralité et des arts sacrés
Une forme d’oralité primaire, une oralité immédiate ou pure, sans contact avec
l’écriture existe dans la tradition sacrée et profane réunionnaise. Ainsi pour moult figures
surnaturelles telles Nargoulan et autres divinités mineures sollicitées pour la protection et la
9
conjuration du mauvais sort, les supports textuels n’existent point. Aussi les migrants ont
surtout perpétué le corpus folklorique selon une oralité mixte en louant l’héroïsme des
protecteurs mâles et en sollicitant la protection des déesses de terroir. La transmission et
l’utilisation des Chants de l’Exil se réalisent dans l’oralité. L’interprétation se caractérise par
une plasticité mineure par rapport au texte, à savoir aucune improvisation n’est perceptible
dans la récitation du corpus textuel et il en est de même dans la mélodie et la rythmique. Les
récitants à tour de rôle chantent ou déclament à leur guise. Le texte entonné est scandé par une
rythmique rudimentaire, et la mélodie est redondante. Véhiculée oralement, sa structure
prosodique possède une fonction mnémonique.36 Des modifications peu significatives par
rapport au texte traduisent l’absence de véritables innovations dans cette tradition orale mixte.
Cependant des évolutions liées à l’insertion du créole dans la traduction influencent les
corpus. Ainsi observons-nous ça et là des modifications lorsque les références tamoules sont
mises en relation avec les réalités locales à l’occasion des traductions et des commentaires des
interprètes en langue créole, en l’occurrence au cours des « récits épiques » encore dénommés
zistwar Barldon. Des interrogations persistent néanmoins sur l’antériorité entre la tradition
orale et écrite. Et nous nous demandons sous quelle forme la tradition du Barldon voire du
Rmyanon est apparue et s’est perpétuée dans l’île ? Au vu de sa popularité, nous pensons
que sa présence même à La Réunion coïncide avec l’arrivée des premiers groupuscules
d’Indiens dès la fin du XVIIe siècle. Nous ne pouvons exclure que cette tradition ait connu
une oralité primaire avec les premières migrations indiennes, et ce d’autant plus que les
idiolectes contemporains intègrent toujours dans leur répertoire des morso konpozé, « corpus
originaux » par les anciens sans liens explicites avec les supports livresques. Le Barldon et le
Vanavarson demeurent des traditions orales vivantes et populaires. Auparavant la récitation
des corpus épiques était pratiquée par un grand nombre de connaisseurs. Respectivement
désignés par métonymie kandon et parlvon, la présence du Rmyana et du Mahbhrata au
sein des familles témoigne de leur usage oral depuis les départs en Inde. Néanmoins d’aucuns
se seraient efforcés d’acquérir des versions imprimées ultérieurement, soit par le biais
d’échanges effectués avec les prospecteurs commerciaux qui opéraient entre les îles de
l’océan Indien ou par le retour vers La Réunion de travailleurs rapatriés en Inde. Cependant la
culture ancestrale tamoule demeure ancrée dans l’oralité, et le rituel de la « marche sur le
feu » perpétue la transmission des héritages à travers une récitation collective de ce
patrimoine linguistique et langagier. Semblable aux pétales séchées et figées dans une édition
populaire, le corpus textuel exhale son parfum exclusivement par sa performance.
Aussi la densité anthropologique de la communication conjuguée à la remémoration
pathétique de l’épopée inscrit le récit dans la tradition orale sacrée. L’oralité revêt un
caractère exceptionnel car les prestations des intéressés demeurent vivaces. Nous observons
peu de spontanéité de la part des idiolectes « tamoulophones » si ce n’est dans la traduction
créole et dans le choix des supports utilisés. Le texte n’a pas d’existence en dehors des
circonstances religieuses de son émission. La résistance et l’ascension des Indiens exigeront
de maîtriser les pouvoirs surnaturels afin de s’affirmer dans la société coloniale, et pour
accompagner le rituel de la « marche sur le feu » les travailleurs indiens ont retenu les
énoncés qui magnifient la geste des « dieux-héros » et qui désignent les cinq princes du roi
Pandu et de leur parèdre. Les textes épiques se différencient cependant de la littérature
d’évangélisation. Ils sont empreints de poésie et créent une dynamique quant à la créolisation
linguistique. Les histoires du Barldon et du Rmyanon transposés en zistwar malbar
influencèrent les zistwar créoles dont une définition a été donnée par Gillette StaudacherValliamee :
10
« Le mot z’histoire, paramètre littéraire et linguistique de la tradition orale créole, est
attesté dans le texte [la Bulle] où il traduit à la fois le français « conte, récit, fable,
légende ».37
La performance d’un idiolecte tamoulophone et créolophone
La fréquentation des corpus et des genres liés au Barldon38 permet aux idiolectes de
naviguer entre les répertoires épiques et les genres littéraires poétiques, narratifs et théâtraux.
Les choix sélectifs des extraits obéissent à une stratégie personnelle liée à la transmission et à
l’initiative de l’officiant-interprète. Nous présentons le « ballet rituel » exercé dans le cadre du
sacré hindou avant la cérémonie de « la marche sur le feu ». Après le synopsis de la
remémoration du récit et de ses représentations théâtrales, nous relatons la mise en scène
nocturne du mythe ritualisé. Les fonctions de Baba agrègent plusieurs responsabilités de
nature ritualiste, discursive et artistique illustrées dans les commentaires, les récits et les
chants. Les mises en scène des épisodes de la tradition orale du Barldon sont corrélées au
rituel de la « marche sur le feu » et le couronnement des « dieux héros ». Tous les soirs,
l’officiant chante en tamoul et consulte plusieurs ouvrages. Il ajuste les contenus aux
performances qui se chevauchent dans la poésie pour le rituel, et dans le récit et le théâtre
pour les mises en scène jouées, dansées et chantées. Durant la totalité de la prestation nous
observons plusieurs phases dans la performance linguistique de l’officiant-interprète. Il
alterne le discours en créole, suivi de récits chantés en tamoul puis racontés en créole.
