Évaluation du Programme de solutions réparatrices

Transcription

Évaluation du Programme de solutions réparatrices
La justice réparatrice:
Évaluation du Programme
de solutions réparatrices
James Bonta
Suzanne Wallace-Capretta
Jennifer Rooney
Ministère du Solliciteur général du Canada
Octobre 1998
Ce rapport trouve également sur le site Internet de Solliciteur général Canada http://www.sgc.gc.ca
1
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada 1998
Nº de cat. : JS42-84/1998F
ISBN:
0-662-83302-3
2
Remerciements
Il y a eu deux évaluations d’étape du Programme de solutions réparatrices (SR)
à Winnipeg. La première a été faite par Gord Richardson et Burt Galaway de
l’Université du Manitoba, qui ont collaboré avec le personnel du programme, dirigé par
Michelle Joubert, et ils ont élaboré le cadre de collecte des données. Leurs travaux nous
ont permis de poursuivre les évaluations subséquentes, dont le présent rapport est
l’aboutissement. Nous leur sommes redevables de leurs efforts.
Nous tenons à remercier Yvonne Lesage, Michael Gray et Debbie Carriere qui
ont aidé à la collecte de certains des renseignements employés pour constituer les bases
de données, Kevin McAnoy, qui a réuni et codé les études de la méta-analyse, Janice
Martens qui a fourni l’information sur les dédommagements versés par les délinquants.
Nous remercions également Vic Bergen et Ron Parkinson d’avoir facilité la collecte
des données aux établissements Headingly et Milner et d’avoir fourni des
renseignements sur la récidive. Il va sans dire que notre reconnaissance est aussi
acquise au personnel du Programme de solutions réparatrices pour leur collaboration et
leur dévouement dans la tenue des bases de données utilisées dans la présente
évaluation.
Les opinions exprimées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas
nécessairement la position officielle du ministère du Solliciteur général du Canada.
i
Table des matières
Remerciements ..............................................................................................................................i
Table des matières ...................................................................................................................... ii
Introduction..................................................................................................................................1
Justice réparatrice ......................................................................................................................1
Évaluations de la justice réparatrice ..........................................................................................4
Programme de solutions réparatrices .........................................................................................7
Évaluations provisoires..............................................................................................................8
Évaluation présente..................................................................................................................10
Analyse des résultats..................................................................................................................10
1. Sélection de la clientèle cible..............................................................................................11
Figure 1. Processus de solutions réparatrices................................................... 13
Délinquants aiguillés vers le Programme de SR ...............................................................13
Tableau 1. Caractéristiques des délinquants proposés....................................... 15
Tableau 2. Caractéristiques des délinquants selon l’origine ............................. 16
Admission au programme ..................................................................................................15
Tableau 3. Caractéristiques des délinquants et admission au SR ...................... 17
Tableau 4. Caractéristiques des délinquants par période d’évaluation ............. 20
2. Application de la justice réparatrice ...................................................................................21
3. Solution de rechange à l’incarcération?..............................................................................24
Tableau 5. Participation directe au Programme de SR et incarcération en.........
plus de la participation au Programme de SR .................................................... 26
4. Réduction du taux de récidive .............................................................................................27
Stratégie d’évaluation ........................................................................................................25
Récidive : SR et détenus ..................................................................................................28
Tableau 6. Comparaison entre les clients SR et les détenus............................... 30
Tableau 7. Récidive chez les délinquants du programme SR.............................. 31
Récidive : SR et probationnaires.......................................................................................33
ii
Table des matières (suite)
Tableau 8. Comparaison entre les délinquants SR et ........................................ 34
les groupes témoins de probationnaires.............................................................. 34
Résumé et conclusions ...............................................................................................................35
Bibliographie ..............................................................................................................................38
Annexe A.................................................................................................................................... 41
iii
Justice réparatrice :
Évaluation du Programme de solutions réparatrices
Le programme évalué dans le présent rapport repose sur les principes de la justice
réparatrice et s’inspire du souci de garder les délinquants dans leur milieu sans risque pour la
collectivité. Il existe de nombreux programmes de cette nature au Canada (Conseil des Églises
pour la justice et la criminologie, 1996). Le Programme de solutions réparatrices est toutefois
l’un des seuls à comporter depuis le début une composante d’évaluation. La présente évaluation,
qui vise la période d’application du programme allant du 1er octobre 1993 au 9 mai 1997,
constitue, par conséquent, une importante contribution à nos connaissances de la justice
réparatrice dans la collectivité. L’évaluation vise non seulement à éclairer la suite de l’évolution
du Programme de solutions réparatrices, mais aussi d’autres programmes de déjudiciarisation
dans un contexte de justice réparatrice.
Justice réparatrice
La justice réparatrice est une approche du traitement des délinquants qui s’écarte des
méthodes traditionnelles de justice pénale. En Amérique du Nord, le comportement criminel est
avant tout considéré comme un acte dirigé contre l’État et qui doit être puni. Toute infraction à la
loi est punissable, et les conséquences qu’elle entraîne reflètent dans quelle mesure l’acte est
réprouvé par la société et témoignent de l’application de la justice. En outre, l’application de
sanctions a une visée dissuasive pour le délinquant et d’autres personnes qui pourraient être
tentées de transgresser les normes de la société.
Depuis une dizaine d’années, cependant, les observations empiriques s’accumulent : les
sanctions pénales n’ont guère d’effets sur le taux de récidive (Andrews et Bonta, 1998; Andrews,
Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen, 1990; Gendreau et Goggin, 1996). Qui plus est,
l’accent qui est mis sur le délinquant a été dénoncé par des groupes de victimes, qui se sentent
abandonnées et trahies par le système de justice pénale. Ces deux nouveaux courants ont favorisé
les approches de la justice réparatrice (Messmer et Otto, 1992).
1
La justice réparatrice est une manière nouvelle de « régler les différends » (Hudson et
Galaway, 1996). Les victimes, leurs familles et leurs amis ainsi que la collectivité sont
considérés comme ceux qui ont été lésés par le délinquant. La justice réparatrice vise justement à
réparer ce tort par un contact direct entre la victime et le délinquant plutôt que par la seule
intervention de l’État. Le processus de réparation consiste à réunir le délinquant, la victime et la
collectivité pour trouver des solutions qui doivent dans toute la mesure du possible donner
satisfaction à toutes les parties. Grâce à cette médiation, les réparations sont négociées, et le
processus de pardon et de guérison est amorcé. Au niveau opérationnel, les méthodes de la
justice réparatrice ressortent avec le plus d’acuité dans les rencontres de réconciliation entre
victime et délinquant (Hudson et Galaway, 1996; Umbreit, 1994). Il est cependant possible
d’englober dans la même catégorie les programmes de dédommagement et de services
communautaires (Hudson, 1992; Walgrave, 1992)1. Récemment, des approches qui trouvent leur
source dans les collectivités autochtones, comme les conseils de détermination de la peine et les
conférences familiales, se sont étendues au système de justice pénale général en Amérique du
Nord. Ces programmes ont de nombreux traits communs avec la justice réparatrice (p. ex. la
médiation, la participation de la collectivité), bien qu’il y ait eu un certain débat sur leurs
avantages (LaPrairie, 1998; Umbreit et Zehr, 1996).
On peut faire remonter l’origine de la justice réparatrice aux programmes de
réconciliation victime - délinquant (PRVD) conçus au début des années 70. Le premier
programme a vu le jour à Kitchener (Ontario), en 1974. Le programme, sous l’égide de l’Église
mennonite de l’endroit, faisait appel à des techniques de médiation structurées dans le cadre de
rencontres du délinquant et de la victime. Ces rencontres avaient pour but de répondre au besoin
qu’éprouvaient les deux parties d’être mieux renseignées sur le processus de justice pénale, et
d’atténuer les troubles émotifs que pouvait vivre la victime. Le PRVD diffère des rencontres
délinquant - victime des programmes de dédommagement en ce sens qu’on insiste plus sur la
réconciliation que sur la réparation financière.
1
Cela n’est pas sans poser de problèmes, car nombre de programmes de dédommagement et de
services communautaires sont appliqués par l’État et même prévus par la loi. Il y a donc
affaiblissement de l’aspect médiation entre victime et délinquant.
