3-Un festin printanier pour Clark, le casse

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3-Un festin printanier pour Clark, le casse
Les découvertes inattendues d’un curieux naturaliste!
3-Un festin printanier pour Clark, le casse-noix d’Amérique…
par Hugues B. Massicotte
La recherche des signes printaniers est une occupation
importante pour le naturaliste et, particulièrement cette année, avec un
mois d’avril qui bat tous les records de froidure! Les phénomènes
naturels à observer sont abundants et fascinants, parfois éphémères. Il
faut donc toujours être réceptifs! Dans mon cas, c’est souvent une
coincidence, couplée avec un peu d’ouverture d’esprit, qui me fait
réaliser une nouvelle dimension du réseau écologique dans lequel nous
vivons. Est-ce qu’il y a quelque chose de plus stimulant que de découvrir
du nouveau dans un endroit familier mille fois parcouru?
À l’université, une partie de mon travail consiste à étudier les
noms des arbres: c’est la science de la dendrologie. Le dendrologiste se
pose toutes sortes de questions: quelles espèces d’arbres peut-on
retrouver dans nos régions? Comment peut-on les reconnaître?
Comment réagissent-ils aux perturbations humaines? C’est fascinant
d’utiliser des indices comme la forme des feuilles, aiguilles et bourgeons,
la couleur des fleurs, la texture de l’écorce pour essayer de répertorier
les arbres qui forment notre paysage. En effet, l’étudiant remarque
souvent que le cours de dendrologie fait changer la façon dont il (elle)
perçoit le monde. En soi, on peut redécouvrir son monde à chaque jour
si l’on est attentif!
Un intérêt de recherche de notre laboratoire est un arbre qui vit
dans les montagnes de l’ouest du Canada et des États-Unis. Cet arbre
un peu mystérieux, un pin a 5 aiguilles surnommé pin à écorce blanche
(Pinus albicaulis), est en quelque sorte un spécialiste des hauteurs. Il se
retrouve à 1000 mètres et plus, très proche de la limite des arbres. Dans
ces habitats peu hospitaliers (mais spectaculaires au mois de juillet),
l’arbre survit et prend son temps pour pousser! Il a des ennemis
implacables (comme la rouille vésiculeuse et les dendroctones) mais il a
aussi une alliance étonnante avec un oiseau magnifique, le casse-noix
d’Amerique (Nucifraga columbiana).
L’arbre produit des cônes très durs qui ne s’ouvrent pas à
maturité. Heureusement, le casse-noix vient à la rescousse! Travailleur
infatiguable, il peut briser les cônes avec un bec puissant, entreposer
une quantité de graines dans un sac situé sous sa langue, prendre son
envol et enfouir le cargo précieux, souvent loin de l’arbre d’origine. Le
casse-noix cache ainsi des milliers de graines et, ayant une mémoire
spatiale phénomènale, il les récupère quand il est prêt à les consommer
pour lui-même ou sa nichée. Certaines graines seront oubliées, vont
germer et initier ainsi une nouvelle cohorte de pins. Les cachettes sont
nombreuses et permettent aux casse-noix de survivre, mais je me
demande ce qu’ils font lorsqu’il y a trop de neige?
Le signe printanier dont je vous parlais, le voici. Mon épouse et
moi revenions d’une excursion à la fin mars près de Jasper. Dans une
forêt de “Sapin” Douglas, nous arrêtons pour écouter un jacassement
bruyant. Quelle surprise! Plusieurs douzaines de casse-noix profitent de
la fonte des neiges autour des troncs d’arbres pour dévorer des graines,
non pas de pin à écorce blanche mais de Douglas et pin tordu, et ainsi
complémenter leur diète! La joie de vivre printanière, version “cassenoix”.
Deux photos du pin à écorce blanche
Cônes de pin albicaule
Le casse-noix au repos
Photos: courtoisies de l’auteur
Hugues Massicotte est professeur de biologie forestière, à UNBC,
dans le programme de Science et Aménagement des Ecosystèmes

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