TDA/H:au-delà des enfants hyperactifs
Transcription
TDA/H:au-delà des enfants hyperactifs
LG782-022 4/27/06 4:25 PM Pagina 22 MÉDECINE TA B L E RO N D E : T DA / H , M Y T H E O U R É A L I T É ? – B RUX E L L ES, 20/0 4/20 0 6 TDA/H: au-delà des enfants hyperactifs Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité est un sujet actuellement très médiatisé. Tandis que l’existence même de cette affection ainsi que celle de son traitement médicamenteux sont souvent remises en question, le New England Journal of Medicine a tout récemment consacré un article au risque cardiovasculaire potentiel des médicaments utilisés dans son traitement (N Engl J Med 2006; 354(14): 1445-8). ne table ronde a été organisée à cette occasion, avec la participation,notamment, de Pascale De Coster, Présidente de l’Association TDA/H Belgique, et du Pr Patrick Van Bogaert, chef du service de neuropédiatrie à l’hôpital Érasme. U Risques cardiovasculaires? « Nous sommes peu confrontés à la question des éventuels risques cardiovasculaires du traitement médicamenteux du TDA/H, » explique le Pr Van Bogaert.« Je connais le méthylphénidate depuis fort longtemps,et il a été utilisé depuis plus de cinquante ans sur des millions d’années-patients. Jamais, dans mon expérience personnelle, je n’ai eu à faire face à des problèmes cardiovasculaires liés à cette molécule. » « Il y a deux remarques importantes à propos de cet article.D’une part, il regroupe toutes les molécules stimulantes, faisant un amalgame entre le méthylphénidate et d’autres dérivés d’amphétamines, pour lesquels les cas de mort subite rapportés sont bien plus importants.D’autre part, dans la majorité des cas, ces morts subites étaient associées à des pathologies cardiaques préexistantes et non reconnues, diagnostiquées à l’autopsie.Actuellement, aucun élément ne fait penser que ce risque de mort subite sous méthylphénidate soit supérieur à celui de la population générale. » Jim Carrey, victime du TDA/H Relativiser « La presse a cité le chiffre absolu de 25 cas de mort subite. Mais ces 25 cas ont été rapportés entre 1999 et 2003, aux États-Unis, pour l’ensemble des traitements par stimulants. Il faut relativiser: c’est moins que dans la population générale. » « Suite à cet article, on parle beaucoup du TDA/H dans les médias, et c’est une bonne chose,pour plusieurs raisons.D’une part,c’est une pathologie fréquente,dont l’incidence en pédiatrie tourne autour de 3 à 5%, mais qui est encore mal connue. On s’est récemment rendu compte du caractère chronique de cette pathologie. Alors qu’on a longtemps cru qu’il ’agissait d’une pathologie du développement cérébral qui disparaissait Témoignages de parents « À l’époque où mon fils aîné a été diagnostiqué, on ne parlait pas du méthylphénidate, dans la presse, je ne me suis pas posé de questions. C’est beaucoup plus difficile pour les parents, maintenant. Ils sont inquiets, ils ont lu dans les médias que le méthylphénidate va faire mourir leur enfant d’une crise cardiaque, ou le rendre dépendant. » « Les remarques culpabilisantes de la part de l’école, de la famille, des proches, voire de certains médecins, sont très dures à vivre. Du genre ‘donnez-moi trois jours et je le ferai marcher droit; cet enfant est bête; il ne fait aucun effort; vous devriez le stimuler plus’. » « Dans les années soixante, les enfants TDA/H étaient traités de caractériels. » « Ce dont les enfants TDA/H ont le plus besoin, c’est de structure. Moi, pour compenser mon TDA/H, je suis devenue très structurée et maniaque. Il m’a été facile de structurer mes enfants, dès la naissance. Mais une autre catégorie de parents n’ont pas du tout de structures, et c’est très difficile pour eux. » « Le généraliste a traité mon fils de gosse mal élevé, le pédiatre m’a dit que le TDA/H n’existait pas. J’ai dû m’épuiser à trouver seule un neurologue compétent pour poser le diagnostic, puis une équipe médicale qui prenne en charge la globalité des problèmes associés au TDA/H de mon enfant. » 22 LE GENERALISTE 4 mai 2006 N° 782 à la puberté, il a bien