la théologie biblique sur la natte communautaire

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Revue des sciences religieuses 84 n° 2 (2010), p. 219-227.
LA THÉOLOGIE BIBLIQUE
SUR LA NATTE COMMUNAUTAIRE
L’article porte un titre un peu osé et le lecteur pourrait s’attendre
à y trouver un débat sur la théologie biblique. Il n’est pas question de
soulever ici cette question, mais notre objectif est de présenter un
projet en cours de réalisation, à savoir : le rayonnement théologique
dans les communautés de base.
À l’exemple de Jésus évangélisateur itinérant, le théologien est
invité à descendre des amphithéâtres universitaires pour rejoindre la
natte communautaire de la palabre sur la Parole de Dieu. En effet, si
l’objectif du théologien est d’amener ses destinataires à mieux
connaître Dieu et son message, s’il veut que son discours soit pertinent et efficace, son agir doit se faire en deux mouvements : le mouvement de ressourcement et le mouvement de l’aller vers et de l’être
avec les destinataires d’un message dont il n’a pas le monopole de
sens, c’est à dire d’interprétation. Le rôle du théologien est alors de
contribuer par ses connaissances exégétiques à l’intelligence du texte
en proposant notamment à la communauté en palabre les clés de
décryptage et de prendre ensuite la place d’un simple membre pour se
laisser enrichir par l’apport de la communauté en palabre où chacun
est invité à s’exprimer sur ce qui se fait et sur ce qui se dit. Le théologien forme les membres de la communauté et se laisse former par
eux. « Ahari inama haba Imana : là où est la communion, là Dieu est
présent et opérationnel ». Et l’Évangile selon Mt 18,20 ne dit pas
autrement : « Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je
suis au milieu d’eux ».
Convaincue de la puissance de la parole livrée en palabre, je crois
que l’enracinement de la parole de Dieu dans le terroir africain ne peut
pas se faire sans la contribution de la base. L’ouverture aux modèles
de discussions au sein de la communauté en palabre traditionnelle est
une des voies pour y parvenir. Et pour cela, l’apport de la base éclairée
par les chercheurs théologiens est une contribution indispensable pour
la véritable vitalité de la communauté. Le projet de rayonnement théologique veut, à son niveau, contribuer à cette vitalité communautaire.
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Il aura à établir le pont entre les théologiens et la base en les mettant
sur la même natte communautaire. Pour y arriver le projet prépare la
base à l’accueil des enseignements des théologiens et facilite leurs
mouvements de l’aller vers et de l’être avec les communautés de base.
Le projet crée, à cet effet, des espaces qui rendent accessibles aux
chrétiens de la base les enseignements des théologiens. Ces derniers
sont invités à enseigner dans notre langue, puisque la plupart des chrétiens n’en comprennent pas une autre. Cette manière de faire va
certainement contribuer à l’accouchement théologique dans notre
langue et notre culture.
Mais comme ce projet est vaste, il a fallu commencer modestement par un bout : la vulgarisation de l’étude de la Bible.
Depuis cinq ans, j’y travaille dans certaines paroisses de l’Église
de Dieu qui est au Burundi. En 2007, ma Congrégation des Sœurs
Bene Tereziya, qui a comme charisme « l’enseignement de la Parole
de Dieu » a approuvé le projet comme point d’appui pour la nouvelle
évangélisation. En 2009 lors de la clôture du Jubilé de 75 années
d’existence de la Congrégation des Bene Tereziya, la Supérieure
Générale a invité solennellement les chrétiens à entrer à l’école de
l’étude de la Bible pour tous : « Mw’ishule : ‘Mukama Menyekana’ » :
en français « Épiphanie ». Actuellement, ma famille religieuse est en
train d’intensifier ses efforts pour que ce projet devienne le tremplin
de la nouvelle évangélisation en cours. M’offrir un espace dans cette
illustre revue pour en parler est déjà une contribution.
Avant de présenter le projet lui-même, je vais commencer par
parler de ce qu’on pourrait nommer l’ avant projet.