Nous assistons successivement à la tradition orale tamoule épique dans l’exécution de
vingt-quatre épisodes :
1-« Sourya Vanom »39,
2-« Alvan le fils d’Arjounin »,
3-« l’ogre Pakasourin »,
4-« le sacrifice d’Alvan à la déesse Karli »,
5-« Arjounin et l’épreuve du tir à l’arc »,
6-« les noces divines entre Arjounin et Pandiali »,
7-« la punition infligée à Pandiali »,
8-« les exploits des Pandava »,
9-« l’échec du rishi irascible Dourvasa »,
10-« le sacrifice humain »,
11-« l’épreuve du mariage »,
12-« le démon incarné dans le personnage du sanglier pendant l’ascèse d’Arjounin »,
13-« la lutte entre le héros et le Dieu Siven »,
14-« l’obtention des pouvoirs »,
15-« la mise à mort des rivaux »,
16-« Tilordilen et ses quatre-vingt dix-neuf frères »,
17-« le sermon de Pandiali »,
18-« les trois mariages d’Arjounin »,
19-« le nagavastron, ou l’usage des serpents pour projectile »,
20-« histoire de Naramagalarja »,
21-« histoire de Narayani »,
22-« la dernière année »,
23-« la distribution des édifices floraux et les recommandations »,
24-« le récit de Nagoussan et Yayadimagalarjen. »
L’interprète-officiant résume en créole chacun des épisodes des Chants de l’Exil en
insistant particulièrement sur deux chants théâtralisés par les pénitents qui accompliront la
11
traversée du brasier. L’intervention de Baba est singulière et dynamique car il réalise des
boucles dans sa manière de raconter le récit épique. Il consulte plusieurs textes et s’appuie
aussi sur une tradition orale primaire. La mise en scène des anthologies sélectionnées par la
mémoire collective et par l’officiant-interprète concerne quatre épisodes des Chants de
l’Exil.40 Nous avons ainsi été témoin des performances artistiques et avons entendu
successivement dans le récit du chant dix (1) et douze (2-3-4) ou les « Chants du Mât » 41 :
1-« la mise à mort de Pérandin et Pérandatchi »,
2- « la danse Vilou » ou « les chants de l’arc »,
3-« la montée du tavsi » ou « le poteau de l’ascèse »,
4-« le récit du sanglier, et le combat avec le chasseur ».
Cette mise en scène est actualisée et conjuguée en permanence avec le rituel. Ces
récits du Barldon sont formulés par le biais de la lecture du chant dans la langue du « tamoul
épique ». La performance artistique des pénitents qui incarnent les prouesses des héros du
récit est désignée par le synthème verbal i zoué lerol, « mimer », et elle se prolonge le
lendemain par l’exploit rituel de la marche sur le feu ». Cette performance associe les
pénitents aux entités sacrées que représentent les maîtres spirituels, l’ancêtre et les
personnages du Barldon y compris les entités divines qui sont convoquées à cette occasion.
Cet acte religieux enchâsse la mime dansée et chantée, et il est précédé par un intermède clé
dans le processus de la créolisation du sacré hindou, à savoir, l’interprétation des récits
indiens dans une langue créole.
Maloya
La tradition orale créole
Le Barldon impose une cosmogonie qui irradie à partir des sanctuaires hindous et des
camps malbar avant de resurgir inopinément dans la tradition orale des descendants
Malgaches, Mozambicains, et autres métis. Ces résurgences orales un tant soit peu fidèles aux
corpus écrits tamouls, par ailleurs commentés et traduits oralement en créole par les artistes
ou officiants s’inscrivent dans la dynamique de la créolisation culturelle et s’éclairent à la
lumière d’une théorie de l’inter-oralité ou du bilinguisme tamoul-créole. Les travailleurs ont
aussi formulé leurs angoisses, leurs plaintes, leurs mauvaises conditions de travail et de vie
mais aussi leurs espoirs, luttes et devenir en pays Birboon, « Bourbon » dans les chants du
maloya traditionnel à La Réunion.
