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La réforme de la garde à vue gêne-t-elle vraiment le travail policier ? Débat en direct avec Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance Police Nationale. 15h17 LeMondefr: Le chat avec Jean-Claude Delage va commencer à 16 heures, vous pouvez déjà poser vos questions 16h09 Commentaire de la part de Ebaete En quoi la réforme GAV pose t-elle problème à la police ? 16h12 Jean-Claude Delage: Bonjour à tous. A la police, elle pose problème au point de vue psychologique. Pour simplifier, aujourd'hui, le policier dans son action d'enquête est placé en position d'infériorité psychologique. Pourquoi? Parce qu'il doit notifier à celui qui est gardé à vue le droit au silence. Dans les actes qu'il doit faire, le droit pour le gardé à vue de garder le silence. 16h13 Jean-Claude Delage: Cela le positionne en état d'infériorité. 16h16 Jean-Claude Delage: Il y a les problèmes techniques: la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue. Cela positionne le policier en état d'infériorité. 16h17 Jean-Claude Delage: Une personne qui avait l'intention de parler au départ sera peut-être moins en moins encline à le faire parce que son conseil l'invitera peut-être à ne rien dire ou à avoir des propos laconiques. 16h18 Jean-Claude Delage: Il y a aussi d'autres soucis techniques. Par exemple, le fait que l'avocat, dans les textes, a deux heures pour venir assister son client. On peut perdre deux heures de temps d'enquête. 16h18 Commentaire de la part de auditeur de justice La mise en oeuvre de la présence de l'avocat lors de la garde à vue s'est bien passée. Est-ce l'occasion de faire cesser les divisions (souvent entretenues par calcul) entre d'une part les policiers et d'autre part les professions judiciaires? 16h19 Jean-Claude Delage: La mise en oeuvre de la réforme s'est bien passée, oui et non... 16h20 Jean-Claude Delage: Oui, parce que selon les endroits, il n'y a pas eu d'incidents majeurs à déplorer. Non, parce que dans certains endroits aussi, les nouvelles dispositions souhaitées par la cour de cassation, notamment l'application immédiate de la réforme, ont compliqué, tant pour les policiers que pour les avocats et les magistrats, le travail. 16h21 Jean-Claude Delage: Notamment des procédures toujours plus lourdes. On a mis en oeuvre une réforme sans alléger la procédure pénale. Un problème de disponibilité des avocats parce qu'ils n'arrivent pas à se rendre disponibles. 16h23 Jean-Claude Delage: Des logiciels de procédure qui ne sont pas mis à jour. Il y a des avocats qui souhaitent poser des questions. En général, le schéma de fonctionnement entre la police, les magistrats et avocats, reste confus. Sans parler des locaux qui ne sont pas adaptés, notamment pour accueillir les avocats. 16h23 Commentaire de la part de Datsmi Hier, le blogueur et avocat Maitre Eolas disait en chat sur Le Monde.fr que la gardeà-vue allait simplifier le travail des policiers et débloquant les face à face parfois agressifs et stériles entre le gardé à vue et le policier. Qu'en pensez vous ? 16h25 Jean-Claude Delage: Les face-à-face qualifiés par le blogueur Eolas qualifiés d'aggressifs et stériles ne sont pas pour le Syndicat Alliance des face-à-face mais du travail d'enquête. Je réfute cette idée d'agressivité et de travail stérile des enquêteurs et je ne vois pas en quoi, aujourd'hui, le système sera plus efficace qu'auparavant. 16h25 Commentaire de la part de Nicolas A vous entendre, toute protection de l'accusé nuit au déroulement de l'enquête. N'estce pas pourtant un élement essentiel d'une justice équitable ? Sinon, quid de la présence d'un avocat de la défense au procès ? 