2
Après le programme de Kitchener, un PRVD a été instauré à Elkhart (Indiana) en 1978
(là encore par l’Église mennonite de l’endroit). Depuis, les PRVD ont proliféré. La recension
que Umbreit (1994) a faite des programmes existant aux États-Unis a permis de constater que,
alors qu’il y avait 50 PRVD en 1986, on en dénombrait 123 en 1994. Cette croissance ne s’est
pas limitée aux États-Unis. Au Canada, pays d’origine des PRVD, on estimait qu’il y en avait
26 tandis qu’il y en avait plus de 500 en Europe (Conseil des Églises pour la justice et la
criminologie, 1996; Umbreit, 1994).
La justice réparatrice a deux caractéristiques importantes : 1) la victime et la collectivité
participent à l’administration de la justice et 2) le délinquant reste dans la collectivité. La place
accordée à la victime est un élément particulièrement important. Les promoteurs de la justice
réparatrice ont vivement reproché au système de justice pénale de négliger les victimes du crime
et de faire porter l’essentiel de son attention sur la punition et la réadaptation des délinquants. Le
fait de rencontrer le délinquant répond à certains besoins de la victime (p. ex. satisfaction sur le
plan émotif et guérison personnelle) et incorpore le point de vue de la victime dans l’administration de la justice. C’est ainsi que la justice réparatrice donne à la victime le sentiment qu’elle
peut faire quelque chose.
Si la victime joue un rôle central, selon les principes de la justice réparatrice, il existe
aussi un autre objectif, celui de gérer le délinquant hors du milieu carcéral. La plupart des
programmes de justice réparatrice se présentent comme une solution de rechange à l’incarcération et aux méthodes traditionnelles de poursuite judiciaire (Nuffield, 1997). Les programmes
s’appliquent aux délinquants soit avant leur condamnation (le plus souvent dans le cas des jeunes
contrevenants) ou avant la détermination de la peine (habituellement dans le cas des adultes)
L’objectif est d’éviter l’incarcération et de garder le délinquant dans son milieu.
Il importe aussi de signaler que les principes de la justice réparatrice peuvent s’appliquer
tout au long du processus de justice pénale. Ainsi, la victime et le délinquant peuvent se
rencontrer au moment où celui-ci est incarcéré et prépare sa libération conditionnelle. Il est
toutefois relativement rare que cela se fasse à cette étape.
3
Évaluations de la justice réparatrice
Les recherches visant à évaluer les programmes de justice réparatrice vont de
descriptions générales des modalités des programmes jusqu’à des études plus poussées avec
groupes témoins en passant par des comptes rendus non scientifiques qui illustrent la valeur des
programmes. Sur le plan de la méthodologie, les observations isolées sont la forme de preuve la
moins solide. La majorité des évaluations de la meilleure qualité portent avant tout sur le succès
des programmes dans la poursuite des objectifs de la justice réparatrice. Il s’agit en somme de
voir s’ils réussissent à réunir la victime et le délinquant, s’ils aboutissent à des ententes de
dédomma-gement et de services communautaires, s’ils atténuent les troubles émotifs vécus par la
victime, etc. Évaluer les programmes en fonction de ces objectifs cadre parfaitement avec
l’optique de la justice réparatrice.
Dans quelle mesure les programmes atteignent-ils les objectifs de la justice réparatrice?
Les résultats des études sont très favorables. Les victimes et les délinquants se disent satisfaits
des rencontres de conciliation, des accords de dédommagement (s’il y a lieu) et des ententes de
services communautaires. À l’évidence, ces constatations sont importantes pour le maintien de
ces programmes. Après tout, si le personnel et les clients ne voyaient aucun intérêt au service, les
doutes planeraient sur l’avenir du programme. L’importance générale de la « satisfaction du
client » est toutefois atténuée par les difficultés qu’on éprouve dans beaucoup de programmes à
réunir la victime et le délinquant. Ainsi, Gehm (1990) a constaté que 53 % des victimes, dans six
PRVD refusaient de rencontrer le délinquant. Par conséquent, les conclusions sur la satisfaction
à l’égard du programme reposent souvent sur des échantillons très sélectifs.
Il y a d’autres problèmes dans l’interprétation de cotes de satisfaction élevées, notamment
l’influence des divers types de délinquants et de victimes. La majorité des PRVD visent des
jeunes contrevenants qui ont commis des infractions relativement peu graves. Le plus souvent,
les victimes adultes sont plus indulgentes envers des jeunes ou des délinquants qui ont commis
des crimes de peu de gravité (Gehm, 1990). Cela fait donc monter le degré de satisfaction. En ce
qui concerne les victimes, Umbreit (1990) en a décrit trois types qui peuvent réagir différemment
face aux délinquants. Il y a le « guérisseur », le « réparateur » et le « vengeur ». Le premier se
soucie de la réadaptation, le « réparateur » cherche à obtenir réparation du préjudice et le
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« vengeur » peut ne pas être porté, de toute évidence, à rencontrer le délinquant ni à donner une
évaluation favorable des méthodes de justice réparatrice.
La médiation victime - délinquant et la satisfaction de la victime ne sont pas les seuls
objectifs de la justice réparatrice. Il ne faut pas oublier la sécurité de la collectivité (Bazemore,
1996). Il y a peu d’études raisonnablement bien conçues sur les effets des programmes de justice
réparatrice sur la récidive. Ainsi, la bibliographie de McCold (1997), qui recense 552 rapports
sur la justice réparatrice, n’en relève que deux qui ont utilisé un groupe témoin et livrent des
données sur la récidive.
Pour étudier plus à fond l’effet des programmes de justice réparatrice sur la récidive,
nous avons entrepris une brève étude méta-analytique de la littérature. La méta-analyse est une
méthode quantitative employée pour résumer la littérature, et elle a en grande partie remplacé
l’examen narratif plus courant. Prenant comme point de départ la bibliographie de McCold
(1997), nous avons mené notre propre recherche dans la littérature et avons relevé 14 évaluations
de programmes de justice réparatrice donnant 20 estimations de l’importance de l’effet
(coefficients phi).
Pour qu’une étude soit retenue, il fallait qu’il y ait un groupe témoin et que la récidive
soit indiquée de façon à permettre le calcul du coefficient phi. Celui-ci est une mesure de
l’association utilisée pour évaluer la relation entre deux variables dichotomiques. Dans notre cas,
nous avons évalué l’association entre la présence ou l’absence de justice réparatrice et de
récidive (oui/non). Nous avons suivi les procédures de codage employées par Andrews, Zinger et
leurs collaborateurs (1990) dans leur méta-analyse de la littérature sur la réadaptation des
délinquants. De plus, lorsqu’il y avait plus d’un résultat sur les effets dans une seule étude, la
moyenne a été établie selon la méthode décrite par Bonta, Law et Hanson (1998) de façon à
obtenir un seul résultat par étude. On trouvera à l’annexe A les résultats détaillés de la
méta-analyse.
Le coefficient phi moyen, après rajustements pour tenir compte de la taille de l’échantillon et des taux de base, était de 0,08, valeur qui correspond à une diminution d’environ 8 %, en
gros, de la récidive, diminution associée à des programmes ayant des caractéristiques propres à
la justice réparatrice. Ces résultats sont prometteurs, certes, mais on observe des fluctuations
5
considérables d’une étude à l’autre. Certaines font état d’une très importante diminution de la
récidive (p. ex. Heinz et coll., 1976) tandis que d’autres ont constaté une augmentation du taux
de récidive (p. ex. Bonta et coll., 1983). Pis encore, toutes les études passées en revue avaient
des lacunes sur le plan de la méthodologie. Aucune n’a employé l’assignation aléatoire de sujets
dans le groupe d’étude ou le groupe témoin et rares sont celles qui ont utilisé un groupe témoin
comparable.
Pour illustrer certaines des difficultés éprouvées dans l’évaluation des programmes de
justice réparatrice, prenons l’une des études de résultats les plus perfectionnées, l’évaluation
quasi expérimentale que Umbreit (1994) a consacrée à quatre PRVD. Les programmes visaient
des jeunes contrevenants (âge moyen de 15 ans), pour la plupart à leur première infraction
(73 %). L’un des groupes témoins était composé de victimes et de délinquants, de même âge, de
même sexe, de même race et ayant commis le même type d’infraction, mais qui n’ont pas été
soumis au processus de médiation.
