Le travail des enfants - Actu-CCI

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Par By Cécilia Dubé
INTERVIEW - BÉNÉDICTE MANIER
Le travail des enfants
ancrée de non-respect des lois et il est jugé normal
que les enfants pauvres travaillent. Et surtout, le défi
serait de parvenir à modifier les structures socioéconomiques du pays. Il existe d’un côté un vaste
réservoir d’enfants pauvres non scolarisés et de
l’autre, des secteurs (artisanat, industrie, services,
agriculture intensive, par exemple) où ils se révèlent
utiles. Dans ce pays à 70 % rural, les dizaines de millions de petits fermiers pauvres ne peuvent pas non
plus, à l’heure actuelle, se passer de l’aide de leurs
enfants. »
ommerce International : Dans les pays
où le travail des enfants a reculé, la volonté politique des États semble avoir
joué un rôle majeur. Connaît-on des expériences
réussies d’implication du monde économique à
des échelles nationales ?
Bénédicte Manier : « L’histoire montre en effet que
C
dans les pays industrialisés, c’est l’État qui a fait reculer le travail des enfants et généralisé l’éducation,
avec des résultats différents selon les pays (le travail
enfantin reste par exemple plus toléré dans la culture
anglo-saxonne, où l’État est moins actif). Mais la
mobilisation du monde économique est aussi indispensable pour respecter les lois, accepter de transférer
l’emploi d’enfants vers les adultes et pour s’impliquer
dans l’effort national. Au Brésil, les employeurs ont
accepté de se passer de main-d’œuvre enfantine dans
plusieurs secteurs (production de jus de fruits, de
chaussures…). »
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Le travail des enfants
dans le monde
Child Labour Worldwide
Bénédicte Manier
La Découverte
(mars - March 2011, 3e édition),
128 pages, 9,50 €
Le conditionnement des allocations familiales à
l’assiduité scolaire a permis de stopper le travail
des enfants en Europe au XXe siècle. Le Brésil a
également utilisé cet outil. Observe-t-on une
volonté similaire dans les pays où les enfants
sont les plus nombreux à travailler ?
B. M. : « Les progrès réalisés par le Brésil sont sans
équivalent dans l’histoire récente, parce que ce
pays a conjugué des moyens financiers (notamment avec l’apport
de prêts de la Banque mondiale) et une volonté politique inédite,
qui n’est pas sans lien avec le fait que l’ex-président Lula est lui-même
un ex-enfant travailleur. C’est cette configuration qui manque
ailleurs. Le travail des enfants n’est pas considéré comme une priorité
sociale pour l’avenir du pays et le système scolaire reste privé d’investissements. » •
C’est en Inde que l’on enregistre la plus grande population active enfantine du monde. L’émergence d’une classe moyenne a
même accru l’emploi de petits domestiques. Le pays réfléchitil à une réglementation et à de nouvelles mesures ?
B. M. : « La législation indienne est déjà très complète. L’emploi
d’enfants est interdit avant 14 ans et le droit à la scolarisation universelle existe depuis 2000. Mais il existe en Inde une habitude
Interview
country thinking about regulations
age the taking of new measures. Child
labour is forbidden for children before
14 years and the right to universal schooling has existed since 2000. But the problem
is cultural: in India there is an anchored
habit of non-respect of laws and it is considered normal for poor children to work.
And above all, the challenge would be
to succeed in modifying the country’s
socio-economic structures. On the one
hand, there is a vast reservoir of unschooled poor children, on the other
hand, there are sectors (crafts, industry,
services, intensive agriculture) where they
prove useful. In this country that is 70%
rural, tens of millions of poor small-scale
famers cannot, for the moment, do without the help of their children.”
and new measures?
The making of family subsidies
B.M.: “Indian legislation is already very
conditional on regular school atten-
comprehensive and it is difficult to envis-
dance allowed child labour to be
BÉNÉDICTE MANIER: CHILD LABOUR
In the countries where child labour
has declined, the political willpower of States seems to have played
a major role. Are there successful
examples of of national-level involvement of the economic world
in the fight against child labour?
Bénédicte Manier: “History indicates
that in industrialised countries, it is the
State that reduces child labour and generalises education, with varying results according to the country. But the mobilisation of the economic world is also
indispensable, in order to respect laws and
accept the transfer of child labour to
adults, and to commit to national efforts.
In Brazil, in the 1990s, the first conclusive
results stemmed from collaboration be-
tween the State, the ILO, syndicates and
employers. The latter agreed to transfer
child labour in different sectors (fruit juice,
shoe production…). A decisive push came
in the 2000s from a global public policy
combining sanctions on recalcitrant
employers, investment in public schools
and subsidies to poor families.”
It is in India that the largest child labour population is recorded (60
million), in all sectors of activity.
The emergence of a middle class
has even increased the employment of young servants. Is the
COMMERCE INTERNATIONAL
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N°72 - MARS 2011
stopped in Europe in the 20th century. Brazil has also used this tool.
The making of family subsidies
conditional on regular school attendance allowed child labour to be
stopped in Europe in the 20th century. Brazil has also used this tool
B.M.: “Progress made by Brazil is unequalled by any other in recent history
because this country has matched financial means (namely the input of loans from
the World Bank) and a previously unseen
political willpower, which is not unrelated
to the fact that the former President Lula
was once a child labourer. This has produced a type of historically favourable
configuration. This is the configuration
that is lacking elsewhere. Child labour
is not considered a social priority for the
future of a country and school systems
continue to lack investments.” •

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