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Introduction aux anneaux arithmétiques Lionel Ducos [DLQ+ ] février 2004 Table des matières 1 Introduction 1 2 L’égalité (K : J) + (J : K) = h1i 2.1 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Exemples avec des idéaux principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 4 5 3 Idéaux (de type fini) localement principaux 3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Matrices de localisation principale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 7 8 4 Idéaux projectifs de type fini et idéaux 4.1 Idéaux projectifs de rang 1 . . . . . . . 4.2 Idéaux projectifs de rang non constant 4.3 Idéaux inversibles . . . . . . . . . . . . inversibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 11 14 14 5 Anneaux arithmétiques 5.1 Éléments réguliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Idéaux premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 17 18 6 Anneaux arithmétiques noethériens 6.1 Anneaux de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2 Factorisation en idéaux maximaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3 Factorisation et dimension 6 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 19 19 21 Références [DLQ+ ] L. Ducos, H. Lombardi, C. Quitté, and M. Salou. Théorie algorithmique des anneaux arithmétiques, des anneaux de Prüfer et des anneaux de Dedekind. Journal of Algebra, 281 :604–650, 2004. 1 Introduction Les anneaux de Dedekind forment une catégorie d’anneaux dans lesquels le treillis des idéaux possède d’excellentes propriétés (sans parler des modules projectifs de type fini de manière plus générale encore). Une part de l’arithmétique de base que l’on pratique sur les 1 éléments de Z (ou tout autre anneau principal) se retrouve sur les idéaux d’un anneau de Dedekind A : Propriété 1.1 Soit A un anneau de Dedekind. 1. Par abus de notation, posons pgcd(I, J) = I +J et ppcm(I, J) = I ∩J pour I, J ⊂ A. On a alors pgcd(I, J) ppcm(I, J) = (I + J)(I ∩ J) = IJ 2. On note (I : J) = {x ∈ A | xJ ⊂ I} est le transporteur de J dans I pour I, J ⊂ A. On a (IJ) : J = I pour tous I et J 6= (0) (I : J)J = I lorsque I ⊂ J et pour I ⊂ J 6= (0), (I : J) est l’unique idéal de A vérifiant ∗.J = I ; Remarque. Dans le cas d’un anneau quelconque, lorsque I ⊂ J on a seulement (I : J)J ⊂ I d’après la définition. Quand, exceptionnellement, on a l’égalité, on pourrait introduire la notation (I ÷ J) pour bien signifier que (I ÷ J)J = I... 3. (Lemme de simplification) Tout idéal non nul est « régulier » : pour trois idéaux I, J, K ⊂ A, si I 6= (0) et IJ ⊂ IK, alors J ⊂ K ; 4. Les opérations élémentaires sur les idéaux sont "très compatibles" : pour I, J, K ⊂ A, on a 1 : (J + K)n = J n + K n I(J ∩ K) = IJ ∩ IK I + (J ∩ K) = (I + J) ∩ (I + K) (J + K) : I = (J : I) + (K : I) I ∩ (J + K) = (I ∩ J) + (I ∩ K) I : (J ∩ K) = (I : J) + (I : K) 5. Pour I, J ⊂ A, il existe un endomorphisme φ de déterminant 1 tel que φ : A × A −→ A×A (I, J) −→ (I + J, I ∩ J) 6. (Théorème chinois) Pour I, J ⊂ A, si I + J = A alors A/I × A/J ≃ A/IJ ; 7. (Théorème un et demi) Tout idéal non nul de A est engendré par deux éléments dont le premier peut être choisi quelconque non nul. 8. Pour deux idéaux I, J ⊂ A non nuls, il existe u ∈ Frac(A) tel que uI + J = A. (En particulier uI ⊂ A.) 1 et Les relations I : J = (I ∩ J) : J = I : (I + J), I : (J + K) = (I : J) ∩ (I : K), (J ∩ K) : I = (J : I) ∩ (K : I) sont toujours vraies. 2 9. Tout idéal non nul de A se factorise de manière unique en produit (fini) d’idéaux maximaux. De plus, si Y Y ′ I= M eM et J = M eM M maxi. M Alors M min(eM ,eM ) M Y M max(eM ,eM ) M Y pgcd(I, J) = I + J = et ppcm(I, J) = I ∩ J = maxi. ′ maxi. ′ maxi. Mais revenons sur la définition d’un anneau de Dedekind. Définition 1.2 Un anneau commutatif A est dit de Dedekind lorsqu’il vérifie l’une des ces assertions équivalentes : – A est noethérien, intégralement clos et de dimension de Krull (inférieure ou) égale à 1 ; – tout idéal non nul de A est inversible (voir la définition page 14) ; – A est noethérien, intègre et tout localisé de A en un idéal premier est de valuation discrète. Certaines notions, comme les idéaux premiers ou la noethériannité, sont très difficiles à traiter en machines de manière générale. Nous nous proposons de revisiter les 9 propriétés énoncées ci-dessus afin de dégager de l’hypothèse globale « Soit A un anneau de Dedekind » des hypothèses plus fines (et praticables en machine) permettant de conclure de manière analogue... 2 L’égalité (K : J) + (J : K) = h1i Regardons la dernière ligne de l’item 4 de la propriété 1.1. En posant respectivement I = J + K ou I = J ∩ K, on obtient les identités A = J : (J + K) + K : (J + K) = (J ∩ K) : K + (J ∩ K) : J ce qui est tout simplement équivalent à A = (J : K) + (K : J) (1) Ainsi, dans un anneau de Dedekind, quels que soient les idéaux J et K, il existe (j, k) ∈ (J : K) × (K : J) tel que 1 = j + k et kJ + jK = J ∩ K. De manière plus particulière, dans un anneau principal, en posant J = hni et K = hmi, la relation (1) se traduit simplement par la relation bien connue m n , ∀ n, m, 1 = pgcd pgcd(n, m) pgcd(n, m) ppcm(n, m) ppcm(n, m) = pgcd , m n 3 2.1 Cas général Dans un cadre tout à fait général, remarquons maintenant que l’identité (1) est "lourde" (faut pas exagérer quand même...) de conséquences. Propriété 2.1 Soit J, K ⊂ A tels que (K : J) + (J : K) = A. (Cette hypothèse est plus fine que le brutal K + J = A !) 