Comme dans la plupart des évaluations de PRVD, Umbreit a relevé un haut degré de
satisfaction (plus de 90 %) à l’égard des rencontres de réconciliation victimes - délinquants. Il y
avait cependant un taux d’attrition de 64 % (p. 62) et 95 % des médiations ont mené à des
ententes de dédommagement. Le degré de satisfaction a donc été ainsi mesuré d’après un
échantillon de victimes qui avaient reçu une indemnisation. Fait important, on a néanmoins
constaté que les victimes qui ont participé au PRVD étaient moins perturbées par le crime et
disaient moins craindre d’être de nouveau victimes.
Un suivi effectué un an après le programme a permis de constater que le groupe témoin
avait un taux de récidive de 27 % tandis qu’il était de 18 % pour les jeunes qui avaient participé
au PRVD. Cette différence n’est toutefois pas statistiquement significative. Umbreit (1994,
p. 117) explique en ces termes l’absence de différences statistiquement significatives : « Il est
naïf de croire qu’une intervention limitée dans le temps, comme la médiation seule (peut-être de
quatre à huit heures par cas) puisse modifier radicalement le comportement criminel et
délinquant ». Au sujet des principes de la justice réparatrice, Umbreit signale que ce haut niveau
de satisfaction chez les victimes est un résultat que les procédés traditionnels de la justice pénale
n’ont jamais pu obtenir.
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Pour résumer, les études sur la justice réparatrice font clairement ressortir à quel point il
est complexe d’appliquer et d’évaluer une approche qui est relativement nouvelle en Amérique
du Nord. La participation de la victime et de la collectivité au processus de justice pénale exige
que l’on prenne en en considération des facteurs normalement négligés par le système
traditionnel de justice pénale. Les recherches effectuées jusqu’à maintenant montrent que les
approches de la justice réparatrice peuvent avoir un effet appréciable sur l’attitude des victimes à
l’égard des délinquants et du système de justice pénale. Quant à la récidive, l’efficacité des
programmes est faible, mais ils ont un effet positif. La plupart des études portent toutefois sur
des échantillons de jeunes contrevenants, et elles comportent toutes de graves lacunes
méthodologiques.
Programme de solutions réparatrices
De nombreux programmes de justice réparatrice ont comme perspective la défense de la
victime. Mais le Programme de solutions réparatrices (SR) est assez unique à cet égard. En effet,
il est appliqué par l’entremise de la Société John Howard du Manitoba, organisme bénévole qui
s’occupe de délinquants. Malgré cela, le programme tente d’appliquer les principes de la justice
réparatrice, soit réparer le préjudice causé aux victimes, encourager la participation de la
collectivité au processus de justice pénale et gérer le délinquant dans la collectivité. L’une des
plus importantes caractéristiques du programme SR est la recherche de solutions de rechange à
l’incarcération, dans un contexte de justice réparatrice, et c’est là une des raisons qui justifient
l’évaluation du programme.
Le Programme de SR a vu le jour en octobre 1993 comme projet pilote. Les services
correctionnels communautaires, les services correctionnels pour les jeunes, les procureurs de la
Couronne, les avocats de la défense, les juges, les organismes communautaires, les membres des
familles et les prévenus eux-mêmes ont été invités à proposer des candidatures. Le principal but
du programme était d’offrir une solution de rechange à l’incarcération. Des règles ont donc été
adoptées pour s’assurer que les délinquants acceptés dans le programme seraient vraisemblablement condamnés à une peine de prison s’ils ne participaient pas au programme.
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Les délinquants proposés devaient satisfaire aux conditions de base suivantes :
1) La Couronne recommandait une peine de détention d’au moins dix mois.
Cependant, comme il n’y a pas eu beaucoup de candidatures au début du
programme, cette exigence a été ramenée à neuf mois le 1er janvier 1995, puis,
progressivement, jusqu’à un minimum de six mois.
2) Le délinquant devait plaider coupable.
3) Le délinquant devait avoir la motivation voulue pour participer à un programme
communautaire qui comprenait une rencontre avec la victime (si celle-ci
acceptait) et pour participer aux programmes prescrits par le personnel du SR.
Outre ces critères, d’autres précautions ont été prises pour éviter de ratisser trop large.
Des efforts ont été faits pour accepter dans le programme des délinquants qui avaient déjà été
incarcérés ou qui avaient déjà enfreint les conditions d’une ordonnance de probation. Par contre,
les délinquants coupables d’agressions sexuelles, de crimes liés au gangstérisme ou aux drogues
ou bien qui avaient commis des actes de violence en milieu familial ont été écartés. Malgré ces
considérations secondaires, la recommandation d’une peine d’incarcération par la Couronne
demeurait le principal critère de sélection. Ainsi, même des délinquants qui en étaient à leur
première infraction étaient admissibles, à la condition que la Couronne ait recommandé une
peine de prison d’au moins six mois.
Une fois le délinquant accepté, le personnel du programme mettait au point un plan
personnalisé de justice réparatrice. On essayait, entre autres, d’obtenir à ce sujet la collaboration de
la victime et des membres de la collectivité. Au besoin, le plan portait également sur les besoins en
traitement du délinquant. Une fois accepté par le juge, le plan était appliqué et le personnel du
programme fournissait ou obtenait les services qui y étaient décrits.
Évaluations provisoires
Il y a déjà eu deux évaluations du Programme SR. La première a été celle de Richardson
et Galaway (1995). Le programme était alors à mi-parcours des trois années prévues par les
mesures de financement. En général, les résultats ont confirmé que le programme visait des
délinquants susceptibles de se voir imposer une peine d’incarcération. Mais les candidats ont été
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bien moins nombreux que prévu. Par conséquent, après la sélection des délinquants en fonction
des critères du programme, l’élaboration des plans et l’acceptation par le tribunal, seulement
32 délinquants ont participé. Ce faible nombre a été attribué au fait que le programme en était
encore au stade expérimental. À l’étape initiale du programme, il a fallu consacrer beaucoup de
temps à faire connaître le programme et à susciter d’aiguillage de cas.
Richardson et Galaway (1995) ont également fait état des observations recueillies auprès
de victimes et d’un sondage de l’opinion publique. Beaucoup de victimes ont hésité à participer
au programme et à l’évaluation. Elles voulaient oublier l’incident et avaient trop à faire pour
participer. Seules deux victimes ont accepté d’être interviewées par le personnel du programme.
Chose curieuse, la moitié des 16 délinquants interviewés par les évaluateurs estimaient que la
plupart des délinquants ne veulent pas rencontrer leurs victimes.
Dans le cadre du sondage mené dans la région de Winnipeg, un certain nombre de
questions ont été posées à 814 personnes au sujet de leur opinion sur les principes de la justice
réparatrice. On a constaté un soutien considérable pour ces principes. Près des trois quarts des
répondants (72 %) ont dit qu’ils seraient disposés à participer à une médiation entre victime et
délinquant, ce qui est loin de correspondre à l’expérience du personnel du programme. De plus,
les deux tiers préféraient recevoir un dédommagement plutôt que de voir le délinquant condamné
à la prison.
La deuxième évaluation a été menée de façon à porter sur une période plus longue et
donc sur un échantillon plus important. Bonta et Gray (1996) ont ajouté 14 mois à l’évaluation
précédente (jusqu’en avril 1996). Le taux d’acceptation des délinquants dans le programme est
resté inchangé d’une évaluation à l’autre, malgré le fait que le critère de recommandation
d’emprisonnement ait été ramené à une peine de neuf mois. Au cours des 31 premiers mois,
54 clients ont été acceptés (sur 190 cas aiguillés vers le programme).
Le programme semblait toujours viser les délinquants destinés à la prison. Dans tous les
cas, le procureur avait recommandé une peine de neuf mois ou plus. Si on compare les résultats
des deux évaluations, on constate qu’il y a également eu une augmentation du recours aux
méthodes de justice réparatrice. La première évaluation avait indiqué que le tiers des plans
comportaient un dédommagement et 37 %, des travaux communautaires. À la deuxième
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évaluation, les proportions étaient d’un peu plus de la moitié pour le dédommagement, et de
96,6 % (la quasi-totalité) pour les travaux communautaires. Le personnel du programme a
communiqué avec 122 victimes, mais la majorité (79,5 %) ne souhaitaient pas rencontrer le
délinquant. Il n’y a eu que 11 rencontres victime - délinquant.