La performance d’un poète créole sur le thème du Barldon
Connu sous le nom de Granmoun Lélé, « l’ancêtre », l’artiste ules Ernest Philéas a
évolué dans un espace professionnel et domestique polarisé par l’usine sucrière de Beaufonds
à Saint-Benoît. Il a vécu dans les camps de travailleurs, et les textes de ces chansons sont
empreints des souvenirs de ses ancêtres malgaches. Fils d’une mère Cafrine-Malgache et d’un
père qui exerçait les fonctions de Jako, 42 il fut "tambourinier" à l’occasion des cérémonies
indiennes et réalisait des statuettes hindoues. Il exerçait une vie culturelle intense en adhérant
aux croyances et aux pratiques malbar. 43
Nous réalisons une analyse lexicale et stylistique de sa performance artistique dans le
chant intitulé Kandion nielpou, « Un peu de feu ».44 L’inventaire lexical identifie deux
champs, le « panthéon divin » et le « croyant ». Les personnages divins sont désignés par le
Dieu suprême Goinnda, et son protégé est incarné dans le rôle d’Aldunin. Le poète accomplit
un rituel hindou lequel est qualifié par des objets symboliques : le « feu » nielpou,
l’ ustensile » pandon, les offrandes de la « noix de coco » tinngé et son « eau » tani. Des
interventions destinées à son Dieu sont déterminées par des modalités appréciatives liées à la
12
« douleur et à la dévotion » Ayo, à l’« humilité et l’atténuation » konndion, à la proximité par
l’emploi de terme de parenté « frère aîné » Anin. Cet inventaire lexical insiste sur la
performance du croyant, et plusieurs syntagmes verbaux désignent le champ sémantique du
rituel domestique. Le feu maintenu à l’aide d’un bâtonnet ou un ustensile (a) constitue un
élément indispensable à la convocation d’une entité divine (b). L’élément aquatique est
évoqué à travers de l’eau fraîche de la noix qui contraste avec le feu (c) :
(a) 3-Ma alimé mon panndon anin, « ’embraserais cette mèche frère » ;
(b) 4-Pou kri mon bondié, « et invoquerais ce dieu » ;
(c) 8-Wa tinn mon nielpou, « étouffera ma flamme ».
Ces coalescences entre des signifiants créoles et des concepts tamouls, mais aussi
uniquement entre des signifiants créoles dont les significations sont explicites exclusivement
dans le contexte des croyances hindoues, caractérisent la langue de l’artiste. Une ambiguïté
demeure cependant car les hindous honorent les Dieux majeurs comme Goinnda et d’aucuns
convoquent uniquement les divinités mineures voire les esprits. Le style poétique et l’oralité
caractérisent le corpus de cet idiolecte, car on observe une structure d’un texte en poésie
chantée où seule la performance orale la réalise pleinement. Le texte est composé en quatre
strophes et un excipit. Plusieurs items sont répétés : les rimes nasalisés en in associent
Aldunin et Anin. Les derniers vers de chaque strophe relèvent de syntagmes verbaux qui
insistent sur les mots nielpou et bondié. Les strophes impaires et paires se répètent. La
redondance dans l’emploi des vers se réalise aussi par la traduction des mots tamouls du vers
2 reformulés en créole dans le vers 10 (d) :
2-Kanndion konndion nielpou Anin, « Donne-moi une toute petite étincelle Aîné ! » ;
10-Tipé tipé nielpou anin, « une toute petite étincelle frère »
Une ambiguïté caractérise ce chant du maloya : comment interpréter la densité lexicale
des étymons tamouls et l’absence de références aux épisodes du Barldon. L’univers du poème
évoque le lien du dévot et de son Dieu protecteur, Arjounin et Goinnda, mais le texte inscrit
l’expérience du sujet dans le culte hindou. Le rituel estompe la mise en scène du mythe lequel
ne s’incarne plus par la théâtralité et la remémoration de ses épisodes. En fait cette
discontinuité entre la forme et le contenu du discours révèle à juste titre un tissage subtil des
lignages ancestraux. L’artiste a recomposé ce corpus mais ne l’a vraisemblablement pas
inventé. Il l’a reconstitué en se référant à ses souvenirs et aux multiples expériences
renouvelées dans le khan Bofon ou le « camp des travailleurs de l’usine de Beaufonds ». Il a
côtoyé les travailleurs indiens et participait à la vie religieuse au sein des sanctuaires hindous,
et comme nous le rappelle Firmin Viry en avril 2008, la création du texte s’appuie sur
l’inspiration des ancêtres et se reflète dans le chant du maloya traditionnel 45.
Les épopées du Barldon et du Rmyanon dans la tradition orale créole du maloya
Le métissage des populations serviles et ensuite des engagés légitiment ces processus
de la créolisation mémorielle. Le texte du maloya renvoie à plusieurs périodes et s’appuie sur
une tradition orale probablement antérieure à l’esclavage mais qui s’enracine avec le système
servile et engagiste dès le début du XVIIIe siècle. La tradition orale créole se réfère aux
légendes indiennes dans les désignations même, Grand-mère kal pour Gramakal, et aux
mythes, Siya pour Sidé (Sita) dans l’épopée du Rmyana et Aldounin pour Arjounan
(Arjuna) dans le Mahbhrata. L’opacité des significations et l’état de langue que véhiculent
ces bribes de signifié inscrivent sa genèse à l’aurore même de son peuplement à l’époque
fondatrice de la société réunionnaise durant la période de la Compagnie des Indes. Le
métissage caractérise les cellules familiales originelles entre colons européens et les femmes
indiennes : matrices domestiques et esclaves de la société créole ; mais surtout entre les
13
Indiens et les femmes cafrines-malgaches et mozambicaines. Cette symbiose entre les
populations serviles et contractuelles s’actualise dans le cadre de la deuxième vague de
l’engagisme télinga (de Yanaon) et tamoule (de Pondichéry et de Karikal) caractérisée dès le
début du XIXe siècle par la densité d’une vie religieuse et culturelle que cautionne le patronat
du monde des usiniers et des cultures sucrières. Les processus culturels ont été entretenus
probablement par les Libres du XVIIIe siècle qui organisèrent leur vie communautaire au sein
des khan malbar, ces « espaces de vie » moins excentrés que ceux de la plantation et qui se
situaient en périphérie des centres administratifs et commerciaux. L’osmose interethnique se
projette ainsi dans sa tradition orale et le maloya traditionnel n’est que son prolongement dans
la société réunionnaise. Une étude en ethnomusicologie qui privilégierait les deux
discriminants du chant : la rythmique et la mélodie soutiendrait assurément cette hypothèse.
