1667 le masque de fer
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1667 le masque de fer
1667 LE MASQUE DE FER On sait que Louis XIII n’habitait plus depuis longtemps avec la reine, et que la naissance de Louis XIV ne fut due qu’à un heureux hasard habilement amené, hasard qui obligea absolument le roi à coucher dans même lit que la reine. Voici comme je (l’auteur) crois que la chose sera arrivée : « La reine aura pu s’imaginer que c’était par sa faute qu’il ne naissait point d’héritier à Louis XIII. La naissance du Masque de fer l’aura détrompée. Le cardinal (Richelieu), à qui elle aurait fait confidence du fait, aura su, par plus d’une raison, tirer parti de ce secret ; il aura imaginé de tourner cet évènement à son profit et à celui de l’Etat. Persuadé, par cet exemple, que la reine pouvait donner des enfants au roi, la partie qui produisit le hasard d’un seul lit pour le roi et pour la reine fut arrangée en conséquence. Mais la reine et le cardinal, également pénétrés de cacher à Louis XIII l’existence du Masque de fer, l’auront fait élever en secret. Ce secret en aura été un pour Louis XIV, jusqu’à la mort du cardinal Mazarin. Mais ce monarque, apprenant alors qu’il avait un frère, et un frère aîné que sa mère ne pouvait désavouer, qui, d’ailleurs, portait peut-être des traits marqués qui annonçaient son origine, faisant réflexion que cet enfant, né durant le mariage, ne pouvait, sans de grands inconvénients et sans un horrible scandale, être déclaré illégal après la mort de Louis XIII, Louis XIV aura jugé ne pouvoir user d’un moyen plus sage, qui le dispensait de commettre une cruauté que la politique aurait représentée comme nécessaire à un monarque moins consciencieux et moins magnanime que Louis XIV. Les probabilités se réunissent pour le croire un fils naturel d’Anne d’Autriche, ou, mieux encore, un frère jumeau de Louis XIV. Ce fait est rapporté par le Mémorial de Sainte-Hélène : « Voltaire, Dutens, etc., le font frère jumeau de Louis XIV, et son aîné. Or, quelqu’un – probablement Las Cases – a ajouté que, travaillant à des cartes généalogiques, ou était venu lui démontrer sérieusement que lui, Napoléon, était descendant linéal de ce Masque de fer, et par conséquent, l’héritier légitime de Louis XIII et de Henri IV, de préférence à Louis XIV. Charles-Quint/François-Auguste Mignet/1863-Gallica.bnf 1667 LE MASQUE DE FER Le gouverneur des îles Sainte-Marguerite, disait-on, auquel la garde du Masque de fer était alors confiée, se nommait M. de Bonpart. Celui-ci assurait-on, ne demeura pas étranger aux destinées de son prisonnier. Il avait une fille ; les jeunes gens se virent, ils s’aimèrent. Le gouverneur en donna connaissance à la cour ; on décida qu’il n’y avait pas grand inconvénient à laisser cet infortuné chercher dans l’amour un adoucissement à ses malheurs ; et M. de Bonpart les maria. » « Celui qui parlait à ce moment disait que, quand on lui racontait la chose, qui l’avait fort amusé, il lui était arrivé de dire qu’il la trouvait fort ingénieuse ; sur quoi le narrateur s’était fâché prétendant que ce mariage pouvait se vérifier aisément sur les registres des paroisses et que les enfants qui naquirent, furent clandestinement emmenés en Corse où le hasard ou l’intention avait transformé leur nom de Bonpart en Bonaparte et Buonaparte. » « A cette anecdote, on a ajouté qu’au moment de la révolution, on avait fait une histoire semblable en faveur de la branche d’Orléans. On la fondait sur une pièce trouvée à la Bastille. On supposait qu’Anne d’Autriche, qui accoucha après 23 de stérilité, avait mis au monde une fille. La crainte qu’elle n’eût point d’autre enfant avait porté Louis XIII à éloigner cette fille, et lui substituer faussement un garçon, qui avait été Louis XIV. Mais, l’année suivante, la reine accoucha encore ; et cette fois, ce fut un garçon, Philippe, chef de la maison d’Orléans, qui se trouvait ainsi, lui et les siens, les héritiers légitimes ; tandis que Louis XIV et les siens n’étaient que des intrus et des usurpateurs. Dans cette version, le Masque de fer était une fille. Une brochure courut les provinces, à ce sujet, lors de la prise de la Bastille ; mais l’histoire ne fit pas fortune : elle mourut sans avoir même un instant, à ce qu’il parait, occupé la capitale. » Aujourd’hui encore, le Masque de fer reste une énigme et il le restera, à moins qu’une pièce nouvelle ne vint refaire surface. Charles-Quint/François-Auguste Mignet/1863-Gallica.bnf