I. À L’AVANT PROJET SE TROUVENT DES BAKURAMBEREKIRUMARA : ANCÊTRES MODÈLES
Le professeur Bujo, dans son article sur Vincent Mulago 1, dit que
nous sommes des nains qui, portés par les géants pionniers de la théologie africaine, voient plus loin.
Cette phrase de ce « passionné de l’homme africain » 2 vaut pour
tout chercheur qui ne tient que parce que porté par le maillot des fibres
qu’est la communauté de ses « abakurambere-kirumara », ancêtres 3
1. Cf. B. BUJO, « Vincent Mulago « , in : B. BUJO et J. ILUNGA MUYA (éd.), La
Théologie africaine au 21e siècle, Vol. I, Fribourg/Suisse 2002, 33.
2. Cf. B. BUJO, Dieu devient homme en Afrique Noire. Méditation sur l’Incarnation, Kinshasa 1996, 7.
3. Ce que le terme « ancêtre » français n’exprime pas, le terme kirundi le fait, qui
englobe les vivants comme les morts tant qu’ils nous devancent en quelque chose.
Umukurambere littéralement signifie celui ou celle qui a grandi avant.
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modèles. Le projet en cours de réalisation au Burundi tient sur
plusieurs bakurambere-kirumara. Ne pouvant les énumérer tous, il
me suffira d’en nommer deux :
Le professeur Bujo qui a éveillé en plus d’un Africain la fierté de
travailler en sorte que l’Afrique soit honorée et respectée. En effet ce
professeur répète souvent dans les enseignements adressés aux
étudiants africains que nous sommes des ambassadeurs de l’Afrique
partout où nous sommes. Ses exhortations et surtout ses enseignements ont encouragé l’orientation des travaux de mémoire et de thèses
vers les sujets qui vont dans le sens de contribuer à l’inculturation du
message chrétien dans le terroir africain. C’est par les informations de
ce professeur que j’ai découvert que les exégètes étaient en retard en
matière d’inculturation. Et j’ai pris la décision de m’orienter en
sciences bibliques.
Sur mon parcours la providence plaça un mukurambere-kirumara
européen en la personne de l’illustre exégète Dominique Barthélemy,
d’heureuse mémoire.
Promoteur de mon travail de licence canonique à l’Université de
Fribourg (Suisse), le professeur Barthélemy m’a enrichie de son
estime et m’a montré la joie et la volonté qu’il avait de former une
africaine autrement qu’une personne de culture européenne. Un
étudiant européen jouit de différentes études élaborées dans sa langue
et culture alors que l’africain doit se frayer le chemin puisque la
plupart des écrits sont encore de nos jours dans les langues que la
plupart de leur peuple ne comprennent pas.
Le professeur Barthélemy, tenant compte de mon aire culturelle et
des besoins de mon Église, m’obligea à me tenir à l’écart des notes et
des commentaires pour rédiger mon mémoire de licence. Selon lui, la
recherche linguistique sur le terme hébreu rehem et ses dérivés dans
tous les livres de l’Ancien Testament contribuait à enrichir le vocabulaire kirundi et m’obligeait à faire un va-et-vient dans le texte
hébraïque. Son argument était qu’un étudiant d’une autre aire culturelle que l’Europe devait s’atteler au texte hébreu pour en tirer plus de
profit pour sa culture et sa langue. La rédaction de mon mémoire de
licence et plus tard de ma thèse de doctorat m’a confirmée et encouragée dans la conviction que pour les cultures et langues qui n’ont pas
encore élaboré les instruments de base propres à leur génie, les notes
et les commentaires interviennent en complément d’un travail qui se
fait à partir des langues originales bibliques, notamment l’hébreu et le
grec. Lire directement de l’hébreu en kirundi est une contribution on
ne peut plus bénéfique pour la théologie dans cette langue et culture.
En recherchant le sens de rehem et de ses dérivés par exemple, je me
suis rendu compte que le français n’avait pas de terme correspondant
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aux Rahamim hébreu alors que le kirundi en avait. Les recherches
doctorales me confirmèrent l’urgence d’élaborer des instruments de
base dans nos langues à partir des textes originaux pour pouvoir faire
la théologie dans nos langues.
Ces deux bakurambere-kirumara ont réellement contribué à me
faire envisager le projet de rayonnement théologique.
