Nunc est bibendum - Opéra national de Lorraine

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Nunc est bibendum - Opéra national de Lorraine
Orphée aux Enfers - Nancy - Critique | Forum Opéra
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Nunc est bibendum
Orphée aux Enfers - Nancy
Par Christophe Rizoud | mar 29 Décembre 2015 |
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Les metteurs en scène ont parfois de drôles d'idées. Dans cette nouvelle production d'Orphée
aux Enfers à l’Opéra national de Lorraine, Ted Huffman s’est inspiré de la Vénus de Willendorf
pour représenter des dieux de l'Olympe. Des coussins gonflés de billes hypertrophient les
cuisses, les fesses, le ventre, les seins des interprètes. Ces costumes de bonhomme Michelin,
d'une laideur boursouflée et dorée, pèsent de tout leur poids sur le spectacle. Leur principal
défaut n'est pas d'alourdir le propos en entravant le mouvement scénique. Les dieux
d'Offenbach nous amusent parce qu'ils sont humains. Les rendre monstrueux, c'est frôler le
contresens.
L'action se déroule dans un hôtel art nouveau – Nancy oblige. Un ascenseur aide à passer de la
terre aux cieux puis aux enfers, sans que l'on ait l'impression de changer d'étage. D'un tableau
à l'autre, un même décor imposant figure le séjour des hommes et celui des dieux. Seul
l'aménagement diffère, d’abord fauteuils, puis table de banquet et enfin bar.
Si les divinités de l'Olympe sont des bibendums, les créatures des Enfers sont des bêtes
sauvages. Loups, batraciens, oiseaux et crustacés peuplent les sombres bords du fleuve Léthé.
Là au contraire, les costumes ravissent l'œil mais ne favorisent pas davantage les
déplacements. Pire, ils autorisent les jappements et autres cris d'animaux qui parasitent la
musique. Le galop infernal ne sera pas dansé : il est moins aisé de lever la patte que la jambe.
Privé de cancan, Pluton a les ailes d'une chauve-souris et John Styx les pics d'un hérisson rendu
manchot par une chute durant les répétitions.
© Opéra national de Lorraine
Ce faux pas malencontreux semble avoir incité à la sagesse Flannan Obé,
Obé l'interprète du «
domestyx ». A moins que le costume, encombrant, n'ait bridé son habituelle fantaisie. Tel est
moins le cas des dieux qui, malgré leurs rondes difformités, réussissent vocalement à
caractériser leur rôle le temps de leur trop bref numéro. Distribuer Marie Kalinine en Vénus,
Anaïs Constans en Diane, Marc Mauillon en Mercure, Jennifer Courcier en Cupidon, c'est
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ériger au sommet de l'Olympe un temple en l'honneur du jeune chant français avec tout ce que
cela signifie de fraicheur, de clarté et d'articulation.
Franck Leguérinel se délecte des mots autant que des notes de Jupiter, un peu moins des
bourdonnements du duo de la mouche. Ses « zzz » sont d'abord des « zi ». Mais le maître des
dieux reste le pilier comique de la pièce. Depuis Aix-en-Provence en 2009, Pluton n'a plus de
secrets pour Matthias Vidal.
Vidal Ses qualités de diction et de projection, son aisance dans l'aigu
justifient l'insertion de l'air en prose au deuxième acte, mis en musique en 1874 sur un texte
de Jules Janin. Offenbach l’avait ajouté après les premières représentations de 1858 pour
moquer le critique de s’être indigné dans Le journal des débats qu'on osât ridiculiser
l’Antiquité.
Sur terre, Sebastien Droy est un Orphée idéal de justesse, de style et de diction. En opinion
publique technicienne de surface, Doris Lamprecht déménage. A côté de ces chanteurs forts
en gueule, la frêle Eurydice d’Alexandra
Alexandra Hewson fait pâle figure, moins intelligible et sonore
que ses partenaires mais le suraigu est prodigue et la taille de guêpe.
Entre les deux versions possibles de la partition – l'originale de 1858 et la révision féerique de
1874 –, Laurent Campellone a opéré un savant dosage qui offre aux chœurs l'occasion de
plusieurs numéros, le grand finale du premier acte notamment (« Anathème ») amputé
cependant de la valse des petits violonistes. Quelques décalages subsistent en ce soir de
première mais le chef d'orchestre sait user des contrastes rythmiques pour impulser à la
partition un entrain jubilatoire. Si l’on veut échapper au triste spectacle sur scène des divinités
obèses, il faut le regarder dans la fosse se démener, penché une fois à droite pour souligner un
trait, une fois à gauche pour indiquer un détail. S’agitant en mesure, se déhanchant quand le
rythme claudique, twistant le torse si le tempo balance, embrassant l’air de ses deux bras
comme pour soulever l’orchestre, il ne dirige pas : il danse.
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NOTE FORUMOPERA.COM Compositeur Offenbach, Jacques
Oeuvre Orphée aux Enfers
Artistes Campellone, Laurent
Huffman, Ted
Droy, Sébastien
Hewson, Alexandra
Vidal, Mathias
Leguérinel, Franck
Kalinine, Marie
Mauillon, Marc
Constans, Anaïs
Courcier, Jennifer
Orchestre Symphonique et lyrique de Nancy
Ville http://www.forumopera.com/orphee-aux-enfers-nancy-nunc-est-bibendum
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Nancy
Saison SAISON 2015/2016
Infos sur l'oeuvre Opéra bouffon en deux actes et quatre tableaux créé au Théâtre des Bouffes-Parisiens à Paris le 21
octobre 1858, puis remanié en en quatre actes et douze tableaux le 7 février 1874 au théâtre de la Gaîté.
Livret d'Henri Crémieux et Ludovic Halévy
Nouvelle production
Coproduction Opéra national de Lorraine, Angers-Nantes Opéra et Folies D'O, Montpellier
DÉTAILS Mise en scène
Ted Huffman
Décors, costumes et lumières
Clement & Sanôu
Chorégraphie
Yara Travieso
Orphée
Sébastien Droy
Eurydice
Alexandra Hewson
Jupiter
Franck Leguérinel
L'Opinion publique
Doris Lamprecht
John Styx
Flannan Obé
Cupidon
Jennifer Courcier
Aristée, Pluton
Mathias Vidal
Vénus
Marie Kalinine
Diane
Anaïs Constans
Junon
Edwige Bourdy
Mercure
Marc Mauillon
Minerve
Mathilde Nicolaus
Chœur de l'Opéra national de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Direction musicale
Laurent Campellone
Opéra national de Lorraine, Nancy, mardi 29 décembre, 20h
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