1. Il existe (k, j) ∈ (K : J) × (J : K) tel que k + j = 1 et k −N J ⊂ k −N K dans le localisé k −N A j −N J ⊃ j −N K dans le localisé j −N A 2. Dans tout localisé Ap où p est un idéal premier de A, on a JAp ⊂ KAp ou JAp ⊃ KAp ; 3. Pour tout idéal I ⊂ A, on a : J a K b ⊂ J a+b + K a+b et donc (K + J)(K ∩ J) = KJ I + (J ∩ K) = (I + J) ∩ (I + K) 4. On a (J + K)n = J n + K n I(J ∩ K) = IJ ∩ IK I ∩ (J + K) = (I ∩ J) + (I ∩ K) (J + K) : I = (J : I) + (K : I) I : (J ∩ K) = (I : J) + (I : K) √ √ √ J +K = J + K 5. Il existe un endomorphisme φ de déterminant 1 tel que φ : A × A −→ A×A (K, J) −→ (K + J, K ∩ J) 6. (Théorème chinois +) A/K × A/J ≃ A/(K ∩ J) × A/(K + J). 7. Plus généralement, pour tout n > 1, il existe un endomorphisme φ de déterminant 1 tel que φ : An −→ An I = (Ij )j=1..n −→ (σj (I))j=1..n où σj (I) « polynôme » symétrique élémentaire homogène de « degré j » en les Ik : X \ σj (I) = Ik1 ∩ · · · ∩ Ikj = Ik0 + · · · + Ikn−j k1 <···<kj k0 <···<kn−j Démonstration 1. C’est direct... 2. Comme Ap est local, j ou k est inversible dans Ap. 4 3. Démo 1 : on remarque que toutes ces propriétés sont évidentes quand J ⊂ K ou K ⊂ J. On pose T = (K : J) + (J : K). Quand T = A, on sait que « localement » J ⊂ K ou K ⊂ J, donc les égalités sont vraies « localement », et donc globalement par le principe local-global. Démo 2 : en posant T = (K : J) + (J : K), on démontre facilement les inclusions universelles suivantes : (J : K)a + (K : J)b J a K b ⊂ J a+b + K a+b T J K ⊂ (J + K)(J ∩ K) ⊂ J K T (I J ∩ I K) ⊂ I (J ∩ K) ⊂ I J ∩ I K T (I + J) ∩ (I + K) ⊂ I + (J ∩ K) ⊂ (I + J) ∩ (I + K) T I ∩ (J + K) ⊂ (I ∩ J) + (I ∩ K) ⊂ I ∩ (J + K) T (J + K) : I ⊂ (J : I) + (K : I) ⊂ (J + K) : I I : (J ∩ K) T ⊂ (I : J) + (I : K) ⊂ I : (J ∩ K) 4. En posant T = (K : J) + (J : K), on démontre facilement √ √ √ √ T K +J ⊂ K + J ⊂ K +J 5. Soit (k, j) ∈ (K :J) × (J : K) de somme 1. On peut prendre pour φ la multiplication 1 1 . (à gauche !) par −j k 6. C’est une conséquence du point précédent par passage aux quotients. 7. Agiter autant de fois que nécessaire l’item 5 et la distributivité I ∩ (J + K) = (I ∩ J) + (I ∩ K). 2.2 Exemples avec des idéaux principaux Propriété 2.2 Dans un anneau commutatif A, on considère deux éléments a, b tels que (aA : b) + (bA : a) = A (on verra dans la section 3 que cela veut dire « ha, bi localement principal »). Alors 1. (aA : b)b = aA ∩ bA = (bA : a)a ; 2. (aA : b) ha, bi = aA et (bA : a) ha, bi = bA ; 3. Il existe M ∈ M2 (A) de trace 1 et telle que M −b a = 0 0 ; 4. aA ∩ bA = a hv, ti = b hu, wi (donc engendré par deux éléments) ; 5. Avec les mêmes notations, si b est régulier, alors (aA : b) = hu, wi. Démonstration 1. On a clairement (aA : b)b ⊂ aA ∩ bA. Réciproquement, si x = yb ∈ aA alors y ∈ (aA : b), donc x = yb ∈ (aA : b)b ! 2. (aA : b) ha, bi = (aA : b)a + (aA : b)b = (aA : b)a + (bA : a)a = aA. 5 3. Poser (u, t) ∈ (aA : b) ×(bA : a) de somme 1, puis v, w ∈ A tels que ub = va u v . et wb = ta, et enfin M = w t 4. Utiliser les mêmes notations... 5. Concéquence directe des points précédents. Propriété 2.3 Dans un anneau commutatif A, on considère deux éléments a, b tels que (aA : b) + (bA : a) = A et Ann ha, bi = (0). (On verra dans la section 4 que cela veut dire « ha, bi projectif de rang 1 ».)Alors pour tous c, d ∈ A tels que ha, bi = hc, di, il existe M ∈ SL2 (A) telle que M ab = dc . Remarque. Le problème posé n’a pas l’air linéaire à cause du déterminant. Mais de manière étonnante, la dimension (vectorielle) 2 et l’hypothèse Ann ha, bi = (0) le rendent linéaire... x y Démonstration Il suffit de trouver une matrice M = telle que z t a c c a f (2) = et M = M b d d b t −y f est la transposée de la comatrice de M. En effet, si tel est le cas, on où M = −z x fM a = det(M) a , d’où 1 − det(M) ∈ Ann ha, bi = (0)... obtient ab = M b b Il reste donc à résoudre en x, y, z, t le système linéaire (2). On emploie alors le principe local-global : soit (α, β) ∈ (aA : b) × (bA : a) de somme 1. On considère les localisés α−N A et β −N A dans lesquels on cherche à résoudre le système linéaire (2). Cela suffira pour connaître une solution dans A car hα, βi = A... Dans A′ = α−N A, l’idéal ha, bi est engendré par a puisque αb ∈ aA. On peut alors a a ′ facilement trouver une matrice de SL2 (A ) qui envoie b sur 0 . Par ailleurs, a est un élément régulier dans A′ (puisque Ann ha, bi = (0) dans A). On peut alors trouver une a c seconde matrice de SL2 (A′ ) qui envoie 0 sur d : c = γa, d = δa et a = uc + vd γ −v . Le système (2) est alors résolu dans ce fournissent uγ + vδ = 1 et la matrice δ u localisé. Idem pour β −N A... 3 Idéaux (de type fini) localement principaux L’hypothèse (K : J)+(J : K) = A implique que (est équivalente à) « (K +J)Ap = KAp ou (K + J)Ap = JAp dans tout localisé Ap où p est un idéal premier ». Nous allons maintenant travailler avec une hypothèse un peu plus forte en considérant des idéaux localement principaux... 