Charles Maurras ? Qui se souvient de Charles Maurras

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Charles Maurras ? Qui se souvient de Charles Maurras
Charles Maurras ? Qui se souvient de Charles
Maurras
NDLR: le rouge et le noir, gazette catholique que nous apprécions beaucoup par ailleurs, lance
une conférence sur Charles Maurras. L’occasion de re-publier ce papier (2006), ne serait-ce que
pour nourrir le feu de la controverse.
A dire vrai je me souvenais vaguement d’en avoir entendu parler lors d’un cours sur les idées
politiques, il y a bien longtemps, à Toulouse, au début des années 60. Apparemment, il avait eu
une grande influence sur la droite « « nationaliste » de la fin du 19ème siècle jusqu’à 1945 avec
son journal « l’Action Française », avait mal tourné pendant la guerre, avait été frappé d’indignité
nationale à la libération et chassé de l’Académie Française, qui avait cependant refusé de lui élire
un successeur..
Bref, une solide connaissance de salon ou de dîner mondain.
Et puis, cet été, j’ai été invité pendant une période très, très pluvieuse dans une de ces vieilles
maisons de la province française où le temps est resté immobile …Et dans cette maison, oh
bonheur, une merveilleuse bibliothèque, où le denier livre acheté datait de 1950… et dans cette
bibliothèque, la collection complète et reliée de l’Action Française, dans laquelle je me plongeai
avec une curiosité décuplée par le manque de soleil.
Quelle ne fut pas ma stupéfaction ! D’un seul coup, tout s’éclairait ! En fait, nul ne devrait
chercher à expliquer la France d’aujourd’hui sans faire référence à Charles Maurras !
La pensée de Charles Maurras est en effet totalement dominante à tous les échelons
du corps politique, diplomatique et médiatique en France, ce qui constitue enfin une
explication rationnelle à nos malheurs actuels.
Cette pensée s’articulait autour de quelques postulats très forts, que je vais rappeler en quelques
lignes pour ceux qui comme moi, ne connaissaient pas Maurras.
Le cœur du système, c’est bien entendu la haine.
-Haine du capitalisme,
-Haine de l’individualisme,
-Haine de la démocratie représentative, tels sont les points d’ancrage de cette pensée.
Toute haine a besoin de boucs émissaires pour s’y fixer. Dans le cas de Maurras, ils étaient tout
trouvés : le monde anglo-saxon (Angleterre – Etats-Unis) et les marchés financiers tombés
(d’après lui) sous le contrôle des Juifs, qui bien entendu représentaient la deuxième grande
menace.
De ces haines coulent un certain nombre de principes d’action.
* Dans une discussion avec un adversaire intellectuel ou politique, le but n’est pas d’apprendre de
la discussion par un débat « socratique », mais de détruire l’adversaire dont on sait dès le départ
que c’est un salaud et un mauvais français.
* Une distinction est faite entre la « légalité », notion parfaitement compréhensible et
opérationnelle et la « légitimité » , idée purement subjective, non démocratique et non vérifiable
(la légitimité est d’ordinaire de droit Divin, ou l’apanage exclusif de l’homme providentiel)
* De ce fait le recours à la violence est parfaitement compréhensible (les troupes de choc de
l’Action Française, les camelots du Roi, se déplaçaient avec des cannes plombées, pour taper sur
ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux).
Mais revenons au temps présent, car le but de ce petit article n’est pas d’expliquer la pensée de
Maurras mais de montrer à quel point elle explique la France d’aujourd’hui.
Commençons par le plus évident : la haine du monde Anglo-Saxon. La dessus J.F Revel à tout
dit et fort bien et il n’est pas nécessaire de rajouter quoi que ce soit.
* Continuons par l’anti-sémitisme, cette maladie de l’esprit. Dans l’imaginaire collectif, les «
Juifs », responsables (chez Maurras) de tous les malheurs de la France et éternels apatrides, ont
été remplacés par les « Israéliens », responsables de tous les malheurs du moyen-orient (et donc
potentiellement de la France) et à qui on en veut curieusement aujourd’hui de ne plus être
apatrides. Le feu vert pour cette résurgence fut donné par un fidèle lecteur de Maurras, de Gaulle
lors d’une conférence de presse ou il caractérisa les Israéliens comme… « petit peuple sûr et lui
et dominateur ». Cette remarque fut le signal qu’il était permis de redevenir antisémite, comme
l’avait très bien compris Raymond Aron à l’époque.
