LAITICIA BINDANG EDOU La problématique de l`enseignement
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LAITICIA BINDANG EDOU La problématique de l`enseignement
LAITICIA BINDANG EDOU La problématique de l’enseignement technique et professionnel moyen au Gabon La formation technique et professionnelle a souvent été considérée comme un facteur déterminant dans le processus de développement des forces productives des pays en quête de progrès, de croissance et de modernité tel que le Gabon. C’est dans cette logique qu’elle fut institutionnalisée et légitimée en 1966 dans la loi 16/66 portant organisation générale de l’enseignement dans la République gabonaise. Mais depuis la tenue des Etats Généraux de l’Education et de la formation de 1983 au Gabon, le bilan diagnostic et les perspectives de l’enseignement technique et professionnel scolaire conduisent au désenchantement. Ses effets pervers ne cessent d’être relevés dans les discours tenus par la société civile nationale et internationale. La parole n’étant jusqu’à ce jour pas donnée à ses principaux bénéficiaires que sont les élèves et les enseignants, c’est tout l’objectif de la présente étude. Avec eux, nous débattons des attributs sociaux de l’enseignement technique et professionnel scolaire, afin de répondre à la question de son attractivité, en dépit des discours peu élogieux prononcés à son égard. Nous examinons aussi les causes de l’inefficacité de l’enseignement technique et professionnel scolaire en interrogeant les conditions de scolarité des élèves, les certifications, les rendements scolaires et le vécu de la carrière enseignante. Les élèves en classes de fin d’études et les enseignants en activité dans les établissements scolaires publics des provinces de l’Estuaire et de l’Ogooué Maritime composent l’échantillon. Notre méthode d’enquête est essentiellement quantitative. Cependant, en vue de favoriser la diversité des points de vue et d’ouvrir des voies au croisement et à la comparaison, nous avons eu recours à l’observation participante, à la recherche documentaire, au recueil d’archives et à l’entretien individuel. Ces diverses méthodes d’enquêtes mettent au jour une lecture négative dudit enseignement en désaccord avec celle des élèves qui le décrivent ainsi : il « ouvre les portes du monde de travail, est le meilleur enseignement, forme les élites, les ingénieurs et est le perfectionnement de l’intellect de l’homme ». Ainsi, ces derniers se qualifient à l’aide des superlatifs : « supérieur, largement supérieur ». Leurs enseignants, soit près du tiers, le définissent à leur tour comme un « enseignement aux formations complètes qui préparent à la vie professionnelle » et disent souvent de leurs élèves détenteurs de diplômes professionnels tels que le BT qu’ils sont des professionnels responsables qui ne déçoivent pas en entreprise, que ceux qui possèdent le BEP sont des agents assez qualifiés à même d’être des ingénieurs et que ceux qui ont obtenu le DENC sont très performants et professionnels. Les enseignants estiment également que les bacheliers sont favorables à la poursuite de leurs études en raison de leur jeune âge et que l’Etat gagnerait en épargne pour leur formation, qui n’est qu’un complément de leurs connaissances. En quelques mots, pour ces deux groupes d’acteurs, l’enseignement secondaire technique et professionnel ne conduirait pas au désenchantement. Face à ce hiatus, et guidée par l’une des interrogations de Paul Willis1 qui alimente en Franc les débats actuels en sciences sociales, à savoir : Pourquoi et comment les enfants obtiennent-ils des boulots d’ouvriers ? Et pourquoi ils se laissent faire ? Notre recherche offre différents éléments de réponses à cette problématique. L’analyse du recrutement et du vécu de la carrière enseignante et la confrontation des propos tenus par les enseignants, les « experts » chargés de les accompagner tout long de leur carrière et les points de vue exprimés dans les textes de loi quant à elles invitent à nuancer les conclusions sur « la souffrance de l’enseignant ». Mots clés : Gabon, enseignement technique et professionnel scolaire, condition de scolarité des élèves, certification, rendement scolaire, vécu de la carrière enseignante, boulot d’ouvrier, souffrance de l’enseignant, élève, enseignant, expert. 1 P. Willis, auteur de l’ouvrage intitulé de Learning to labor publié en 1977, traduit en français en 2011 sous le tire de L’école des ouvriers.