Pâté de canard et cornichons.

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Pâté de canard et cornichons.
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Pâté de canard et cornichons.
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On lève les mains bande de c’nards, et bien haut, ceci est une prise d’otages ! Et on
n’est pas dans Counter-strike alors faites pas les marioles ! Toi là…
Euh, j’m’appelle Omar... Boulon. Et je suis testeur de…
Ta gueule, je sais. Tu vas danser la balunga !
Quoi ?!
T’es rédacteur pour Canard PC non ? Alors tu dois savoir danser la balunga ! Tu
danses ou tu crèves ! Tu piges ?!
Je suis pigiste oui mais pas danseuse étoile…
Putain t’es encore plus con que sur le forum toi ! Danse je te dis !
Ok, ne nous énervons pas je vais danser…
Lundi 20 avril 2009, 19h27. Place de la Nation, dans les bureaux de l’entreprise Gandi.
Enfin plus exactement dans le placard alloué à l’équipe de rédaction du magazine
indépendant Canard PC.
Un an après l’avoir annoncé, IL est revenu mais ce n’est pas comme ça que les choses
auraient dues se passer.
Tout avait débuté d’une façon classique, sur un forum de l’internet multimédia 2.0. Un
acharné d’une communauté de mangeur de magret de canard, devenu la risée de tous,
c’était juré de se venger, l’amertume qui le rongeait depuis donnait un goût de citron à
tous ses repas d’affaires. Après plusieurs vidéos sans queue ni tête, il tomba
définitivement dans l’oubli.
Mais les représailles pour toutes les humiliations subies trottaient depuis dans sa tête. Il
avait prit sa fameuse webcam afin de tout filmer : les autres canards subissant le joug de
a dictature improbable de ces trublions de l’ordre et du droit établi devaient aussi pouvoir
se réjouir et profiter du moment où il remettrait les compteurs Geiger à zéro. Il allait foutre
la zone.
L’Elu, comme il se ferait désormais appeler, enleva son masque en latex et les sacs
poubelles qui le couvraient des pieds à la tête.
Son visage mais aussi son costume trois pièces, sa cravate trop bien ajusté.
Omar, tout en se déhanchant au rythme de la balunga, intégra ces nouvelles données.
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Clad ! L’homme trop bien sapé !
AH ! AH ! AH ! Tu fais moins le malin là espèce de catcheur mexicain, écrivaillon de
papier cul, médaillon de canard et foie de lapin !
Je suis au contraire ravi de te revoir enfin ! J’attendais ton retour. Répliqua Omar, tout
sourire malgré la danse imposée par son agresseur.
Quoi ?! Le ton suraigu du preneur d’otage trahissait sa surprise. Il laissa tomber son
arme à ses pieds. Le pudding se fracassa en tombant au sol alors que la gelée verte
l’accompagnant se renversa directement sur les mocassins de cuir noir du dangereux
maniaque de la vidéo youtubesque idiomatique et notoirement pas drôle même pour
des Barbarie.
Depuis tout ce temps il avait imaginé un plan diabolique à base de farce aux rillettes du
Mans et de cul de pigistes parisiens, de papier hygiénique usagé et de sandwich fastfoodesque du voisinage. Mais tout cela était dans l’optique d’une lutte armée de mots
léchés jusqu’à l’overdose et de babines retroussées sur des dents blanches et trop
impeccablement alignées, certainement pas de camaraderie jamais vécue mais pourtant
retrouvée ou de festival de rires trop gras et de tapes sur l’épaule gaucho-libératoire,
même pour lui.
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Devant ses yeux ébahis tous les rédacteurs du magazine spécial fesses sensibles, le
sensationnel torchon bimensuel à base de blagues à têtes creuses et de notes à
tendance révisionniste, oui, tous ceux-là qu’il espérait pouvoir détester sans regrets et
humilier publiquement à son tour, riaient de bon cœur et s’enorgueillissaient de la bonne
blague que lui, l’Elu, leur avait réservé. Il en était bouleversé jusque dans le tréfonds de
son caleçon soyeux et de ses chaussettes pure laine vierge d’écosse.
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Je ne sais comment réagir, amis, par tant d’amour, de chaleur et d’odeurs capiteuses
que vous m’envoyâtes ci-devant mon appendice nasal. La larme lui montait à l’œil
alors même que la goutte sur son nez tremblotait légèrement au son de la balunga.
