8 mai 2007 "Végétaliser les villes pour atténuer

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8 mai 2007 "Végétaliser les villes pour atténuer
20•Ingenierie:Gabarit Transversal
ENVIRONNEMENT
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Par Emmanuel Boutefeu • Certu
Vgétaliser les villes
pour atténuer les îlots
de chaleur urbains
Les villes vont devoir se préparer au changement climatique : une
végétalisation abondante des tissus urbains permettra de réduire
les effets dramatiques des vagues de chaleur sur la santé humaine.
n août 2003, la canicule qui s’est solidement installée sur le territoire a fauché la vie de plus de
15 000 personnes, le plus souvent âgées et fragiles :
91 % avaient plus de 65 ans et 87 % vivaient en immeuble
collectif. Pendant une quinzaine de jours, les températures ont battu des records historiques : les deux tiers des
stations de Météo France affichaient des températures
comprises entre 25-35 °C, et 15 % des stations françaises
ont enregistré des températures supérieures à 40 °C. Les
régions Ile-de-France et Centre ont été fortement touchées par cette vague de chaleur exceptionnelle, notamment les grandes agglomérations urbaines, telles Paris,
Tours, Orléans. En France, les décès précisément attribués
à la déshydratation, hyperthermie, coup de chaleur ont
augmenté de 23 % par rapport à la mortalité attendue en
un mois d’août « normal ».
E
Des espaces verts rafraîchissants
Dans une étude des facteurs de risques de décès des personnes âgées résidant à domicile durant la vague de chaleur
d’août 2003, l’Institut
de veille sanitaire
(INVS) confirme que les
villes denses sont plus
vulnérables aux fortes
- Réduire les surfaces imperméables.
chaleurs que les villes
- Préférer les revêtements clairs réfléchissant la
vertes.
lumière.
À l’aide d’une analyse
- Planter des arbres capables de transpirer en
multivariée, les auteurs
période de forte chaleur.
mettent en évidence
- Ombrager les parkings, les cours d’école, les
esplanades.
que certaines caracté- Végétaliser les murs, les balcons, les toituresristiques des logeterrasses.
ments diminuent le
- Mettre en service des fontaines, jets d’eau,
risque de mortalité : la
bassins d’eau vive.
qualité de l’isolation, la
- Multiplier les espaces verts de proximité.
présence de volets ou
Conseils et astuces
pour rafraîchir les villes
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de stores protégeant les ouvertures, un faible ensoleillement de la pièce de nuit. Un bâtiment bien conçu permet,
y compris lors de pics à 40 °C, de ne pas franchir les 27 °C
dans la journée. En revanche, le fait d’habiter au dernier
étage d’un immeuble est un facteur de risque aggravant,
d’autant que la chambre est située sous les toits.
Et parmi les paramètres ayant un effet positif, une hausse
de l’indice de végétation à proximité des logements est un
bon moyen de rafraîchir l’air ambiant et d’abaisser les
températures extérieures.
Des travaux de référence dans ce domaine montrent que
les écarts de température entre un parc urbain et ses environs vont de 1 °C à 7 °C ; la différence la plus importante
étant obtenue aux abords de grands parcs arborés « baignés » par une rivière. À partir d’images satellitaires des
longueurs d’ondes infrarouges d’un quartier résidentiel de
la ville de Munich (Parc du château de Nymphenburg), et
d’une analyse des températures de surface émises à la mijournée et la nuit, Stephen Pauleit et Friedrich Duhme
soulignent qu’une augmentation de 10 % de la surface
végétalisée abaisse la température de 1 °C dans un rayon
de 100 mètres de profondeur. D’autres campagnes de
mesures réalisées à l’intérieur du parc national d’Athènes
et autour du site, en août 1998, et pendant dix jours
consécutifs, indiquent que l’écart est de 1,5 °C entre les
températures les plus basses et les plus hautes. La différence maximale atteint 3 °C au cours d’une journée.
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gner sa température sur celle de
l’air environnant. Ce mécanisme
de régulation thermique est loin
d’être négligeable : un arbre
feuillu peut émettre jusqu’à
4 000 litres d’eau par jour, ce qui
représente une puissance de
refroidissement équivalente à
celle de cinq climatiseurs pendant 20 heures en climat chaud
et sec.
Des arbres très bénéfiques
Un espace vert est donc un excellent équipement pour
atténuer l’îlot de chaleur urbain et rafraîchir l’air ambiant.
Une étude de modélisation des flux d’énergie au-dessus
d’un quartier témoin parvient à des résultats similaires de
ceux de Munich. Ainsi, l’aménagement d’un parc arboré de
100 mètres carrés au cœur d’un îlot urbain, bordé par des
immeubles de 15 mètres de hauteur, permet d’abaisser la
température de 1 °C dans les rues canyon adjacentes. Ce
gain de fraîcheur se prolonge sur une distance de
100 mètres. Au-delà, l’effet bénéfique de l’espace vert
s’estompe. Et les chercheurs de conclure qu’une augmentation de 10 % de l’emprise verte au sol diminue la température de l’air ambiant de 0,8 °C. Or, un écart de 1 °C
n’est pas anodin en terme de mortalité : l’INVS estime
qu’une hausse de 1 °C aurait aggravé le risque de 80 %
pendant la vague de chaleur d’août 2003 !
L’asphalte, le béton et le granit sont des revêtements
inertes qui accumulent l’énergie solaire la journée et déstockent la chaleur emmagasinée la nuit. Ces matériaux,
imperméables et sombres, sont de véritables puits de
chaleur qui alimentent l’îlot de chaleur urbain.
Sous nos latitudes, les surfaces engazonnées et les arbres
d’ornement équilibrent leur température interne, à la
manière d’un corps humain, en transpirant énormément
dès que la température extérieure dépasse 25 °C. Outre
qu’un arbre intercepte une partie du rayonnement solaire,
procurant une ombre protectrice, il a aussi tendance à ali-
Une augmentation
de 10 % de la
surface végétalisée
abaisse la
température de 1oC
dans un rayon
de 100 mètres
de profondeur
La dernière synthèse du Groupe
intergouvernemental d’experts
sur l’évolution du climat (GIEC),
présentée à Paris le 2 février
dernier, l’affirme sans ambiguïté : « la Terre se réchauffe et le principal responsable
de ce changement est l’homme ». Certains climatologues
français prévoient que les vagues de chaleurs estivales
seront plus longues, plus intenses et plus fréquentes,
passant de 1 jour durant la période 1960-1989, à 14 jours
à la fin du 21e siècle. En France, le changement climatique
attendu se traduirait par une hausse moyenne de 9 °C
(+6 °C globe), et le réchauffement serait plus marqué en
été qu’en hiver.
Afin de limiter les effets tragiques des pics de chaleur,
l’introduction massive d’espaces verts et d’arbres doit être
une priorité. Des plans de verdissement, campagnes de
plantation, aides à la création de parcs et de squares sont
des mesures efficaces pour rafraîchir les îlots de chaleur
urbains et atténuer les conséquences humaines des canicules à venir. Les villes doivent anticiper cette nouvelle
donne climatique.
Un espace vert rafraîchissant à Barcelone.
Pour en savoir plus
Liébard Alain, De Herde André, décembre 2005, Traité d’architecture
et d’urbanisme bioclimatiques – Concevoir, édifier et aménager avec
le développement durable, éditions Le Moniteur, 368 p.
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