Notre prospection lexicale et étymologique dans les corpus du maloya d’origine
africaine dite makwalé, mais aussi dans le maloya traditionnel d’origine malgache, encore
désigné kabar, chanté par les poètes créoles de la fin du XXe siècle ont établi une liste de
quarante-cinq items créoles. Dans ce corpus lexical, nous avons identifié quarante-quatre mots
d’origine tamoule qui ont diffusé dans la langue commune et qui ressortent du langage des
hommes et de leurs croyances aux dieux hindous. Qu’ils soient d’origine traditionnelle et
influencés par les cultes malgaches et africains liés à la société de plantation depuis l’époque
de la Compagnie des Indes jusqu’au début du XIXe siècle, ou festive et inscrits dans le temps
présent, les chants des maloya véhiculent des étymons et des concepts tamouls relexicalisés
dans les signifiants créoles : à l’instar de l’étymon tamoul véli, « l’étoile du berger/planète de
Jupiter », un terme qui a été transposé en un synthème créole zétwal katrer, « l’étoile (visible
à) quatre heures ».
Nous avons analysé les corpus du maloya lors des célébrations dites servis kabaré, kaf
et makwélé. Ces extraits de plusieurs auteurs-interprètes : Gérose Barivoitsy dit lo Rwa Kaf,
Gramoun Lélé, Gramoun Baba, Gramoun Bébé, Firmin Viry, Danyel Waro et Gilbert Pounia
ont été publiés en 2008 46.
D’après un corpus d’une dizaine de chants, nous avons établi une liste de quarante
trois items pour lesquels nous avons identifié les étymons tamouls, donné le sens et explicité
leur évolution. Notre analyse s’est portée sur la créolisation lexicale et sémantique. L’étude
lexicale a dégagé les thèmes du sacré hindou et du profane indien. Le sacré intègre plusieurs
notions : les divinités (e), les héros épiques (f), les objets rituels (g) et les concepts spirituels
et artistiques (h) :
(e) : Siva, Kala, Granmerkal, kamati, Goinnda ;
(f) : Vimbouli, Dolvédé, Pandyalé, Darmlingon, Gonydaman, Siya (Sita), Romé
(Rama), Aldunin ;
(g) : sati, lingam, ringon, tourcatapan, marlé, karlon, marlyépou, pandon, tingé, tani ;
(h) : nielpou, véli, ayo, omn, narlgon, kalyanom, tiloumanom.
Le profane intègre la dimension spatiale (i), parentale (j) et domestique (k). La
synthématique est observée sur le plan du syntagme nominal (l) avec une seule occurrence
pour le syntagme verbal (m). Des modifications sémantiques apparaissent pour trois termes
(n). Les mutations opèrent du champ sacré vers le domaine profane et elles sont associées de
surcroît à des faits de relexification :
(i) : lind, langa (lanka), Pondiséri, Tapkal ;
(j) : anin, tambi, Apav, Baba, dalon, malbaman ;
(k) : day, goni, palank, kondion ;
14
(l) : grandfrer, tifrer, zétwal katrer, fler malbar, kolyé fler, bal malbar, mariaz
bondié ;
(m) : kri bondié ;
(n) : tani, « eau de coco » prend la signification de « rhum » ; Siya, la déesse Sita est
transposée en zindyenne zoli, « la belle indienne » ; et Goinnda devient un terme
générique bondié.
Les résurgences des zistwar malbar dans la tradition orale trouvent surtout leur
origine dans les commentaires et les traductions en créole des corpus tamouls formulés par les
artistes ou les officiants malbar. 47 D’aucuns, compositeurs des maloya nourris de l’univers
religieux des espaces sacrés hindous font resurgir dans la tradition orale créole les
thématiques liées aux rituels et aux personnages déifiés des épopées. Les auteurs sont des
poètes créoles descendants de travailleurs malgaches, mozambicains, indiens et européens à
l’instar de Gramoun Lélé, Baba, Viry et consorts 48. Ces résurgences orales plus ou moins
fidèles aux corpus tamouls, par ailleurs commentés et traduits en créole par les artistes ou
officiants s’inscrivent dans la dynamique de la créolisation culturelle. Ces croyances
s’accompagnent d’une dynamique observée tant dans l’évolution de la tradition orale,
musicale et rythmique avec la virtuosité des percussionnistes qu’au sein du panthéon avec la
prépondérance des esprits, d’un Dieu majeur Goinnda aux côtés des héros guerriers et de leur
parèdre originellement polyandre, Pandialé.
