Carte rouge 23 Endettement, santé, emploi : un tableau alarmant !

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Carte rouge 23 Endettement, santé, emploi : un tableau alarmant !
Carte rouge 23
Endettement, santé, emploi : un tableau alarmant !
1. Toujours plus de gens en défaut de paiement
Le chiffre : + 22,18 % de clients défaillants enregistrés à la
CCP (Centrale des crédits aux particuliers) .
Pour s'équiper (voiture, gros électro-ménager), les ménages empruntent .
Les enseignes n'hésitent pas, de leur côté, à proposer à leur clientèle des
cartes de crédit pour financer des achats parfois plus modiques . Résultat :
même au quotidien, l'endettement progresse .
Les constats :
La CCP renseignait un arriéré total s'élevant à 3,04 milliards d'euros alors
que 344.612 emprunteurs étaient défaillants . Soit un endettement moyen
qui, entre 2007 et juin 2014, est passé de 6.360 à 8.984 euros par
emprunteur défaillant . Durant cette période, le nombre de gens en défaut de
paiement a augmenté de 22,18 % .
Autre indice de ce niveau de vie maintenu par les artifices du crédit : parmi
ces emprunteurs en difficulté, 204.576 l'étaient en raison d'ouverture de
crédits à tempérament non remboursés .
Quand les dettes font boule de neige, les gens n'ont d'autre choix que de
s'adresser à un médiateur pour obtenir un règlement collectif des dettes
(RCD) . En 2007, 12.778 personnes vivaient cette situation pénible ; 6 ans
plus tard, elles sont 17.671, soit + 38,29 % .
Autre signal de la montée de la précarité : les dettes fiscales . Le nombre de
dossiers fiscaux classés « irrécouvrables » a explosé : + 122,96 %, passant
de 51.357 en 2008 (1er exercice avec le nouveau mode de calcul) à 114.503
en 2013 .
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2. Les compteurs à budget explosent
Le chiffre : + 199,56 % de clients avec une consommation
limitée d'électricité .
Les constats :
Au cours de la période 2007-2013, le coût de l'énergie a connu deux
mouvements : une forte progression, suivie d'un gel voire d'une baisse des
tarifs .
Cela n'a, semble-t-il, pas empêché le nombre de clients en difficulté
d'augmenter . Et quand le coût du gaz ou de l'électricité commence à trop
peser sur le budget du ménage, celui-ci voit sa consommation limitée par
son fournisseur .
Seules la Flandre et la Wallonie ont mis en place des compteurs à budget .
La formule existe depuis 2008, année où 1900 personnes ou familles se sont
vu installer un tel limitateur . Cinq ans plus tard, on recense 67.506
ménages, soit + 3.452,95 % !
Entre 2007 et 2013, le nombre de Belges dont la fourniture d'électricité
a été restreinte, a grimpé de 199,56 % . Manque à ce tableau le nombre
de personnes bénéficiant du Fonds social chauffage .
3. L'assistance publique ne suffit plus
Le chiffre : + 3,90 % de personnes menacées de pauvreté après
transferts sociaux .
Les constats :
Le basculement de la précarité vers la pauvreté, c'est quand la personne n'a
plus d'autre choix que de solliciter le CPAS de sa commune . Une situation
qui concernait 166.403 personne en 2013, pour 132.959 en 2007 .
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Le nombre de bénéficiaires du revenu d'intégration sociale (RIS) a donc
augmenté de 25,15 %, si l'on se base sur les données du SPP Intégration
sociale . Mais la pauvreté résulte aussi de décisions politiques .
Le durcissement de la législation sur l'octroi d'allocations de chômage
a conduit à une augmentation du nombre des sanctions . En 2007, 77.903
sans emploi avaient perdu le droit à percevoir ce revenu de remplacement,
recense l'Onem . En 2013, ils étaient 117.961, une progression importante :
+ 51,42 % . Précisons que parmi ces personnes figurent bon nombre de
cohabitants(e)s qui, de par leur situation, n'ont pas pu prétendre à recevoir
le RIS en remplacement de l'allocation perdue .
In fine, le constat est sans appel : la Sécurité sociale ne suffit plus à
maintenir des gens hors de la pauvreté ...
Enfin, une vie de labeur ne permet plus de se prémunir de la pauvreté :
le nombre de pensionnés contraints de solliciter une aide de leur CPAS a crû
de 22,68 % . Ils étaient 88.630 en 2007 et 108.729 voici 12 mois .
4. Propriétaires en rade, locataires à la rue
Le chiffre : + 72,62 % de jugements en Justice de Paix en
matière de baux à loyer .
Les constats :
Se loger est un droit fondamental de plus en plus mis en péril par les
difficultés économiques des ménages ...
