Validation du Questionnaire sur l`implication parentale dans le suivi
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Validation du Questionnaire sur l`implication parentale dans le suivi
Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Article original Validation du Questionnaire sur l’implication parentale dans le suivi scolaire (QIPSS) chez des parents d’élèves du primaire en contexte défavorisé et pluriethnique Validation of the Questionnaire sur l’implication parentale dans le suivi scolaire (QIPSS) with a sample of elementary student’s parents living in multi-ethnic and disadvantaged areas K. Tardif-Grenier a,∗ , I. Archambault b a b Département de psychoéducation et de psychologie, université du Québec en Outaouais, 5, rue Saint-Joseph, J7Z0B7 Saint-Jérôme, Québec, Canada École de psychoéducation, université de Montréal, Montréal, Canada i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Reçu le 18 décembre 2014 Reçu sous la forme révisée le 4 décembre 2015 Accepté le 28 avril 2016 Mots clés : Validation Implication parentale Collaboration école-famille Immigration Réussite scolaire École primaire r é s u m é Cette étude vise à évaluer la validité du questionnaire sur l’implication parentale dans le suivi scolaire (QIPSS), un instrument de mesure élaboré à partir d’une synthèse des modèles d’implication parentale existant dans les écrits scientifiques. L’échantillon de validation incluant 711 parents d’élèves du primaire majoritairement issus de l’immigration a été recueilli dans cinq écoles situées en milieu défavorisé sur l’Île de Montréal. Le devis comporte deux temps de mesure, répartis sur deux années scolaires distinctes. Les résultats indiquent que le QIPSS présente une bonne validité de construit ainsi qu’une validité prédictive satisfaisante. Les analyses factorielles exploratoires et confirmatoires ont permis de produire un modèle de l’implication parentale comportant cinq dimensions, dont certaines prédisent le rendement scolaire de l’élève un an plus tard. Le QIPSS s’avère être un bon outil pour tenir compte de la participation des parents dans un contexte de recherche. Dans les études futurs, il serait souhaitable d’examiner le pouvoir prédictif de cet instrument sur d’autres variables rendant compte du parcours scolaire de l’élève, comme par exemple l’engagement scolaire. © 2016 Publié par Elsevier Masson SAS. a b s t r a c t Keywords: Validation Parental involvement School-family partnership Immigration Academic achievement Elementary school Introduction. – The effect of parental school involvement on children’s academic success has a longstanding basis in research. However, few validated measures of parental involvement exist. Objective. – This study aims to assess the validity of the Questionnaire sur l’implication parentale dans le suivi scolaire (QIPSS), an instrument developed from a synthesis of existing parental involvement models in the literature. Method. – The validation sample included 711 parents of elementary students who mostly present an immigrant background. This sample was collected in five schools located in disadvantaged areas. This study includes two time points collected over 2 consecutive school years. Results. – The QIPSS has good construct validity and satisfactory predictive validity. Exploratory and confirmatory factor analyses allowed us to generate a model of parental involvement comprising five dimensions, some of which predicting students’ academic performance a year later. Conclusion. – Findings are discussed in light of previous parental involvement studies. The QIPSS is proved to be a good tool to account for parental involvement in a research context. Nonetheless, children’s outcomes other than academic success should be taken into account in future studies. © 2016 Published by Elsevier Masson SAS. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K. Tardif-Grenier). http://dx.doi.org/10.1016/j.erap.2016.04.007 1162-9088/© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS. 140 K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 Le fait de réussir à l’école est un déterminant significatif de la qualité de vie à l’âge adulte et il est établi que les parents sont des acteurs cruciaux en ce qui concerne la réussite scolaire de leurs enfants (Henry, Knight, & Thornberry, 2012). En effet, de nombreuses études ont montré l’importance de l’implication parentale dans le suivi scolaire et ses bénéfices pour l’élève en documentant des effets positifs, entre autres, sur son rendement scolaire (Jeynes, 2005). Il n’existe toutefois pas de consensus relativement à la définition de l’implication parentale dans le suivi scolaire et très peu d’outils francophones validés permettent d’en rendre compte auprès d’élèves du primaire. De surcroît, aucun de ces outils n’a été validé auprès de populations immigrantes et défavorisées alors que ces populations occupent une place importante et grandissante au sein des écoles des pays occidentaux. Dans le but de pallier ces lacunes, la présente étude s’attardera dans un premier temps à l’élaboration d’une définition de l’implication parentale dans le suivi scolaire. Dans un deuxième temps, cette définition et le Questionnaire sur l’implication parentale dans le suivi scolaire (QIPSS) qui en découle seront validés auprès de parents d’élèves fréquentant une école primaire située en milieu défavorisé et pluriethnique. Cette étude permettra de mieux comprendre comment se traduit concrètement l’implication de ces parents de même que son association avec le rendement scolaire de l’élève. 1. La réussite scolaire des élèves issus de l’immigration en milieu défavorisé Plusieurs raisons justifient l’intérêt de se pencher sur la réussite des élèves issus de l’immigration en contexte défavorisé. La proportion d’élèves issus de l’immigration est en constante augmentation au sein des écoles québécoises, en particulier en milieu défavorisé (MELS, 2014). Or, la réussite scolaire revêt un caractère unique pour les élèves issus de l’immigration en milieu défavorisé. D’une part, elle détermine bien souvent le succès ou l’échec du projet migratoire de la famille car ces parents sont nombreux à voir la réussite scolaire de leur enfant comme un moyen d’améliorer le statut social de la famille et peuvent exercer une certaine pression pour qu’il réussisse à l’école (Spera, Wentzel, & Matto, 2009). D’autre part, ces élèves font face à des défis qui peuvent compromettre momentanément leur réussite éducative, comme par exemple le stress associé à la pauvreté à laquelle ils sont davantage confrontés que leurs pairs natifs du Québec (McAndrew et al., 2015). Il est important de souligner qu’en dépit de ces défis auxquels ces élèves font face, ils sont nombreux à parvenir à s’adapter à leur nouvel environnement scolaire et à être en situation de réussite (Bouchamma, 2009). À cet égard, les parents pourraient jouer un rôle crucial pour aider leur enfant à surmonter ces défis et favoriser sa réussite scolaire. 2. Définition de l’implication parentale dans le suivi scolaire Bien que la quantité impressionnante d’études ayant porté sur l’implication parentale donne l’impression d’une connaissance approfondie de ce phénomène, les écrits scientifiques traitant de l’implication parentale dans le suivi scolaire sont complexes et souvent contradictoires (Shute, Hansen, Underwood, & Razzouk, 2011). Ainsi, à l’heure actuelle, il n’existe pas de définition de l’implication parentale dans le suivi scolaire qui fasse consensus. Plusieurs auteurs s’entendent toutefois sur le fait que l’implication parentale consiste en un ensemble de pratiques et de croyances (e.g. Fan & Chen, 2001) et ont, par conséquent, adopté une perspective multidimensionnelle pour définir l’implication parentale. Les principales définitions multidimensionnelles sont présentées au Tableau 1. Epstein (2001) a élaboré une définition de l’implication parentale dans le suivi scolaire d’élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire. Cette définition n’a toutefois jamais été validée empiriquement. Celle proposée par Jeynes (2005) découle d’une méta-analyse qui collige 52 études et 300 000 élèves du secondaire. La définition élaborée par Keith et al. (1993) résulte d’une étude menée auprès de 21 814 élèves âgés de 13 et 14 ans et leurs parents. La définition proposée par Fan et Chen (2001) est issue d’une