Recommandations de sécurité 10 juillet 2015

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Recommandations de sécurité 10 juillet 2015
Accident survenu au MD 83 dans la région de Gossi (Mali) le 24 juillet 2014 Recommandations de sécurité adressées à la FAA et à l’AESA le 10 juillet 2015 par le président de la Commission d’enquête du Mali et le BEA Le 24 juillet 2014, le MD-­‐83 immatriculé EC-­‐LTV effectue le vol régulier de nuit AH 5017 au départ de Ouagadougou (Burkina Faso) et à destination d’Alger (Algérie). La montée jusqu’à l’altitude de croisière est réalisée sans événement significatif, l’équipage effectue plusieurs altérations de cap afin de contourner une cellule orageuse. Le pilote automatique et l’auto-­‐manette sont engagés. L’avion atteint le niveau de vol 310, soit environ 9 500 m. Le pilote automatique passe alors en mode de maintien d’altitude et l’auto-­‐manette en mode de maintien de vitesse (Mach). L’analyse des paramètres enregistrés indique qu’environ deux minutes après la mise en palier de l’avion, au niveau de vol 310, la valeur de l’EPR (Engine Pressure Ratio) est devenue incohérente et surestimée vis-­‐à-­‐vis des autres paramètres moteurs enregistrés. Cette anomalie est survenue d’abord sur le moteur droit et ensuite, environ 55 secondes plus tard, sur le moteur gauche. La mesure surestimée d’EPR est attribuée à l’obstruction des capteurs de pression PT2 situés sur le cône de nez des moteurs. Ce phénomène peut avoir été causé par la présence d’air froid et humide en bordure de la cellule orageuse. D’après l’analyse des paramètres enregistrés il est vraisemblable que le système d’antigivrage des moteurs et de leur capteur de pression PT2 n’était pas activé. En conséquence, le système d'auto-­‐manette a réduit le régime des moteurs pour maintenir l'EPR erroné dans les limites autorisées, ce qui a provoqué une diminution progressive de la vitesse et une augmentation de l’assiette de l’avion sur une période d’environ 5 minutes 30 secondes. Par la suite, l’avion a décroché. Les 116 occupants sont décédés. Des événements similaires se sont produits, qui n’ont cependant pas conduit à des accidents. Les deux événements survenus en juin 2002 et en juin 2014, ont été étudiés plus en détails. L’événement de juin 2002 a fait l’objet d’un rapport d’enquête du NTSB. Le 4 juin 2002, l’avion McDonnell Douglas MD-­‐82, immatriculé N823NK et assurant le vol Spirit Airlines 970, a connu une perte de puissance des deux moteurs, en vol de croisière au niveau de vol 330, soit environ 10 000 m. Les deux capteurs de pression ont été obstrués par des cristaux de glace, engendrant une indication incorrecte et surestimée de l’EPR, qui a causé une diminution progressive de la vitesse et une augmentation de l’assiette de l’avion sur une période d’environ 5 minutes. L’équipage a perçu la diminution de vitesse et les signes précurseurs du décrochage juste avant de déconnecter le pilote automatique et de mettre l’avion en descente. Il n’avait pas activé les systèmes de protection contre le givrage des moteurs. Cet événement a eu lieu de jour, hors des nuages. •
Le 6 août 2002, Boeing a publié un FOB (Flight Operations Bulletin) dans lequel il informe les exploitants des avions de type MD-­‐80 des risques de décrochage lorsque la vitesse diminue et que l’équipage vole en croisière avec le mode auto manette engagée pour maintenir une vitesse. •
Le 16 mai 2008, la FAA a adressé un document InFO (Information for Operators) aux exploitants et aux pilotes. Celui-­‐ci leur fournit des conseils et des informations concernant le givrage rencontré à des altitudes élevées. Ce document recommande que les responsables de sécurité, les directeurs des opérations, et les membres d’équipage entre autres doivent comprendre et être conscients des signes de conditions de givrage en haute altitude, des effets de ces conditions sur les avions et les performances des moteurs, et la nécessité de l'utilisation appropriée du système antigivrage des moteurs. Le 8 juin 2014, l’avion MD-­‐83 immatriculé EC-­‐JUG de la compagnie Swiftair qui effectuait un vol de transport de passagers au niveau de vol 330, a subi une diminution de la vitesse sur une période de 20 minutes alors qu’il évoluait de jour au-­‐dessus de la couche nuageuse. . L’équipage a détecté le problème, mis l’avion en descente et activé les systèmes de protection contre le givrage des moteurs évitant ainsi une situation de décrochage. Le vol s’est poursuivi normalement. Cet historique d’événements ainsi que les données relatives à l’accident du vol AH 5017 ont été partagés avec l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (AESA) et par son intermédiaire avec les autorités américaines (FAA). • L’AESA a publié le 15 avril 2015 un SIB (Safety Information Bulletin). Ce document rappelle aux équipages les principes de base de la physique du vol pour leur permettre de mieux gérer la vitesse de l'avion (nombre de Mach) lorsqu'il vole à haute altitude et d’éviter ainsi un risque de décrochage. Ce document, ainsi que le FOB de Boeing et l’InFO de la FAA cités ci-­‐dessous, visent à attirer l’attention des équipages sur l’importance de la surveillance de la vitesse en croisière et des performances de l’avion. L’expérience montre que, dans les scenarios de givrage du capteur PT2 cités ci-­‐dessus, la diminution de vitesse survient progressivement, puis s’accélère lorsque la vitesse s’approche de la vitesse de décrochage. Une des manifestations d’une obstruction du capteur PT2 est une incohérence entre la valeur de l’EPR et la valeur du régime de rotation N1. Malgré l’information (FOB, InFO) faite aux équipages, des événements résultant d’une diminution de vitesse probablement liée à une obstruction du capteur PT2 se sont produits. Ce constat amène le besoin de mettre à disposition des équipages une procédure opérationnelle relative à la détection et à la réaction à une indication d’EPR erronée, en complément du SIB publié par l’AESA. À l'heure actuelle, les documentations telles que l’AFM (Aircraft Flight Manual) ne contiennent pas de procédures spécifiques pour permettre aux équipages, à partir des paramètres indiqués du moteur, de mettre rapidement en évidence une situation d’incohérence d’EPR résultant d’une obstruction du capteur de pression du cône de nez. La détection de cette incohérence permettrait aux équipages de réagir avant que l’avion ne s’approche dangereusement d’une situation de décrochage. Aussi la Commission d’Enquête sur les Accidents et Incidents d’Aviation Civile du Mali et le BEA recommandent : - que la FAA, en tant qu’autorité primaire de certification, ou à défaut l’EASA, imposent une modification du manuel de vol des avions de type MD80 pour : o attirer l’attention des équipages sur les risques liés au givrage possible du capteur de pression PT2 à l’altitude de croisière, y compris en l’absence de signes visibles de givrage, notamment lorsque le système de dégivrage des moteurs n’est pas activé et o leur fournir les moyens de détecter rapidement une indication erronée d’EPR et d’y remédier, - que la FAA et l’EASA étudient le besoin d’action similaire pour d’autres avions équipés de moteurs faisant appel aux mêmes principes de gestion de la poussée. 

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