16h27 Jean-Claude Delage: Loin de moi l'idée de nier les droits de la défense, néanmoins, il faut aussi se soucier des droits de la victime et des moyens, surtout pour nous Alliance, donnés aux enquêteurs pour exercer convenablement et efficacement leur travail d'enquête. Ce que nous disons à Alliance, c'est que si l'on améliore les droits juridiques de la défense comme dans de nombreux pays européens, il faut dans le même temps garantir davantage les droits de la victime, et donner davantage de moyens aux enquêteurs, par exemple augmenter le temps de garde à vue. 16h27 Commentaire de la part de clemo Quelle aurait été d'après vous la bonne réforme à voter ? 16h29 Jean-Claude Delage: La bonne réforme serait de faire une réforme globale de la procédure pénale et pas simplement une réformette de la garde à vue qui ne satisfait personne. Une réforme globale sur le système de procédure pénale en France. Le problème c'est qu'on va de plus en plus vers un système anglo-saxon tout en gardant des éléments du modèle franco-français. 16h30 Jean-Claude Delage: Ce que nous aurions souhaité, c'est un allègement de la procédure. Par exemple: aujourd'hui, les enquêteurs en France établissent des procès verbaux. Dans le même temps, ils font des enregistrements vidéaux qui, le plus souvent, ne sont regardés par personne. On a considérablement alourdi les actes administratifs dans le cadre de l'enquête au détriment des actes d'enquête pure. Cette réforme de la garde à vue ne règle en rien ces dysfonctionnements majeurs. 16h31 Jean-Claude Delage: Pour Alliance, il est nécessaire, très rapidement, de faire un bilan de la réforme de la garde à vue, dans quelques mois. Surtout d'engager une véritable réforme de la procédure pénale dans laquelle pourrait être réformée la garde à vue. 16h31 Commentaire de la part de Ebaete En quoi le système anglo-saxon est il négatif? 16h33 Jean-Claude Delage: Je ne sais pas s'il est négatif. Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui en France, les enquêteurs sont surchargés de travail, parce qu'on leur impose des actes qui sont à la fois d'un système et d'un autre. Il est impératif de clarifier cette situation sinon leur travail sera inefficace. Par conséquence, les taux d'élucidation si souvent regardés à la loupe, tant politiquement que médiatiquement, chuteront. La responsabilité ne devra pas être supportée par les policiers. 16h34 Jean-Claude Delage: La complication du travail, outre réduire le temps d'enquête effectif, peut entraîner davantage de nullités de procédure. 16h34 Commentaire de la part de Renaud Quelles dispositions pourraient selon vous renforcer la défense du "droit des victimes" ? 16h36 Jean-Claude Delage: C'est le type de question qu'auraient dû se poser tous les spécialistes qui ont parlé sur le sujet, et particulièrement les parlementaires avant de voter le texte. Aujourd'hui, en l'état, il semble que les droits des victimes et de leurs représentants sont quelque peu oubliés. 16h36 Jean-Claude Delage: Quels sont les schémas à améliorer? Cela nécessite justement un nouveau débat dans le cadre d'une réforme globale. 16h38 Jean-Claude Delage: On peut imaginer que l'assistance d'un avocat serait accordée de la même manière aux victimes qu'elle l'est aux gardés à vue. 16h39 Jean-Claude Delage: Par ailleurs, le coût d'application de la réforme est "pharaonique" et qu'un tel effort pourrait bénéficier également aux victimes. 16h39 Commentaire de la part de Renaud Il existe de nombreux cas de garde à vue sans victime, par exemple en cas de délit routier. Quid alors du "droit des victimes" ? 16h40 Jean-Claude Delage: Alliance n'était pas opposé à discuter du cadre général de la garde à vue, notamment sur le point des gardes à vue pour délit routier. Mais la précipitation et la focalisation de certains sur la présence de l'avocat, a empêché toute analyse objective du dossier. Nous sommes dans une situation qui ne satisfera personne. 