méta-analyse incluant 25 études américaines menées auprès de 133 577 élèves du secondaire (Tableau 1). La définition proposée Keith et al. (1993) apparaît comme la plus pertinente pour rendre compte de l’implication parentale dans le suivi scolaire d’élèves du primaire, même si elle a été pensée pour des élèves qui en sont au début de leur parcours au secondaire. En effet, parmi les définitions présentées plus tôt, il s’agit de la seule définition validée empiriquement et elle regroupe des dimensions qui font consensus dans les écrits scientifiques, soit la participation, les aspirations scolaires, la communication parent-enfant au sujet de l’école et l’encadrement en général. Certaines améliorations pourraient toutefois y être apportées. La participation des parents à l’école est y décrite uniquement en termes de participation à des activités ayant lieu à l’école, comme faire partie de comités, prendre part à des levées de fonds ou faire du bénévolat à l’école. Or, en milieu pluriethnique et défavorisé, seule une infime minorité de parents s’adonne à de telles activités (Turney & Kao, 2009 ; Vatz-Laaroussi, Kanouté, & Rachédi, 2008). Par conséquent, lorsque l’on s’intéresse à cette population, il semble souhaitable d’élargir cette dimension à d’autres aspects du lien entre l’école et les parents. Ce lien se traduit par des comportements observables, tels que communiquer avec l’enseignant en écrivant dans l’agenda de l’enfant, mais aussi par des aspects qui réfèrent au ressenti du parent relativement à l’école. À cet égard, une étude fait état de l’importance du sentiment de bienvenue que le parent éprouve lorsqu’il est en contact avec l’école de son enfant ainsi que du sentiment de confiance qu’il éprouve à l’endroit du personnel Tableau 1 Principales définitions multidimensionnelles de l’implication parentale dans le suivi scolaire. Multidimensional definitions of parental involvement in school. Epstein (2001) Jeynes (2005) Keith et al. (1993) Fan et Chen (2001) Implication parentale à l’école Présence et participation du parent à l’école Attentes scolaires Communication parent-enfant en général Style parental (autoritaire, démocratique ou permissif) Participation à l’école Participation du parent à l’école Aspiration scolaires Communication parent-enfant au sujet de l’école Encadrement en général Aspirations scolaires Communication parent-enfant au sujet de l’école Supervision et encadrement en général Communication école-famille Réponse aux besoins de base de l’enfant Implication parentale dans des activités d’apprentissages ayant lieu à la maison Participation parentale à la vie démocratique de l’école Partenariat avec la communauté Supervision des devoirs Faire la lecture à l’enfant K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 scolaire (Kohl, Lengua, & McMahon, 2000). De plus, la dimension « aspirations scolaires » telle que conçue par Keith et al. (1993) gagnerait à être élargie puisqu’elle se limite à un seul aspect qui est le niveau anticipé de scolarité atteint par l’élève dans le futur. À cet égard, cette dimension telle que définie par Fan et Chen (2001) semble plus complète et moins tributaire des capacités de l’enfant, puisqu’elle inclut des éléments qui renvoient aux valeurs et aux croyances des parents quant à l’importance de la réussite éducative en général. Cette nuance est importante dans la mesure où un parent peut accorder une grande importance à la réussite scolaire tout en n’aspirant pas à ce que son enfant parvienne à un niveau de scolarité élevé parce que celui-ci éprouve des difficultés scolaires. Enfin, il y aurait lieu de recentrer la dimension « encadrement en général » sur l’encadrement qui concerne les devoirs afin d’exclure les pratiques parentales qui ne visent pas explicitement la réussite éducative de l’enfant. En milieu défavorisé, les parents sont nombreux à avoir l’impression que leurs capacités sont restreintes quand vient le temps d’expliquer des notions à leurs enfants (Kanouté, 2007). Leur soutien peut alors se traduire par des encouragements ou par un encadrement ne requérant pas d’habiletés scolaires particulières comme, par exemple, le fait de s’assurer que les devoirs sont exécutés (Watkins & Howard, 2015). Ainsi, en nous appuyant sur la définition de Keith et al. (1993), il apparaît qu’une mesure adéquate de l’implication parentale dans le suivi scolaire devrait comporter quatre dimensions, soit : • • • • la communication parent-enfant au sujet de l’école ; l’encadrement lors des devoirs ; l’importance accordée à la réussite scolaire ; le lien école-parent. 3. L’implication parentale et la réussite scolaire Les parents jouent le rôle de guide et de modèle auprès de leur enfant et ils contribuent à sa réussite scolaire (Bempechat & Shernoff, 2012). Plusieurs travaux ont porté sur le rapport des parents immigrants à la scolarisation de leur enfant et renforcent la pertinence des dimensions que nous retenons aux fins de l’élaboration du QIPSS. Nous verrons comment chacune des dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire peut être associé au rendement scolaire de l’élève issu de l’immigration en milieu défavorisé. Des auteurs suggèrent que la communication parent-enfant au sujet de l’école est associée à un rendement scolaire élevé chez l’élève (Sui-Chu & Willms, 1996). En ayant des discussions portant sur l’école avec son enfant, le parent manifeste concrètement son intérêt relativement à sa scolarisation et peut le conseiller lorsqu’il éprouve des difficultés. Selon l’étude de Desimone (1999) qui a été menée auprès de 19 000 élèves du secondaire, la communication parent-enfant au sujet de l’école est associée positivement à la réussite scolaire des élèves issus de l’immigration en milieu défavorisé. Cette association a cependant été documentée uniquement auprès d’élèves du secondaire. L’association entre l’importance que les parents accordent à la réussite scolaire et le rendement des élèves est bien documentée (Jeynes, 2005). Cette pratique serait particulièrement importante à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse à des parents immigrants et en situation de défavorisation car selon Vatz-Laaroussi et al. (2008), ces parents accordent une importance élevée à la réussite scolaire et placent beaucoup d’espoir dans le système scolaire de leur pays d’accueil comme outil d’ascension sociale. L’étude de Fan et Chen (2001) a permis de montrer que l’importance accordée à la réussite scolaire favorise un meilleur rendement scolaire chez les adolescents immigrants. Il n’existe toutefois pas d’étude qui permette de documenter cette association chez des élèves du primaire issus de l’immigration en contexte défavorisé. 141 Lorsqu’il entretient un lien avec l’école de son enfant, le parent démontre à ce dernier l’importance qu’il accorde à l’éducation et favorise un meilleur rendement scolaire (Grolnick & Slowiaczek, 1994). Le parent qui maintient une communication régulière avec l’enseignant de son enfant et participe aux rencontres de bulletin est en mesure d’échanger des informations importantes et de demeurer au fait de son vécu scolaire. Une étude menée auprès de 281 élèves de la maternelle à la cinquième année du primaire s’est intéressée au lien école-parent des mères immigrantes en situation de faible revenu (Dearing, Kreider, Simpkins, & Weiss, 2006). Les enfants dont la mère effectuait du bénévolat à l’école et participait aux rencontres de parents obtenaient un score plus élevé à une épreuve en lecture que les élèves dont la mère était moins présente à l’école. Malgré ces bienfaits documentés, quelques études suggèrent l’existence d’un lien négatif entre la fréquence des contacts des parents avec l’école et le rendement scolaire de l’élève (Deslandes, Royer, Turcotte, & Bertrand, 1997 ; auteur). Certains parents immigrants en situation de défavorisation peuvent avoir l’impression de ne pas comprendre les documents écrits transmis par l’école et peuvent se sentir inférieurs face à l’autorité professionnelle des intervenants scolaires (Benoît, Rousseau, Ngirumpatse, & Lacroix, 2008). En ce qui a trait au ressenti du parent lorsqu’il est en contact avec l’école, en milieu défavorisé et pluriethnique, il arrive que des conflits de valeurs entourant le rôle de l’école affectent le climat de confiance entre les parents et le personnel scolaire (Benoît et al., 2008). Enfin, il a été montré que les parents qui encadrent leur enfant lors des devoirs en établissant un horaire et en s’assurant que les devoirs sont complétés voient leur enfant obtenir de meilleurs résultats à l’école (Montandon, 1996). L’encadrement lors des devoirs permet au parent de modeler, renforcer et enseigner des comportements, des attitudes et des connaissances qui favorisent le succès scolaire (Hoover-Dempsey & Sandler, 1995). Cette association a été constatée surtout chez les élèves du primaire (Gutman & McLoyd, 2000) et des méta-analyses menées sur des populations adolescentes diversifiées en ce qui a trait au niveau socioéconomique et à l’origine ethnique concluent à l’absence d’effet de cette pratique sur le rendement (Hill & Tyson, 2009 ; Jeynes, 2005). 