LES REGLES DU SAVOIR VIVRE Regarts

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LES REGLES DU SAVOIR VIVRE Regarts
Les règles du savoir-vivre dans la société moderne
Il était dans un XIXème siècle finissant une vieille
fille, une certaine Blanche Soyer qui s’ennuyait au
fond de sa province. Et qui pour tromper son ennui,
se rêva baronne et publia pas moins d’une vingtaine
de manuels de savoir vivre qui connurent un grand
succès sous le nom de Baronne Staffe.
En 1991 Jean Luc Lagarce confie dans son journal :
« Lundi14 octobre 1991
Je n’écris plus. Je n’essaie pas. Comme quelque
chose de cassé – Juste la fin du Monde ou Histoire de
Gary qui serait la seule histoire qui vaille la peine...
Même les courts textes – une demande de Roland Fichet sur « Le Jour de ma naissance » – ou une
commande sur « Le Savoir-vivre » pour Belfort. »
Il enrichit alors le manuel de la soi-disant baronne de réflexions personnelles y rajoutant sa mordante
ironie et cet objet théâtral incongru connut lui aussi un fort succès.
2008 : Le metteur en scène François Thomas s’en empare à son tour. Portant le décalé au maximum, il fait
jouer le personnage de La Dame par un homme.
Pas un travesti, non, mais un être mi-homme mi femme, talons hauts pointure 44, bas noirs , robe noire
moulante et écharpe rose s’enroulant autour d’un torse velu, surmonté d’un visage barbu telle une
Conchita Wurst avant l’heure. Tromperie des apparences…
Il opère des coupures dans le texte, modifie parfois l’ordre des paragraphes et, réduisant la mise en scène
à sa plus simple expression – juste quelques rares déplacements – laisse porter tout le spectacle sur les
épaules du comédien, extraordinaire Martin Juvanon du Vachat. Le port de tête altier, la mine gourmande,
l’œil pétillant, ce dernier laisse planer des silences, propose des tournures de phrase elliptique des plus
surprenantes, avec un phrasé très Lagerfeld. Il ne perd jamais son public, le fixant droit dans les yeux, lui
souriant en instaurant une complicité bienveillante, assénant mi affirmatif mi interrogatif des « Possible »
qui viennent rythmer le récit comme un refrain qu’on se surprend à attendre.
Le manuel de la baronne, si dépassé dans sa désuétude, devient un monument d’humour, tout en nous
laissant une peinture incisive d’un XIXème siècle décrivant une vie de la naissance à la mort où tout est
codé jusqu’au ridicule.
On rit donc d’un rire léger, fin : on n’est pas Dieu merci à se taper sur les cuisses, mais comme on peut
s’esclaffer n’est-ce pas entre gens d’un même monde ?
Nicole Bourbon