Dans le secteur du logement social, les choses s'améliorent en Wallonie et à
Bruxelles, même si les statistiques glanées sont impossibles à fusionner .
Néanmoins, tant le nombre de locataires en défaut de loyer que le montant
global de l'arriéré locatif apparaissent en décrue .
Les locataires d'un logement privé, eux, sont moins à la fête . En
témoignent les chiffres des jugements de Justice de paix concernant des
baux à loyer : 7.539 en 2007, 13.014 en 2013 : + 72,62 %, même si tous les
jugements ne concernent pas forcément des retards de loyers .
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Etre propriétaire de sa maison ne constitue pas pour autant une
garantie contre la pauvreté . Certes le remboursement d'un prêt
hypothécaire constitue une épargne différée à laquelle l'emprunteur peut
accéder en revendant son bien . Mais quand leurs revenus chutent
brutalement, certains propriétaires peinent à rembourser
leur crédit
habitation .
Mais même à l'abri d'un toit, la pauvreté peut toujours s'inviter . Ainsi
la précarité frappe plus durement les isolés . Or, on en recense toujours
plus : 1.510.507 Belges recensés en 2007 par le Bureau fédéral du Plan ;
1.622.670, 6 ans plus tard, soit + 7,43 % .
5. Les ménages de plus en plus « sur la corde »
Le chiffre : - 3,56 % pour les revenus disponibles des
ménages .
Les constats :
Une paupérisation croissante et importante des ménages se ressent toujours
sur la consommation .
C'est sans doute en partie à cette cause qu'il faut attribuer les évolutions qui
ont agité le secteur de la grande distribution . Ces dernières années, les
consommateurs ont en effet clairement placé le curseur sur les prix
plutôt que sur la qualité des produits . Les marques des distributeurs ont
ainsi gagné des parts de marché, tandis que les hard discounters Aldi et Lidl
– 15 % environ chacun de clientèle – gagnaient du terrain au détriment de
leurs concurrents .
L'économiste Philippe Defeyt (IDD) a jugé plus utile de calculer le revenu
disponible des ménages, une fois retiré certains frais fixes, une moyenne
mais elle est révélatrice . Depuis 2010, c'est la « soupe à la grimace » . En
2013, ce même revenu disponible des ménages se chiffrait à 19.928 euros .
Soit une diminution de 3,56 % par rapport à l'année 2007 .
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Mais consommer, c'est également épargner pour des achats ultérieurs plus
conséquents ou pour parer un éventuel coup du sort . L'ONG Financité a
calculé le taux de personnes ne parvenant pas à constituer ce bas de
laine . Résultat : 20,90 % des Belges connaissaient une telle situation en
2007, pour 24,20 % en 2013, soit une dégradation de 15,79 % .
Le crédit à la consommation apparaît alors comme l'autre face de cette pièce .
En 2007, 243.176 emprunteurs se trouvaient en défaut de remboursement
pour des prêts à tempérament, ventes à tempérament et autres ouvertures de
crédit . En 2013, ces « mauvais payeurs » étaient au nombre de 297.842,
une augmentation de 22,48 % en 6 ans .
6. Plus nombreux aux restos du coeur
Le chiffre : + 45,82 % de repas servis dans les Restos du
Coeur .
Les constats :
Manger à sa faim ? C'est devenu un luxe dans certaines familles où la
pauvreté a pris place à table . On renonce à manger de la viande tous les
jours, on cuisine beaucoup de pâtes ou de riz ou on grignote quelques
sucreries dans l'espoir de sauter un repas, quand on ne réduit pas
drastiquement les quantités d'aliments .
Ceux qui « osent » appeler à l'aide s'adressent parfois aux banques
alimentaires . Bien que le Programme européen d'aide aux démunis, qui
constitue une part importante des stocks de ces organismes, ait quelque peu
maigri lors de sa dernière réforme, lesdites banques alimentent chaque année
un plus grand nombre d'associations venant en aide aux personnes en
difficulté . L'assiette des convives ainsi rassasiés par les denrées distribuées
a donc progressé de 12,96 % .
Pour certains, la solution la plus acceptable reste encore d'aller s'asseoir à la
table d'un Resto du Coeur . En 2013, une maman au chômage rencontrée
au resto de Charleroi, confiait qu'elle prenait là son repas chaud quotidien,
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ses deux filles mangeant, elles, à la cantine scolaire . C'était le seul moyen
pour la petite famille de nouer les deux bouts . Une solution de débrouille
choisie par de plus en plus de personnes.
En 2007, 400.481 convives avaient pu se sustenter . En 2013, ils étaient
584.000 à s'être assis devant une assiette remplie par de nombreux
bénévoles . L'augmentation impressionne : + 45,82 % !