4. Mesures de l’implication parentale dans le suivi scolaire À ce jour, plusieurs outils ont été créés afin de mesurer l’implication parentale dans le suivi scolaire. Beaucoup de ces outils permettent d’évaluer une seule dimension de l’implication parentale (e.g. Balli, Wedman, & Demo, 1997 ; Stevenson & Baker, 1987) alors que d’autres comportent plus d’une dimension, mais n’ont pas fait l’objet de validation empirique (e.g. Stacer & Perruci, 2013 ; Steinberg, Lamborn, Dornbusch, & Darling, 1992). Il existe plusieurs outils multidimensionnels validés exclusivement auprès d’élèves du secondaire (Shumow, Lyutykh, & Schmidt, 2011). Or, puisque l’implication parentale dans le suivi scolaire diminue avec l’âge de l’enfant, il serait pertinent d’élaborer et de valider des mesures auprès de parents d’élèves du primaire (Shute et al., 2011). À notre connaissance, il existe deux outils validés qui prennent en compte plus d’une dimension de l’implication parentale dans le suivi scolaire et qui s’adressent à des parents d’élèves du primaire. En premier lieu, l’instrument de Lee et Bowen (2006) a été validé auprès de 497 élèves américains de la troisième à la cinquième année du primaire. Les parents devaient répondre à des questions portant sur leurs aspirations scolaires, les discussions qu’ils avaient avec leur enfant au sujet de l’école, le soutien qu’ils lui prodiguaient lors de ses devoirs et la supervision de l’emploi du temps de leur enfant. Les aspirations scolaires étaient, par contre, mesurées à partir d’un seul item. De plus, la validation de cet instrument est incomplète 142 K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 puisque les analyses se sont limitées à des analyses factorielles de type exploratoire, ce qui ne permet pas de prendre en compte l’erreur de mesure associée aux items (Sénécal & Vallerand, 1999). En second lieu, l’outil de Reed, Jones, Walker, & HooverDempsey (2000) a fait l’objet d’une validation québécoise auprès de plus de 1200 parents d’élèves de la première à la sixième année du primaire vivant en région rurale au Québec (Deslandes & Bertrand, 2004). Par contre, la validation de cet instrument s’est limitée à une analyse de type exploratoire. Deux facteurs généraux en ressortent, soit la participation parentale à la maison et la participation parentale à domicile. Une analyse factorielle confirmatoire aurait été nécessaire afin de tester la solidité de la structure factorielle identifiée par les auteurs (DiStefano & Hess, 2005). À notre connaissance, il n’existe pas d’instrument de mesure de l’implication parentale dans le suivi scolaire ayant été validé auprès de parents d’élèves du primaire en milieu défavorisé et pluriethnique. 5. Objectifs et hypothèses L’objectif principal de la présente étude est de procéder à la validation de construit et d’évaluer la validité prédictive du QIPSS. Ce questionnaire découle d’un modèle comportant quatre dimensions inspirées de la littérature au sujet de l’implication parentale, soit la communication parent-enfant au sujet de l’école, l’importance accordée à la réussite scolaire, le lien école-parent et l’encadrement lors des devoirs. Ce questionnaire sera validé auprès d’un échantillon de parents dont l’enfant fréquente une école primaire en milieu défavorisé et pluriethnique. Les analyses réalisées aux fins de la validation du questionnaire permettront également de rendre compte de la validité du modèle multidimensionnel qu’il sous-tend. Le pouvoir prédictif du QIPSS sera également évalué. Il est attendu que les élèves dont les parents ont des discussions avec eux au sujet de l’école, attribuent une importance élevée à la réussite scolaire, ont un lien assidu et chaleureux avec l’école et offrent de l’encadrement lors des devoirs auront un rendement scolaire plus élevé après un an que les élèves dont les parents ne manifestent pas de telles pratiques. Selon Vallerand (1989), il existe différentes phases d’élaboration et de validation d’un questionnaire : la phase de développement, la phase d’évaluation et la phase d’établissement de normes cliniques. Toutes ces phases sont importantes, mais puisque le QIPSS n’a pas été créé pour un usage clinique, seules les deux premières phases seront traitées dans la section suivante. La phase de développement consiste à élaborer une version préliminaire d’un outil et à en évaluer la clarté. À cet égard, nous avons développé une première version basée sur les instruments validés existant dans les écrits scientifiques et reprenant les dimensions du modèle de Keith et al. (1993). Cette version a été présentée à deux experts afin d’en évaluer la pertinence. Par la suite, trois auxiliaires de recherche ont procédé à des entrevues pilotes auprès de six familles immigrantes afin de vérifier si le questionnaire était compréhensible. Les items retenus une fois ces procédures complétées sont présentés au Tableau 2. Les items qui rendent compte de la dimension de la communication parent-enfant au sujet de l’école s’apparentent à ceux utilisés par Lee et Bowen (2006) ainsi que Keith et al. (1993). La dimension de l’importance accordée à la réussite scolaire est opérationnalisée au moyen d’items inspirés de l’échelle Parent’s value of academic success proposée par Fuligni (1997). Nous avons toutefois dû modifier la formulation des items puisque ceux-ci ont été conçus pour être renseignés par l’élève. À la suggestion des experts consultés, nous avons ajouté deux items qui mesurent indirectement l’importance de l’école en comparaison à d’autres activités qui font partie de la vie de l’enfant (exemple : « Il est acceptable que mon enfant manque quelques jours d’école pour participer à une activité familiale ou sportive »). La dimension du lien école-parent inclut des items inspirés des travaux de Deslandes et Bertrand (2004), de Desimone (1999) ainsi que de Grolnick et Slowiaczek (1994). À Tableau 2 Répartition théorique des items du QIPSS. Theoretical repartition of the QIPSS items. Items Communication parent-enfant au sujet de l’école 1. Je parle avec mon enfant de l’importance de réussir à l’école 2. Je parle avec mon enfant au sujet de ses résultats scolaires 3. Je parle avec mon enfant de ses réussites à l’école 4. Je parle avec mon enfant de ce qu’il vit avec son professeur ou ses amis à l’école 5. Je parle avec mon enfant des difficultés qu’il vit à l’école 6. Je parle avec mon enfant de ses projets d’avenir en lien avec l’école Importance accordée à la réussite scolaire 7. Il est acceptable que mon enfant manque quelques jours d’école pour participer à une activité familiale ou sportive (R) 8. Il est acceptable que mon enfant manque quelques jours d’école pour un voyage ou pour visiter notre famille qui habitent loin (R) 9. Il est important que mon enfant fréquente l’université plus tard 10. Il est important que mon enfant soit l’un des meilleurs élèves de la classe 11. Il est important de réussir à l’école pour réussir sa vie Lien école-parent 12. Je communique avec le professeur de mon enfant en écrivant dans l’agenda 14. Je parle avec le professeur de mon enfant (par exemple à l’école, au téléphone) 13. Je vais aux rencontres de parents à l’école 15. Je vais chercher le bulletin de mon enfant à l’école 16. Je me sens le bienvenu à l’école de mon enfant 17. Je peux compter sur le professeur de mon enfant en cas de besoin 18. J’aime l’accueil (ambiance) à l’école de mon enfant Encadrement lors des devoirs 19. Je vérifie que mon enfant a fait ses devoirs 20. J’aide mon enfant quand il ne comprend pas quelque chose dans ses devoirs 21. J’aide mon enfant à planifier son temps et à