M.Benita par P. Benkimoun.pages
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M.Benita par P. Benkimoun.pages
Jazz Magazine Paul Benkimoun – Avril 1999 Michel Benita Quand un contrebassiste parle d'un disque, le sien, où le chant est plus important que la contrebasse. Dans vos précédents disques, on trouve une chanson de James Taylor et une de Carole King. Cette influence « folk-rock » semble dominante dans votre troisième, « Lower the Walls »... En le préparant, j'ai pensé d'abord à l'unité qui viendrait du choix des musiciens, à la définition d'un son : guitare acoustique, percussion - plutôt que batterie -, contrebasse et un instrument soliste pour lequel j'hésitais, entre sax et trompette. Ensuite j'ai laissé venir la musique, et je me suis rapproché des choses par lesquelles j'ai commencé, la pop, le folk, et auxquelles je n'ai jamais cessé de m'intéresser, assumant ainsi mon « vrai moi ». Contrebassiste de jazz depuis plus de vingt ans, j'ai joué avec pas mal de gens et je n'ai plus envie de me poser des questions stylistiques. J'ai envie de faire de la musique, point. Dans ce disque on entend d'autres influences rythmiques : hip hop, jungle, des musiques d'aujourd'hui. Le jazz n'est plus le dernier endroit où l'on recherche, où l'on se met en danger. Parmi les jazzmen que j'admire, certains n'ont pas hésité à porter plusieurs casquettes Herbie Hancock, Pat Metheny, Miles Davis, même Keith Jarrett à ses débuts. Pour moi, ça correspond à une maturation. Quand on débute, on a besoin d'un « sectarisme '. d'une soif d'absolu pour explorer un langage, apprendre à s'en servir, et du fait des contingences du métier; on rejette d'autres musiques. Arrive un moment où on a envie de se rapprocher de la musique qui nous a donné nos premières émotions musicales. Je tiens à l'éclectisme... Je ne vois pas pourquoi je me limiterais à un style. Je fais partie de Palatino, où mon goût du jazz est comblé. Je n'ai aucune envie de faire un Palatino bis, de répéter les expériences que je peux avoir avec d'autres musiciens qui font appel à moi. J'avais aussi envie de sortir de la formule du quartette de mes premiers disques, avec Dewey Redman. Rita Marcotulli et Aldo Romano. En fait c'est une manière de signer mon appartenance à une génération de musiciens qui ont la quarantaine et un fond commun - j'ai acheté « Bitches Brew » en 69. après en avoir lu la critique dans Rock & Folk, sous la plume de Philippe Paringaux. Voilà qui résume peut-être l'origine de ma personnalité musicale. Quelle influence a eue le choix des musiciens sur la musique composée ? Sylvain Luc a été mon premier choix. Andy Sheppard, je le connais depuis le Big Band Lumière de Laurent Cugny. Une fois les musiciens choisis, tout se met en place. Et là le jazz intervient, car je ne peux pas faire ce disque si je n'ai jamais pratiqué le jazz si Andy n'est pas au départ un musicien de jazz, si Sylvain ne sait pas improviser et si Bobby Thomas n'a pas joué avec Joe Zawinul et d'autres. Je n'aurais pas pu faire ce disque si je n'étais pas jazzman, parce qu'il faut avoir la force que donne la maîtrise d'un langage pour s'en éloigner. La démarche d'improvisation m' donné confiance pour la composition, les deux sont intimement liées. Improviser c'est s'oublier tout en restant conscient a dit Gary Burton. Quel que soit le style, notre démarche reste celle du jazz... Ne serait-ce que par le temps passé en studio trois jours ! D'où vient l'idée d'un chanteur, David Linx en l'occurrence, sur deux morceaux ? J'ai toujours eu une petite chanson qui traînait par ci, par là. Il y a quatre ans, j'ai racheté une guitare. J'aime tellement les chanteurs - James Taylor, Randy Newman. Joni Mitchell... Inéluctablement, dans une carrière de musicien, on rencontre le chant. Pour moi, c'est une inclination naturelle. Quand je compose, l'idée de départ est toujours une mélodie, qui entraîne des harmonies. Une certaine critique raisonne avec des schémas herites de 68 ou de l'époque free selon lesquels ce que l'on peut retenir facilement siffler à la fin du concert et qui peut faire adhérer un grand nombre d'auditeurs à la musique est suspect. Or quels sont les musiciens qui restent ? Dans « Relaxin'», Miles joue les standards, il ne joue que la mélodie. Lorsqu'il enregistre Time After rime de Cindy Lauper, ce n'est pas parce qu'un producteur le lui a demandé... Il ya eu dans le jazz une revendication de sérieux qui fait oublier l'aspect entertainment inhérent à cette musique - il ne faut jamais oublier que le jazz est un mélange et que le but de la musique est de toucher. C'est ce qu'avait compris Miles. Sans rien sacrifier de son exigence esthétique, il a su rencontrer le public. Le fait d'être contrebassiste a-t-il joué dans votre démarche ? Cet instrument est considéré comme limité. Peu de contrebassistes ont eu une carrière de leader. Même un Dave Holland a des difficultés à faire vivre ses groupes. En France. Henri Texier s'en tire plutôt bien... Nous sommes au centre de la musique, pas au centre du spectacle. Est-ce la raison pour laquelle la contrebasse n'est pas mise en avant dans “Lower the Walls” ? Je ne vois pas la musique à travers la contrebasse. Peut-être est-ce dû au fait que j'ai commencé par la guitare... Je ne fétichise pas la contrebasse.