fp decameron - La maison de l`image

Transcription

fp decameron - La maison de l`image
LE DECAMERON
Le Décaméron Il Decameron
« Dans le film, je joue un artiste du Nord de l’Italie historique, qui descend à Naples pour faire des
fresques (précisément selon cette ontologie de la réalité) dans l’église de Santa Chiara. Et de fait, je
suis un écrivain de l’Italie du Nord, de la partie historique de l’Italie, qui va à Naples tourner un film
réaliste. Voilà l’analogie. Donc, à l’intérieur de l’œuvre, il y a, disons, l’œuvre dans l’œuvre. C’est-àdire qu’il y a un détachement critique qui n’existait pas dans mes intentions initiales. » Dans cette mise
en abîme, l’ultime phrase que le peintre prononce (« Pourquoi exécuter une œuvre alors qu’il est si
beau de seulement la rêver ? ») fait se rejoindre, comme une surimpression, le peintre et le cinéaste .
Pier Paolo Pasolini
Italie – 1971- 110mn- VOST
Synopsis :
Quelques thèmes à étudier avec les élèves
-la structure du conte.
-l’adaptation : du texte à l’image (notamment le rôle des narrateurs et des personnagesrelais).
-Naples: en choisissant les contes se déroulant à Naples (à l’exception de celui de Ciappeletto), Pasolini capte le parler napolitain (sa musique particulière, son phrasé) ainsi que les
mimiques.
-la reconstitution du Moyen Âge est-elle réaliste? Pasolini parle d’une reconstitution poétique. D’où la notion de l’imagerie du Moyen Âge, à discuter avec les élèves (en cours d’Histoire).
Niveau:
à partir de la 2nde
Disciplines :
Français,
histoire,
italien,
musique
Adaptation de neuf nouvelles du Décaméron.
Pour relier les différents histoires, Pasolini débute par l’aventure à rebondissements d’Andreuccio (interprété par son acteur fétiche Nino
Davoli) ; par sa structure picaresque, cette histoire se donne comme une figure réduite de l’ensemble. De plus, Pasolini ajoute deux personnages-relais que sont Ciappaletto, le chapardeur
toujours flanqué de son sac, et le peintre Giotto.
Le réalisateur a placé dans la partie centrale du
film quatre contes, les plus nuancés ou les plus
insolites pour la psychologie (histoire de Ciappaletto ; celle du voyage du peintre; celle du rossignol de Caterina et celle du pot de basilic). Lesquels sont encadrés par des contes plus gras, plus
« rabelaisiens », dont les personnages et les situations ressortissent davantage à la tradition populaire du fabliau (histoire du jardinier au couvent ; celle de la jarre vendue ; celle de la jument
et celle de Tinguccio et Meuccio).
Réalisation : Pier Paolo Pasolini. Scénario : Pier Paolo Pasolini, d’après Le Décaméron de Boccace. Image : Tonino
Delli Colli (Technicolor). Cadreur : Giovanni Carlo. Décor : Dante Ferretti. Costumes : Danilo Donati. Son : Pietro
Spadoni. Musique : Ennio Morricone et Pier Paolo Pasolini. Montage : Nino Baragli. Production : Alberto Grimaldi.
Interprètes : Franco Citti (Ciappaletto), Nino Davoli (Andreuccio), Pier Paolo Pasolini (le peintre Giotto), Angela
Luce (Peronella), Patricia Capparelli (Alibech), Jovan Jovanovic (Rustico), Gianni Rizzo (le père supérieur), Vincenzo
Amato (Masetto), Silvana Mangano (la Madone), Mirella Catenesi, Monique van Goren, Gerhard Exel, ainsi que des
interprètes non professionnels de Naples.
Prix : Ours d’argent au 21ème Festival de Berlin.
INTERDIT aux moins de 16 ans
Réalisateur: voir fiche : Pier Paolo Pasolini
Fiche pédagogique éditée par la maison de l’image
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Fiche pédagogique éditée par la maison de l’image
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Le Décaméron Il Decameron
LE DECAMERON
Le recueil de contes :
Œuvre célèbre de la littérature italienne, le Décameron est en fait un recueil de nouvelles auquel Boccace (Giovanni Boccaccio en italien) a donné un cadre bien précis. Afin de fuir l'épidémie de peste noire qui ravage la ville de Florence en 1348, dix jeunes gens (sept femmes et
trois hommes) partent en villégiature à la campagne pendant quelques jours. Pour se divertir,
ils instaurent une règle selon laquelle chacun devra raconter quotidiennement une histoire
rejoignant un thème que celui qui aura été nommé roi (ou reine) du jour aura choisi. Ainsi,
dix jeunes gens racontant chacun une nouvelle pendant dix jours produisent un total de cent
nouvelles. Le titre de l'œuvre indique d'ailleurs cette prééminence du chiffre 10 –déca-.