s’organiser dans ses devoirs 22. J’ai du plaisir à faire les devoirs avec mon enfant 23. Je propose des trucs ou des moyens à mon enfant pour l’aider à comprendre ses devoirs (par exemple, appeler un ami, chercher sur internet, regarder dans un dictionnaire) R désigne les items inversés. Échelle de réponses 1 : rarement à 5 : tous les jours 1 : totalement acceptable à 4 : totalement inacceptable 1 : aucunement important à 4 : extrêmement important 1 : rarement/cela n’a pas été nécessaire pour l’instant à 5 : plusieurs fois par semaine 1 : rarement/cela n’a pas été nécessaire pour l’instant à 4 : à chaque rencontre 1 : pas du tout à 4 : tout à fait 1 : rarement/mon enfant n’a pas besoin à 4 : chaque fois que mon enfant fait ses devoirs K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 la suggestion des deux experts consultés, et en nous inspirant de l’étude de Froiland et Davison (2013), nous avons ajouté des items qui rendent compte de la qualité du lien entre l’école et le parent, tel que perçu par le parent (exemple : « Je me sens bienvenu à l’école de mon enfant »). La dimension de l’encadrement lors des devoirs comprend des items utilisés dans l’étude de Lee et Bowen (2006) ainsi que celle de Shumow et al. (2011) (Tableau 2). La seconde phase vise à évaluer la validité de l’instrument (Vallerand, 1989). Nous évaluerons la validité de construit ainsi que la cohérence interne des échelles. La structure factorielle attendue est inspirée du cadre multidimensionnel proposé par Keith et al. (1993) et comporte quatre dimensions (Tableau 2). Nous évaluerons également la validité prédictive de l’instrument. Conformément à la littérature existante, nous nous attendons à ce que chacune des dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire prise séparément prédise le rendement scolaire de l’élève. Cette relation sera évaluée en contrôlant l’effet d’autres facteurs qui influent sur la réussite scolaire de l’élève, soit son sexe et son âge, son rendement antérieur ainsi que le niveau de scolarité de ses parents et leur revenu annuel (Carter & Wojkiewicz, 2000 ; Deslandes & Bertrand, 2004). 6. Méthode 6.1. Échantillon La présente étude se base sur un échantillon de 711 parents d’élèves du primaire répartis dans cinq écoles montréalaises situées en milieu défavorisé. La répartition des parents selon le niveau scolaire de leur enfant est la suivante : première année (22 %), deuxième année (16 %), troisième année (19 %), quatrième année (15 %), cinquième année (15 %) et sixième année (13 %). Le plus souvent, les répondants étaient la mère (68 %) ou le père de l’enfant (28 %). Les autres répondants (4 %) étaient la fratrie, des membres de la famille élargie ou des tuteurs. En ce qui a trait au pays de naissance des parents répondants, 75 % des participants sont nés à l’extérieur du Canada. Les répondants ont atteint un niveau de scolarité primaire (8 %), secondaire (44 %), collégial (46 %) ou universitaire (2 %) et leur revenu familial annuel était plutôt modeste. En effet, 45 % des familles avaient un revenu inférieur à 29 999 $ par année, ce qui les placent sous le seuil de pauvreté (ISQ, 2015). Les autres répondants rapportent un revenu familial se situant entre 30 000 $ et 49 999 $ (29 %), entre 50 000 $ et 79 999 $ (14 %) ou supérieur à 80 000 $ (12 %). Les 711 élèves ayant pris part à l’étude, dont 53 % sont de sexe féminin, étaient âgés en moyenne de neuf ans ( = 1,9). Enfin, 112 enseignants ont également été sollicités pour compléter des mesures portant sur les élèves participant. 6.2. Procédure Un consentement a été obtenu pour tous les participants à l’étude. Le devis comportait deux mesures, prises au cours de deux années scolaires différentes. Ainsi, de février 2013 à mars 2013 (temps 1), un questionnaire écrit incluant une enveloppe de retour préaffranchie a été remis aux élèves afin que ces derniers l’acheminent à leurs parents. Le questionnaire portait sur les caractéristiques sociodémographiques et l’implication dans le suivi scolaire des parents et a été traduit en anglais, en créole, en espagnol et en arabe. Au total, 7 % des questionnaires ont été répondus à l’aide d’une version traduite, la plupart du temps en espagnol. Une relance téléphonique a été entreprise auprès des parents ayant consenti à participer à l’étude mais n’ayant pas retourné leur questionnaire. Lorsque le parent le souhaitait, le questionnaire a été répondu verbalement au téléphone (5 %). Au même moment, les élèves ont complété un questionnaire informatisé portant des aspects sociodémographiques et les enseignants ont répondu à un questionnaire 143 écrit portant sur le rendement de chacun des élèves. En avril 2014 (temps 2), les enseignants ont de nouveau complété un questionnaire sur le rendement scolaire de chacun des élèves. Il est à noter que les deux mesures du rendement ont été complétées par deux enseignants différents. 6.3. Mesures 6.3.1. Implication parentale dans le suivi scolaire La version initiale du QIPSS comportait 23 questions évaluant quatre dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire au temps 1. La répartition théorique de ces items à travers les dimensions de l’implication parentale et leurs échelles de réponses respectives sont présentées au Tableau 2. Les parents répondaient aux six questions portant sur la communication parent-enfant à l’aide d’une échelle de type Likert en cinq points d’ancrage (1 : rarement, à 5 : à tous les jours). Les questions portant sur l’importance accordée à la réussite scolaire ont été répondues à l’aide de deux échelles de réponses de type Likert en quatre points (1 : totalement acceptable, à 4 : totalement inacceptable ; 1 : aucunement important, à 4 : extrêmement important). Les sept questions portant sur le lien école-parent ont été répondues à l’aide de trois échelles de type Likert en quatre ou cinq points (1 : rarement/cela n’a pas été nécessaire pour l’instant, à 5 : plusieurs fois par semaine ; 1 : cela n’a pas été nécessaire pour l’instant, à 4 : je vais à chaque rencontre ; 1 : pas du tout, à 4 : tout à fait). Enfin, en ce qui a trait à la dimension de l’encadrement lors des devoirs, les parents répondaient à cinq questions portant sur ce thème à partir d’un choix de réponses de type Likert en quatre points (1 : rarement/mon enfant n’a pas besoin, à 4 : chaque fois que mon enfant a des devoirs). Les scores de toutes les échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des items. 6.3.2. Rendement de l’élève Pour chaque enfant, l’enseignant a répondu à trois questions sur son rendement (temps 1 et 2), soit : « Depuis le début de l’année scolaire, comment évaluez-vous le rendement moyen de cet élève en mathématiques par rapport aux autres élèves de sa classe ? ». La même question a été posée au sujet du rendement en lecture et en écriture. L’enseignant répondait à ces questions à l’aide d’une échelle de type Likert en cinq points d’ancrage (1 : nettement sous la moyenne, à 5 : nettement au-dessus de la moyenne) (␣ = 0,91). Un score combinant la moyenne des réponses à ces trois questions et variant de 1 à 5 a été calculé pour chaque élève. 6.3.3. Niveau de scolarité du parent répondant Le niveau de scolarité des parents a été obtenu à partir de l’item suivant : « Pendant combien d’années avez-vous fréquenté l’école ? » (temps 1). Les parents répondaient à cette question à partir d’une échelle de Likert en quatre points (de 1 : 6 ans et moins [primaire], à 4 : plus de 16 ans [université]). 6.3.4. Revenu familial annuel Les parents répondaient à la question suivante (temps 1) : « Quel est actuellement le revenu total annuel de tous les membres de votre famille ? » à partir d’une échelle de réponse de type Likert en cinq points (1 : 29 999 $ et moins, à 5 : 120 000 $ et plus). 6.3.5. Sexe et âge de l’enfant Le sexe et l’âge ont été autorapportés par l’élève (temps 1) (0 : féminin ; 1 : masculin). 