6 3.1 Définition Définition 3.1 Dans un anneau commutatif A, on dit qu’un idéal I est localement principal lorsqu’il vérifie l’une des assertions (équivalentes) suivantes : 1. l’idéal I est de type fini, et dans tout localisé Ap en un idéal premier p (ou maximal seulement), l’idéal IAp est principal ; P 2. il existe x1 , . . . , xn ∈ I tels que ni=1 (xi A : I) = A ; P 3. i∈I (iA : I) = A. Explication : P 1 ⇒ 3, par l’absurde : soit p un idéal maximal contenant i∈I (iA : I). Considérons Ip = IAp. Comme Ip est principal, il est engendré par un élément de A, noté i. L’inclusion Ip ⊂ iAp se traduit par ∀ x ∈ I, ∃s ∈ A \ p, sx ∈ iA Or I est de type fini, donc ∃s ∈ A \ p, ∀ x ∈ I, sx ∈ iA autrement dit, il existe un élément s commun à A \ p et (iA : I) ⊂ p, ce qui est absurde... 3 ⇒ 2 : évident. P 2 ⇒ 1 : en multipliant par I l’égalité ni=1 (xi A : I) = h1i, on obtient I ⊂ hx1 , . . . , xn i, donc I est de type fini (engendré par les xi ). D’autre part, en localisant par un idéal premier p, I devient principal engendré par l’un des xi car l’un des idéaux (xi A : I) devient non propre dans l’anneau local Ap. Lemme 3.2 Dans un anneau de dimension de Krull (ou de Heitmann) nulle, un idéal localement principal est principal. Preuve en dimension de Krull nulle Pn Soit I localement principal P : il existe donc x1 , x2 , . . . , xn ∈ I tels que i=1 (xi A : I) = A. Soit ai ∈ (xi A : I) tel que pour tout x ∈ A, il i ai = 1. Comme A est zéro-dimensionnel, ∗ d ∗ existe d d ∈ N tel que x est idempotent. Ainsi, il existe d ∈ N tel que pour tout i, l’idéal ai est engendré par des idempotents si = 1 − ri . On construit alors un s.f.i.o. (ti )i6n+1 par : ∀ i ∈ [1, n], ti = r1 · · · ri−1 si et tn+1 = r1 · · · rn Comme ha1 , . . . , an i = A, on a A = ad1 , . . . , adn = hs1 , . . . , sn i = h1 − tn+1 i donc tn+1 = 0. On découpe ensuite l’anneau en morceaux ti A, ainsi que l’idéal ti I. Dans chaque branche, l’idéal est principal et engendré Ppar xi car ti ∈ (xi A : I) y est inversible. Ceci dit, on recolle ensuite les morceaux : x = i ti xi est un générateur de I. 7 3.2 Matrices de localisation principale Voici un outil élémentaire qui permet de travailler avec une certaine efficacité... Manipuler des éléments, plutôt que des idéaux, permet parfois de rendre les démonstrations assez simples. (Le contraire est vrai également !) Enfin, et surtout, cet outil explicite la machinerie calculatoire des idéaux de type fini localement principaux. Définition 3.3 On considère x1 , . . . , xn dans un anneau commutatif A. – On appelle matrice de localisation principale "faible" pour (x1 , . . . , xn ) toute matrice M ∈ Mn (A) vérifiant tr(M) = 1 et ∀ i, j Mii xj = Mij xi – On appelle matrice de localisation principale "forte" pour (x1 , . . . , xn ) toute matrice M ∈ Mn (A) vérifiant tr(M) = 1 et ∀ i, j, k Mki xj = Mkj xi Remarque. Si l’un des Mii est inversible (ce qui se produit nécessairement quand l’anneau est local), l’idéal hx1 , . . . , xn i est principal, engendré par hxi i. Lemme 3.4 Pour une famille d’éléments fixés dans un anneau commutatif, l’existence d’une matrice de localisation "faible" est équivalente à celle d’une "forte". Démonstration (résultat du principe local-global) Si M est une matrice de localisation "faible", alors laP matrice N définie par Nij = ai Mii Mij en est une "forte", où les ai ∈ A sont définis par i ai Mii2 = 1. Dans le cas d’un couple (x1 , x2 ), il n’y a pas de différence entre une matrice de localisation "faible" et une "forte"... Lemme 3.5 Dans un anneau commutatif, on considère un idéal de type fini hx1 , . . . , xn i. Si cet idéal est monogène, alors il existe une matrice de localisation principale "forte" pour (x1 , . . . , xn ). Celle-ci est quasiment du type matrice colonne × matrice ligne. Démonstration Soit a un générateur de hx1 , . . . , xn i. On écrit a = (x1 , . . . , xn ).C où C est une matrice colonne, puis (x1 , . . . , xn ) = a.L où L est une matrice ligne, et enfin on pose M = C.L (matrice carrée). Alors Mij xk = (Ci Lj )(aLk ) = (Ci Lk )(aLj ) = Mik xj et d’autre part tr(M)a = X Ci Li a = i X Ci xi = a i Donc 1 − tr(M) appartient à l’annulateur de l’idéal. Ainsi, on peut ajouter 1 − tr(M) à l’un des éléments diagonaux de M pour qu’elle devienne de trace 1 tout en conservant les égalités Mij xk = Mik xj . 8 Propriété 3.6 Soit I un idéal de type fini dans un anneau commutatif A, il y a équivalence entre les assertions suivantes : 1. I est localement principal ; 2. il existe un système générateur (fini) de I possédant une matrice de localisation ; 3. tout système générateur (fini) de I possède une matrice de localisation. Démonstration 3 ⇒ 2 ⇒ 1 : clair. P 1 ⇒ 2 : comme I est localement principal, il existe x1 , . . . , xn ∈ I tels que i (xi A : I) = A. D’une part, les xi forment un système générateur de I (voir P l’explication de la définition 3.1). D’autre part, il existe Mii ∈ (xi A : I) tels que i Mii = 1. Posons de plus Mii xj = Mij xi . Alors la matrice Mij est une matrice de localisation "faible" pour (x1 , . . . , xn ). 