Roland Giraud - EPE de Marcinelle

Pensez-vous jouir d'une bonne qualité d'écoute
de la part de Dieu?
Je pense que Dieu écoute tout le monde. Quant à
moi, je ne sais pas... Je ne sais pas ce qu'il a prévu
pour moi. En tout cas, je sais qu'à mon très modeste
niveau, j'essaie d'accomplir son message.
Roland Giraud
Par Seba Ministru / Chroniques
22/01/2010 - 11h32
Pour Bonté divine, il est entré dans les ordres. Pour
nous, il est passé à confesse.
Dans Bonté divine, vous interprétez un prêtre qui
dialogue avec un rabbin, un imam et un bonze.
Pour entrer dans le rôle, avez-vous pensé à un
modèle? Par exemple à votre copain de l'armée
qui était curé?
Roland Giraud. - Oui, c'est vrai, j'ai eu un copain
curé à l'armée, en Algérie. C'est lui qui m'a initié aux
Evangiles, puisque je viens d'une famille qui ne m'a
pas appris à aller au catéchisme. C'est un type qui
m'a appris beaucoup de choses.
A l'armée?
Oui.
Pendant que les autres buvaient des coups en
discutant de filles, vous, vous vous initiiez aux
Evangiles dans votre chambre avec votre copain?
Oui, mais ça ne m'empêchait pas de parler de filles
et de boire des coups. J'allais le dimanche à la messe
et puis on discutait de choses qui me paraissaient
essentielles. Après, j'ai connu ma femme qui est
d'origine hollandaise. Elle vient d'une famille de
protestants calvinistes et eux, il m'ont achevé en
quelque sorte. Du coup, je suis protestant. Mais je
représentais le contraire de ce qu'ils voulaient pour
leur fille. Ils voulaient un protestant hollandais et ils
ont eu un comédien français athée.
Comment s'exprime votre foi personnelle au jour
le jour? Est-ce que vous donnez aux pauvres?
Est-ce que vous parlez à Dieu? Est-ce que vous
dites le bénédicité?
Je fais ce que je peux, même si l'essentiel est de lire
les textes. Mais bon, il faut aussi les vivre. Le mal
est profond dans notre société. On a beau parler de
tolérance, il n'y a pas beaucoup de gens capables
d'entendre l'idée de tolérance.
Quand il vous arrive ce qui vous est arrivé - la
disparition de votre fille Géraldine et de son
amie, toutes deux assassinées -, on n'a pas envie
de l'envoyer balader, Dieu?
Non, je ne peux pas faire ça, parce que ce n'est pas
de sa faute, c'est de la faute des hommes - faillibles,
certainement pas très bons. C'est vrai que ma vie et
celle de ma fille sont brisées, mais il n'est pas de
mon devoir de juger cet homme-là (Jean-Pierre
Treiber, le principal suspect du meurtre de
Géraldine Giraud et Katia Lherbier - NDLR).
J'aimerais seulement que ces gens-là soient mis à
l'abri de la société, parce qu'ils sont très dangereux.
Pensez-vous être capable de pardonner?
Je sais que je dois le faire, mais je ne sais pas le
temps que ça prendra. C'est très difficile. Si je l'avais
en face de moi, je commencerais par lui parler...
En avez-vous envie?
Pour le moment, non, je ne suis pas prêt. Il n'a
jamais eu une parole de regret... Je connaissais bien
ma fille, je sais qu'elle n'aurait jamais fréquenté un
type comme ça... Je sais que c'était violent et je ne
peux pas vous en dire plus parce que je n'ai pas
l'intention d'en parler...
Les gens sont-ils plus délicats avec vous depuis la
mort de votre fille? Plus bienveillants?
J'ai noté, effectivement, sachant ce qui était arrivé les gens doivent se dire "Ça aurait pu m'arriver à
moi" - ils sont, oui, c'est ça... plus bienveillants.
Qu'est-ce qui vous pousse à vous lever le matin?
Je pense toujours à sœur Emmanuelle qui, à chaque
fois qu'elle rencontrait un homme de pouvoir, lui
demandait: "Et toi, qu'est-ce que tu as fait pour les
autres aujourd'hui?" Chaque matin, je me dis:
"Qu'est-ce que je peux faire aujourd'hui qui me rend
supportable aux yeux de Dieu?"
A quoi ou à qui pensez-vous le soir en vous
couchant?
Je pense toujours à ma femme et à ma fille. Il y en a
une qui est toujours avec moi, Dieu merci - même si
on est souvent séparés à cause du métier - et il y en a
une dont la présence me manque chaque heure de
chaque jour. Je pense à elle et j'espère être conforme
à ce qu'elle attendait de moi.
Merci d'avoir répondu à mes questions...
C'est moi qui vous remercie.