6.4. Stratégie analytique Les analyses ont été effectuées en plusieurs étapes. En guise d’étape préliminaire, nous avons déterminé la moyenne et l’écarttype de chacune des variables à l’étude et nous avons établi 144 K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 les corrélations entre ces variables. Ensuite, nous avons divisé l’échantillon de manière aléatoire en deux sous-échantillons distincts (échantillon 1 = 356 parents ; échantillon 2 = 355 parents). Dans l’optique d’établir la validité de construit, nous avons introduit les 23 items mesurant les dimensions de l’implication parentale dans une série d’analyses factorielles exploratoires (AFE) de type « maximum de vraisemblances ». Ce type d’analyse permet de regrouper les variables et d’établir la structure factorielle sans a priori théoriques (Cabrera-Nguyen, 2010). Cette série d’analyses a été menée sur le premier sous-échantillon aléatoire. Comme il était attendu que les facteurs soient corrélés entre eux, nous avons opté pour une rotation de type « oblimin directe » (Tabachnick & Fidell, 2007). Cette étape ainsi que les suivantes ont été réalisées à l’aide du logiciel Mplus version 6 (Muthén & Muthén, 2005). Bien que la structure factorielle attendue comportait quatre facteurs, six modèles d’AFE comprenant d’un à six facteurs ont été testés et comparés afin de permettre l’émergence de facteurs non attendus. La validité des modèles présentant les meilleurs indicateurs d’ajustement a ensuite été évaluée au moyens d’analyses factorielles confirmatoires (AFC) de type « maximum de vraisemblance ». Cette série d’analyses a été menée sur le second sous-échantillon de parents. Cette étape avait pour objectif d’évaluer si ces modèles étaient bien ajustés aux données, de spécifier l’influence des facteurs latents sur les items et de prendre en compte l’erreur de mesure associée aux items (Sénécal & Vallerand, 1999). Une fois le modèle final déterminé, la cohérence interne des dimensions sous-jacentes a été évaluée au moyen d’alphas de Cronbach. Pour terminer, nous avons inclus le rendement scolaire de l’élève dans un modèle d’équations structurales (ES) afin de déterminer le pouvoir prédictif de l’implication parentale, en contrôlant pour l’âge de l’élève et son sexe, son rendement antérieur ainsi que le niveau de scolarité du parent répondant et le revenu annuel familial. Nous avons d’abord testé séparément le pouvoir prédictif de chacune des dimensions de l’implication parentale retenues, puis nous avons évalué leur contribution dans un modèle final incluant l’ensemble des dimensions. Puisque l’implication parentale dans le suivi scolaire est peu susceptible d’être le reflet de la dynamique et des caractéristiques spécifiques de la classe, nous n’avons pas soumis les données à des analyses de type multiniveau. Les différents modèles d’AFE, d’AFC et d’ES ont été comparés sur la base de leur pertinence théorique et statistique. Dans le cas des modèles d’AFE, nous avons utilisé le graphique des valeurs propres (eigenvalue) ainsi que les indicateurs d’usage courant pour évaluer l’ajustement des modèles. Ces indicateurs sont le Comparative fit index (CFI), le Tucker-Lewis index (TLI), le Root mean square error of approximation (RMSEA), le Standardized root square mean residual (SRMR) et le Chi2 (2 ) (Hu & Bentler, 1999). Pour tous les types d’analyses, un score de 0,90 et plus au CFI et au TLI indique un ajustement satisfaisant (Bentler, 1990). Une valeur égale ou inférieure à 0,06 était attendue pour le RMSEA ainsi que pour le SRMR (Bentler & Bonett, 1980). Le 2 devait être non significatif. La sélection des items composant chacun des facteurs identifiés reposait sur l’examen des poids de saturation. Les poids de saturation sont considérés comme adéquats à partir de 0,45 (Comrey & Lee, 1992). Aucun des items dont le poids de saturation était inférieur à ce point de coupure n’a été pris en compte dans les modèles d’AFC et d’ES. 7. Résultats Dans un premier temps, nous avons testé les corrélations entre les items à l’étude. Comme l’indique le Tableau 3 et tel qu’attendu, les items présumés faire partie d’un même facteur sont pour la plupart significativement et positivement intercorrélés. Par contre, trois items (16, 17 et 18) ne sont pas corrélés avec les autres items du facteur « lien école-parent » tel qu’anticipé dans la répartition théorique des items (Tableau 2). Il s’agit des items qui font référence aux aspects affectifs qui caractérisent le lien école-parent. Ces items sont corrélés entre eux et ont tout de même été conservés dans les analyses subséquentes en raison de leur pertinence théorique (Froiland & Davidson, 2013 ; Kohl et al., 2000) (Tableau 3). 7.1. Analyses factorielles exploratoires Nous avons ensuite évalué six modèles d’AFE composés d’un à six facteurs d’après les 23 items d’implication parentale dans le suivi scolaire1 . Les items retirés au cours de cette étape l’ont été parce que leur poids de saturation était très faible et qu’ils étaient redondants sur plus d’un facteur dans tous les modèles. Notons également que le modèle en six facteurs n’a pas convergé et qu’il a donc été abandonné. De plus, les résultats de l’AFE indiquent que les modèles composés d’un à cinq facteurs ont des valeurs propres supérieures à 1. De plus, seuls les modèles de quatre et de cinq facteurs présentent des CFI supérieurs au seuil minimal et des SRMR inférieurs aux critères énoncés plus haut, au début de la section des résultats (Tableau 4). Le modèle en cinq facteurs est le seul à atteindre les valeurs critiques cibles des TLI et des RMSEA. Enfin, les 2 de tous les modèles sont significatifs, mais cet indicateur étant très sensible à la taille de l’échantillon, nous avons décidé de ne pas en tenir compte dans le choix du meilleur modèle (Tableau 4). 7.2. Analyses factorielles confirmatoires Les modèles en trois, quatre et cinq facteurs ont par la suite été testés au moyen d’AFC. Cette étape a été entreprise sur la seconde moitié de l’échantillon aléatoire. La structure factorielle établie pour ces modèles correspondait à la structure factorielle obtenue à l’aide des AFE. Comme l’indique le Tableau 5, le modèle en cinq facteurs est celui qui présente le meilleur ajustement aux données considérant les seuils établis pour tous les critères qui permettent de juger de l’ajustement d’un modèle. Ce modèle comporte 17 items et six items ont été retirés depuis la version initiale de l’outil (Tableau 5). La structure factorielle du modèle suggère que ce dernier est composé d’un facteur de communication parent-enfant au sujet de l’école, d’un facteur de l’importance accordée à la réussite scolaire, de deux facteurs du lien école-parent (dimension comportementale et affective) et d’un facteur d’encadrement lors des devoirs (Tableau 6). Selon les critères de Comrey et Lee (1992), les poids de saturation à l’intérieur de chacun de ces facteurs varient de adéquats (0,45) à excellents (0,87). De plus, la cohérence interne de chacune des dimensions est acceptable puisque supérieure à 0,70 (George & Mallery, 2003), sauf dans le cas des dimensions comportementale (0,64) et affective du lien école-parent (0,69) qui affichent un alpha de Cronbach légèrement inférieur au seuil attendu, mais toutefois satisfaisant, compte tenu que seuls trois items composent chacune de ces dimensions (Tableau 6). 7.3. Modèles d’équations structurelles Une fois qu’elles ont été identifiées, les dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire mesurées par le QIPSS ont été testées comme prédicteur du rendement scolaire de l’élève. Nous avons d’abord testé séparément le pouvoir prédictif de chacune des dimensions de l’implication parentale. Les résultats 1 Les items sont répartis de la manière suivante dans les modèles : à deux facteurs : f1, items 9,10,11 ; f2, items 1, 2, 3, 5, 6, 19 ; à trois facteurs : f1, items 9, 10, 11 ; f2, items 1, 2, 3, 5, 6, 19 ; f3, items 16, 17, 18 ; à quatre facteurs : f1, items 9, 10, 11 ; f2, items 1, 2, 3, 5, 6 ; f3, items 19, 20, 21 ; f4, 16, 17, 18 ; à cinq facteurs : f1, items 9, 10, 11 ; f2, items 1, 2, 3, 5, 6 ; f3, items 19, 20, 21 ; f4, 12, 13, 15 ; f5, 16, 17, 18. * Items 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 X̄ – .65** .63** .31** .39** .56** .15** .19** .29** .35** .29** .15** .10* .01 .18** .03 .02 .03 .13** .16** .24** .27** .18 4,3 .9 – .74** .42** .45** .55** .19** .22** .30** .37** .25** .15** .09* .07 .17** .05 .03 .04 .13** .20** .23** .29** .16** 4,2 .8 – .44** .48** .55** .13** .17** .19** .27** .16** .17** .08* .03 .11** .10* .05 .06 .13** .25** .29** .29** .23** 4,2 .8 – .66** .39** .01 .05 −.01 .02 −.02 .13** .05 .09* .08* .07 .09* .02 .14** .27** .21** .21** .21** 4,4 .8 – .47** .05 .05 .04 .09* .05 .15** .12** .06 .13** .06 .10* .03 .17** .26** .26** .25** .26** 4,2 .9 – .16** .16** .24** .28** .24** .12** .12** .07 .19** .06 .07 .06 .15** .21** .22** .25** .22** 3,6 1.0 – .51** .17** .19** .16** −.05 −.03 .07 .05 .05 .01 .11** .04 .01 .01 .09* −.01 3,0 .9 – .25** .29** .24** −.01 −.01 .01 .03 .15** .07 .16** .05 .03 .05 .14** .04 2,9 .9 – .58** .52** .03 .03 −.04 .05 −.01 −.01 .04 −.06 −.05 .02 .20** −.04 3,5 .7 – .50** .01 .03 .02 .09* .04 −.02 .02 .11** .02 .09* .25** .05 3,1 .9 – .04 .01 −.01 .09* .06 .09* .07 .04 −.03 .06 .15** .05 3,6 .6 – .55** 19** .30** −.03 .02 −.10* .16** .19** .25** .14** .18** 2,3 1,1 – .22** .28** −.02 .03 −.05 .13** .16** .20** .10* .14* 2,0 1,0 – .43** .01 .04 .04 .13** .21** .21** .08** .09** 3,3 1,1 – −.04 .02 −.05 .07 .11** .24** .13** .19** 2,8 1,5 – .50** .45** .09* .04 .05 .09* −.01 3,6 .6 – .42** .03 .02 .01 .12** .07 3,6 .7 – .02 −.02 .03 .09* −.01 3,3 .7 – .56** .49** .28** .29** 4,6 1,0 – .56** .34** .39** 4,6 .9 – .41** .37** 4,3 1,2 – .38** 3,2 .9 – 3,1 .9 p < .05 ; **p < .01. K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 Tableau 3 Matrice des corrélations et statistiques descriptives. Matrix of correlations and descriptive statistics. 