Conclusion
Les migrations indiennes depuis la fin du XVIIe siècle ont véhiculé un corpus
complexe qui perdure à La Réunion sous la désignation de bal tamoul encore appelé bal
malbar. L’origine méridionale et tamoule caractérise cette pratique théâtrale qui trouve ses
fondements dans les traditions indiennes du kattaïkkuttu et du terukkuttu. Les témoignages des
médecins de l’émigration confirment l’importance cruciale de ses divertissements qui
atténuaient le désarroi du coolie dans les cales des entreponts sur les navires ou dans les
dépôts d’immigration à l’arrivée. Moyen de dérision et de survie afin de dénoncer les travers
de la société et d’affronter les aléas quotidiens, d’aucuns parmi les migrants empruntaient la
voie de la tragédie et du comique. Les autres travailleurs s’appropriaient du ballet sacré et y
transposait leurs croyances chrétiennes, musulmanes ou hindoues. Après plusieurs siècles de
présence dans l’île, les processus de créolisation caractérisent les pratiques théâtrales dans la
société réunionnaise et deux tendances majeures restent perceptibles. Dans l’art théâtral du
bal tamoul une évolution vers la désacralisation fut entamée dès les performances réalisées
dans les camps des travailleurs. Aussi l’imaginaire fécond des poètes créoles autour de la
thématique du narlgon l’atteste fort bien dans la tradition orale.49 Au répertoire tragi-comique
des migrants indiens sur la société pastorale, les troupes de « bal tamoul » à La Réunion ont
substitué les thématiques religieuses de nature épique et légendaire. Aux gestes des héros et
autres héroïnes du Mahbhrata et du Rmyana et des illustres personnages des terroirs
indiens, surtout formulées dans la langue artistique et expressive tamoule, les « maîtres de
ballet », vartial, ont aussi inséré dans leur performance la langue créole véhiculaire pour dire
le sacré. Dans le domaine religieux, le théâtre rituel de la « marche sur le feu » constitue un
lieu-refuge des valeurs indiennes et de la mythologie hindoue. La percussion et les Chant de
l’Exil connaissent une expansion singulière à la périphérie du sacré tamoul puisque les
thèmes, les signifiants et les structures musicales mélodiques et rythmiques resurgissent dans
la poésie orale créole encore désignée maloya.
Notre communication sur la culture des travailleurs indiens selon une perspective
dynamique de la créolisation linguistique et culturelle met en relief quelques pièces
15
patrimoniales essentielles que La Réunion a conservées dans ses traditions écrites, orales,
architecturales et artistiques. L’enjeu de notre recherche s’avère utile à une meilleure
connaissance de la société créole dans l’Histoire de la France et de l’Inde. Notre travail
apporte son écot à la valorisation culturelle et patrimoniale du temps présent, avec des
retombées socio-économiques (dans les activités audio-visuelles, de l’artisanat, de la
gastronomie et de l’architecture sacrée) et didactiques (à travers les études visant à transposer
le savoir en un enseignement, par la réalisation d’ouvrage pour la connaissance de l’Inde à La
Réunion) dépassant le milieu insulaire premier puisque nous situons nos observations dans la
société actuelle. Notre travail s’est appuyé sur la tradition ancestrale vivante du narlgon, du
Barldon et du maloya. Nous affirmons l’intraculturalité et la dynamique comme des enjeux
majeurs pour le respect de la diversité culturelle au sein d’une société créole de plus en plus
complexe.
1
La pluriculturalité se caractérise par l’apport de plusieurs civilisations et la persistance d’une société composée
de plusieurs cultures. L’interculturalité suppose l’existence d’au moins deux civilisations ainsi que les relations
entre elles. La notion d’ intraculturalité se réfère à ce qui se passe à l’intérieur d’une civilisation, le concept de
dynamique ou le processus en cours la caractérise.
2
Sanscrit : mahâbhârata > tamoul : magâbâradam > créole : ( )barldon. Le qualificatif préposé est supprimé et
la dynamique phonologique porte sur les phonèmes suivants : compensation de la perte vocalique avec
l’apparition d’un phonème vélarisé â > ar ; la spirante est substituée à une liquide, r > l ; suppression de la
voyelle /a/ ; et la nasalisation de la syllabe finale am > on.
3
On désigne par idiolecte l’ensemble des énoncés produits par une seule personne, et surtout les constances
linguistiques qui les sous-tendent et qu’on envisage en tant qu’idiomes ou systèmes spécifique ; l’idiolecte est
donc l’ensemble des usages d’une langue propre à un individu donné, à un moment déterminé (son style).
4
Sylvain, LEVY, Le théâtre indien, Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes, IVe section, sciences historiques et
philologiques, Collège de France, Champion, 1963, première partie : tome 1, 295 p. et tome 2, 123 p., deuxième
partie : 295-429 p.
5
Ibidem, p.409-414 :
6
Le Rmyana se présente sous les versions tamoules épiques commentées, théâtrales et narratives :
Tirouchitrambala DECIGAR (1975) Commentaire du Kambar Rmyana , kamba Rmyana vacanam, Volume I,
592 p., Volume II, 888 p., édité par Ratna Nayagar et fils, Cennaï ; Pièce sur l’intronisation symbolique de
Rma (natakam) (: B.Irattina Nayakar & Sons ghJf ghl;lhgpN\fk; ehlfk;. ; Pièce sur un thème du
Rmyana, mais avec Ravana, l’adversaire de Rama, comme héros. (natakam) B.Irattina Nayakar & Sons
kapypuhtzd; rz;il ehlfk;. ; G..J.SAMUEL, The story of Kusalavan, (kataï) Silver Jubilee Celebration
Series-6, Institut of Asian Studies, Publication n° 98, Chemmancherry, 2006, 228 p. Frytd; fij. Les
traductions françaises ont été réalisées à partir du texte sanscrit et tamoul: RAMAYANA de VALMIKI. Traduit en
français par Alfred Roussel. Volume I, Balakhanda et Ayodhyakhanda 584 p., volume II, Aranyakhanda,
kiskindhakhanda et Sundarakhanda, 682 p., volume III, Yuddhakhanda et Uttarakhanda, 718 p., « Bibliothèque
Orientale », Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1979 ; Le Ramayana publié sous la
direction de M.Biardeau et M.-C.Porcher, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1999 ; ROLLIN
Paranjody (2000). Le Camba-Ramayana. Traduction du Ramayana tamoul, avec une préface de David
Anoussamy, édition revue et complétée par Léonce Cadelis. Edité par le Trait-d’Union, Pondichéry, Imprimerie
de la Mission, 463 p.
