Prométhée refait le monde au théâtre de la Colline

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Prométhée refait le monde au théâtre de la Colline
Date : 12/11/2015
Heure : 07:13:02
Journaliste : Philippe Chevilley
www.lesechos.fr
Pays : France
Dynamisme : 397
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Prométhée refait le monde au théâtre de la Colline
Prométhée refait le monde au théâtre de la Colline © Elizabeth Carecchio
Sur le papier, l'entreprise fait un peu peur… Marc Blanchet et Alexis Armengol (qui signe la mise en scène)
réveillent les dieux et héros grecs pour « A ce projet personne ne s'opposait », à l'affiche de la petite salle
du théâtre de la Colline. Prométhée, persécuté par les dieux pour avoir offert le feu aux hommes, Pandore
qui en ouvrant sa boîte libère tous les fléaux du monde, Héphaïstos qui a « forgé » l'imprudente Terrienne,
et Io, la vierge condamnée à la fuite perpétuelle, se rencontrent dans une première partie « mythologique
» inspirée d'Eschyle. Ils parviennent au même constat déprimant : l'humanité, dominée par la tyrannie, est
un chaos voué à l'échec.
Appels à la liberté
Mais, puisque au fond de la boîte de Pandore il reste un brin d'espérance, on peut tenter de repartir de zéro.
Les « quatre fantastiques » ralliés par le geôlier de Prométhée se retrouvent de nos jours, bien décidés
à refaire ce monde défait dès l'origine par les dieux. Désormais anonymes, ils soliloquent, établissent des
listes (de ce que l'on doit garder ou sacrifier dans la société harmonieuse de demain). Ils diffusent des
appels à la liberté, de leur station radio pirate aux murs verts, comme leurs vêtements - signes d'un tropisme
« écolo » assumé…
Cette fable à la fois naïve et osée réussit toutefois à passer la rampe. Grâce à la fantaisie d'une écriture de
plateau qui cite Eschyle, Bataille (et le mystérieux Comité invisible), passe du lyrisme à la franche dérision.
Et, surtout, grâce à l'énergie, à l'inventivité d'Alexis Armengol et de sa compagnie Théâtre à cru. Les cinq
comédiens, Pierre-François Doireau (le geôlier), Vanille Fiaux (Pandore), Céline Langlois (Io), Victor de
Oliveira (Prométhée), Laurent Seron-Keller (Héphaïstos), se jettent à fond dans la bataille philosophique,
avec une justesse sans faille et un humour décalé de bon aloi. Les accompagnements musicaux rap techno
transforment leur flux en un « flow » drolatique décalé, qui fait mouche.
Du décor punk du début à celui style Europe Ecologie Les Verts de la fin, le spectateur suit le sillage de cet
ovni, qui peu à peu élargit sa perception du changement et du renouveau de l'action politique. La politique,
qui décidément - avec « A ce projet personne ne s'opposait », mais aussi « Ca ira (1) Fin de Louis » de Joël
Pommerat, « Nobody » de Cyril Teste ou « Fin de l'Histoire » de Christophe Honoré - squatte les scènes
de théâtre en cet automne 2015.
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COLLINE 262666198