II. LE PROJET LUI-MÊME
Comme je l’ai déjà noté plus haut, je ne prétends pas montrer en
détail tout le projet. Il me suffira, pour cet article, de relever l’objectif
global et les objectifs spécifiques en vue de montrer l’ampleur et la
direction du projet. Je présenterai ensuite ce qui est en train de se faire
dans le domaine du rayonnement de la Bible, en attendant le rayonnement des autres axes théologiques.
1. Objectifs
L’objectif global du projet est le rayonnement des grands axes
théologiques (la Bible, la morale, le dogme…) pour les rendre accessibles aux simples chrétiens.
Les objectifs spécifiques sont au nombre de 6 :
• Offrir un espace propice pour tout chrétien qui veut approfondir
sa foi en Église
• Offrir un cadre de réflexion, de ressourcement et d’expression.
• Promouvoir les nouvelles méthodes à l’africaine de la Nouvelle
Évangélisation.
• Promouvoir la théologie dans nos langues principalement, le
kirundi, le kinyarwanda et le kiswahili.
• Faire connaître et aimer les Saints africains et les présenter
comme abakurambere-kirumara, ancêtres modèles.
• Faire connaître les théologiens africains et leurs œuvres et
susciter l’intérêt de les consulter.
2. En cours de réalisation au Burundi : la vulgarisation de l’étude
de la Bible
Ce projet en train de se réaliser depuis 2005 offre à ceux qui
répondent à son appel un espace et un encadrement de lecture personnelle et communautaire.
Deux motivations sont à la base de l’initiative :
• Les Catholiques ont mis en avant les commentaires des textes
au lieu des textes eux-mêmes.
• L’autre motif vient de ma conviction. Celui qui connaît la Bible
n’est pas nécessairement celui qui a fait de hautes études
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bibliques, mais bel et bien celui qui la lit et la médite souvent.
C’est pour cela que j’ose parler de « L’étude ou l’école de la
Bible pour tous ». Ce « tous » englobe même des illettrés.
Quant aux objectifs, on peut les définir ainsi :
1. Susciter et aiguiser l’intérêt de la lecture de la Bible.
2. Offrir au lecteur des clés de lecture qui lui permettent de se
familiariser avec les livres bibliques.
3. Faire comprendre aux chrétiens l’importance de puiser à la
source des textes bibliques et leur montrer que le commentaire
du texte est un apport efficace pour celui qui l’a déjà lu.
4. Donner au chrétien les moyens qui lui permettent de repérer et
de constater que l’éventail des problèmes et des questions traitées dans la Bible le concerne et donne sens à sa vie.
5. Répondre aux questions des lecteurs.
6. Offrir aux chrétiens des arguments bibliques qui leur permettent de répondre dignement et sereinement « à ceux qui leur
demandent de rendre compte de leur foi » (cf. 1 P 3, 15) et de
leur appartenance ecclésiale.
7. Former des animateurs de paroisses et ceux de petites communautés de base.
On peut enfin définir trois étapes :
1. Former et animer le groupe Mukama Menyekana : Épiphanie.
2. Décanter la masse et former les animateurs.
3. Suivi des animateurs.
1. Première étape : former et animer le groupe Mukama Menyekana :
La première séance vise à sensibiliser et à motiver le chrétien à
puiser à la source des textes bibliques d’une part et à présenter la
méthode de la lecture d’autre part.
La séance de sensibilisation vise à susciter et à aiguiser l’intérêt
de la lecture de la Bible. L’objectif principal de cette séance est de
pousser le chrétien à s’appliquer à lire, à méditer et comprendre la
Bible, le livre par excellence de son Bien-Aimé Maître Jésus-Christ :
l’Ancien Testament que Jésus aimait et recommande d’étudier et
d’enseigner, et le Nouveau Testament, le livre écrit sur lui.
1. a. Textes proposés :
La séance de sensibilisation commence toujours par un petit jeu et
s’articule sur six textes. Il s’agit de Lc 4,16-18 ; 24,25-27 ; Mc 12,1824 ; Mt 4, 1-10 ; Mt 5,17-19 ; Eph 6,17.