16h41 Jean-Claude Delage: Dans certains cas, ont peut imaginer que la garde à vue ne soit pas utiliser, encore faut-il en avoir discuté entre professionnels et avoir acté le cadre. 16h42 Jean-Claude Delage: On peut imaginer que dans un certain nombre de délits routiers, le schéma de la garde à vue puisse ne pas être appliqué. 16h42 Commentaire de la part de Et ailleurs ? A vous écouter, on peut vraiment se demander comment les forces de police aux USA peuvent résoudre des investigations. Ne croyez vous pas qu'il vous faudrait davantage compter sur le fruit du travail d'investigation que sur cette culture de l'aveu en garde à vue ? 16h43 Jean-Claude Delage: C'est exactement ce que je dis, c'est un vrai débat de société. Quel travail policier on souhaite avoir en France et quels résultats on veut obtenir? Cela nécessite un vrai débat de fond sur la réforme de la procédure pénale dans sa globalité. 16h43 Jean-Claude Delage: On souhaite la simplification du travail de l'enquêteur. 16h45 Jean-Claude Delage: Soit nous sommes dans le cadre français actuel et on y reste, soit on se dirige vers le cadre juridique anglo-saxon et on abandonne complètement le système actuel en vigueur en France. Aujourd'hui, on fait les deux et cela crée le désordre. 16h45 Commentaire de la part de Maxime Bonjour, la nouvelle réforme s'applique-t-elle a tous les délits ? 16h46 Jean-Claude Delage: En matière de délit routier, on pourrait imaginer un autre schéma qui soit différent, pas forcément celui de la garde à vue. 16h46 Jean-Claude Delage: Ce qui permettrait, comme certains le souhaitent, de diminuer très certainement le nombre de gardes à vue. 16h47 Commentaire de la part de FX “Toutes les erreurs judiciaires ou presque naissent en garde à vue”, disait jeudi un avocat dans un autre chat. Prenant le problème par l'autre côté, pourquoi redouter qu'un gardé à vue puisse être conseillé avant de répondre ? Le fait que vous ne vouliez pas envisager d'interrogatoire sans imposer un rapport de force défavorable à l'individu "isolé", tiré de son quotidien (qui est le vôtre) n'est-il pas en lui-même inquiétant ? 16h47 Jean-Claude Delage: Non, on ne souhaite pas imposer de rapports de force isolés. 16h50 Jean-Claude Delage: Une garde à vue c'est un entretien humain entre une personne et un enquêteur, dans lequel il naît une relation entre deux individus, un dialogue et, j'ose le dire, parfois une relation de confiance qui peut amener une personne interrogée à reconnaître des fait ou à exprimer certaines choses qui seront utiles et nécessaires à la manifestation de la vérité. Cet entretien, et on l'oublie souvent, sert aussi à mettre hors de cause des personnes. Ce que nous craignons, c'est qu'avec la présence de l'avocat, ce rapport devienne inexistant et que nous soyons dans un schéma purement technique. 16h50 Commentaire de la part de Nicolas Vous avez mentionné plusieurs fois le droit des victimes. Ne trouvez-vous pas que l'on fait déjà beaucoup de place à la victime (voir l'influence des parties civiles, par exemple), demandant à la justice de venger plutôt que de sanctionner ? 16h52 Jean-Claude Delage: A titre personnel, je ne pense pas qu'il y ait trop de place faite à la victime. Et si c'était le cas, cela ne me choquerait pas. Ce que je redoute, c'est qu'il y ait un déséquilibre flagrant entre les droits de la défense et justement les droits des victimes. Et que ce déséquilibre profite aux délinquants. 16h52 Jean-Claude Delage: La société et ses institutions sont là pour protéger et réparer ceux qui sont victimes plus que ceux qui sont délinquants. 16h54 Jean-Claude Delage: On a l'impression que cette réforme a été faite pour diminuer le nombre de gardes à vue sans se soucier des conséquences et de la difficulté pour les policiers de faire le travail sereinement et en conscience. 16h56 Le Monde.fr: Ce chat se termine, merci de l'avoir suivi. Retrouvez le compte rendu sur Le Monde.fr.