2 ⇒ 3 : Démo 1 : il faut démontrer que si l’idéal I = hx1 , . . . , xn i = hy1 , . . . , ym i admet une matrice de localisation principale M pour les xi , il en est de même pour les yj . Pour cela, on peut utiliser le principe local-global. En effet, « localement » (lorsqu’un élément Mii est inversible) hy1 , . . . , ym i est monogène (engendré par xi ). On peut donc construire une matrice de localisation principale pour (y1 , . . . , ym ) « localementP » (voir le lemme 3.5). Pour obtenir le résultat final, il suffit de globaliser en se servant de i Mii = 1. Démo 2 : il faut démontrer que si l’idéal I = hx1 , . . . , xn i = hy1 , . . . , ym i admet une matrice de localisation principale "forte" M pour les xi , il en est de même pour les yj . Il existe deux matrices carrées P, Q telles que (x1 , . . . , xn )P = (y1, . . . , ym ) et (y1 , . . . , ym )Q = (x1 , . . . , xn ). Posons N = QMP . On constate alors que P P Nhj yi = Q M P x P hk kl lj g g gi P k,l = Q P P (Mkl xg ) Pk,l,g hk lj gi = k,l,g Qhk Plj Pgi Mkgxl P P = Q M P x P k,l hk kg gi g l lj = Nhi yj et d’autre part tr(N)xi = = = = = = P Q M P x Pk,l,g kl lg gk i Q M P x Pk,l,g kl li gk g Q M y Pl,g kl li k Pl Mli xl l Mll xi xi (BIS) Donc 1 − tr(N) appartient à l’annulateur de l’idéal. Ainsi, on peut ajouter 1 − tr(N) à l’un des éléments diagonaux de N pour qu’elle devienne de trace 1 tout en conservant les égalités Nhi yj = Nhj yi . 9 Corollaire 3.7 1. Dans un anneau commutatif A, on considère des éléments x1 , . . . , xn appartenant à un idéal localement principal I. Alors I = hx1 , . . . , xn i ⇐⇒ n X i=1 (xi A : I) = A 2. Un produit (fini) d’idéaux localement principaux est localement principal. 3. En particulier, la puissance p-ième d’un idéal localement principal hx1 , . . . , xn i est égale à hxp1 , . . . , xpn i. Démonstration 1. Si I = hx1 , . . . , xn i alors (x1 , .P . . , xn ) possède une matrice de localisation Pprincipale (de trace 1) i (xi A : I) = A. Réciproquement, si A = i (xi A : I) Pce qui prouve que P alors I = i (xi A : I)I ⊂ i xi A ⊂ I. 2. Évident avec la définition. P 3. Si A = i (xi A : I) alors n n X X p A= (xi A : I) ⊂ (xpi A : I p ) ⊂ A i=1 i=1 donc I p est engendré par xp1 , . . . , xpn . Propriété 3.8 Soit deux idéaux de type fini J, K ⊂ A tels que J + K soit localement principal. Alors : 1. (J : K) + (K : J) = A ; 2. (K : J)(K + J) = L(K + J) = K où L est de type fini (c’est-à-dire (K : J)J = LJ = K si K ⊂ J) ; 3. En particulier, avec K ⊂ J pour simplifier, pour tout élément a ∈ J, on a (aA : J)J = LJ = aA où L est de type fini. Démonstration 1. Notons J = hx1 , . . . , xn i et K = hxn+1 , . . . , xm i, et M une matrice de localisation principale pour (x1 , . . . , xn , xn+1 , . . . , xm ). Alors M11 , . . . , Mnn ∈ (J : K) Mn+1,n+1 , . . . , Mmm ∈ (K : J) Comme tr(M) = 1, on obtient (J : K) + (K : J) = A. 10 2. Avec les mêmes notations, on multiplie le vecteur ligne (x1 , . . . , xn , xn+1 , . . . , xm ) par les colonnes n + 1, . . . , m de M : ∀ j > n + 1, m X xi Mij = i=1 m X Mii xj = xj i=1 En posant L = hMij | i > 1, j > n + 1i, on obtient K ⊂ L(J + K). Mais lorsque M est une matrice de localisation principale "forte", alors Mij xk = Mik xj pour tous i, k > 1, j > n + 1, ce qui montre que L(J + K) ⊂ K. Propriété 3.9 Soit I, J, K, M ⊂ A. Si M est localement principal alors K + (I : M) = (KM + I) : M (d’où le lemme de simplification : JM ⊂ KM implique J ⊂ K + Ann(M)). Démonstration Ecrivons M = hx1 , . . . , xn i. Soit a ∈ (KM + I) : M et des bi ∈ (xi A : M) comaximaux dans leur ensemble. Alors bi axi ∈ bi (KM + I) d’où bi axi ∈ kxi + I où k ∈ K. Ainsi bi (abi − k)M ⊂ (bi a − k)xi A ⊂ I et donc ab2i ∈ (I : M) + K. Enfin, on “recolle” à l’aide des bi comaximaux et il vient a ∈ (I : M) + K. 4 Idéaux projectifs de type fini et idéaux inversibles Une sensation personnelle assez vague : quand hx1 , . . . , xn i est localement principal et d’annulateur nul, une matrice de localisation "forte" M pour (x1 , . . . , xn ) est intéressante : elle permet de « remplacer » un énoncé portant sur (x1 , . . . , xn ) en le même énoncé portant sur (M11 , . . . , Mnn ) qui, lui, est unimodulaire ! 4.1 Idéaux projectifs de rang 1 Propriété 4.1 Si I est un idéal localement principal et d’annulateur nul, alors une matrice de localisation principale "forte" M (pour un quelconque système fini générateur de I) est une matrice de projection de rang constant 1. Enfin, l’idéal I est isomorphe (en tant que module) à l’image de M. Démonstration Si M est une matrice de localisation principale "forte" pour un système générateur x1 , . . . , xn ∈ A de I alors il vient pour tous i, j, l : X X X Mil Mkk xj = Mil xj = Mij xl Mil Mkj xk = Mik Mkj xl = (M 2 )ij xl = k k k donc les coefficients de M 2 − M sont dans Ann(I), c’est-à-dire nuls. De plus, la trace de M étant égale à 1, son rang (non constant pour l’instant) est strictement positif. Mais, de la même façon que ci-dessus, pour tous i, j, k : Mai Maj Mbi Mbj xk = Mak Mbj xi − Mbi Mak xj = 0 11 donc tous les mineurs 2 × 2 de M annulent I. Ils sont par conséquent tous nuls, et M est exactement de rang 1. P Enfin, définissons la forme linéaire x∗ : An → A qui envoie V sur i Vi xi . On a ∗ n ∗ clairement x (A ) = I, mais aussi ker(x ) = ker(M) car V ∈ ker(M) P ⇐⇒ ∀ i, j Mij Vj = 0 P ⇐⇒ ∀ i, k, M V x =0 Pj ij j k ⇐⇒ ∀ i, k, j Mik Vj xj = 0 P ⇐⇒ j Vj xj = 0 ⇐⇒ V ∈ ker(x∗ ) car Ann(I) = (0) car hMij | i, ji = A ce qui prouve que I est isomorphe à l’image de M. Théorème 4.2 Dans un anneau commutatif, un idéal est projectif de type fini de rang constant 1 si et seulement s’il est localement principal et d’annulateur nul. Démonstration Seule une implication (la plus simple) reste à démontrer. Si I est projectif de type fini et p ⊂ Ap un idéal premier, alors IAp est libre sur Ap, donc principal (car c’est un idéal) et d’annulateur nul. Conclusion : dans A, l’idéal I est localement principal et d’annulateur nul (car un élément de A nul dans tous les localisés Ap est nul). Propriété 4.3 Soit J ⊂ A un idéal projectif de type fini de rang 1. 1. Toute puissance de J est un idéal projectif de rang 1 ; 2. (Lemme de simplification) Pour I, I ′ ⊂ A, si IJ ⊂ I ′ J, alors I ⊂ I ′ ; 3. Pour K ⊂ J de type fini, le transporteur (K : J) est l’unique idéal vérifiant ∗.J = K, et par conséquent, il est de type fini. On pourrait le noter (K ÷ J)... 4. Pour I ⊂ A de type fini, on a (IJ) : J = I. Démonstration 1. Évident. 2. (résultat du principe local-global) Soit M une matrice de localisation principale "forte"Ppour un système générateur {x1 , . . . , xn } de J et a ∈ I. P Pour tout i, on a ′ axi = k P Fik xk avec Fik ∈ I . Alors pour tous i, j, on a Mij axi = kP Fik xk Mij , d’où Mii axj P = k Fik Mik xj . Comme Ann(I) = (0), cela donne Mii a = k Fik Mik ∈ I ′ . Enfin, i Mii = 1 donc a ∈ I ′ . 3. C’est une conséquence du lemme de simplification et de la propriété 3.8 4. Comme IJ ⊂ J, on a (IJ : J).J = IJ. Le lemme de simplification donne le résultat. 12 Lemme 4.4 Soit I un idéal de type fini dans un anneau commutatif A de dimension de Krull inférieure à d. Alors il existe k ∈ N∗ tel que la dimension du quotient de A par I + Ann(I k ) soit strictement inférieure à d. √ En particulier, lorsque l’on pose NI = I + ( 0 : I), alors la dimension de Krull de A/NI est inférieure strictement à d. Si de plus Ann(I) = (0) alors la dimension de Krull de A/I est inférieure strictement à d. Démonstration Pour x1 , . . . , xd ∈ A, on considère le monoïde S = xN1 (xN2 (· · · xNd (1 + xd A) · · · + x2 A) + x1 A) Comme A est de dimension inférieure à d, pour tout élément i ∈ I, on a 0 ∈ iN (S + iA), et donc 0 ∈ iN (S +I). Comme I est de type fini, on considère un système générateur i1 , . . . , is . Il existe des exposants n1 , . . . , ns ∈ N tels que 0 ∈ in1 1 (S + I) ∩ · · · ∩ ins s (S + I) Soit n = maxk nk . On récupère 0 ∈ in1 (S + I) ∩ · · · ∩ ins (S + I) Soit r1 , . . . , rs ∈ S + I tels que 0 = in1 r1 = · · · = ins rs . Or S + I est un monoïde, donc r = r1 r2 · · · rs ∈ S + I. Mais I = hi1 , . . . , is i, donc pour tout k > ns on a I k ⊂ hin1 , . . . , ins i et r est dans l’annulateur de I k . Ceci implique √ 0 ∈ S + I − r ⊂ S + I + (0 : I k ) ⊂ S + I + ( 0 : I) = S + NI Cela traduit exactement que A/(I + Ann I k ) et A/NI sont de dimension strictement inférieure à d ! Si de plus Ann(I) = (0) donc r ∈ Ann(I k ) = (0), ce qui veut dire 0 ∈ S + I, d’où dim A/I < d. Propriété 4.5 On considère un idéal I projectif, de type fini, de rang 1, dans un anneau A de dimension de Krull inférieure à d 6 1. Alors I est engendré par un système de d + 1 éléments. Démonstration Le cas d = 0 a déjà été traité : lemme 3.2. Si d = 1, alors dans A/I 2 (de dimension nulle par le lemme 4.4), I est localement principal, donc I est principal (lemme 3.2). Il s’ensuit I = yA + I 2 . Mais dans A/yA, on a I = I 2 et I est de type fini, donc I mod yA est engendré par un élément idempotent e. Conclusion : I = yA + ek A pour tout k ∈ N∗ . 13 4.2 Idéaux projectifs de rang non constant On peut génaraliser les résultats précédents pour un idéal J de type fini, projectif de rang non constant en sachant simplement que l’annulateur de J est engendré par un idempotent e. En effet, on peut alors découper l’anneau A en deux : eA ≃ A/ h1 − ei (dans lequel J est nul) et (1 − e)A ≃ A/ hei (dans lequel J est de rang constant 1). On peut également considérer l’idéal J ′ = J ⊕ hei = J ⊕ Ann(J), de rang constant 1. Propriété 4.6 Soit J ⊂ A un idéal projectif de type fini de rang non constant (inférieur à 1 nécessairement). 1. L’idéal J est localement principal ; 2. (Lemme de simplification) Pour I, I ′ ⊂ A, si IJ ⊂ I ′ J, alors I ⊂ I ′ + Ann(J) ; 3. Pour K ⊂ J de type fini, les idéaux L vérifiant L.J = K sont les idéaux contenant (K : J). Ann(J)⊥ et contenus dans (K : J). 4. Pour I ⊂ A, (IJ) : J = I + Ann(J). 5. Si l’anneau A est de dimension de Krull inférieure à d 6 1, alors J est engendré par un système de d + 1 éléments. 