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• Les quatre premiers textes ont pour but de montrer au chrétien
que son modèle, Jésus Christ, est attaché aux Saintes Écritures
et s’appuie sur elles pour soutenir ceux qui souffrent, éclairer
ceux qui lui tendent des pièges (Mc 12, 18-24ss) ou pour
couper court aux tentations du diable (Mt 4, 1-10).
• Mt 5,17-19 montre que s’appliquer à connaître les Saintes Écritures n’est pas facultatif pour le chrétien, mais est bel et bien
l’ordre du Seigneur Jésus : « Je ne suis pas venu abroger la Loi
ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir.
Car, en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et
la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la Loi 4 que
tout ne soit arrivé… ».
• Ep 6,17 répète au chrétien d’aujourd’hui ce que saint Paul affirme
aux Éphésiens : la Parole de Dieu est le glaive de l’Esprit.
1. b. Propositions d’un procédé de lecture
Le projet Mukama Menyekana propose à ceux qui répondent à
son appel une lecture personnelle complétée par la lecture communautaire dirigée. Pour toute lecture personnelle ou communautaire, il
est recommandé au lecteur ce qui suit :
• lire jusqu’au bout le livre qu’il commence ;
• lire uniquement les versets et s’enrichir des commentaires et
des notes au deuxième tour de lecture ;
• prendre 5 minutes au moins par jour de lecture personnelle et
au moins une heure par semaine de lecture communautaire
dirigée ;
• s’orienter dans sa lecture par les clés de lecture proposées à
l’avance.
Remarquons qu’avec la lecture personnelle on suit son rythme et
que la lecture communautaire dirigée va au rythme du groupe.
1. c. Méthode de lecture communautaire dirigée
La méthode s’inspire de celle de la palabre. Cela veut dire que
tout lecteur a la possibilité de prendre la parole s’il le désire. L’animateur est comme le chef de la palabre qui distribue la parole et veille au
bon déroulement de sa circulation au sein de la communauté en
lecture biblique.
La délimitation du texte à lire doit faciliter l’attention des lecteurs
et se fait suivant les titres donnés par les versions bibliques.
4. La Loi « Torah » exprime ici les cinq livres de Moïse.
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La lecture du texte est faite par différents lecteurs. Un passage est
lu par deux ou trois selon le bien fondé de l’animateur qui distribue la
parole. Ce moyen favorise l’écoute attentive de tous, car chacun se
sent concerné et les voix différentes empêchent l’ennui. L’idéal est
que tous aient le texte sous les yeux. Là où il y a des illettrés, la lecture
se fait deux à trois fois pour leur permettre de bien garder en mémoire
le texte et pouvoir contribuer à la discussion.
1. d. Après la lecture
L’animateur aide les lecteurs à repérer les clés de lecture. Il peut
dire un mot sur le texte, mais pas plus que 5 minutes, en vue d’éclairer
ou d’attirer l’attention sur l’un ou l’autre point. Ce qui importe le plus
est d’ouvrir les questions, les débats, les témoignages.
1. e. Contenu des enseignements donnés au groupes Mukama Menyekana
• Les éclaircissements et les échanges sur le texte lu en communauté
• Organisation des conférences, des week-end bibliques d’approfondissement.
Au niveau de toute la paroisse s’organisent des week-end d’approfondissement ouvert au plus grand public. On fait appel aux biblistes
et aux théologiens pour donner des conférences sur le livre en train
d’être lu communautairement.
– Au cours de la lecture d’un livre, les conférences sont destinées
à renforcer les clés de lecture ou à donner un apport de réponse aux
questions qui reviennent souvent dans les discussions communautaires.
– À la fin de la lecture communautaire d’un livre donné, il y a une
conférence sur le livre, l’auteur, le destinataire…
À titre d’exemple, signalons ce qui a été réalisé en rapport avec
l’Évangile selon Saint Marc :
* Une conférence en rapport avec les clés de lecture : Parole, attitude et action de Jésus dans Saint Marc.
* Deux conférences en rapport avec les questions que se posaient
les chrétiens, à savoir le rôle de la Sainte Écriture pour un chrétien et la Sainte Écriture dans la tradition de l’Église.