7
Karna moksam. (Karna’s death) : a play by PUKALENTIPPULLAVAR, théâtre tamoul, histoire et critique, en
tamoul et traduction anglaise en regard, par M. Hanne de BRUIN. Institut français de Pondichéry, Ecole
Française d’Extrême-Orient (Paris), Leiden institut for Asian studies, 1998. Publication n° 87 du Département
d’Indologie, 260 p.
8
Archives de Médecine navale à Vincennes (Paris) (A.M.N.) : Rapport sur le voyage du « Siam » de Pondichéry à
la Martinique, du 2 au 13 septembre 1859 en rade à La Réunion, signé le chirurgien de première classe, délégué
du gouvernement, LECLERC, dans la Revue Algérienne et coloniale, mars 1860. : Immigration indienne, « Emploi
des journées par les Indiens ». p.9-10.
9
ANOM, Réunion, C.381 D. 3296 : Rapport sur le voyage du Suger de Pondichéry à la Réunion, du 27 juin au 29
juillet 1865, 12 pages, signé Doressamy GNANADICAM.
16
10
Auguste, VINSON. « Un Spectacle au lazaret. » Théâtre indien, Narlégon comédie-ballet en cinq actes, jouée
par les engagés indiens à la Grande Chaloupe. Article publié dans le Bulletin de la Société des Sciences et Arts de
l’Ile de la Réunion, année 1882, Saint-Denis, p. 60
11
Motets : Chants religieux polyphoniques. Ibidem., p. 67
12
Claude, PRUDHOMME, « Théâtre indien », Histoire religieuse de la Réunion, Paris, Karthala, 1984, 369 p.
13
Pierre De MONTFORAND, « Les travailleurs étrangers à La Réunion », Album de Roussin, tome 5, p. 1-13.
14
Trois auteurs catholiques : Istakiyar Natakam de Nanappirakacam PILLAI ; Ciruvan Malalai Vilacam (The
Prodigal Son), d’Arumukam PILLAI, Madras, 1864 ; Nanmarana Ammanaï, de Cucaï PILLAI ; un auteur
musulman, Nakur (Antavan) Puranam de Kulam KATIR NAVALAR, en 1882 ; et des productions théâtrales
islamiques de type natakam avec les œuvres, Appacu, Alavutin, Kapukaraku, Canta Rupi, Tayyar Cultan,
alipatusa, Lalkauhat, dans, Encyplopédia of Tamil Littérature, volume one, Insitute of Asian Studies, Madras,
1990, p.362, 366, 402, 403.
15
Auguste, VINSON. De l’immigration indienne, Saint-Denis, Imp. Lahuppe, 1860, 18 p. ; « Un Spectacle au
lazaret. » Théâtre indien, Narlégon comédie-ballet en cinq actes, jouée par les engagés indiens à la Grande
Chaloupe. Article publié dans le Bulletin de la Société des Sciences et Arts de l’Ile de la Réunion, année 1882,
Saint-Denis, p. 60-70.
16
Pièce sur la mariage de Valli et de Murukan, souvent jouée à l’occasion des fêtes religieuses dans les villages
ou au cours des mariages à la Réunion : B.IrattinaNayakar&Sons, Chennaï, Valli Tiroumanam nadagam ts;sp
jpUkzk; ehlfk;.
17
Nous publions la version créole de l’informateur : É nana liv, pou arfé téat indien, pou donn bal, pou amizé
mem ! I rod larzhan pou fé, par exampp ou fé in nafer komsa, pou gété i pëy la plas, bin i ginÿ bon pé larzhan !
Sa kom in nafèr, sa, bann lamatër mem i fé ! I fé kom in gran lantourazh, i fé sa au milië, bin pou rantré pou alé
woir…[….]
18
Madurémouttou, KAVIRAYAR, Dessingou Raja, 1869.
19
D’après, David, ANOUSSAMY, “L’épopée de Dessingou Raja”, dans, Présence de l’Inde dans le monde, 24
études présentées par Gerry L’Etang. Gerec/Puc et L’Harmattan, Paris, 1994, p.277-285.
20
Josiane et Jean-Luc, RACINE, Une vie paria, le rire des asservis, Inde du Sud, Terre Humaine, Plon/Unesco,
Paris, 1995, p.418
21
Kamil, V.ZVELEBIL, “ Introduction”, Two Tamil Folktales the story of king Matanakama, the story of pieacok
Ravana, Motilal Banarsidas Delhi, 1987, p. XIV.
22
Le corpus complexe est une notion définie par Gillette STAUDACHER-VALLIAMEE : « Il désigne plusieurs types
de corpus attestés dans la communauté créolophone : corpus partiellement ou totalement chanté, en jargon ou
en bribes de langue non identifié, corpus de chant-prière produits au cours de rituels sacrés, de cérémonies du
culte des ancêtres dans leur partie non accessible à l’enquêteur extérieur ainsi qu’en partie festive accessible,
corpus parémial », dans, « Langue et mémoire collective dans les devinettes et proverbes créoles de la
Réunion », in, Combeau, Yvan, (éd.) Iles de l’Océan indien. Histoire et Mémoires, CRESOI, 2010, p.356 note
5. Nous complétons la notion de corpus complexe au vu des données de notre terrain d’enquête qui identifient
une langue et une religion : le tamoul épique et le sacré hindou des engagés indiens.