4.3 Idéaux inversibles Un cas particulier parmi les idéaux projectifs de type fini est le cas d’un idéal inversible... Définition 4.7 Dans un anneau commutatif, on dit qu’un idéal I est inversible lorsqu’il existe un élément régulier a et un autre idéal J tels que IJ = hai. Théorème 4.8 Dans un anneau commutatif, un idéal est inversible si et seulement s’il est localement principal et possède un élément régulier. Un idéal inversible est en particulier de type fini, projectif de rang constant 1. Démonstration P – Si I est inversible (IJ = aA, a régulier) alors on écrit a = k ik jk avec (ik , jk ) ∈ I × J. On a alors : X X X ik aA ⊂ Ia ik (jk I) ⊂ (ik jk A) = Ia ⊂ I k k k Comme a est régulier, on vient de démontrer que I = hi1 , . . . , in i. De plus, si on pose jk il = Mkl a alors M est une matrice de localisation principale "forte" pour (i1 , . . . , in ) car les relations qu’il faut vérifier sont vraies lorsqu’on les multiplie par a (régulier). – Réciproquement, soit a ∈ I un élément régulier. Comme I est localement principal et Ann(I) ⊂ Ann(a) = (0), on sait que I est projectif de rang 1 (théorème 4.2). On utilise de plus la propriété 4.3 avec aA ⊂ I et on obtient (aA : I).I = aA, donc I est inversible. 14 Théorème 4.9 (un et demi) Pour tout élément régulier x d’un idéal inversible I d’un anneau A de dimension inférieure à 1, il existe y ∈ I tel que pour tout n ∈ N∗ on a I = hxn , yi. Démonstration L’anneau A/x2 A étant de dimension nulle (car x régulier) et I localement principal, il s’ensuit que I/x2 A est principal (lemme 3.2), engendré par y mod x2 A. Ainsi, I = yA + x2 A. En multipliant ceci par x, on obtient x2 A ⊂ xI ⊂ yA + x3 A, d’où I = yA + x3 A... Corollaire 4.10 Soit A un anneau de dimension inférieure à 1. Si le radical de Jacobson (i.e. l’intersection des idéaux maximaux) contient un élément régulier, alors tout idéal inversible de A est principal. Démonstration Soit I un idéal inversible et c ∈ I∩Rad(A) régulier. Grâce au théorème un et demi, il existe y ∈ I tel que I = c2 A + yA. Ainsi, c = c2 α+ yβ, ou encore c(1 −cα) ∈ yA. Or c appartient au radical de Jacobson, donc 1 − cα est inversible, et donc c ∈ yA, c’està-dire I = yA. Corollaire 4.11 Dans un anneau A de dimension inférieure à 1, on considère un idéal inversible I et un élément régulier c′ ∈ A. Alors il existe c ∈ c′ I régulier et u ∈ (cA : I) tel que A = cA + (uI : c). Démonstration Comme I est inversible et c′ régulier, l’idéal c′ I est inversible et contient donc un élément régulier c. Comme I est localement principal, on sait que (cA : I)I = cA (propriété 3.8). Le théorème un et demi appliqué à I ′ = (cA : I) et l’élément c ∈ I ′ montre l’existence de u ∈ I ′ tel que I ′ = c2 A + uA = cI ′ + uA On multiplie ceci par I et on obtient cA = c2 A + uI car I ′ I = cA. Comme uI ⊂ cA, on a uI = (uI : c)c, d’où cA = c2 A + (uI : c)c. Enfin, c étant régulier, on peut simplifier en A = cA + (uI : c). Question 4.12 Comment peut-on obtenir u régulier ? Rappels Soit K un corps de nombres, A l’anneau des entiers de K, et I un idéal non nul de A. La norme de I est le cardinal de A/I, noté N(I). Bien sûr, la "norme algébrique" d’un élément x ∈ A coïncide au signe près à la norme de xA. De plus, on a N(II ′ ) = N(I)N(I ′ ) et N(I) = NA/Z (x) | x ∈ I (par convention N(h0i) = 0 ou ∞ ?). Corollaire 4.13 Soit I un idéal inversible d’un anneau de nombres A. Pour tous n ∈ I ∩ Z∗ et x ∈ I tel que I = hn2 , xi (il en existe grâce au théorème un et demi), on a N(I) = pgcd(NA/Z (x), nd ) où d est le rang de A sur Z. 15 Démonstration Si y ≡ z mod nd A, alors NA/Z (y) ≡ NA/Z (z) mod nd Z. On a d I = n , x et pour z ∈ I écrivons z = αx + βnd . Alors il vient NA/Z (z) ≡ NA/Z (α)NA/Z (x) mod nd Z et donc NA/Z (z) ∈ NA/Z (x)Z + nd Z. Ainsi, N(I)Z ⊂ NA/Z (x)Z + NA/Z (n)Z et l’inclusion réciproque est claire. 5 Anneaux arithmétiques Définition 5.1 Un anneau commutatif est dit arithmétique lorsqu’il vérifie ces assertions équivalentes : 1. Pour tous les idéaux principaux J, K, on a (K : J) + (J : K) = A ; 2. Pour tous les idéaux de type fini J, K, on a (K : J) + (J : K) = A ; 3. Pour toute famille finie d’idéaux I1 , . . . , In de type fini, on a n X i=1 (Ii : S) = A avec S = I1 + · · · + In 4. Tout idéal de type fini est localement principal ; 5. Tout idéal ha, bi est localement principal (a, b ∈ A). Explication 3 ⇒ 2 ⇒ 1 : c’est ok. 1 ⇒ 4 : pour commencer, on démontre (par récurrence sur n) l’item 3 pour des idéaux principaux hx1 i , . . . , hxn i. Par hypothèse (item 1), pour x, x′ , on a (x : x′ ) + (x′ : x) = A. Les rangs n = 1 et n = 2 sont donc vérifiés. Soit Pn hxn+1 i et posons S = hx1 , . . . , xn i ′ et S = S + hxn+1 i. Par hypothèse de récurrence, i=1 (xi A : S) = A. On réécrit (xi A : S) = (xi A : S) (xi A : xn+1 ) + (xn+1 A : xi ) = (xi A : S)(xi A : xn+1 ) + (xi A : S)(xn+1 A : xi ) ⊂ (xi A : S ′ ) + (xn+1 A : S ′ ) Ainsi A = n X i=1 (xi A : S ′ ) + (xn+1 A : S ′ ), ce qui termine la récurrence... P Maintenant, si I est un idéal de type fini engendré par hx1 , . . . , xn i, on obtient A = i (xi A : I), donc I est localement principal. 4 ⇒ 3 : voir la démonstration de la propriété 3.8. 5 ⇔ 1 : voir les propriétés 2.2 et 3.8. Propriété 5.2 Tous les quotients, les localisés, les produits (finis ou infinis) d’anneaux arithmétiques sont des anneaux arithmétiques. 16 Démonstration Il suffit de démontrer l’existence d’une matrice de localisation principale pour deux éléments quelconques. Pour un quotient, l’existence est triviale. Dans un localisé, l’existence est claire en écrivant les deux éléments avec un dénominateur commun. Dans un produit, l’existence est évidente en travaillant sur chaque composante. 