Ferré Textes de Pierre Desproges dits par Christine Murillo et
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Ferré Textes de Pierre Desproges dits par Christine Murillo et
Ferré CHRONIQUES D'UNE HAINE ORDINAIRE La Pépinière Opéra (Paris) septembre 2011 Textes de Pierre Desproges dits par Christine Murillo et Dominique Valadié dans une mise en scène de Michel Didym. Difficile de reprendre sur scène, après et sans lui, les textes de Pierre Desproges, le clown burlesque à l'air de Pierrot triste et à la scansion de timide frondeur, victime du crabe en 1998, qui a érigé le comique au rang du métaphysique et dynamité les tabous en raison de la singularité de son humour déflagratoire d'une causticité radicale qui ressortit tant du massacre à la tronçonneuse qu'à la bombe à fragmentation et d'une vraie écriture de facture classique. Peu s'y sont risqués et Michel Didym, qui s'était déjà confronté au style desprogien en 2003 avec "Les animaux ne savent pas qu'ils vont mourir", repique au jeu avec ces "Chroniques d'une haine ordinaire" pour lesquelles il a levé la difficulté tenant à la forme du soliloque humoristique au masculin en partant sur le principe d'un duo de comédiennes. Encore fallait-il trouver les quidam(e)s ad hoc capables de relever ce défi et, bonne pioche, il a eu du flair en réunissant deux grandes dames de la scène, Christine Murillo et Dominique Valadié, dont l'appariement, apparemment surprenant, s'avère aussi détonnant que complémentaire et une vraie réussite. Avec un florilège de textes illustrant la richesse des thématiques par ailleurs récurrentes, ordonnés comme un jeu de kyrielles, la vie, le bonheur, l'amour, l'argent et ainsi de suite menant à des sujets sensibles et polémiques qu'il abordait de front au risque de déclencher des virulences ("On peut rire de tout, on doit rire de tout, mais pas avec tout le monde") et dont l'acuité ébouriffante est toujours d'actualité, elles démontrent que ce répertoire résiste à une interprétation autre que celle de leur auteur car elles les reprennent à leur compte et en extraient tant l'universalité que la théâtralité. Le contraste de physique et de jeu - Christine Murillo pétulante dodue au jovial visage encadré de boucles argentées évoquant celui des putti, en robe et queue de pie customisé façon tenue de cocktail et au jeu abondant en explosions vivifiantes, Dominique Valadié pince-sans rire, mine à la Droopy, vêtue babacool-grunge version dark - permet également d'emprunter à la dynamique du registre du duo de clowns Et elles s'en donnent à coeur joie à raconter, entre autres, l'histoire revue et corrigée de Robinson ou fulminer contre les petits tracas de la vie et l'inventeur du fil rouge qui entoure les célèbres portions de fromage fondu et certaines scènes, Christine Murillo chantant le "Déshabillez-moi" mythifié par Juliette Gréco, Dominique Valadié incarnant une perruche, sont "hénaurmes" et jubilatoires. Porté par des comédiennes irrésistibles au meilleur de leur art, le spectacle, totalement indispensable, est incontestablement roboratif. MM www.froggydelight.com