Bonta et Gray (1996) ont fait une évaluation préliminaire des résultats. Il n’a pas été
possible de faire l’évaluation après programme, car beaucoup de délinquants du Programme de
SR étaient soumis à de longues périodes de probation. Ils ont donc fait une évaluation d’un an en
cours de programme. Sur 35 délinquants soumis au programme pendant au moins un an, 80 %
ont réussi. Deux des sept échecs ont été dus à une nouvelle infraction. Ce taux de succès se
compare favorablement à ceux d’un groupe de délinquants en probation ayant des profils de
risques et de besoins similaires.
Évaluation présente
L’évaluation que voici s’ajoute aux rapports antérieurs et prolonge la période visée
jusqu’au 9 mai 1997. De plus, un effort concerté a été fait pour vérifier toutes les données
disponibles en puisant à des sources multiples et pour réduire au minimum les données
manquantes. Les rapports antérieurs ont fait appel à des banques d’information dont les données
comportaient des lacunes pour de nombreux cas. Les dossiers officiels ont été consultés et les
lacunes de l’information ont été comblées. Par la même occasion, nous avons vérifié les
incohérences au moyen des dossiers correctionnels et corrigé les erreurs. En conséquence,
certaines données figurant dans le présent rapport peuvent ne pas correspondre tout à fait à celles
dont il a déjà été fait état. Pourtant, malgré ces efforts, certaines données manquent toujours.
Analyse des résultats
Les programmes de justice réparatrice ont des objectifs multiples. Le succès peut se
mesurer de plusieurs façons : bon ciblage des clients, réalisation des objectifs de la justice
réparatrice comme la tenue de rencontres entre les victimes et les délinquants, et réduction de la
récidive. Comme il s’agit d’une solution de rechange à l’incarcération, il doit être établi aussi
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que le programme ne s’étend pas à des personnes qui ne tomberaient pas autrement sous le
contrôle des services correctionnels. Tous ces objectifs ont leur intérêt, et la valeur globale du
programme dépend du nombre d’objectifs atteints et de la mesure dans laquelle ils sont atteints.
Dans la présente évaluation, nous indiquons dans quelle mesure le programme réussit à atteindre
ces objectifs. Pour être plus précis, nous présentons les résultats au sujet de ce qui suit : 1)
sélection de la clientèle cible; 2) réalisation des objectifs de la justice réparatrice; 3) application
d’une solution de rechange à l’emprisonnement; 4) réduction de la récidive.
Avant d’aller plus loin, voici quelques observations sur la vérification de la signification
statistique. Tout au long du rapport, de nombreuses comparaisons et prévisions sont faites au
sujet des délinquants encadrés par le Programme de SR et ceux qui n’ont pas pris part au
programme. Lorsque des différences ou des relations sont décelées, il faut se demander si les
résultats ne sont pas le fait du hasard. Il est pratique courante en sciences, lorsque la probabilité
que les résultats soient dus au hasard est inférieure à 5 %, de considérer ces résultats comme
« statistiquement significatifs ». De tels résultats sont normalement exprimés au moyen de la
valeur de probabilité, p < 0,05. Il arrive parfois que nous fassions état de valeurs de
p < 0,01 (lorsque qu’il y a moins d’une chance sur cent que les résultats soient dus au hasard) et
de p < 0,001 (une chance sur mille). Enfin, il faut signaler que, lorsque la taille de l’échantillon
est faible, il devient plus difficile de déceler des relations statistiquement significatives. Lorsque
cela se produit, nous essayons de le signaler au lecteur.
1. Sélection de la clientèle cible
Il y a un certain nombre d’étapes à franchir avant qu’un délinquant ne devienne un client
du Programme de SR. Les délinquants doivent être aiguillés vers le programme et satisfaire aux
critères de sélection, et il faut que les plans soient élaborés et acceptés par le tribunal. Et, dans ce
cheminement, il y a de nombreux points où les délinquants peuvent être écartés du programme.
La figure 1 illustre l’attrition considérable qui se produit depuis l’aiguillage jusqu’au moment où
le délinquant est condamné à suivre le programme. Au cours de la période visée par la présente
évaluation (du 1er octobre 1993 au 9 mai 1997), 297 délinquants ont été proposés. Cependant,
seulement 99 plans ont été acceptés par les tribunaux.
11
12
Figure 1. Processus des solutions réparatrices
ƒ 94 délinquants ne répondaient pas aux
critères
ƒ 5 attendaient l’acceptation
Cas proposés
297
- 99
ƒ 24 délinquants ont été refusés par le
Programme
Cas admissibles (critères
respectés)
198
- 24
ƒ 24 n’avaient pas de plan
ƒ 20 avaient des plans en attente
ƒ 1 a récidivé avant que le plan ne soit
préparé
Cas acceptés
174
Préparation de plan de SR
129
- 45
ƒ 9 délinquants avaient un plan préparé qui
n’a pas été soumis
-9
ƒ 3 délinquants rejetés, mais SR a surveillé leur
probation après la détention
ƒ 15 délinquants – rejet du plan par le juge
ƒ 3 délinquants, plan préparé – en attente de
décision du tribunal
Plan soumis à la défense, à la
Couronne et au juge
120
- 21
Acceptation de plans par le juge
99
ƒ 1 délinquant en prison, surveillance du SR en
attendant libération
ƒ 1 plan accepté par le juge, mais la Couronne
interjette appel
ƒ 1 délinquant sous surveillance, mais non
confié au Programme SR
ƒ 2 délinquants non à risque pendant un an
-5
94 délinquants de SR à
risque pendant un an
13
Délinquants aiguillés vers le Programme de SR. Un peu plus des trois quarts des
délinquants dirigés vers le Programme étaient des hommes, et un peu plus de la moitié étaient
célibataires. L’âge moyen était de 27,8 ans (écart-type = 9,7). Un jeune contrevenant a été
proposé, mais n’a pas été accepté. Étant donné que le programme était destiné aux délinquants
qui allaient vraisemblablement se voir imposer une peine d’emprisonnement, il n’est pas
étonnant que 65 % des cas aient déjà eu par le passé des contacts avec le système de justice
pénale. Le tableau 1 donne de l’information sur la source des aiguillages et les caractéristiques
des délinquants proposés.
Comme il a été signalé dans les évaluations antérieures du Programme de SR, ce sont les
avocats de la défense qui ont présenté le plus de candidats. Il y a eu des différences appréciables
quant au type de délinquant proposé par des sources différentes. Les cas aiguillés par la
Couronne traduisaient une plus grande prudence (voir tableau 2). En moyenne, ces délinquants
avaient à leur bilan moins de manquements aux conditions de probation et moins de peines
d’emprisonnement (0,4 et 1,4 respectivement). De plus, seulement 16,2 % étaient inculpés d’un
crime avec violence. Les candidats qui se sont présentés d’eux-mêmes avaient, ce qui n’est guère
étonnant, la plus haute moyenne de manquements aux conditions de probation (2,0) et
d’incarcérations antérieures (6,6).
14
Tableau 1. Caractéristiques des délinquants proposés
Variable
%
Hommes
78,6
Célibataires
58,8
Source des aiguillages:
Défense
Probation
Délinquant lui-même
Couronne
Autre
57,2
14,8
13,1
12,5
2,3
Race:
Blancs
Autochtones
Métis
Autres
62,8
17,4
10,3
9,6
Source de revenu:
Emploi
Assistance sociale
Famille/autre
36,0
46,4
17,6
Inculpation la plus grave:
Personne
Biens
Alcool/conduite en état d’ébriété/drogues
Autre
32,7
59,2
5,7
2,4
35,0
Première infraction
Moyenne
Âge (années)
27,8
Niveau de scolarité
10,6
15
Tableau 2. Caractéristiques des délinquants selon l’origine
Source de l’aiguillage
Caractéristiques
Couronne
Probation
Défense
Délinquant
Manquements aux
conditions de probation
0,4
1,0
0,7
2,0
Incarcérations antérieures
1,4
3,5
2,1
6,6
Accusations en cours
5,0
2,6
4,1
6,1
16,2
31,8
34,5
39,5
% actes violents
Admission au programme.