23
Marie-Thérèse, AMOURETTE, « Cultes », planche 37, carte établie en 1973, p.2 dans, ATLAS DES D.O.M. ILE
DE LA REUNION, directeur de la publication Lasserre Guy, CNRS, IGN, CEGT, Paris, 1975.
24
Christian, BARAT, « Les lieux de cultes Malbar et tamoul », dans, Des Malbars aux Tamouls (L’hindouisme à
l’île de la Réunion), Thèse de doctorat de troisième cycle d’Anthropologie sociale et culturelle (ethnologie
générale), ethnolinguistique, 3 volumes, soutenue à E.H.E.S.S., Paris en 1980, 719 p.
25
Claude PRUDHOMME, Histoire religieuse de la Réunion, Paris, Karthala, 1984, p.326
26
« Les lieux de culte hindouistes, » dans, L’INDE ET LA REUNION, brochure réalisée par le Comité de la culture,
de l’éducation et de l’environnement (Conseil Régional), avec la participation de Jean-Marie DESPORT et de
Bernard REMY, Saint-Denis, 1986, 17 p.
27
Sully Santa, GOVINDIN, Pré-inventaire matériel des sites religieux hindous à la Réunion. Partie 1 : mémoire 26
p. ; Partie 2 : une centaine de documents photographiques, édité par DRAC/ Le Germ, Saint-Denis, 1990.
28
« La Réunion de la seconde moitié du XIXe siècle », dans, Histoire Géographie, Programme pour La Réunion,
4e 3e, DESPORT J.-M., TAVAN M., VILLECROIX P., VILLENEUVE F., Hatier international, Paris, 2001, p.21.
29
Du tamoul : Kappu. « Cette cérémonie marque l’entrée du pénitent dans le temps sacré en le consacrant à
une divinité », d’après, Jean BENOIST : « Lire la marche sur le feu à l’île de la Réunion, ou construire le sens par
l’entrecroisement des regards », dans, De la Tradition à la post-modernité. Hommages à Jean Poirier, P.U.F.,
Paris, 1999, p.161-171.
17
30
Sully Santa, GOVINDIN, « Lir Barldon, Shant Vanavarson. Caractéristiques et traitement d’un corpus
complexe dans la tradition orale réunionnaise », p.59-76, dans, Travaux et documents : Méthodes et problèmes
de la collecte des données : la tradition orale à la Réunion, éd. par Gillette, STAUDACHER-VALLIAMEE,
C.RE.S.O.I., Université de La Réunion, Saint-Denis, n° 27 juin 2006, 123 p.
31
VILLIPUTTAR (1986), Villi Paratam, avec le commentaire de Venkata Kirusnayyankarar, quatre volumes édités
par Vanati Patippakam, Cennaï ; Cf.-Rajagopalachari C. [Mahabharatam]. Texte tamoul, édité par Vanati
patippagam, Madras, 1984, 430 p.

VILLIPUTTURAR
(1969),
Shri
mahaparatam
vasanam
kaviyam,
Vittvan
Tankapuram
Sanmoukkavirayaravarkalal, moutal pakkam, 258 p., irantam pakkam, 234 p., Cennaï.Irattina Nayakar ant
Sentavarkal patippikkappettratu.
33
ARUMAKAKAVAMIKAL (1907), Shri mahaparata vilacam, avec le commentaire de Irankasami mutaliyar,
Cennaï.
34
Sully Santa GOVINDIN, Padon & Vanavarson (1992). Collection de 16 cartes postales, « Semaine de l’Inde,
Saint-Denis », Éditions Le Germ.
35
Dans, Paul, ZUMTHOR, « la voix et l’écriture : poésie orale et poésie écrite », chapitre 2, « Mise au point »,
dans, Introduction à la poésie orale, collection poétique, Seuil, 1983, p.35-37.
36
Les rimes, les allitérations et assonances conjuguées aux rythmes du vers et de sa mélodie facilitent la
mémorisation du chant.
37
Gillette, STAUDACHER-VALLIAMEE, dans, « La Bulle Ineffabilis en langage créole de Bourbon » in Puren, A. et
Bonhomme, A. : « Langues et Patrimoine créoles au XIXe siècle » in Cahiers des Anneaux de la Mémoire, n°2.
Paris : Karthala, Association des Anneaux de la Mémoire, 2000, p. 221.
38
Le mythe sanscrit du Mahâbhârata est devenu une religion hindoue populaire et créolisée à La Réunion. La
dynamique phonologique explicite son étymologie : du sanscrit, mahâbhârata > en tamoul magâbâratam > en
créole, barldon. Cf., Sully Santa, GOVINDIN, « Lir Barldon, Shant Vanavarson. Caractéristiques et traitement
d’un corpus complexe dans la tradition orale réunionnaise », dans, Travaux et documents : Méthodes et
problèmes de la collecte des données : la tradition orale à la Réunion, éd. par Gillette Staudacher-Valliamee,
C.R.E.S.O.I., Université de la Réunion, Saint-Denis, second semestre 2006, p .59-76.
39
GOVINDIN Sully Santa, Surya Vanom (Vanavarson-chant premier). Edition bilingue tamoul-français, traduction
et translittération, illustration, index et bibliographie. Ouvrage agrémenté d’un disque compact digital de 74
minutes et de la présentation des « Chants du Vartial », IRSC FR-28Z-00-00016, format 15 x 16,5 cm, 107 p.,
édition le Germ-Etang Salé (Réunion), 2000., ISBN 2-9517144-5-9.