145 146 K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 Tableau 4 Indices d’ajustement des modèles d’analyse factorielle exploratoire. Fit indices of exploratory factor analysis models. Modèles (facteurs) 1 2 3 4 5 2 /ddl 958,94/119 686,44/103 484,30/88 241,89/74 90,41/61 RMSEA SRMR CFI TLI 0,14 0,13 0,11 0,08 0,04 0,12 0,10 0,08 0,05 0,02 0,56 0,69 0,79 0,91 0,98 0,49 0,59 0,68 0,84 0,97 CFI : comparative fit index ; TLI : Tucker-Lewis index ; RMSEA : root mean square error of approximation ; SRMR : standardized root square mean residual. Tableau 5 Indices d’ajustement des modèles d’analyses factorielles confirmatoires. Fit indices of confirmatory factor analysis models. Modèles (facteurs) 3 4 5 2 /ddl 147,93/51 181,74/71 219,57/109 RMSEA SRMR CFI TLI 0,07 0,07 0,05 0,05 0,05 0,04 0,93 0,94 0,95 0,92 0,92 0,93 CFI : comparative fit index ; TLI : Tucker-Lewis index ; RMSEA : root mean square error of approximation ; SRMR : standardized root square mean residual. suggèrent que seule l’importance accordée à la réussite scolaire est associée au rendement scolaire de l’élève ( = 0,14 ; p < 0,01) lorsque l’on contrôle pour le rendement antérieur, le sexe et l’âge de l’enfant, le revenu familial et le niveau de scolarité. La communication parent-enfant au sujet de l’école ( = −0,15 ; p < 0,10) et la dimension comportementale du lien école-parent ( = −0,13 ; p < 0,10) sont marginalement associées au rendement scolaire de l’élève. Toutefois, l’encadrement lors des devoirs ( = −0,10) et la dimension affective du lien école-parent ( = 0,15) ne sont pas significativement associés au rendement scolaire de l’élève. Le modèle qui inclut l’importance accordée à la réussite scolaire présente un bon ajustement aux données (CFI = 0,96 ; TLI = 0,93 ; RMSEA = 0,06 ; SRMR = 0,05) et permet d’expliquer 56 % de la variance totale du rendement scolaire. Les élèves qui ont eu un rendement élevé au temps 1 sont hautement susceptibles d’obtenir un rendement élevé au temps 2 ( = 0,67 ; p < 0,001). Malgré cet effet très marqué du rendement antérieur, d’autres variables du modèle sont associées au rendement. Ainsi, plus les élèves proviennent d’une famille dont le revenu annuel est élevé, plus leur rendement est élevé ( = 0,17 ; p < 0,001). La communication parent-enfant au sujet de l’école et l’encadrement lors des devoirs ne permettent cependant pas d’expliquer le rendement scolaire de l’élève. Il en va de même en ce qui concerne les dimensions comportementale et affective du lien école. Les cinq dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire ont par la suite été entrées simultanément dans un modèle afin de tenir compte de leur covariance. Dans un premier temps, nous avons testé un modèle saturé incluant tous les liens possibles entre les dimensions de l’implication parentale, les variables de contrôle et le rendement de l’élève (MacCallum, Browne & Sugawara, 1996). Le modèle saturé présentait des indices d’ajustement satisfaisants (CFI = 0,92 ; TLI = 0,91 ; RMSEA = 0,05 ; SRMR = 0,06). Puis, dans un deuxième temps, nous avons retiré tous les liens non significatifs afin de produire un modèle parcimonieux. Ce modèle illustré à la Fig. 1 présente un ajustement satisfaisant aux données (CFI = 0,93 ; TLI = 0,91 ; RMSEA = 0,06 ; SRMR = 0,07) (Fig. 1). On constate que le sexe ( = −0,12 ; p < 0,001), l’âge ( = −0,04 ; p < 0,05), le rendement antérieur de l’élève ( = 0,67 ; p < 0,001) ainsi que le revenu familial ( = 0,17 ; p < 0,001) prédisent le rendement après un an. De plus, les dimensions de l’implication parentale covarient passablement. Par contre, seules les dimensions de l’importance accordée à la réussite scolaire ( = 0,21 ; p < 0,001), de la communication parent-enfant au sujet de l’école ( = −0,13 ; p < 0,01) et la dimension comportementale du lien école-parent ( = −0,08 ; p < 0,05) prédisent le rendement. Ainsi, les élèves dont les parents accordent une importance élevée à la réussite scolaire, qui communiquent rarement avec leur parent au sujet de l’école et dont le parent est peu souvent en contact avec l’école ont un rendement élevé. La dimension affective du lien école-parent ( = 0,09) de même que l’encadrement lors des devoirs ( = −0,02) ne sont toutefois pas associés au rendement scolaire de l’élève. 8. Discussion Le but de cette étude était de valider le QIPSS auprès d’un échantillon de parents d’élèves de la 1re à la 6e année du primaire en milieu défavorisé et pluriethnique. L’étude visait également à valider le modèle multidimensionnel sous-jacent à ce questionnaire. Dans l’ensemble, les résultats indiquent que cet outil Tableau 6 Poids de saturation et cohérence interne des items associés à chaque dimension. Items loadings and internal consistency. Dimensions et items associés Communication parent-enfant au sujet de l’école Je parle avec mon enfant de l’importance de réussir à l’école Je parle avec mon enfant au sujet de ses résultats scolaires Je parle avec mon enfant de ses réussites à l’école Je parle avec mon enfant de ses projets d’avenir en lien avec l’école Je parle avec mon enfant des difficultés qu’il vit à l’école Importance accordée à la réussite scolaire Il est important que mon enfant fréquente l’université plus tard Il est important que mon enfant soit l’un des meilleurs élèves de sa classe Il est important de réussir à l’école pour réussir sa vie Lien école-parent (comportemental) Je communique avec le professeur de mon enfant en écrivant dans l’agenda Je parle avec le professeur de mon enfant Je vais chercher le bulletin de mon enfant à l’école Lien école-parent (affectif) Je me sens le bienvenu à l’école de mon enfant Je peux compter sur le professeur de mon enfant en cas de besoin J’aime l’accueil à l’école de mon enfant Encadrement lors des devoirs Je vérifie que mon enfant a fait ses devoirs J’aide mon enfant quand il ne comprend pas quelque chose à ses devoirs J’aide mon enfant à planifier son temps et à s’organiser pour ses devoirs Poids de saturation Alphas de Chronbach 0,85 0,75 0,87 0,84 0,70 0,51 0,77 0,80 0,77 0,63 0,64 0,79 0,85 0,45 0,69 0,84 0,63 0,63 0,74 0,71 0,85 0,76 K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 Rendement (t1) 147 Âge (t1) Importance accordée à la réussite (t1) ,67*** ,21*** ,41*** -,04* Encadrement lors des devoirs (t1) ,38*** Communication parent-enfant au sujet de l’école (t1) ,32*** Rendement (t2) -,13** R2 = ,60*** ,19** ,20** Lien école-parent (affectif) (t1) -,08* ,17*** Lien école-parent (comportemental) (t1) Revenu (t1) Sexe (t1) -.12*** Scolarité parent (t1) Fig. 1. Modèle d’équations structurelles des dimensions de l’implication parentale dans le suivi scolaire comme prédicteurs du rendement scolaire. * p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001. Les lignes courbes représentent la covariance entre les variables. Structural equation model of the dimensions of parental involvement in school as predictors of academic performance. * P < 0.05; ** P < 0.01; *** P < 0.001. The curved lines represent the covariance between variables. comportant 17 items présente une validité de construit et une cohérence interne satisfaisantes. Cette étude a, par conséquent, permis l’émergence d’un nouvel outil validé qui rend compte de l’implication parentale dans le suivi scolaire en contexte pluriethnique