été montré que plus de la moitié des adultes continuent à en souffrir pendant toute leur existence.Même si certains symptômes ont tendance à diminuer, l’âge avançant. » Rappels Nous l’avons vu dans le Généraliste du 6 avril dernier (n°778, p. 18-19), le concept de l’enfant dit hyperactif est obsolète, il ne désigne pas nécessairement un enfant ni une personne hyperactive. Cette appellation est une manière biaisée de désigner le TDA/H, qui amène énormément d’erreurs de diagnostic. Étiopathogénie Les deux grands axes de recherche se sont orientés d’une part sur une meilleure compréhension des neurotransmetteurs, d’autre part sur la génétique.En ce qui concerne le premier aspect, un grand nombre de convergences indiquent un dysfonctionnement du système des catécholamines, en particulier de la dopamine et,dans une moindre mesure,de la noradrénaline. Le méthylphénidate agit précisément sur ce système.Pour ce qui est de la génétique, elle joue certainement une part majeure dans l’étiologie des symptômes, comme le montrent les études de jumeaux monozygotes. Il s’agit vraisemblablement de l’interaction de plusieurs gènes, rendant le sujet plus vulnérable à des facteurs environnementaux. Traitement médicamenteux On ne décidera de traiter par médicament que si le trouble a des répercussions dans la vie de tous les jours. Il faut présenter le méthylphénidate comme un médicament, avec des effets secondaires bien connus dont il faut tenir compte. Il faut dire qu’il s’agit d’un dérivé des amphétamines: il vaut mieux que les gens l’apprennent par le médecin plutôt que par les voisins. Une bonne image, bien qu’un peu simpliste, est celle d’un stimulant de l’attention, qui va réduire l’hyperactivité résultant du manque d’attention. Actuellement, il n’y a aucune indication pour réaliser un ECG ou une échocardiographie préalablement à la prescription de méthylphénidate. Ce dernier est remboursé jusqu’à 17 ans inclus,à condition que le diagnostic ait été posé par un médecin spécialisé.Le généraliste peut renouveler la prescription. pratiques ayant posé problème pour éviter qu’elle ne se reproduisent. La psychoéducation est essentielle pour faire comprendre le mode de fonctionnement des patients TDA/H, à l’entourage et au patient lui-même. Les stratagèmes utilisés consistent par exemple à établir un horaire très précis, routinier et strict, toute l’année durant.Avec des stratégies de récompenses: ces enfants fonctionnent mieux aux récompenses qu’aux punitions. Ils ont déjà droit à tant de remarques, de partout. Le plus grand dommage du TDA/H, c’est la perte de l’estime de soi. Il faut aider ces enfants à se reconstruire, pour qu’ils deviennent des adultes épanouis et heureux. TDA/H adulte La thérapie comportementale consiste à essayer d’analyser les situations Nous l’avons dit plus haut,non traitée, la maladie persévère à l’âge adulte chez plus de 50% des patients.L’hyperactivité s’atténuant avec l’âge,le trouble est moins décelable mais ses conséquences restent graves.Aux échecs scolaires succèdent les échecs professionnels. Le malade peut être pris dans une spirale d’exclusion sociale, qui peut s’aggraver de troubles de la conduite ou de la personnalité, d’alcoolisme, de toxicomanie,de criminalité. Diagnostic différentiel Diagnostic Surdité, épilepsie, autisme, hyperthyroïdie, trouble des conduites, retard mental. L’enfant TDA/H peut très bien se contrôler pendant un certain temps, et faire illusion pendant la durée d’une première consultation. Il est dès lors important de revoir l’enfant plusieurs fois, de prolonger l’entretien pour qu’il entre en confiance. L’anamnèse personnelle et familiale sont essentielles. Les premiers symptômes peuvent se voir chez le nourrisson. ■ Dr J.S. Approches non-médicamenteuses Comorbidités Anxiété, dépression, tics, troubles de l’apprentissage scolaire. La neurofibromatose est très fortement associée au TDA/H. Des RMN sont réalisées systématiquement dans la neurofibromatose, pour dépister le gliome des voies optiques. Ces RMN ont montré que les enfants atteints de