40
Poukajéndi Poulavar, Pañcapandava vanaçam,Ar, ji, pati, kampéni, 4, venkataramayyar teru, Mint, building,
cennaï-1, 1972, India
41
Poukajéndi Poulavar, «Pannirandavatu Kalabhaïrava Vanam » dans, Pañcapandava vanaçam, Ar, ji, pati,
kampéni, 4, venkataramayyar teru, Mint, building, cennaï-1, India 1972, p.232-247 ; cf. « Le chasseur ou Siva
déguisé en chasseur », dans, Martine CHEMANA, et GANESA, Ayar, Khatakali, théâtre traditionnel vivant du
Kerala, traduit du malayalam présenté et annoté. Connaissance de l’orient, Gallimard, 1994, p.211-241
42
Cédric, TAURISSON, Des pieds enchaînés à la création subventionnée Analyse poiétique du maloya de l’île de
la Réunion, Mémoire de maîtrise d’éthnologie, Université de la Réunion, Département d’ethnologie, année
1999-2000, sous la direction de YU-SION LIVE, p.80
43
Voir la fiche n° fiche n°43 de Phileas Julien dit gramoun Lélé, dans, Mémoire de l’esclavage dans les îles du
Sud­Ouest de l’océan Indien. Inventaire des Fonds d’Archives publiques et privées. Rapport Final. Programme
de Recherche Unesco Route de l’esclavage dans l’océan Indien. Coordonnateur et responsable scientifique :
Sudel FUMA (Université de la Réunion) ; spécialiste du programme : Marie José THIEL (UNESCO).
44
Strophe1: 1Ayo Aldunin Ô Arzhounin !; 2Kanndion konndion nielpou Anin Donne-moi une toute petite
étincelle Aîné ! ; 3Ma alimé mon panndon anin J’embraserais cette mèche frère ; 4Pou kri mon bondié et
invoquerais ce dieu ; Strophe 2 : 5Tinngé tinngé tani anin de l’eau de la noix de coco aîné ; 6Tinngé tani l’eau
de la noix ; 7Tinngé tani anin de l’eau de la noix de coco mon frère ; 8Wa tinn mon nielpou étouffera ma
flamme ; Strophe 3 : 9Ayo Aldunin Ô Arzhounin ! ; 10Tipé tipé nielpou anin une toute petite étincelle frère ;
11Ma alimé mon panndon anin j’embraserais cette mèche ; 12Pou kri mon bondié et l’invoquerais Strophe 4 :
13Tinngé tinngé tani anin de l’eau de la noix de coco aîné ; 14Tinngé tani l’eau de de la noix coco ; 15Tinngé
tani anin de l’eau de la noix coco mon frère ; 16Wa tinn mon nielpou étouffera ma flamme ; 17Goinnda.
Goinnda. Ce texte est extrait de l’article : -« Le texte du maloya », de Carpanin, Marimoutou dans, Le champ
littéraire réunionnais en questions, Univers créoles 6, sous la direction de Valérie Magdeleine et Carpanin
Marimoutou, Anthropos, Paris, 2006, p.140 ; Nous proposons une traduction plus littérale de celle que
Carpanin, Marimoutou a proposé de ce texte dans son article en note de la page 140.
18
45
Sur le fondement du texte poétique du maloya, Carpanin Marimoutou écrit que le récit conteste les discours
dominants : « par l’inscription systématique du pluriel dans le lieu, dans la langue, dans la réélaboration des
mémoires croisées. Cette multiplicité des mémoires est au cœur des textes du maloya, en raison même des
conditions de sa production. Les ancêtres absents sont nombreux, et l’inscription du sujet sur le lieu implique la
prise en compte de leurs rencontres partielles ou totales ainsi que celle de l’intégration de tous les ailleurs
comme cela qui construit l’espace du sujet et son langage. », dans, Ibid., p.132
46
Carpanin, MARIMOUTOU, « Poétiques vernaculaires et modernités : le maloya en textes », Op.cit., 2008,
p.155-197
47
Voir les transcriptions de ces récits et leur traduction en français par les anthropologues : Jean, BENOIST
“ L’histoire de Mardévirin ”, dans, Hindouismes créoles, Mascareignes, Antilles. Editions du Comité des Travaux
historiques et scientifiques, Paris, 1998, p.281-288 ; Christian BARAT, « Histoire de Pakarsoulin », p.229-238 ;
« Histoire de Alvan », p.240-253, dans, Nargoulan. Culture et rites malbar à la Réunion. Saint-Denis, Editions du
Tramail, 1989.
48
Firmin, VIRY, Mon sario la miser, dans, Christian BARAT, 1989, Op.cit., p.191-192 ; Gramoun Lélé, Kondion
nielpou , dans, La chanson réunionnaise : une approche sociolinguistique, sous la direction de L.J.Calvet, 1995,
tome 3, p.690-691 ; Narlgon, de Danyèl, WARO, dans, “ Démavouz la vi ”, p.84-85, collection Farfar liv kréol,
Grand Océan, 1996
49
Nous nous référons aux chants du maloya et plus précisément aux thématiques religieuses et aux structures
musicales et rythmiques en sus des référents épiques dans cette tradition orale créole. Voir aussi les
productions contemporaines de Danyèl, WARO, « Narlgon », Démavouz la vi, p.84-85 collection Farjar liv kréol,
Grand Océan, 1996, et de Carpanin, MARIMOUTOU, Narlgon la lang, édition K’A, 179 p. 2002.

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