Des 297 cas proposés, 174 ont satisfait aux critères de
sélection du Programme et ont ensuite été acceptés par le personnel chargé du programme. Le
critère le plus important était la recommandation, par la Couronne, d’une peine de prison de plus
de six mois. Dans 91,4 % des cas acceptés par le personnel, la Couronne recommandait
effectivement au moins six mois d’emprisonnement. On n’a pu obtenir une information précise
sur la peine recommandée par la Couronne que pour 61 cas, candidatures acceptées et rejetées
confondues2. Pour les délinquants admis au programme, la peine recommandée était plus longue
(18,0 mois, écart-type = 9,5, n = 45) que pour les 16 délinquants rejetés par le personnel du SR
(9,7 mois, écart-type = 6,0; t = 3,3, p < 0,01). Ces constatations confirment tout à fait la
conclusion selon laquelle le personnel du programme a ciblé les délinquants qui feraient
vraisemblablement l’objet d’une peine d’emprisonnement, et à qui il s’agissait d’offrir une
solution de rechange.
2
Les recommandations ont été consignées pour tous les cas acceptés, mais souvent seulement
par catégorie (p. ex., plus de 10 mois). Dans les cas refusés, les recommandations n’ont pas été
consignées systématiquement.
16
Au-delà des différences concernant les cas proposés par la Couronne, il y avait peu de
différences entre les délinquants considérés comme répondant aux critères du programme et ceux
qui n’ont pas été acceptés (tableau 3). Les délinquants qui en étaient à leur première infraction
étaient surreprésentés, 43,7 % d’entre eux étant acceptés, contre un taux de rejet de seulement
14,8 % (χ2 = 21,77, nu = 1, p < 0,001). Les délinquants inculpés de crimes contre la personne et
les délinquants métis ou autochtones étaient moins susceptibles d’être acceptés (χ2 = 5,21,
p < 0,05 et χ2 = 7.36, p < 0,01 respectivement).
Tableau 3. Caractéristiques des délinquants et admission au SR (n)
Variables
Antécédents criminels :
Acceptés (174)
% première infr.
Nbr. infr. antérieures
Nbr. détentions ant.
Nbr. infr. actuelle
43,7
0,9
3,0
4,4
(76)
(93)
(93)
(174)
Refusés (118)
14,8
0,8
2,3
4,1
(174)
(13)
(51)
(52)
(116)
p
0,001
ns
ns
ns
(117)
Infraction la plus grave (%) :
Personne
Biens
Alcool/drogues
Autres
28,2
66,7
2,3
2,8
Âge (années)
27,8
(173)
28,0
(105)
ns
% hommes
77,5
(173)
81,2
(117)
ns
% jamais mariés
57,4
(169)
63,4
(71)
ns
% aide sociale
42,9
(168)
55,9
(68)
ns
(105)
0,01
41,0
44,4
10,3
4,4
(172)
Race (%):
Non-autoch. (n=200)
77,9
62,9
Autochtones (n=77)
22,1
37,1
0,05
Nota: p = probabilité; ns = non significatif
Les chiffres peuvent varier à cause de lacunes dans les données. Cinq cas non tranchés sont classés
dans le groupe des cas refusés.
17
D’autres analyses des données disponibles au sujet des Autochtones dirigés vers le
programme n’ont permis de relever aucune différence entre les délinquants acceptés et ceux qui
ont été refusés. Il n’y avait pas de différence quant à l’âge et au sexe entre les deux groupes, et
les antécédents criminels (p. ex., nombre d’inculpations ou d’incarcérations antérieures) étaient
semblables. La seule différence qui ait été relevée est qu’une proportion nettement plus forte des
délinquants autochtones retenus pour participer au programme par le personnel étaient inculpés
de crime contre la personne que cela n’était le cas chez les non-autochtones (42,1 % contre
23,9 %; χ2 = 4,89, p < 0,01).
Un important facteur non lié au délinquant qui a pu influer sur l’acceptation des cas a été
la source de l’aiguillage. La Couronne en a présenté relativement peu, mais la plupart ont été
acceptés (83,8 %). Viennent au deuxième rang les cas proposés par les avocats de la défense, qui
ont été acceptés à 69,3 %. Les chances de succès étaient moins bonnes lorsque les délinquants
étaient proposés par un agent de probation ou lorsque le délinquant se proposait lui-même
(34,9 % et 20,5 % respectivement).
Pour résumer, la recommandation d’incarcération ainsi que l’aiguillage vers le
programme présentés par la Couronne étaient associés à l’acceptation dans le programme. La
première constatation cadre bien avec le critère d’acceptation qu’est la recommandation de peine
d’emprisonnement. Cette recommandation garantit que le programme constitue une vraie solution de rechange à l’incarcération. La forte probabilité d’acceptation lorsque le cas est aiguillé
par la Couronne laisse soupçonner l’existence d’un certain nombre de facteurs médiateurs. Tout
d’abord, les efforts concertés du personnel du programme pour sensibiliser les procureurs de la
Couronne au programme ont permis à ces avocats de mieux connaître les critères du programme.
Ils étaient donc mieux placés pour proposer des cas convenant bien au programme. Deuxièmement, lorsqu’un cas est proposé par la Couronne cela signifie, pour le personnel du programme,
qu’il y a de bonnes chances pour que le tribunal accepte le plan proposé, hypothèse que
confirment les constatations dont il est fait état plus loin.
Un autre facteur critique, pour être accepté dans le programme, est la motivation du
délinquant. Le personnel écartait les délinquants qu’il ne jugeait pas prêts à assumer la
18
responsabilité de leur comportement ou à rencontrer la victime. Malheureusement, il n’y a pas de
données disponibles sur le nombre de cas refusés parce qu’ils n’étaient pas suffisamment
motivés.
Une fois les délinquants acceptés, des plans personnalisés étaient élaborés. En général,
85,6 % des 174 délinquants acceptés avaient un plan préparé ou le plan était à l’étude.
L’élaboration d’un plan de gestion du délinquant en milieu communautaire demande beaucoup
de temps au personnel. En moyenne, il a fallu 25,5 heures par cas. Cependant, seulement 120
plans ont été présentés officiellement au tribunal, et il s’est écoulé en moyenne 112 jours
(écart-type = 68,0) entre l’acceptation par le personnel du programme et l’approbation par le
juge. Il n’y a pas eu de plans élaborés dans le cas de 25 délinquants, et 20 autres étaient à l’étude.
Neuf plans ont été préparés, mais n’ont jamais été présentés. Des 120 plans présentés au tribunal,
le juge en a rejeté 18 et trois étaient en attente de décision. En fin de compte, le tribunal a
accepté les plans de 99 délinquants, soit 82,5 % des cas soumis. Selon les données disponibles
sur 97 délinquants, la période de probation imposée a été en moyenne de 28,5 mois
(écart-type = 6,8). La plupart des plans ont été acceptés sans modification (73,2 %). Dans 22,7 %
des cas, le tribunal a ajouté des conditions au plan et, dans seulement 4,1 %, il a supprimé des
éléments.
Les délinquants dont le plan a été accepté par le tribunal ne différaient pas, par la race,
l’emploi, l’état civil et le sexe, de ceux qui ont essuyé un refus. Les chances d’être accepté
étaient moins bonnes pour les auteurs de crimes contre la personne. Sur les 18 refus,
11 délinquants (61,1 %; χ2 = 7,04, p < 0,01) avaient commis un crime contre la personne. Là
encore, l’influence de la Couronne était perceptible. Le tribunal n’a refusé qu’un seul des 57
délinquants proposés par les procureurs de la Couronne. Seulement 21,1 % des délinquants qui
avaient commis un crime contre la personne ont été appuyés par la Couronne.
Compte tenu de la forte attrition entre l’acceptation par le personnel du programme et la
décision du tribunal (de 174 à 99), nous avons fait une analyse des cas rejetés. Les évaluations
d’après le test de classification risques-besoins du Manitoba n’ont mis en lumière aucune
différence quant aux risques et aux besoins. Le score moyen des délinquants retenus était de
19
10,3 et celui des personnes écartées de 10,2 (t = -0,09). Il n’y avait pas de différence non plus en
ce qui concerne les antécédents criminels, l’âge, le sexe et la source des revenus.