5.1 Éléments réguliers Lemme 5.3 Un anneau arithmétique réduit local est intègre. Démonstration Soit x, y ∈ A. Lorsque xy = 0, cela donne (xA : y)y 2 = 0 = (yA : x)x2 . Comme l’anneau est réduit, on obtient (xA : y)y = 0 = (yA : x)x L’anneau étant arithmétique, on a (xA : y) + (yA : x) = A. Mais A est local, donc (xA : y) = A ou (yA : x) = A, c’est-à-dire y = 0 ou x = 0. Définition 5.4 Dans un anneau commutatif A, – un élément x ∈ A est entier sur un idéal I lorsqu’il existe n ∈ N∗ tel que xn ∈ Ixn−1 + I 2 xn−2 + · · · + I n−1 x + I n – un idéal I est dit intégralement clos si les éléments de A entiers sur l’idéal I sont les éléments de I. Propriété 5.5 1. Dans un anneau arithmétique, tout élément régulier engendre un idéal intégralement clos. 2. En particulier, un anneau arithmétique A est intégralement clos dans son anneau total des fractions S −1 A (où S est le monoïde des éléments réguliers de A). 3. Un anneau A arithmétique réduit (Anneau de Prüfer) est normal (pour tout idéal premier p ⊂ A, le localisé Ap est intègre et intégralement clos). Démonstration 1. Soit r ∈ A un élément régulier et x ∈ A entier sur rA. On montre que x est multiple de r par le principe local-global suivant : il existe n ∈ N∗ tel que xn ∈ rxn−1 A + r 2 xn−2 A + · · · + r n−1 xA + r n A (3) Comme xA + rA est localement principal, on considère une matrice de localisation principale M pour (x, r), i.e. M11 + M22 = 1, M11 r = M12 x et M22 x ⊂ rA. On muln tiplie la relation de dépendance intégrale par M12 et on obtient n n 2 n n−1 n n n M11 r ∈ M12 r n A + M12 r A + · · · + M12 r A + M12 r A n Comme r est un élément régulier, on peut diviser par r n , ce qui montre M11 ∈ M12 A. n n Par suite, M11 x ∈ M12 xA ⊂ rA. On conclut par M11 A + M22 A = A donc x ∈ rA. 17 2. Soit x/r un élément de l’anneau total des fractions de A entier sur A. Alors, en multipliant la relation de dépendance intégrale par r n , on retrouve la relation (3). D’où x ∈ rA et x/r ∈ A. 3. Pour p premier, Ap est arithmétique, réduit et local, donc intègre... 5.2 Idéaux premiers Propriété 5.6 Dans un anneau arithmétique, un idéal de type fini, premier et projectif de rang 1 est maximal. Démonstration Soit p un idéal de type fini, premier et projectif de rang 1 et y 6∈ p. Comme p + hyi est de type fini (donc localement principal) et contient p, on a p = (p : y)(p + hyi) (propriété 3.8). Comme p est premier, p contient (p : y) puisque y 6∈ p. D’où p = (p : y). En multipliant cette égalité par p + hyi, on obtient p(p + hyi) = p, et le lemme de simplification (par p) donne p + hyi = A. Lemme 5.7 Dans un anneau commutatif, – un idéal premier contient son annulateur ou l’annulateur de son annulateur ; – un idéal premier engendré par un idempotent est un idéal premier minimal. Démonstration – Soit p un idéal premier. Comme Ann(p). Ann(Ann(p)) = (0) ⊂ p, il est clair que p (premier) contient Ann(p) ou Ann(Ann(p)). – On note e l’idempotent générateur de l’idéal premier p. Comme (1 − e)e = 0 appartient à tous les idéaux premiers, on sait que tout idéal premier contient h1 − ei ou (exclusif) hei = p. Enfin, un idéal qui contient 1 − e ne peut pas être inclus dans hei = p... Propriété 5.8 On considère un anneau de Prüfer, c’est-à-dire un anneau arithmétique réduit. Alors l’annulateur de tout idéal de type fini est idempotent. Si de plus cet annulateur est lui-même de type fini, alors il est engendré par un idempotent. Démonstration Soit y un élément de l’annulateur d’un idéal de type fini I. De Iy = 0 on déduit que (I : y)y 2 = (0) = (yA : I)I 2 . Comme l’anneau est réduit, on obtient en fait (I : y)y = (0) = (yA : I)I. Par ailleurs, on a A = (I : y) + (yA : I), donc yA = (yA : I)y ⊂ Ann(I)y ⊂ Ann(I)2 , donc I est un idéal idempotent. Par ailleurs, un lemme classique d’algèbre commutative énonce qu’un idéal idempotent de type fini est engendré par un idempotent... Corollaire 5.9 Dans un anneau arithmétique réduit, un idéal premier de type fini p est maximal ou minimal, et Ann(p) = (0) ⇒ p maximal. En particulier, si Ann(p) est également de type fini alors Ann(p) 6= (0) ⇒ p minimal. Un anneau arithmétique noethérien est donc de dimension inférieure à 1. 18 Démonstration – Soit p un idéal premier de type fini. Il s’agit de démontrer que p est maximal ou minimal. Pour cela, on considère alors un localisé Am en un idéal maximal quelconque m ⊃ p (les idéaux premiers de Am sont en bijection avec ceux de A contenant p). Comme p est de type fini, pAm est localement principal. Or Am est intègre (lemme 5.3), donc pAm = (0) (et pAm est minimal) ou bien Ann(pAm) = (0) (et pAm est maximal : propriété 5.6). – Si de plus Ann(p) est de type fini et non nul, par le lemme 5.7 on a forcément p = Ann(Ann(p)) car A est réduit. La propriété 5.8 énonce alors que p est engendré par un idempotent, et le lemme 5.7 permet de conclure que p est minimal. – Sans changer la dimension de l’anneau, on le quotiente par son radical nilpotent (l’intersection des idéaux premiers). On se ramène donc au cas d’un anneau arithmétique noethérien réduit (que l’on appelle anneau de Dedekind constructif), et il est clair que celui-ci est de dimension inférieure ou égale à 1. 