7. De plus en plus d'étudiants boursiers
Le chiffre : + 11,71 % de bourses d'études octroyées en
Communauté française
Les constats :
La gratuité de l'enseignement est un leurre . Dès lors, pour faire face aux
dépenses scolaires, certaines familles n'ont d'autre choix que d'introduire
une demande de bourse d'étude, pour l'enseignement secondaire ou
supérieur . Ces dernières années, le nombre de demandes adressées à la
Communauté française a augmenté . Néanmoins, ces chiffres ne peuvent
être pris en considération car n'importe qui est libre d'introduire un dossier .
Il faut s'en tenir aux aides effectivement attribuées .
En Communauté française, un ménage ayant un enfant à charge ne peut
espérer une aide financière que s'il gagne moins de 18.841,70 euros pour
l'enseignement secondaire et 20.822,43 euros pour l'enseignement supérieur,
extrait de rôle faisant foi . Autant dire que les chances des familles ou les
deux conjoints travaillent sont quasi nulles. Le plafond augmente avec le
nombre d'enfants à charge .
Malgré cela, la quantité de bourses octroyées a augmenté . Pour le niveau
secondaire, on est passé de 86.450 dossiers en 2007 à 91.580 en 2013, soit
+ 5,93 % . Pour le supérieur, l'accroissement du nombre de bénéficiaires
est plus important : + 29,80 % !
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8. L'emploi ne nourrit plus son homme
Le chiffre : + 10,96 % de taux d'emploi à temps partiels par
rapport au total des emplois
Les constats :
L'absence d'emploi contribue fortement à la pauvreté d'un ménage, d'une
famille . Surtout depuis le durcissement des procédures d'activation des
chômeurs, qui a conduit à une augmentation des exclusions .
Point positif : le non-emploi a reculé en 6 ans : en 2007, le nombre de
chômeurs indemnisés, des chômeurs avec complément d'entreprise (exprépension), des chômeurs âgés dispensés et des demandeurs d'emploi non
indemnisés représentait 874.945 personnes . En 2013, ces catégories de
travailleurs sans emploi formaient un contingent de 838.030 unités : 4,22 % . Il en faudrait plus toutefois pour déduire que la situation s'améliore .
En effet, dans le même temps, l'emploi à temps partiel, vecteur de
précarité, a progressé : il représentait 21,90 % de l'emploi total en 2007 et
24,30 % en 2013, soit = + 10,96 % .
Un salaire ne suffit plus toujours pour nouer les deux bouts . C'est ce en
partie ce qui explique l'essor des activités complémentaires ,
fiscalement plus avantageuses . La peur de la pauvreté – mais pas
seulement -, c'est également ce qui pousse de plus en plus de pensionnés à
conserver une activité professionnelle .
9. 1 Wallon sur 5 renonce à se soigner
Le chiffre : + 29,31 % de patients fréquentent les urgences
Les constats :
Quand les moyens viennent à manquer, c'est souvent la santé qui
trinque . Les personnes démunies, qui vivent souvent dans un environnemw9carterouge23-p7
ment moins favorable à leur santé et ont une alimentation parfois
déséquilibrée, retardent alors le moment où elles vont consulter le médecin .
Ces dernières années, une tendance s'est dégagée : les gens en situation
précaire, quand ils n'ont plus le choix, optent pour se rendre aux urgences
hospitalières plutôt qu'au cabinet d'un généraliste . Parfois parce que le mal
dont ils souffrent est devenu plus aigu, faute d'un traitement rapide ; parfois
également parce que l'hôpital envoie la facture plutôt que d'exiger le
paiement immédiat de la consultation . Cela laisse un peu de répit .
Rien d'étonnant dès lors à ce que la fréquentation des urgences ait fortement
augmenté au cours de ces 5 dernières années . En 2008, première année
pour laquelle des chiffres étaient disponibles, 1.921.569 patients avaient
franchi la porte des urgences . En 2013, ils étaient désormais 2.484.726,
soit 29,31 % de plus!
Les urgences, c'est quand les patients n'ont pas le choix . Car pour bon
nombre de personnes pauvres, le coût des soins dissuade tout simplement
d'y recourir . Selon une étude réalisée par Solidaris « un Wallon sur cinq
reporte ses soins de santé ou y renonce par manque de moyens financiers,
alors qu'il en avait besoin », explique Claire Huysegoms, porte-parole .
Concrètement, cette situation concerne plus de 700.000 personnes : les
femmes (24,9 %), les familles monoparentales (44,3 %), les adultes âgés
entre 18 et 45 ans – 1 personne sur 3 -, les groupes sociaux les plus faibles
(26 %) sont les catégories les plus touchées par ces reports de soins . »
Le Soir
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