Comme on le mentionne plus haut, le critère de sélection qu’était la recommandation
d’incarcération par la Couronne a changé avec le temps. Cela nous a amenés à nous demander si
le type de délinquant accepté dans le programme avait, lui aussi, évolué au cours des trois ans et
demi du programme. Le tableau 4 illustre les caractéristiques des délinquants aux trois étapes du
programme. Bien qu’une légère tendance à accepter des délinquants à plus faible risque semble
se dessiner, la plupart des changements ne sont pas statistiquement significatifs. Ainsi, le score
des risques et des besoins établi au moyen du test de classification du Manitoba a diminué depuis
le début du programme. Les seuls changements statistiquement significatifs concernaient le type
d’infraction et la race. Par rapport au début, le programme a accepté moins de délinquants qui
avaient commis des crimes contre la personne (χ2 = 3,91, p < 0,05) et de délinquants autochtones
ou métis (χ2 = 5,69, p < 0,05).
Tableau 4. Caractéristiques des délinquants par période d’évaluation (n)
Période
Résultats
T1 (70)
T2 (49)
T3 (55)
40,0
49,0
43,6
Nbr. accusations en cours
2,9
3,9
6,6
Nbr. manquements probation
1,3
0,1
0,9
Nbr. détentions antérieures
3,9
2,6
2,3
Infraction violente (%)
36,2
24,5
20,0
Infr. contre biens (%)
59,4
71,4
72,7
Score risques-besoins
11,3
10,2
9,8
Autochtones/Métis (%)
30,4
22,9
11,0
Aide sociale (%)
50,0
37,0
38,9
Première infraction (%)
Source de l’aiguillage (%) :
20
Couronne
Défense
Probation
Délinquant lui-même
Nota :
17,1
64,3
5,7
7,1
12,2
77,6
4,1
4,1
23,6
58,2
16,4
1,8
T1 = du 1er octobre 1993 au 28 février 1995
T2 = du 1er mars 1995 au 30 avril 1996
T3 = du 1er mai 1996 au 9 mai 1997
En somme, le programme a tout à fait réussi à cibler les délinquants qui risquaient
probablement d’écoper d’une peine de prison. Pour presque tous les délinquants (91,4 %), il y
avait une recommandation d’emprisonnement d’au moins six mois. De plus, la majorité des
délinquants admis avaient déjà eu des démêlés avec le système de justice pénale, avec une
moyenne de trois incarcérations antérieures. Le cas une fois accepté par le personnel du
programme, il a fallu près de quatre mois pour que le plan soit soumis au tribunal. Au cours de
cette période, le personnel a déployé des efforts considérables pour élaborer un plan de justice
réparatrice. Un seul délinquant a récidivé pendant cette période (voir la figure 1). Enfin, nous
pouvons conclure que les délinquants dont les plans ont été acceptés par les tribunaux
représentaient un groupe de délinquants qui échappaient à l’incarcération.
2. Application de la justice réparatrice
La justice réparatrice favorise la participation de la victime et de la collectivité au
processus de justice pénale. Le délinquant est aussi tenu responsable de réparer le préjudice que
ses actes ont causé à la victime et à la collectivité. Le succès du programme de SR dans la
poursuite de ces objectifs a été évalué à partir de l’information fournie dans les plans de SR et de
celle qui est contenue dans les bases de données sur les cas et les victimes.
Il y avait 249 dossiers de victimes disponibles pour étude3. Le personnel du programme a
communiqué avec 209 victimes (83,9 %). Le groupe de victimes le plus important était celui des
employés d’entreprises (41,5 %), suivi de celui des particuliers (29,8 %) et des personnes
3
Le dossier de la victime est ouvert lorsque le délinquant est accepté dans le programme de SR.
21
exploitant leur propre entreprise (16,5 %). Les pertes signalées à la police allaient de pertes très
mineures (20 $ de friandises) à des biens de plus de 20 000 $ (p. ex., voitures volées). Les
préjudices physiques causés aux victimes étaient très rares (4,9 % des cas), mais 22,2 % des
victimes ont déclaré une forme ou l’autre de souffrance psychologique.
Le personnel du programme a essayé de communiquer avec les victimes et leur a
demandé de participer à l’élaboration d’un plan de justice réparatrice. Trente-quatre victimes
n’ont pu être jointes en raison de difficultés à les retrouver. Seulement 10,3 % (25) des
243 victimes sur lesquelles nous avions de l’information ont rencontré le délinquant. Ce faible
taux n’est pas rare dans les programmes de justice réparatrice et peut s’expliquer par un certain
nombre de facteurs. Certaines victimes peuvent répugner à rencontrer le délinquant parce
qu’elles veulent oublier l’incident. D’autres peuvent ne pas avoir été assez gravement touchées,
sur le plan émotif, par le fait d’avoir été victime pour rechercher une forme de résolution émotive
de l’expérience. Il ne faut pas oublier que seulement une minorité de victimes ont déclaré un
préjudice physique ou psychologique. Dans les 25 rencontres directes qui ont effectivement eu
lieu, une entente mutuellement satisfaisante a été conclue dans 24 cas et des excuses ont été
présentées personnellement à 22 victimes. En plus de ces excuses faites de vive voix, des
délinquants ont envoyé des lettres d’excuses aux victimes dans 58 cas.
Relativement peu de victimes ont rencontré le délinquant, mais d’autres indications
montrent que des victimes ont participé au processus de justice pénale et profité des efforts de
dédommagement faits par les délinquants. La majorité des victimes (78,6 %) ont produit des
déclarations sur l’impact subi et, comme on l’a déjà dit, 58 victimes (23,9 %) ont reçu des
excuses écrites des délinquants. Les accords de dédommagement et de services communautaires
sont également des expressions d’un effort de réparation.
Le tribunal a ordonné un remboursement à 53 des 94 délinquants confiés au programme.
Les montants à rembourser variaient entre 200 $ et 42 000 $, et la moyenne des montants à
rembourser s’élevait à 5 622 $. Des renseignements sur les montants effectivement versés par les
délinquants étaient disponibles dans 51 cas. Vingt et un délinquant se sont acquittés intégralement de leur dette et neuf cas sont encore en suspens. Treize délinquants n’ont rien remboursé.
22
Le montant moyen remboursé par les participants au programme s’est élevé à 2 563 $. En tout,
130 741,37 $ ont été versés aux victimes.
Depuis le rapport de Richardson et de Galaway (1995), les services communautaires sont
devenus une composante importante des plans des clients du programme. Dans leur première
évaluation provisoire, Richardson et Galaway (1995) n’ont relevé des services communautaires
que dans 37 % des plans. Cette conclusion a amené les responsables du programme à intensifier
leurs efforts pour combler cette lacune. Dès la deuxième évaluation (Bonta et Gray, 1996), des
services communautaires figuraient dans 96,6 % des plans. Ce taux élevé s’est maintenu.
Toutefois, si on tient compte de toute la période visée par la présente évaluation, le pourcentage
s’établit à 69 %. Le nombre d’heures de services communautaires a varié entre 50 et 800 heures
(la moyenne étant de 175,9 heures). Malheureusement, il a été impossible de consulter les
dossiers indiquant dans quelle mesure les tribunaux ont approuvé les recommandations de
services communautaires formulées par le personnel du programme et aussi dans quelle mesure
ont été respectées ces ententes de services communautaires.
La justice réparatrice n’était pas la seule composante des plans dressés par le personnel.
La quasi-totalité des 174 plans (96,7 %) comportaient des recommandations sur des services de
conseils ou de thérapie. Dans les programmes de déjudiciarisation, on néglige souvent les
besoins personnels des délinquants (Nuffield, 1997), même lorsque ces besoins sont évidents.
L’analyse des profils des risques et des besoins des délinquants a permis de constater que plus de
la moitié des délinquants (58,3 %) avaient des problèmes d’alcool ou de drogues. Des problèmes
d’emploi ont également été décelés dans 64,8 % des cas, et les relations familiales ou conjugales
instables étaient un phénomène très répandu chez ces délinquants (70,9 %). À signaler également
que 44,9 % d’entre eux éprouvaient des difficultés émotives, d’après l’évaluation, et que 60,6 %
avaient des fréquentations préjudiciables.