et défavorisé. Selon nos résultats, l’implication parentale dans le suivi scolaire se traduit par cinq dimensions. Parmi celles-ci, notons quatre dimensions que nous retrouvions déjà dans les écrits scientifiques, soit la communication parent-enfant au sujet de l’école, l’encadrement lors des devoirs, l’importance accordée à la réussite scolaire et la dimension comportementale du lien école-parent (Epstein, 2001 ; Fan & Chen, 2001 ; Jeynes, 2005 ; Keith et al., 1993). Nos résultats suggèrent qu’à ces quatre dimensions anticipées s’ajoute une cinquième dimension qui renvoie au lien affectif entre l’école et le parent. Celle-ci fait référence au sentiment de bienvenue et d’aisance que le parent éprouve lors de ses contacts avec l’école ainsi qu’au sentiment de confiance à l’endroit de l’enseignant. Fait intéressant, cette dimension est absente des principales définitions de l’implication parentale qui existent à l’heure actuelle (Epstein, 2001 ; Fan & Chen, 2001 ; Jeynes, 2005 ; Keith et al., 1993), bien que des auteurs aient déjà documenté cet aspect du lien école-famille, tant en ce qui a trait au sentiment de bienvenue qu’au sentiment de confiance des parents à l’endroit du personnel scolaire. Dans leur étude menée auprès de 387 élèves âgés entre cinq et six ans, Kohl et al. (2000) rapportent que la qualité de la relation entre le parent et l’enseignant de l’enfant est plus importante pour le développement de l’enfant que la quantité des contacts. Ces auteurs déplorent que les principaux modèles rendant compte de l’implication parentale dans le suivi scolaire ne tiennent pas compte de la qualité de ce lien. L’étude d’Adams et Christenson (2000) qui inclut plus de 1200 parents d’élèves montre que la confiance que les parents éprouvent à l’endroit du personnel scolaire de l’école de leur enfant est associée positivement au rendement scolaire et à l’assiduité de ce dernier. Ces auteurs conçoivent cette confiance comme un élément vital dans l’établissement et le maintien du lien école-famille. Froiland et Davison (2013) rapportent une association positive entre le fait que les parents se sentent bienvenus à l’école et le rendement scolaire de même que l’ajustement comportemental d’adolescents. Il semble donc que la dimension affective du lien école-famille soit un élément de définition pertinent de l’implication parentale dans le suivi scolaire. Cette dimension est d’autant plus pertinente qu’elle évoque un enjeu particulièrement important à considérer chez les parents immigrants ou vivant une situation de défavorisation. En effet, en raison de la distance culturelle qui peut exister entre l’école et ces parents, il peut arriver que ces derniers éprouvent un malaise à interagir avec le milieu scolaire de leur enfant, ce qui peut affecter la qualité de leur relation avec le personnel scolaire (Ascher, 1988 ; Turney & Kao, 2009). Au niveau de la validité prédictive, les liens entre chacune des dimensions du QIPSS et la réussite scolaire se sont avérés moins significatifs qu’anticipé, tant lorsque les dimensions étaient prises individuellement que lorsqu’elles étaient considérées simultanément. Lorsque les dimensions sont examinées individuellement, seule l’importance accordée à la réussite scolaire est associée au rendement scolaire de l’élève. Diverses raisons peuvent expliquer ce résultat. Notons d’abord que le rendement antérieur était contrôlé et expliquait une part très importante de la variance du rendement ultérieur. Il est donc possible que les effets des pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire aient été masqués puisque les pratiques parentales et le rendement scolaire ont une part de variation commune. Ces deux mesures sont d’autant plus enclines à covarier si l’on considère que le rendement des élèves est influencé par les pratiques que leurs parents mettent en place et que le rendement de l’élève peut moduler la nature et l’intensité des pratiques d’implication parentale dans le suivi scolaire (Bradley, Caldwell, & Rock, 1988). Cependant, le fait que 148 K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 l’importance accordée à la réussite scolaire soit associée au rendement même en tenant compte du rendement antérieur témoigne de la robustesse de cette variable et de la pertinence de cette dimension de l’implication parentale. Ce résultat est peu surprenant, compte tenu de l’abondance d’études qui rapportent des liens entre les aspirations scolaires des parents et le rendement de l’élève (Fan & Chen, 2001 ; Jeynes, 2005). Il est par ailleurs documenté que l’importance accordée à la réussite scolaire est l’une des pratiques qui prédit le mieux le rendement scolaire chez les élèves en milieu défavorisé (Watkins & Howard, 2015). Ainsi, lorsque les parents entretiennent des aspirations élevées à l’égard de la réussite scolaire de leur enfant et qu’ils discutent de leurs aspirations avec leur enfant, ils transmettent à ce dernier l’idée qu’il est important de réussir à l’école et de faire des efforts pour y parvenir. Il est également plausible qu’un élève qui obtient un rendement élevé incite son parent à accorder une importance élevée à la réussite scolaire. Il est en revanche intéressant de souligner que lorsque les pratiques d’implication parentale sont considérées simultanément, l’importance accordée à la réussite scolaire demeure significativement et positivement associée au rendement scolaire et que s’y ajoute la communication parent-enfant au sujet de l’école ainsi que la dimension comportementale du lien école-parent. Par contre, de manière plus surprenante, ces deux dimensions sont associées à un rendement plus faible. Pourtant, de nombreuses études rapportent un effet positif des discussions qu’ont les parents avec leur enfant à propos de l’école (Desimone, 1999 ; Sui-Chu & Willms, 1996) et il se pourrait que les items qui composent cette dimension ne rendent pas compte de la communication parent-enfant au sujet de l’école. Il est également plausible que les parents dont les enfants éprouvent des difficultés scolaires ressentent le besoin de rappeler plus fréquemment à leur enfant l’importance de l’école et d’effectuer un suivi étroit de ce que l’enfant vit à l’école. Il est aussi possible que cette pratique soit inefficace parce qu’elle pourrait être perçue par l’enfant comme une intrusion plutôt qu’un soutien ou un partage d’informations. De la même manière et tel que certains auteurs le suggèrent, les parents dont l’enfant a un faible rendement scolaire sont possiblement plus souvent en contact avec l’enseignant afin de faire le suivi de ses difficultés, ce qui expliquerait l’association négative entre la dimension comportementale du lien école-parent et le rendement scolaire (Kelly, 2004 ; McNeal, 2014 ; Muller, 1995 ; Sui-Chu & Willms, 1996). Pourtant, les études sont tout aussi nombreuses à rapporter des effets positifs du contact des parents avec l’école, en particulier en ce qui a trait au bénévolat, dimension qui n’a pas été incluse dans notre définition du lien école-parent (Desimone, 1999 ; Garcia Bacete & Ramirez, 2001 ; Shumow & Miller, 2001 ; Stevenson & Baker, 1987). Ce résultat contre-intuitif pourrait par conséquent témoigner d’une lacune au plan de la validité de construit de cette dimension, d’autant plus que seuls trois items ont été retenus suite aux analyses de validation et que cette échelle présente une faible cohérence interne. Il y a donc matière à continuer d’explorer cette variable pour mieux comprendre ce qu’il en est réellement. Cependant, même en considérant les pratiques simultanément, il demeure que deux dimensions ne sont pas associées au rendement scolaire, soit l’encadrement lors des devoirs et la dimension affective du lien école-parent. Encore une fois, il est possible que cette absence de lien significatif soit attribuable à la validité de l’instrument et des items retenus pour rendre compte de ces deux dimensions. Les résultats non significatifs que nous avons obtenus pour ces deux dimensions suggèrent également la présence potentielle d’effets modérateurs. Par exemple, il est possible que l’association entre l’encadrement lors des devoirs et le rendement scolaire soit modérée par l’âge de l’élève et que cette pratique bénéficie davantage aux élèves plus jeunes. Dans les études futures, il serait souhaitable de vérifier la présence de tels effets. L’absence de liens