6 6.1 Anneaux arithmétiques noethériens Anneaux de Dedekind Propriété 6.1 Un anneau arithmétique noethérien intègre est intégralement clos, de dimension inférieure ou égale à 1 et tous ses idéaux non nuls sont inversibles. Autrement dit, anneau arithmétique noethérien intègre se prononce anneau de Dedekind classique. Démonstration Nous laissons à la lectrice le soin de la faire... Corollaire 6.2 Un anneau de Dedekind semi-local est principal. Démonstration Le radical de Jacobson est l’intersection des idéaux maximaux (qui sont en nombre fini), c’est donc également le produit (fini) de ces idéaux. Si l’anneau est intègre mais pas un corps, ce produit contient un élément non nul (donc régulier). Comme tout idéal non nul est inversible, il est monogène par le corollaire 4.10. 6.2 Factorisation en idéaux maximaux Dans un anneau arithmétique, avec la propriété 4.3, on peut imaginer des factorisations "partielles" portant sur les idéaux projectifs de type fini et de rang 1. Mais pour obtenir une factorisation maximale, la noethériannité est cette fois-ci nécessaire. Proposition 6.3 Dans un anneau commutatif A, soit k idéaux I1 , . . . , Ik deux à deux comaximaux. On définit l’application φ : Nk −→ {idéaux de A} α 7−→ I1α1 · · · Ikαk 19 Alors on a : φ(α + β) = φ(α).φ(β) φ(sup(α, β)) = φ(α) ∩ φ(β) φ(inf(α, β)) = φ(α) + φ(β) Si de plus, les idéaux I1 , . . . , Ik sont propres, de type fini et projectifs de rang 1, alors φ est injective et strictement décroissante : φ(α) ( φ(β) ⇐⇒ α > β. Démonstration Pour trois idéaux quelconques I, J, K ⊂ A, on a IJ + IK = I(J + K). Soit m, n, p ∈ N. Si I + J = A alors I m + J = A, IJ = I ∩ J, J + IK = J + K. Si I + J = I + K = A alors I + JK = I + (J ∩ K) = A et I n J ∩ I p K = (I n ∩ J) ∩ (I p ∩ K) = I max(n,p) ∩ (J ∩ K) = I max(n,p) (J ∩ K) I n J + I p K = I min(n,p) (I n−min(n,p) J + I p−min(n,p) K) = I min(n,p) (J + K) Ces dernières lignes prouvent (à l’aide d’une récurrence) les égalités de la propriété. Enfin, pour démontrer le caractère injectif de φ, on utilise (dans une récurrence) le lemme de simplification (propriété 4.3) Théorème 6.4 Dans un anneau arithmétique noethérien, tout idéal projectif de rang 1 de A se factorise de manière unique en produit (fini) d’idéaux maximaux projectifs de rang 1. Remarque. Dans un anneau noethérien, tout idéal d’annulateur nul contient un élément régulier. Ainsi, un idéal projectif de rang 1 est inversible. Démonstration – L’unicité de la factorisation est donnée par la proposition 6.3. – Existence de la factorisation : soit I un idéal projectif de rang 1. Si I = A ou I est maximal, alors c’est fini ! Si I ne l’est pas, alors il existe x ∈ A \ I tel que I ′ := xA + I 6= A. Ainsi I ′ est localement principal et d’annulateur nul (car Ann(I) = (0)), donc projectif de rang 1. La propriété 4.3 montre que I = (I : I ′ )I ′ où (I : I ′ ) est de type fini, donc localement principal, d’annulateur nul, i.e. projectif de rang 1. Comme x 6∈ I et xA+I 6= A, les idéaux I ′ et (I : I ′ ) contiennent strictement I. On recommence alors le procédé avec ces deux idéaux. La noethériannité de l’anneau assure que ces suites strictement croissantes sont de longueurs finies, donc que le processus se termine. Remarque. Dans cette preuve, la noethériannité ne sert pas à rendre les idéaux artificiellement de type fini (ils le sont de manière "naturelle"), mais à prouver que l’algorithme I 7→ [I ′ , (I : I ′ )] s’arrête bien. 20 6.3 Factorisation et dimension 6 1 Propriété 6.5 Un anneau dans lequel tout idéal monogène non nul se factorise en produit d’idéaux maximaux est de dimension inférieure ou égale à 1. (La propriété est également vraie avec des factorisations partielles et non maximales...) Démonstration Considérons deux idéaux hxi et hyi non nuls qui se factorisent en Y Y i hxi = pm hyi = pni i ni , mi ∈ N, ∀ i i i i On cherche un t tel que xt y t ∈ xt+1 y t A+y t+1A (équation de la dimension de Krull inférieure à 1). Cela revient à demander : Y Y m (t+1)+n t Y n (t+1) Y min mi (t+1)+ni t, ni (t+1) mi t+ni t i i i pi ⊂ pi + pi = pi i i i i (L’égalité est correcte car les pi sont comaximaux.) Il suffit donc d’avoir mi t + ni t > min(mi (t + 1) + ni t, ni (t + 1)) pour tout i. Or ceci est vérifié pour t ∈ N assez grand car pour tous m, n ∈ N, et pour t ∈ N assez grand on a : mt + nt > m(t + 1) + nt (si m = 0) ou mt + nt > n(t + 1) (si m > 0) 21 Cas local intègre : Cas noethérien : Anneaux de valuation discrète Cas intègre : =⇒ ⇓ Anneaux de valuation =⇒ ⇓ =⇒ ↓ Anneaux locaux intègres Anneaux de Dedekind classiques Cas réduit : Anneaux de Prüfer intègres }| Anneaux ⇒ arithmétiques noethériens ⇓ =⇒ m z Anneaux de Dedekind constructifs { Tous les Tous les idéaux de idéaux de ⇒ type fini sont ⇒ type fini sont projectifs de inversibles rang 1 Anneaux de Prüfer → Anneaux de dimension de Krull 6 1 ⇓ ⇒ Anneaux arithmétiques m m Tous les idéaux de type fini sont projectifs Tous les idéaux de type fini sont localement principaux ⇒ « La Famille » des Anneaux Arithmétiques → Anneaux intégralement clos dans leur anneau des fractions