neurofibromatose avaient quasi tous des plages de démyélinisation dans la substance blanche, qui disparaissent avec l’âge. Plusieurs études ont établi un lien entre le nombre de ces plages et les signes d’hyperactivité. On suspecte ce trouble de la myélinisation d’être à l’origine d’une mauvaise connexion entre aires associatives cérébrales, et finalement de l’expression de symptômes du TDA/H. Facteurs favorisants Consommation d’alcool, exposition à un toxique, prise de médicament ou infection au cours de la grossesse; traumatisme obstétrical; prématurité. Le plus grand dommage du TDA/H, c’est la perte de l’estime de soi. Il faut aider ces enfants à se reconstruire, pour qu’ils deviennent des adultes épanouis et heureux. Une étude réalisée en Flandre a montré que 5% des enfants en âge scolaire étaient atteints de TDA/H, que 3% devraient prendre du méthylphénidate, et que 2% en prenaient. En région francophone, où l’information relative au TDA/H passe moins bien, ces deux derniers chiffres sont plus bas. LG782-022 4/27/06 4:25 PM Pagina 23 MÉDECINE Vacances thérapeutiques? Si le méthylphénidate a un effet positif, celui-ci se verra dans les 10 jours.Aucune base scientifique ne soutient l’interruption du traitement lors des week-ends et des congés scolaires. Il est faux de dire que l’interruption du traitement évitera une dépendance chez l’enfant,ou qu’un traitement continu le rendra dépendant à coup sûr. Et il faut se souvenir que l’enfant lui-même interrompt son traitement par simple oubli, l’effet du produit s’estompant au moment même où il lui faut être attentif à le reprendre,à midi,à l’école,devant ses condisciples. D’où, d’ailleurs, l’intérêt des formes retard, qui permettent une prise unique le matin, ce qui est un avantage incontestable en termes notamment d’observance thérapeutique, comme pour toute maladie chronique. Malheureusement, ces formes retard ne font pas l’objet d’un remboursement complet. « Mais ce n’est pas dans l’idée fausse de protéger le patient contre un risque de dépendance, » insiste le Pr Van Bogaert. « C’est pour voir s’il n’y a pas eu une évolution naturelle de l’affection vers une atténuation. » Le sportif TDA/H et les contrôles antidoping méthylphénidate. La compétition est possible moyennant un certificat médical établi par un médecin spécialisé attestant que l’enfant a été diagnostiqué depuis des années, qu’il est suivi et traité par Dépendance? La dépendance psychologique concerne plutôt les parents et les enseignants d’enfants prenant du méthylphénidate. Les enfants n’ont qu’une envie, c’est de ne pas le prendre.Les oublis volontaires démontrent qu’il n’y a aucune dépendance. Les adultes le prennent souvent au cas par cas, en prévision par exemple d’une réunion qui nécessitera une attention soutenue. ■ Dr J. Sierakowski Si le traitement vise uniquement des problèmes de scolarité, on est en droit de l’arrêter en dehors des jours d’école. Mais, le plus souvent, le trouble persiste en dehors du milieu scolaire, avec un bénéfice thérapeutique évident pendant les vacances. Comme par exemple le fait d’éviter de se faire écraser le premier jour... D’un autre côté, les vacances sont une bonne période pour se rendre compte si l’enfant a encore besoin de son traitement ou non,ou s’il fait partie des 50 ou 60% qui auront besoin d’un traitement à vie. Texto « Le diagnostic de TDA/H repose sur un ensemble complexe d’observations, mettant en œuvre une équipe pluridisciplinaire à constituer autour de l’enfant. Je vous conseille de choisir votre médecin traitant habituel comme médecin référent. Il vous aidera à centraliser les résultats des différents bilans effectués afin de garder un dossier ‘patient’ à portée de la main. Vous n’oublierez pas de préciser aux spécialistes consultés que votre médecin référent s’attend à être tenu informé. » ■ Extrait du site de Association TDA/H Belgique, Rue de la Glacière, 24, 1060 Bruxelles. Permanence le jeudi de 10h à 16h hors vacances scolaires ✆ 0484/17.77.08 www.tdah.be - [email protected] LE GENERALISTE 4 mai 2006 N° 782 23