entre l’encadrement lors des devoirs et le rendement scolaire trouve cependant écho dans plusieurs études qui rapportent des résultats similaires à ceux que nous avons trouvés (Balli et al., 1997 ; Epstein, 1990 ; Ginsburg & Bronstein, 1993 ; Hill & Tyson, 2009 ; Levin et al., 1997). Cette absence de lien pourrait aussi être attribuable au niveau élevé de défavorisation qui caractérise l’échantillon sur lequel se fonde cette étude. En effet, des études ont montré que les élèves en milieu favorisé tendent à recevoir un soutien parental aux devoirs de meilleure qualité que les élèves vivant en contexte défavorisé (Heimgartner-Moroni, Dumont, Trautwein, Niggli, & Baeriswyl, 2012 ; Zady & Portes, 2001). Par conséquent, l’encadrement parental lors des devoirs aurait un impact moins marqué au sein des populations défavorisées, ce qui pourrait expliquer l’absence d’effet constatée. Par ailleurs, les devoirs en tant que tels ont des effets positifs qui se manifestent davantage à long terme et de façon plus marquée sur la motivation scolaire de l’élève que sur son rendement scolaire (Bempechat, 2004). Il est possible qu’il en soit de même pour l’encadrement des parents lors des devoirs, c’est-à-dire que son effet positif se manifeste à plus long terme et sur des aspects motivationnels de l’expérience scolaire de l’enfant et que cela explique l’absence de résultats significatifs pour cette variable au sein de notre échantillon. En ce qui a trait à la dimension affective du lien écoleparent, il est surprenant de constater l’absence d’effet de cette variable sur le rendement, compte tenu des études ayant conclu à une association positive avec le rendement scolaire d’élèves du primaire (Adams & Christenson, 2002 ; Kohl et al., 2000). Il importe toutefois de souligner que ces études ne prenaient pas en compte le rendement antérieur et n’ont pas été menées en contexte pluriethnique et défavorisé, ce qui pourrait expliquer pourquoi leurs auteurs ont conclu à un effet significatif de cette variable sur le rendement scolaire. Cette variable rend compte d’éléments affectifs de l’implication parentale et il est envisageable qu’elle soit davantage liée à des aspects affectifs du vécu scolaire de l’élève comme son sentiment d’appartenance ou son engagement scolaire. 8.1. Implications pratiques Bien que l’outil validé dans la présente étude n’ait pas de visée clinique, il n’en demeure pas moins que cette étude génère des connaissances pertinentes pour les intervenants scolaires. Nous avons élaboré un modèle de l’implication parentale incluant des pratiques parentales qui prennent place à l’école, mais également à la maison. Pour les intervenants scolaires, en particulier les enseignants, la manière de concevoir l’implication parentale dans le suivi scolaire se limite souvent à la partie qui leur est visible, soit la dimension comportementale du lien école-parent (Claes & Comeau, 1996). Ils concluent parfois à tort que les parents sont désengagés et déchargent leurs responsabilités éducatives sur l’école, simplement parce qu’ils n’ont pas l’occasion de les côtoyer et ne sont pas témoins des pratiques qui sont mises en place à la maison. Nous souhaitons donc sensibiliser les intervenants scolaire au fait que même si des parents n’ont pas de lien physique avec l’école, il se peut qu’ils soient quand même fortement impliqués dans le suivi scolaire de leur enfant, notamment en accordant une importance élevé à la réussite scolaire. Cela est d’autant plus vrai en milieu défavorisé et pluriethnique où les parents ont moins tendance à s’impliquer directement à l’école, mais peuvent néanmoins s’investir dans le suivi scolaire de leur enfant (Turney & Kao, 2009). 8.2. Forces, limites et pistes pour la recherche à venir La présente étude a pour principale force de s’appuyer sur un échantillon de taille appréciable. Cependant, les conclusions relatives aux qualités psychométriques du QIPSS ne peuvent être envisagées sans prendre en compte certaines limites. D’abord, la K. Tardif-Grenier, I. Archambault / Revue européenne de psychologie appliquée 66 (2016) 139–150 mesure du rendement est rapportée uniquement par l’enseignant et cette évaluation est sujette à des biais, particulièrement en milieu pluriethnique et défavorisé. De plus, le nombre d’items retenus pour concevoir le QIPSS était somme toute restreint et il aurait été souhaitable d’en conserver un nombre plus important afin de fournir un portrait plus riche et nuancé de l’implication parentale dans le suivi scolaire. Il aurait par exemple été judicieux d’inclure des items rendant compte de l’aspect affectif de l’implication parentale dans le suivi scolaire, tels que le soutien émotionnel que le parent prodigue à son enfant lorsque ce dernier fait face à des difficultés. Par ailleurs, le modèle proposé ne tient pas compte du fait que la nature et l’intensité de l’implication parentale dans le suivi scolaire varient en fonction de l’âge de l’élève. Le modèle a également pour limite d’être de nature corrélationnelle, ce qui ne permet pas de statuer sur la direction des liens observés alors qu’il est plausible que ces derniers soient bidirectionnels. Même si l’implication parentale dans le suivi scolaire est moins sujette à l’effet de classe que d’autres variables telles que les pratiques enseignantes, il aurait été pertinent d’inclure un volet multiniveaux à nos analyses afin de renforcer la robustesse de nos résultats. Cependant, le faible nombre d’élèves par classe fait en sorte que nous ne disposions pas de la puissance statistique nécessaire pour procéder à ce type d’analyse. Bien que la validité de construit et la cohérence interne de l’instrument soient satisfaisantes, la validité prédictive de chacune des dimensions l’est moins. Une explication possible de ce cas de figure réside dans le choix de la mesure du rendement scolaire. En effet, celui-ci a été rapporté par l’enseignant qui devait situer l’élève par rapport au reste du groupe, sur une échelle de réponse variant de 1 à 5. Ce type de mesure comporte moins de variance que le rendement réel et il est possible que les résultats aient été différents si nous avions employé le rendement officiel de l’élève, tel qu’il figure au bulletin. Enfin, l’échantillon sur lequel cette étude se fonde est constitué majoritairement de parents immigrants et vivant en contexte défavorisé, affectant ainsi la généralisation des résultats à la population en général. Il serait souhaitable et pertinent de valider ce modèle auprès d’un échantillon davantage représentatif de la population en général. Cependant, la recherche sur l’implication parentale dans le suivi scolaire en général s’étant surtout attardée à des populations « blanches » de classe moyenne, il est important de produire des études sur d’autres populations et en ce sens, la nature de l’échantillon sur lequel repose cette étude représente une force. Dans les études futures, il serait pertinent de considérer d’autres aspects de la vie scolaire de l’élève sur lesquels l’implication parentale dans le suivi scolaire est susceptible d’influer plutôt que de se centrer exclusivement sur son rendement. Pour l’instant, la recherche sur l’implication parentale s’est surtout centrée sur ses effets relatifs au rendement scolaire et il est plausible que les effets de ces pratiques soient différents lorsque l’on considère d’autres variables scolaires, comme par exemple l’engagement scolaire. 9. Conclusion Cette étude a permis d’amorcer une réflexion sur la définition du concept de l’implication parentale dans le suivi scolaire, un concept abondamment étudié mais pour lequel il n’existe pas de définition solide et consensuelle. Nous avons proposé une définition multidimensionnelle solide et validée et produit un outil affichant une bonne validité de construit auprès d’une population composée majoritairement de parents immigrants et en situation de défavorisation. Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et par le Fonds de recherche québécois sur la société et la culture (FRQSC). 149 Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références Adams, K. S., & Christenson, S. L. (2000). Trust and the family – school relationship examination of parent – teacher differences in elementary and secondary grades. Journal of School Psychology, 38(5), 477–497. Ascher, C. (1988). 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