Para el alma divertir - Fabrice Hatem

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Para el alma divertir - Fabrice Hatem
Para el alma divertir
Mardi 8 juin
C‘est en allant danser, le premier soir de mon arrivée
à La Havane, dans le charmant night - club de l'hôtel Florida, que je fis
l'acquisition de cet ouvrage dans un brocante de la rue Obispo. Une pénurie de
Jineteras et de touristes étrangères me conduisit cette nuit-là à me plonger,
plus tôt que prévu, dans cette lecture passionnante, dont je vous livre ici un
rapide contre-rendu.
Né en 1937 Raúl Martínez Rodríguez est un musicologue
cubain, originaire de Matanzas, ville dont il connaît les moindres recoins. Au
fil des rencontres avec les artistes amateurs et professionnels de la région, il est devenu l'un des meilleurs spécialistes
du folklore populaire Matanceros. Ceci explique la qualité exceptionnelle de
son ouvrage, qui décrit avec une précision fascinante, mais aussi de manière
extrêmement vivante l'histoire des fanfares de rues (les « coros de
claves ») ou encorel'origine du fameux orchestre de Rumba Los muñequitos de Matanzas.
Largement fondé sur des témoignages directs, le livre
instruit sans jamais ennuyer, car l'histoire de la musique populaire est
toujours intimement associée, dans la présentation de l'auteur, avec celle des
hommes et des femmes qui l'ont faite. D'où le sentiment d'une chaleureuse
familiarité avec ces artistes, leurs familles, leur quartiers, les cafés où ils se produisaient...
L'ouvrage, de taille modeste, est structuré comme une
succession d'une quinzaine de courts chapitre, consacrées chacun à un artiste, à un orchestre, à une œuvres
marquante ou à un style musical. Son objet dépasse largement les limites de Matanzas
pour aborder plus largement divers aspects de la musique populaire
cubaine : Benny Moré, Miguel Matamoros, l'histoire de la habanera, le
danzon mexicain,ÑicoSaquito, Antonio Machin, la chanteuse la Lupe, la chanson
Tropicana ou le conjunto Casino, pour n'en citer que quelques-uns, en vrac
comme dans l'ouvrage lui-même, La variété des thèmes, la précision des sources,
la vitalité de l'écriture fait qu'on ne s'ennuie jamais à la lecture de ce
livre, qu'on parcourt un peu comme un recueil de petites nouvelles. Mais on
s'instruit aussi formidablement, souvent grâce à des anecdotes frappantes qui
restent ensuite gravées dans la mémoire du lecteur.
Quelques exemples, en vrac encore une fois :
savez-vous que le fameux cornet chinois n'était pas présent dans les premières
fanfares (« coros de claves ») de Matanzas, mais a été introduit plus
tardivement, car la police locale interdisait les défilé d'orchestres composés
seulement de tambours africains ? Savez-vous que plusieurs des fondateurs
du fameux orchestre de Rumba Los
Muñequitos de Matanzas, crée en 1952 pour défendre la culture afro-cubaine,
étaient... dockers sur le port de Matantazas ? Savez-vous que le célèbre
club Tropicana de La Havane tire son
nom de la chanson éponyme de AlfredoBrito, qui y est depuis lors interprétée
chaque soir à l'ouverture du spectacle, depuis la fondation du cabaret en
1939 ?Dans d'autres pages, nous assistons comme en direct à l'arrivée du
Danzon cubain au Mexique ou de la Habanera en Espagne, à travers les allées et
venues des marins et des musiciens, apportant avec eux leurs rythmes, leurs
chansons et leurs instruments.
Mais c'est le court chapitre consacré à la grande
chanteuse La Lupe, née à Santiago de Cuba en 1936, qui m'a le plus profondément
ému. Après un début fracassant à la Havane à la fin des années 1950, auquel ses
excès et ses excentricités de toute nature donnent un parfum de scandale, la
chanteuse s'exile aux Etats-Unis. Là, après des débuts difficiles, elle connaît
un immense succès dans les années 1960 avec l'orchestre de Tito Puente. Mais la
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maladie, les abus de confiance, les accidents vont peu à peu entraîner sa
perte. Elle se ruine en Santeria, notamment pour sauver la vie de son mari
malade, Willie Garcia. Dans les années 1970, son appartement brûle, et elle est
elle-même victime d'un accident domestique qui la laisse paralysée. En 1986,
l'ancienne chanteuse, scandaleuse et richissime, n'est plus une pauvre
invalide, vivant dans un sous-sol à laquelle les autorités du Bronx finissent
par accorder un logement sociale et une subvention spécialepour financer
l'opération qui lui permettra de marcher à nouveau. Elle meurt en 1992 dans un
quasi-oubli. Le chapitre qui lui est consacré ne fait que dix courtes pages,
mais c'est aussi poignant qu'une pièce de Tchekov.
Si vous avez un jour la chance de trouver ce livre
lors d'un voyage à Cuba, lisez-le : je suis resté
tout ébloui par sa magie et sa fraicheur. Le projet du livre - Para el alma
divertir, pour divertir l'ame - me semble ainsi pleinement atteint.
Raúl Martínez Rodríguez,
Para el alma divertir, coll.
Músicos Cubanos, Ed. LetrasCubanas, 2004, La Havane 153 pages.
Fabrice Hatem
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