* À la fin de la lecture communautaire de Marc, il y a eu une
conférence sur le livre, l’auteur, le destinataire.
Comment s’organise un week-end biblique ?
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– Un samedi est réservé aux conférences et aux témoignages
Les conférences sont introduites par l’animation et par la prière de
louange.
– Le suivant dimanche est réservé à l’apostolat de l’« allez vers ».
Pour imiter Jésus évangélisateur itinérant, les lecteurs de la Bible
selon Mukama Menyekana organisent sur les collines ou dans les
communautés de base des rassemblements. On y envoie en principe
4 personnes : l’animateur qui doit veiller à ce que personne ne s’ennuie, l’intercesseur qui prie pour l’assistance céleste, celui qui dirige
la prière de louange et enfin l’enseignant chargé de donner l’enseignement sur un des thèmes préparés par un bibliste à l’intention des
rassemblements sur les collines ou au sein des communautés de base.
Cet enseignement est le même pour tous, mais l’enseignant peut l’enrichir et l’adapter à son public.
2. Deuxième étape : former les animateurs de groupes Mukama
Menyekana
À la fin de la lecture du livre, un appel à s’inscrire pour porter plus
loin l’enseignement reçu est lancé à ceux qui ont suivi régulièrement
la lecture du livre. Ils doivent avoir tout suivi y compris les conférences, les journées et les week-end bibliques. L’objectif est de leur
donner une formation pour qu’ils puissent faire lire aux autres le livre
lu personnellement et communautairement suivant la méthode
Mukama Menyekana.
– La matière est le livre déjà lu personnellement et communautairement.
– La formation porte sur la maîtrise de la méthode de transmission
et sur le contenu du livre à faire lire.
– La formation est basée sur les exercices de la lecture du texte et
la manière de réceptionner les questions des lecteurs. Dès que
l’animateur est à l’aise, il est autorisé à commencer l’animation
d’un groupe. L’évaluation se fait après au moins quatre leçons
modèles avec les critiques du formateur et celles de ses
collègues de formation.
La troisième étape, enfin, mais je ne ferai que la mentionner : il
s’agit d’assurer le suivi des animateurs au niveau de la paroisse et au
niveau de petites communautés de base.
*
*
*
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Je reviens à ce que je disais avant. Travailler à la vulgarisation me
forme en tant que théologien. J’expérimente avec bonheur combien la
Communauté est le lieu par excellence de la formation du discours
théologique biblique. L’élaboration de tout discours théologique se
fait à l’aide de la communauté des vivants, des morts et des non
encore nés. L’objectif du théologien étant d’amener ses destinataires
à mieux connaître Dieu et son message, le discours ne sera pertinent
et efficace que s’il écoute la communauté trinitaire (son mandataire)
et celle à laquelle est destinée son message.
Le message inspiré par Dieu, que ce soit par vision, par rêve, par
audition ou par méditation, vient à l’expression quand l’inspiré entre
en contact avec l’assemblée de Dieu ou entre en contact avec celui
auquel il est envoyé. Même Jésus Christ puise dans le patrimoine
communautaire et parle un langage du milieu qu’il a dû apprendre
plusieurs années (30 ans) avant d’entamer sa mission. Marc l’Évangéliste nous montre Jésus s’entourant de disciples avant d’« étendre » sa
prédication sur le Royaume dans les synagogues et dans les villages.
Les Apôtres ne font pas autrement. Qu’il nous suffise de donner
l’exemple de saint Paul qui va jusqu’à dire : « Je me suis fait tout à
tous afin de gagner quelques uns ».
Le messager qui s’applique à apprendre de la communauté les
expressions qui parlent pertinemment à celle-ci trouvera toujours la
parole qui convient pour faire pénétrer le message dans les fibres les
plus intimes de ses destinataires.
Je dirai en guise de conclusion de ce paragraphe que tout discours
oral ou écrit est œuvre communautaire. Personne ne compose son
discours ex nihilo. Tout auteur s’appuie sur ses devanciers (Abakurambere kirumara) et sur ses contemporains et son œuvre reste
ouverte à ces derniers et aux générations à venir qui se doivent de le
compléter et de porter plus loin ses paroles.
Lucie KAYANDAKAZI
Burundi