mais ne connaissent peut-être pas

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mais ne connaissent peut-être pas
DIX POINTS À RETENIR
Dix points essentiels que les
rhumatologues devraient connaître
(mais ne connaissent peut-être pas) à
propos de la douleur
par Owen D. Williamson, M.B., B.S., FRACS, FFPMANZCA et Pam Squire, M.D., CCFP, CPE
S
elon le modèle biomédical, la douleur associée aux maladies inflammatoires devrait rentrer dans l’ordre une fois
l’inflammation adéquatement traitée; or, il arrive souvent
que la douleur persiste et même qu’elle se propage après que les
marqueurs cliniques et hématologiques classiques soient disparus.
De récents travaux sur la physiopathologie de la douleur persistante et sur l’importance d’une prise en charge qui tienne
compte du contexte biopsychosocial élargi pourraient venir en
aide aux patients souffrants et aux rhumatologues lorsqu’ils font
face au dilemme d’une douleur persistante en l’absence d’inflammation objectivable affectant l’appareil musculosquelettique.
1) Dans la douleur persistante, le degré d’atteinte ou
d’inflammation périphérique n’est jamais en corrélation avec
l’intensité de la douleur ressentie.
Même si des facteurs psychosociaux peuvent contribuer à cette
absence de corrélation, il ne faut pas négliger le rôle d’un traitement anormal des signaux nociceptifs, c’est-à-dire, les modifications neuroplastiques du système de perception de la douleur
qui entraînent une propagation et une amplification des signaux
ascendants, une perte des signaux inhibiteurs descendants ou
un traitement central anormal, et une mésinterprétation de ces
deux types de signaux de la douleur et des autres signaux neuraux.
2) On a démontré l’existence d’un phénomène de traitement
anormal des signaux nociceptifs dans de nombreuses
maladies rhumatologiques douloureuses communes,
localisées aussi bien que généralisées.
Entre autres exemples, mentionnons la lombalgie chronique,
l’arthrose des genoux et la fibromyalgie (FM). Il faut songer à un
problème de traitement des signaux nociceptifs lorsque les
patients qui souffrent d’une douleur localisée se plaignent de
maux excessifs à la suite d’activités mineures, de fatigue, de problèmes de mémoire et de troubles du sommeil, et lorsque l’examen
clinique révèle une sensibilité ressentie ailleurs que dans les
principales zones douloureuses. Les patients peuvent aussi se
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JSCR 2013 • volume 23, numéro 3
plaindre de douleurs nettement exacerbées lors de stimulations
douloureuses répétées (phénomène d’amplification du message
nociceptif) ou d’une douleur persistante une fois la stimulation
cessée.
3) Les patients éprouveront peut-être de la difficulté à
conceptualiser le traitement anormal des signaux nociceptifs,
mais il est crucial de bien le leur expliquer pour favoriser leur
observance thérapeutique.
On pourra utiliser des analogies pour expliquer le phénomène
de la douleur. Par exemple, un traitement anormal des signaux
nociceptifs est un peu comme un problème de logiciel en informatique; il est invisible à l’œil nu, mais on en reconnaît la
présence au comportement qui en découle. Pour poursuivre
l’analogie, certaines mesures thérapeutiques, comme les antidépresseurs ou l’imagerie motrice progressive, permettraient une
mise à niveau du logiciel défectueux, plutôt qu’un remplacement
de la machine.
4) La douleur persistante ressentie en périphérie peut
répondre à des traitements administrés par voie centrale.
Des anomalies de l’organisation corticale s’observent dans un
certain nombre d’états douloureux persistants, y compris les syndromes de douleurs régionales complexes, les douleurs aux membres fantômes et la lombalgie chronique. Les traitements qui
ciblent directement la réorganisation corticale, comme l’imagerie motrice progressive et la thérapie miroir, peuvent atténuer
la douleur persistante perçue au plan des structures
périphériques.
5) Même si la douleur persistante peut être attribuable à un
traitement anormal des signaux nociceptifs, pour sa part,
l’invalidité qui s’y rattache est due à une interaction complexe
entre facteurs biologiques, psychologiques et sociaux.