Je ne compte plus les dîners en ville ou de grands esprits (de gauche ou de droite) m’ont expliqué
que je ne comprenais rien, qu’Israël ne tenait que grâce au soutien des USA, eux-mêmes tenus
par le « lobby juif » aux Etats-Unis et que l’administration actuelle aux USA ne mène la politique
actuelle que pour plaire à la minorité Juive fort influente dans la presse et à Wall-Street
. Les deux arguments, contrôle de la démocratie par une minorité (Juive) et influence des marchés
sur la politique (dictature des marchés financiers), sont purement Maurassiens. (Tous les deux
idiots, puisque 80 % des Juifs aux USA votent démocrate, et que le système financier outre
atlantique est totalement décentralisé et réside de moins en moins à New York). Cependant, tous
ceux qui étaient à la fois anti-américains (Israël, porte avions des USA au Moyen-Orient), contre la
démocratie (Israël, seule démocratie au Moyen-Orient) et contre l’économie de marché (Israël à
elle toute seule exporte plus que tous les pays arabes réunis, hors pétrole) purent réunir dans un
seul bouc émissaire leur antisémitisme, leur anti-capitalisme et leur haine de la démocratie, et
comme c’étaient souvent les mêmes, le résultat fut celui que l’on voit tous les jours…c’est-à-dire
un retour en masse de l’antisémitisme sous de nouveaux oripeaux…Fort naturellement, à la suite
de trente ans de propagande ininterrompue, pour 70 % des français, le pays le plus dangereux
pour la paix mondiale est …Israël (comme la Tchécoslovaquie en 1938 ?).
Dans le système politique, nous avons assistée à une délégitimation totale de la
représentativité des élus, au profit d’abord du Monarque- élu et intouchable (constitution
de la Vème), ensuite des légistes (la technocratie) et plus récemment des organisations remplies
de non élus mais censées être «légitimes » (altermondialistes, écologistes, représentants de
religions liberticides etc). Comme chacun le sait, l’élection (comme le marché d’ailleurs),
n’assurent pas une bonne représentation de l’intérêt général. Comme chacun le sait encore, le
Roi, entouré de ses bonnes corporations et de ses légistes a toujours été la meilleure solution aux
problèmes de la France. Encore une fois, voila une évolution qui aurait ravi Maurras …
En économie, rien ne nous a été épargné. Pour commencer, nous avons eu droit à une
avancée en masse du protectionnisme. L’exception culturelle française, le refus de la «
globalisation », la politique industrielle du champion national, le« patriotisme économique» ne
sont que des mots pour protéger des médiocres en se servant de la puissance de l’Etat.
Ensuite, nous avons eu une montée en masse des corporatismes (un exemple : la
politique agricole commune) et de monopoles publics inefficaces dissimulant leurs recherches
éperdues de rentes protégées sous le nom de « services publics ». Enfin, nous avons eu la
reconnaissance tant recherchée par Maurras des corporations, sous le nom oh combien révélateur
de « syndicats représentatifs » représentatifs sans aucun doute comme certaines démocraties
étaient populaires il y a peu… (il n’y a même pas 10 % de salaries qui soient syndiqués) ….
Dans le monde des idées, la débâcle est là aussi totale, entérinée par les succès du Monde
Diplomatique, de Courrier International ou d’Alternatives Economiques. Quand on voit que
Bernard Marris et Viviane Forrester ont remplacé Raymond Aron, Sauvy et Fourastié comme
phares de la pensée, on mesure l’étendue du déclin. De ce fait le Maurrassisme triomphe partout
: primauté à l’intuition, montée de la pensée magique, appel aux communautarismes, refus de la
science, retour à la nature, écologie (la terre ne ment pas, disait Maurras), refus du progrès
technique, de l’industrie, utilisation de la violence (légitime, bien entendu !) dans les conflits
sociaux ou dans les disputes telles celles perpétrées par José Bové aidés par des élus détruisant
des cultures transgéniques, principe dit de précaution, digne de l’inquisition, introduit dans la
constitution et stérilisateur de toute recherche nouvelle (nul doute que Pasteur ou Marie Curie
auraient du être interdit d’expérimentation…) etc…
Mais restons en là, le lecteur aura compris, du moins nous l’espérons…
Un dernier détail reste cependant à préciser.
Le fait que la plupart de ceux qui revendiquent ces idées se disent « de gauche » aujourd’hui ne
changent strictement rien à notre démonstration. Ils sont de gauche comme Castro est de
gauche.
Il existe cependant une différence essentielle entre eux et Maurras.
Maurras écrivait dans un français merveilleux, et il avait une énorme culture classique.
Quand il ferraillait avec ses adversaires, on avait vraiment l’impression de contempler un
escrimeur, et même si on détestait les idées, on ne pouvait s’empêcher de sourire.
Eux, ils n’écrivent pas avec une épée, mais avec des tromblons.
Et de culture, ils n’en ont point, sauf la pauvre vulgate marxiste qui en tient lieu à notre époque.
La conclusion s’impose hélas, d’elle-même : en France, la loi de Gresham marche fort bien, les
mauvaises idées chassent les bonnes, et même dans l’expression des idées idiotes, nous sommes
en plein déclin…
Charles Gave