America`s Cup: retour à la reine!

Beaufort
America’s Cup: retour à la reine!
Audiences, valses juridiques, le monde de la voile est frustré. Pour résoudre cette situation pour le moins désagréable pour tous les participants, il faut impérativement adopter un acte symbolique qui a une portée historique. Cet acte devra prendre en compte le mythe de la Coupe tout en déliant les nœuds gordiens qui sont venus
bloquer le chemin de la compétition par des arguments juridiques à répétition. Proposition pour s’en sortir.
Texte:
DANIEL B. PETERLUNGER
L’année passée, tout le monde était encore d’accord: la 32e Coupe de l’America qui s’est déroulée à Valence était non seulement l’une des éditions les plus passionnantes, mais aussi la mieux
organisée et la plus intéressante de l’histoire de
la Coupe. Le travail accompli par l’America’s Cup
Management (ACM) et les différents Actes ont
été jugés positivement. Mais comme tout le
monde le sait, le futur proche de la Coupe de
l’America est pour le moins incertain depuis plus
d’un semestre. Les bafouillements juridiques actuels sont incompréhensibles pour les navigateurs intéressés et pour les millions de spectateurs qui ont participé à la précédente édition
(un nombre jamais vu dans l’histoire de la
Coupe). Pour les sponsors et les non initiés, il
est difficilement compréhensible en effet qu’un
juge non-navigateur d’un tribunal de New York
écoute les arguments d’avocats non-navigateurs pour ensuite prononcer un jugement qui
influence la plus vieille régate de voile de l’histoire du sport. Et tout ça à commencer par le
tribunal désigné qui se trouve à New York,
Etats-Unis. Pourquoi là-bas? La première régate n’a-t-elle pas eu lieu autour de l’île de Wight et son départ à Cowes, en Angleterre? La
coupe (la Auld Mug) n’a-t-elle pas été fondue
par l’Anglais Sir Henry Paget, marquis d’Anglesey, du Royal Yacht Squadron?
Les juristes pourront sûrement expliquer pourquoi il est juste que le tribunal compétent soit
celui de New York. Ils mentionneront surtout
l’importance des standards du célèbre «Deed
of Gift» et interpréteront donc l’acte de fondation en conséquence. Ils feront par contre moins
attention au fait que ce document a été écrit en
1887, soit clairement après la première régate de
Cowes en 1851. Cet acte de fondation date
donc de l’avant-dernier siècle et les équipes de
juristes qui se battent au sujet de l’interprétation du vieux document et des règlements complémentaires sont bien nos contemporains.
Nouveau départ en fanfare
Proposition: Retour à la case départ! Revenons
au début, lorsque tout a commencé. Le lieu est
évident: la Grande-Bretagne. Un membre de la
noblesse anglaise a créé la Coupe, d’abord baptisée «One Hundred Guinea Cup» ou «Queen’s
Cup» pour enfin prendre le nom d’«America’s
Cup» plus tard.
La Société Nautique de Genève (SNG), Alinghi
et Bertarelli devraient donc rendre la Coupe en
grande pompe à son héritière légitime, la
«grande cheffe» de la noblesse anglaise, soit la
Reine Elisabeth! Tout simplement… La Reine
conservera ainsi le pot jusqu’au début de la prochaine édition. Juste pour cette fois.
La cérémonie de remise de la Coupe, symboliquement très forte, réunirait les représentants
de tous les participants à la dernière Coupe. La
remise effectuée, toutes les parties embourbées
dans des démêlés juridiques renonceraient alors
à leurs plaintes de première instance et à leur
droit de recours et toutes les procédures juridiques seraient interrompues.
Après avoir mené des entretiens préliminaires,
l’ACM serait reconstitué en un mois dans les
«saintes salles» du Royal Yacht Squadron à
Cowes. Le comité exécutif de l’ACM devrait être
constitué de représentants des derniers teams
ayant participé à la Coupe. La place de président de l’exécutif de l’ACM (CEO de l’ACM)
serait donnée à un représentant de la société
victorieuse de la dernière Coupe. Et donc cette
fois-ci, de la SNG.
Retour vers le futur
Dans les pays anglo-saxons circulent actuellement de nombreuses propositions de réforme
de la Coupe de l’America. Il y a aussi des voix
qui souhaitent ne rien changer à la Coupe de
l’America. Il ne faut pas toucher au Deed of Gift
puisque les règles traditionnelles font le charme
de la Coupe de l’America. Sur autorisation, ce
règlement serait à nouveau interprété de différentes manières, de telle sorte que l’on finirait
par faire appel devant les tribunaux américains.
Ce qui n’est pas très intéressant, sauf peut-être
pour les avocats. Les bases et l’environnement
ont changé et il est nécessaire d’actualiser ce
document. Ce n’est pas un document comportant des règles qui fait de la Coupe de l’America la compétition de voile la plus suivie au
monde, mais ce sont les teams, la technologie,
les bateaux, mais aussi l’argent et le glamour.
La solution aux démêlés actuels nous conduit
dans le passé, un passé que l’on se doit de respecter. Comprenez: un retour momentané à la
reine! Il s’agirait ensuite de mettre sur pied un
nouvel ACM qui exercerait l’autorité suprême,
à l’image du CIO.
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marina.ch mars 08
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Les stations d’une régate: le schooner «America», le célèbre club house du
Royal Yacht Squadron à Cowes et la Coupe Pokal 2007 à Valence.
Ernesto Bertarelli a lui aussi pour objectif de
mener une réforme de fond, comme il l’a déjà
répété plusieurs fois. En rendant symboliquement la Auld Mug à la Reine d’Angleterre, il
montrerait à ses critiques qu’il s’attaque à cette
réforme et que, comme il l’a assuré à plusieurs
reprises déjà, il s’intéresse avant tout à l’avenir
de la Coupe de l’America et pas uniquement aux
intérêts d’Alinghi.
Le fait que la reine soit la gardienne temporaire
du vieux trophée ne peut en tout cas pas soulever des soupçons de manipulation d’intérêts
particuliers. D’autant plus que dans cette proposition, elle n’aurait qu’une fonction symbolique et représentative. Il serait alors difficile,
même pour un Larry Ellison, d’attaquer cette
fonction de la reine en justice.
Il est grand temps de passer outre les vieilles
conventions en faisant un pas peu traditionnel
et symbolique afin d’avancer dans la direction
que tant d’acteurs de la Coupe ont souvent désirée, mais qui n’a jamais été proposée jusqu’à
aujourd’hui: le retour sur l’eau avec de nouvelles règles!
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