Il faut soumettre les personnes qui souffrent de douleurs persistantes à un dépistage des troubles de l’humeur à l’aide d’outils
d’auto-évaluation, comme l’échelle de mesure de l’anxiété
généralisée (ou GAD-7 pour Generalized Anxiety Scale) et le ques-
tionnaire sur la santé des patients (ou PHQ-9 pour Patient Health
Questionnaire). Les facteurs de risque à l’égard d’un traitement
anormal des signaux nociceptifs, tels qu’antécédents personnels
ou familiaux de douleurs persistantes, doivent aussi être
débusqués. On obtiendra de meilleurs résultats lorsqu’on s’attaquera simultanément aux facteurs biologiques, psychologiques
et sociaux.
6) Une atteinte cognitive peut affecter la capacité de travailler
des patients.
À elle seule, une douleur intense peut interférer avec la mémoire
et le fonctionnement exécutif. Si les patients souffrants arrivent
à effectuer des tâches simples, comme écrire une liste d’épicerie,
ils auront du mal à s’acquitter de tâches plus complexes, par
exemple, remplir leur déclaration d’impôt. Il faut alors tenir
compte de facteurs contributifs, comme les médicaments, l’insomnie, la fatigue et les troubles de l’humeur.
7) Des distorsions cognitives, comme la crainte de subir
d’autres blessures et le catastrophisme, nuisent à
l’amélioration du fonctionnement.
Les personnes qui souffrent de douleurs persistantes doivent être
soumises à un dépistage des comportements d’évitement et du
catastrophisme à l’aide d’outils d’évaluation comme le test TSK,
pour Tampa Scale for Kinesiophobia et l’échelle des pensées catastrophiques liées à la douleur (ou PCS pour Pain Catastrophizing
Scale). Il faut envisager une demande de consultation en thérapie
cognitivo-comportementale si on soupçonne une distorsion cognitive qui nuirait au rétablissement fonctionnel.
8) Même si les programmes d’auto-prise en charge de la
douleur peuvent améliorer les facteurs biologiques,
psychologiques et sociaux de la douleur persistante, les
patients ne sont pas tous bien disposés à l’égard de ces
approches.
Certaines approches, comme le modèle des étapes du changement de comportement de Prochaska, permettent d’évaluer l’ap-
titude des individus à changer. On choisira l’approche la plus
susceptible de motiver le patient à changer : une approche
didactique pour le sensibiliser à la nécessité d’essayer de se prendre en main et une approche cognitivo-comportementale pour
l’aider à surmonter les obstacles une fois le besoin reconnu.
9) Les agents modifiant la douleur doivent cibler la douleur
persistante et les circonstances qui y contribuent.
Les antidépresseurs tricycliques (ATC) et les inhibiteurs du
recaptage de la sérotonine-noradrénaline (IRSN) semblent
atténuer les anomalies du traitement des signaux nociceptifs. Les
ATC améliorent aussi la douleur neuropathique et le sommeil; de
leur côté, les IRSN améliorent la douleur neuropathique, l’anxiété et la dépression. La prégabaline peut réduire la douleur neuropathique et améliorer le sommeil. Le tramadol et le tapentadol
exercent tous deux des effets qui s’apparentent à ceux des opiacés et des ATC.
10) Les opiacés peuvent exacerber la douleur et perturber le
fonctionnement hormonal.
On soupçonnera une hyperalgésie induite par les opiacés chez
les patients qui développent une douleur diffuse croissante et de
l’allodynie, malgré l’augmentation de leur dose d’opiacés. De
fortes doses d’opiacés, notamment à partir de doses équivalant à
plus de 200 mg par jour de morphine par voie orale, peuvent
contribuer à des problèmes d’hypogonadisme, à une dysfonction
surrénalienne et à d’autres troubles endocriniens.
Owen D. Williamson, M.B., B.S., FRACS, FFPMANZCA
JPOCSC Pain Management Clinic,
Autorité sanitaire de Fraser
Surrey, Colombie-Britannique
Pam Squire, M.D., CCFP, CPE
Professeur adjoint de clinique, Université de la Colombie-Britannique
Vancouver, Colombie-Britannique
Suite de la page 35.
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Julie Barsalou, M.D., FRCPC
Chercheuse dans le domaine du lupus, Hospital for Sick Children
Toronto, Ontario
Rohan John, M.D.
Pathologiste, University Health Network,
Toronto General Hospital, Toronto, Ontario
Joanne M. Bargman, M.D., FRCPC
Professeure de médecine, Université de Toronto
Néphrologue, University Health Network,
Toronto General Hospital, Toronto, Ontario
JSCR 2013 • volume 23, numéro 3
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