Mais enfin tu es en ces lieux le bienvenu et certainement le plus attendu de nos
lecteurs, enchaina le lubrique et catatonique Casque Noir qui avait retrouvé son sang
froid mais aussi le lourd clavier IBM datant des débuts de sa pige qu’il caressait
amoureusement en secret lorsque des textes lui arrachaient de petits cris de plaisir.
Non vraiment j’en reste sans voix tant j’ai devant moi de véritables êtres humais
emplis de joie, d’altruisme et de bonne volonté et je mets de coté mes Veni, Vidi, Vici
que j’avais préparé de si longue haleine. J’en perds mon latin, j’en reste coi, je suis
bouche bée, je…
BANG !
Le bruit mat du clavier IBM qui aurait du fracasser le crâne de l’Elu résonna dans les tons
graves. Le corps de l’endimanché vengeur démasqué s’affaissant, Omar s’arrêta de
danser, au grand soulagement de ses camarades.
Casque regardait son clavier d’un air idiot. Celui-ci avait cassé net, en deux parties
égales bien que cela fusse quasiment impossible voire hautement improbable.
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Bande de salauds, ne bouger pas j’ai encore de quoi tous vous faire péter comme
des bouchons de vins pétillants italiens frelatés. Hurla l’Elu se raccrochant
péniblement à la réalité et à l’un des écrans lourds qui ornait le bureau d’un des
pigistes à pieds palmés.
Ne fais pas de connerie ou je serais obligé de te bannir, dernier avertissement !
Répondit Omar, criant et gesticulant de nouveau, en espérant que cela suffirait à
calmer le vindicatif membre repenti de la secte internet la plus influente du quartier.
Regarde donc ça mon Boulon ! Cria Clad à son tour, dévoilant sous sa veste un
chapelet de croix de Lorraine et d’articles de Boulon entremêlés, le tout rattaché à ce
qui semblait bien être une paire de grenades trop mûre.
Cet homme est fou ! S’égosilla Thréanor dans un sanglot étranglé. Que le
merveilleux Ivan nous vienne en aide ou nous sommes perdus !
Nul ne pourra vous sauver désormais ! Je vais tous vous faire sauter et ensuite je
vous pendrais par les couilles !
C’est à cet instant précis que la porte d’entrée claqua, en même temps que le muscle du
mollet droit de Boulon qui ne pouvait donc plus danser la balunga.
Dans la confusion et le bruit, tous les rédacteurs se jetèrent sur Clad, sur lui, l’Elu. Mû
par un dernier sursaut il jeta ses grenades à la face de ses assaillants. Le jus gras et
visqueux et l’odeur de pourrissement avancé les arrêta net. Seul El Gringo poursuivi
dans sa lancée comme si ces effluves lui étaient familières, voire même agréable. Mais
Clad s’enfuyait déjà en hurlant, évitant de peu la contrebasse que lançait derrière lui un
Boulon transpirant et crispé sur sa douleur chevillarde.
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Au revoir ! Au revoir ! Au revoir ! Vous n’avez pas le monopole du bannissement
monsieur Boulon ! Ah ! Ah ! Ah ! Hi ! Hi ! Hi ! Le rire sardonique de l’Elu résonna dans
l’air frais de la capitale et aux oreilles de l’équipe du canard qui risquait désormais de
vivre la peur au ventre à l’idée d’une nouvelle vidéo de Clad.
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El Gringo n’avait pu le rattraper ayant été bloqué à la porte à cause de son immense
chapeau mexicain. L’Elu ridiculisé mais toujours couillu était donc revenu dans ses
pénates et fomentait déjà sa prochaine tentative de vengeance, tout en mangeant un
triple whopper.
L’équipe du canard prit désormais ses précautions, la décision de ne plus manger de
cornichons fut donc prise. Boulon n’osa pas bannir le compte de Clad sur le forum mais
se vengea sur 2861 innocents à la place.
Casque se mit à chercher désespérément un autre clavier aussi sensuel que celui qu’il
avait perdu dans l’affaire, sans succès.
El Gringo pleurnicha quelque temps sur la déformation prise par son sombrero, et
finalement s’enticha d’un bonnet péruvien fabriqué à la main par un admirateur secret.
Thréanor qui avait assisté au spectacle sans n’avoir pu réagir, se touchait discrètement
en repensant à l’érotisme torride de Boulon dansant la balunga.
Bref, la vie reprit ses droits après cet incident regrettable que fut la prise d’otage ratée de
la rédaction de canard PC.

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