Lorsqu’il s’agit d’évaluer dans quelle mesure le Programme de SR réussit à appliquer les
principes de la justice réparatrice, les comparaisons avec les services de probation ordinaires
sont révélatrices. Le dédommagement et les services communautaires sont des moyens qu’on
peut utiliser dans la probation. Il y a donc lieu de se demander si la probation, telle qu’elle se
pratique normalement, ne peut être aussi efficace pour appliquer les principes de la justice
23
réparatrice que des programmes plus structurés comme celui des SR. Dans ce cas, la réponse est
négative. Une étude de notre base de données sur plus de 1 000 probationnaires au Manitoba
révèle que les taux de dédommagement et de services communautaires sont beaucoup plus
faibles. Les plans du Programme de SR sont plus susceptibles de prévoir un dédommagement
(56,4 % contre 24,9 %) et des services communautaires 96 % contre 13,8 %). Le montant moyen
des remboursements des clients SR (2 563 $) était également plus élevé que les montants fixés
pour les probationnaires (1 517 $). Enfin, nous ne pouvons négliger le succès remporté par le
Programme de SR pour ce qui est d’amener les délinquants à présenter des excuses aux victimes,
ce qui se fait très rarement dans le régime classique de probation.
En somme, le Programme de SR a réussi relativement bien à respecter les principes de la
justice réparatrice. Les victimes ont été contactées et invitées à participer; les services
communautaires sont devenus une composante de presque tous les plans; et les accords de
remboursement ont été beaucoup plus élevés que dans le régime de probation. En tout, plus de
130 000 $ ont été versés aux victimes. Enfin, et c’est très important, le Programme de SR a
accordé une attention non négligeable aux besoins des délinquants. Des recherches théoriques
récentes dans les domaines de la justice réparatrice et de la réadaptation des délinquants donnent
à penser que les deux approches ont beaucoup en commun et que, à elles deux, elles peuvent
contribuer à renouveler la confiance dans le système de justice pénale (Crowe, 1998). Le
programme de SR a fait de la planification du traitement des délinquants une partie intégrante du
plan de justice réparatrice et une nouvelle composante précieuse du programme.
3. Solution de rechange à l’incarcération?
Le travail avec les délinquants dans leur milieu est un principe important des programmes
de justice réparatrice, mais ce n’est pas là nécessairement le seul objectif. Certains programmes
de justice réparatrice, dont celui des SR, visent aussi à offrir une solution de rechange à
l’incarcération. Il s’agit certes là d’un des objectifs déclarés du programme des SR. Le problème
de nombreux programmes de justice réparatrice est qu’ils accueillent des délinquants à risque
relativement faible qui auraient fait l’objet d’une intervention moins lourde s’il n’y avait pas eu
de programme de « déjudiciarisation » (Nuffield, 1997).
24
Nous avons déjà signalé que, pour plus de 90 % des délinquants participant au
Programme de SR, la peine d’incarcération était de six mois ou plus. Même si la Couronne
recommande une peine d’incarcération, les tribunaux peuvent opter pour une peine non privative
de liberté. Afin de mieux nous assurer que les 96 délinquants confiés au programme auraient
probablement écopé d’une peine de prison, nous avons évalué leur niveau de risque au moyen du
test de classification des risques et de besoins du Manitoba. Le score moyen des risques et des
besoins des délinquants participant au programme était de 10,4, soit un peu plus que le score
moyen de 8,8 obtenu par les probationnaires au Manitoba. D’après les lignes directrices manitobaines sur la classification, seulement 9,9 % des délinquants étaient considérés comme à faible
risque (scores de 0 à 5); 50,5 % étaient à risque moyen (de 6 à 11) et 39,6 % présentaient de
grands risques (scores de 12 ou plus). C’est dire qu’environ 90 % des clients du programme de
SR étaient considérés comme présentant des risques et des besoins moyens ou plus, ce qui donne
à penser que le programme ciblait effectivement un groupe approprié pour la déjudiciarisation.
Malgré les efforts du personnel du programme pour cibler les délinquants destinés à la
prison, les décisions des tribunaux ont modifié l’effet du programme comme moyen de détourner
des délinquants de la prison. L’analyse des décisions judiciaires montre que 18 des délinquants
(près de 19 %) ont non seulement été confiés au Programme, mais ont aussi eu à purger une
peine de détention. La peine d’incarcération moyenne, avant la participation au programme, a été
de 4,9 mois, l’éventail des peines allant jusqu’à 24 mois (un délinquant était toujours en prison
au moment de la présente évaluation). Le tiers de ceux qui ont été mis sous garde ont eu à purger
une peine discontinue (peine moyenne de 2,8 mois) et les autres, une peine moyenne de
5,9 mois.
Les délinquants qui ont dû à la fois purger une peine de prison et participer au
programme ont été comparés aux délinquants qui sont passés directement au programme. Le
tableau 5 résume les comparaisons entre les deux groupes. On n’a décelé que de rares
différences. Ceux qui sont allés en prison avant de participer au programme étaient plus
susceptibles d’avoir commis un crime contre la personne. Cependant la gravité des crimes
violents, évaluée d’après le préjudice causé à la victime, n’était guère différente de celle des
crimes commis par les délinquants qui sont passés directement au Programme de SR.
25
Globalement, les scores de risques et de besoins et les antécédents criminels étaient semblables
pour les deux groupes, à cette exception près que les délinquants mis directement sous
surveillance communautaire avaient à leur actif plus de manquements aux conditions de
surveillance communautaire.
Si on considère les différences non significatives entre les deux groupes aux chapitres des
scores de risques et de besoins et de préjudice aux victimes, il y a lieu de se demander si les
décisions des tribunaux n’ont pas eu pour effet d’élargir la portée du programme. En outre, une
analyse des taux de récidive des deux groupes au moyen d’une analyse de survie n’a mis en
évidence aucune différence. Malheureusement, nous n’avons pas fait d’enquête auprès des
tribunaux et des procureurs de la Couronne pour savoir pourquoi certains délinquants ont été à la
fois condamnés à la prison et à participer au programme. La question reste donc sans réponse.
Tableau 5. Participation directe au Programme de SR et incarcération en
plus de la participation au Programme de SR (n)
Variable
SR
SR + Incarcération
p
Personelle-démographique
Hommes (%)
78,2
88,9
ns
Célibataires (%)
61,5
62,5
ns
Autochtones (%)
24,4
11,1
ns
Ayant un emploi (%)
38,7
33,3
ns
Âge (années)
27,2
26,4
ns
Années d’études
11,6
11,7
ns
Alcoolisme et toxicomanie (%)
61,1
44,5
ns
Crime contre la personne (%)
23,1
55,6
0,01
Victime : préj. physique (%)
5,7
6,7
ns
22,0
21,4
ns
3,7
2,7
ns
Antécédents criminels
Préjudice psychologique (%)
Nbr. accusation en cours
26
Nbr. manquements antérieurs
1,0
0,3
0,05
Première infraction (%)
52,6
55,6
ns
Score des risques et des besoins
10,5
10,2
ns
Nota : Dans le groupe SR, n = 78; dans le groupe SR + incarcération, n = 18.
4. Réduction du taux de récidive
Stratégie d’évaluation. Normalement, l’effet d’un programme sur le taux de récidive est
mesuré une fois que les participants ont terminé ce programme. Cependant, comme la durée
moyenne de la probation est de 28,5 mois pour les délinquants confiés au programme, cela veut
dire que plus de deux ans doivent s’écouler avant qu’un nombre appréciable de délinquants aient
terminé leur période de surveillance du Programme de SR. C’est en 1995 que le premier
délinquant a achevé sa participation, et, depuis le début du programme jusqu’au 9 mai 1997,
seulement 15 délinquants sont allés jusqu’au bout du programme. Nous avons donc choisi de
mesurer les résultats pendant le déroulement du programme plutôt qu’après.
Les données sur la récidive ont été extraites des dossiers de détention et d’une base de
données sur la probation fournie par le ministère de la Justice du Manitoba (Division des
services correctionnels). Ces dossiers informatisés comportaient un certain nombre de limites.