Contrairement à ce qui est souvent véhiculé, le séjour des jeunes gens à la campagne dure en
réalité plus de dix jours puisqu'ils s'accordent quelques jours de relâche afin de vaquer à d'autres plaisirs. Les petites nouvelles tournent surtout autour de l'amour aussi bien courtois que
vulgaire. L’auteur prend souvent la défense des femmes qu'il trouve opprimées, à son époque.
Il montre que la meilleure arme des femmes est la parole si elles savent en user correctement.
Analyse
Selon Pasolini, « le fondement de toutes morales sociales est le puritanisme ». Seul remède : la
transgression des tabous imposés. La révolte et le désespoir qui animent son œuvre jusqu’alors,
d’où son caractère de provocation qui n’est qu’en fait un cri de protestation, sont absents dans Le
Décaméron. A la fin du Moyen-Âge, du moins le Moyen-Âge vu par Pasolini, on ne refoule pas
encore les aspirations sexuelles. Nul recul des personnages devant l’acte de chair, nul remords ;
aucun puritanisme, aucune consomption ; aucune évanescence, ni non plus aucune hantise ; ils
vivent à l’aise avec eux-mêmes.
L’absence de notion de péché pare de dignité Isabetta, l’héroïne de l’histoire de basilic, de fraîcheur Riccardo et Caterina dans l’histoire du rossignol, nus en toute simplicité, sans exhibitionnisme parce qu’ils ignorent innocemment la pudeur. Quelle jubilation d’entendre crier ces nonnes
fornicatrices au miracle ! Il est significatif que le dernier épisode du film soit consacré à l’histoire
de Tinguccio et de Meuccio ; le premier, une fois mort, vient rassurer le second : ce n’est pas un
péché que de coucher avec les commères ; dans l’au-delà, on n’en tient pas compte ; et Meuccio
court à travers les ruelles, au point du jour, bouscule les chats errants, pour se précipiter chez sa
commère en criant : « Ce n’est pas un péché ! Ce n’est pas un péché ! »
Avant Le Décaméron, les personnages féminins chez Pasolini étaient sinon désincarnés (Ida, seule
« figure de pureté » dans Porcherie), du moins idéalisés, comme Silvana Mangano, dans Œdipe
roi, Jocaste sans sourcils et sans âge, ou dans Théorème mondaine séduisante, mais ne brûlant que
sous une apparence cristalline et glacée, ou encore comme Maria Callas, immobile Médée, archétype de la féminité hiératique. Avec Le Décaméron, le corps plantureux fait son apparition : Péronnella et Gemmata, les héroïnes de l’histoire de la jarre et de celle de la jument, sont vigoureusement dénudées et peu hésitantes dans leur besoin sexuel. Quelques additions à la trame fournies
par Boccace vont dans le sens d’une libération physique : ainsi, les trois frères, dans l’histoire du
basilic, quand ils emmènent Lorenzo dans la montagne, se rangent en file pour pisser, comme les
ragazzi des romans « populistes » de Pasolini (Les Ragazzi et Une vie violente). Le frère qui surprend Lorenzo quittant la couche de sa sœur est, dans le film, lui-même occupé avec une servante,
ce que n’indique pas le texte chez Boccace. « Tout contrarié qu’il est de cette découverte, sa prudence naturelle lui inspire le plus sage parti. Sans rien dire ni manifester, il reste, jusqu’au matin,
à rouler diverses pensées sur la conduite de sa sœur. Le jour venu, il fit part à ses frères de ce
qu’il avait appris. » Chez Pasolini, en revanche, il se précipite, voilant à peine sa nudité d’un
linge, auprès de ses frères pour les réveiller et leur crier la nouvelle. C’est d’ailleurs dans ce film
qu’on voit pour la première fois un phallus en érection (en dehors des projections pornographiques), comme un défi à la censure. Ce film fut interdit aux moins de18 ans au moment de sa sortie.
Avec Le Décaméron, Pasolini approfondit sa praxis de la culture populaire. Le poète qui a auparavant célébré Gramsci a délibérément voulu un film grand public qui rencontra d’ailleurs le succès escompté. C’était dans l’air du temps, ce souci de la culture populaire (en France, un cinéaste
comme René Allio le pratiquait à sa façon avec Les Camisards et Rude Journée pour la Reine).
Cela se traduit ici par une truculence et une joyeuseté inédites, qui se prolongera avec Les Contes
de Canterbury et Mes mille et une nuits, formant ce que PPP appellera par la suite La trilogie de la
vie…./...
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