Ainsi, les dossiers de détention n’indiquaient pas les cas des délinquants reconnus coupables
d’un nouveau crime donnant lieu à une amende. La base de données sur la probation n’indiquait
pas la date des manquements aux conditions de probation survenus pendant la durée du
programme. Évidemment, comme il s’agissait de dossiers provinciaux, les cas de nouvelles
infractions commises à l’extérieur du Manitoba n’étaient pas consignés. Il était donc important
de voir si les résultats étaient cohérents par rapport à nos diverses autres mesures de la récidive.
Deux mesures de la récidive ont été mises au point. La première, appelée CONVICT, a
été extraite directement des dossiers de détention et la récidive a été définie comme toute
nouvelle condamnation entraînant une incarcération. La deuxième mesure a été extraite à la fois
des dossiers de détention et de la base de données sur la probation. Cette mesure a été appelée
VIOLATION. Elle comprenait les nouvelles arrestations et (ou) condamnations entraînant une
détention ou un manquement aux conditions de surveillance. L’analyse des taux de récidive des
27
divers groupes s’est faite au moyen de périodes de suivi différentes. La plupart des résultats dont
il est fait état ici se rapportent à des périodes de suivi d’un an et de 18 mois. Dans le cas des
délinquants participant au Programme de SR, la période de risque débute à la date où le tribunal
les confie au programme. Quatre-vingt-quatorze délinquants ont eu une période de risque d’au
moins un an (voir la figure 1) et les chiffres diminuent au fur à mesure que la période de suivi
s’allonge. Quant aux 18 délinquants SR condamnés à l’incarcération avant de participer au
programme, la période passée en prison a été soustraite dans le calcul de la période de risque.
Pour les six délinquants dont la peine était discontinue, la durée de la peine a été soustraite en
bloc au début de la période de suivi.
Il ne suffit pas de rendre compte de la récidive dans un groupe de délinquants pour
évaluer un programme. Il est important de comparer la récidive chez les participants au
programme à des délinquants semblables qui n’ont pu en profiter. L’affectation au hasard des
sujets dans les groupes, méthode privilégiée pour rendre des groupes égaux, était inapplicable.
Nous avons donc tenté de faire correspondre les groupes témoins aux délinquants du Programme
de SR pour certaines variables clés.
Le premier groupe témoin se composait de 70 hommes détenus dans les établissements
Headingly et Milner en mars 1996. Dans le choix de ce groupe, nous avons essayé de
sélectionner des détenus répondant au critère de recommandation du programme SR, qui était
alors de neuf mois de détention. Nous nous sommes aussi efforcés de choisir des détenus qui
avaient, à leur actif, des manquements aux conditions d’ordonnances de probation ainsi que des
incarcérations (critère secondaire de sélection pour le Programme de SR). La difficulté que
présentait ce groupe témoin est qu’il était composé exclusivement d’hommes. Par conséquent,
seulement les 75 participants masculins du programme pouvaient être comparés au groupe de
détenus. De plus, comme la moitié des clients du Programme de SR en étaient à leur première
infraction, nous n’avons pas pu trouver assez de détenus correspondant aux délinquants quant
aux antécédents d’incarcération.
Les deuxième et troisième groupes témoins étaient composés de probationnaires
(hommes et femmes). Ces groupes ont été extraits d’une grande banque de données sur 1 062
probationnaires au Manitoba (Bonta et coll., 1994). La comparaison entre les clients du
28
Programme de SR et les probationnaires a permis une analyse de la valeur que présente l’ajout
de la justice réparatrice à une sanction traditionnelle dans la collectivité (c’est-à-dire la
probation). Les groupes témoins de probationnaires ont aussi permis de contrôler l’effet de la
surveillance et la probabilité accrue de détecter une activité illégale. Un grand nombre des
détenus ont été libérés sans autre forme de surveillance ni de contrôle correctionnels.
Le deuxième groupe témoin, composé de 94 probationnaires, correspondait aux clients
du programme de SR pour les six facteurs de risque suivants : 1) sexe, 2) race (Autochtone/
Métis), 3) âge (+/- 4 ans), 4) classification des risques et des besoins (minimum, moyen, élevé),
5) infraction violente et 6) première infraction. La correspondance était parfaite pour le sexe, le
facteur infraction violente et la classification des risques et des besoins, réussie à 97,5 % pour la
race, à 94 % pour l’âge et à 90 % pour le facteur première infraction.
Un troisième groupe témoin se composait de 83 probationnaires dont l’ordonnance de
probation était assortie d’une condition de dédommagement ou de services communautaires. Ils
correspondaient à 83 clients du Programme de SR pour deux facteurs de risque : sexe et niveau
de classification selon les risques et les besoins. La taille du groupe SR a été ramenée à 83 parce
que 11 délinquants ne semblaient avoir dans leur plan ni dédommagement, ni services
communautaires, ni contact avec la victime. Tous les délinquants correspondaient parfaitement
pour ce qui est du sexe, et à 94 % pour le niveau des risques et des besoins. La comparaison des
clients SR à ce troisième groupe témoin a permis de voir si les services du Programme de SR
contribuaient à une réduction de la récidive au-delà de ce que faisait une sanction plus
traditionnelle dans la collectivité assortie de quelques caractéristiques de la justice réparatrice.
Récidive : SR et détenus. Au cours de la période d’évaluation, le critère de la
recommandation d’une peine d’incarcération, pour participer au Programme de SR, a été
modifié. Toutefois, le groupe témoin formé de détenus a été choisi à partir du critère d’une peine
d’au moins neuf mois. C’est pourquoi il était important de vérifier l’équivalence entre les clients
SR et les détenus. Il était possible que les différences entre les deux groupes expliquent les
différences dans le taux de récidive. Le tableau 6 présente une comparaison des deux groupes.
Les échantillons de détenus et de clients SR étaient très semblables. En ce qui concerne
les risques et les besoins, les deux groupes ne présentaient aucune différence, et il y avait
29
similitude pour de nombreux facteurs personnels-démographiques et les antécédents criminels. Il
y avait toutefois des différences appréciables pour le degré d’instruction et les antécédents
d’incarcération, les détenus présentant un plus haut risque. Les antécédents d’incarcération sont
un facteur qui a été particulièrement lié à la récidive (Gendreau, Little et Goggin, 1996).
Tableau 6. Comparaison entre les clients SR et les détenus (hommes seulement)
Variable
SR (75)
Détenus (67)
p
Âge
25,7
28,6
ns
Études
11,5
10,1
0,001
% Employés
37,5
46,3
ns
% Autochtones/Métis
22,7
40,3
0,05
% Célibataires
67,6
68,2
ns
0,9
0,6
ns
50,7
20,9
0,001
Nbr. manquements antérieurs
% première infraction
ns
Infraction la plus grave (%)
Contre la personne
34,7
28,4
Contre des biens
61,3
58,2
Alcool/conduite automobile
1,3
10,4
Autre
2,7
3,0
11,0
10,6
Risques-besoins à l’admission
ns
ns
Classification risques-besoins (%)
30
Faible
6,8
7,5
Moyenne
48,6
47,8
Élevée
44,6
44,8
Nota : p = niveau de probabilité; ns = non significatif
Les résultats en ce qui concerne la récidive, pour les délinquants participant au
programme SR et les détenus, figurent au tableau 7A. Les délinquants masculins SR semblent
avoir un taux de récidive inférieur à celui des détenus pour la variable CONVICT (6,7 % contre
14,9 %), mais les différences ne sont pas statistiquement significatives. À deux ans, par contre,
des différences statistiquement significatives apparaissent (11,5 % pour les délinquants SR et
33,3 % pour les détenus; χ2 = 3,84, P < 0,05). Si on se sert de la mesure VIOLATION, qui est
peut-être plus sensible aux comportements à problème, les délinquants SR regroupés avaient des
taux de récidive notablement plus faibles (χ2 = 4,56, P < 0,05).
Tableau 7. Récidive chez les délinquants du programme SR
Récidive (%)
VIOLATION
CONDAMNATION
(A) SR et groupes témoins
SR : Tous
16,7
5,3
19,0
6,7
Probationnaires (tous)
48,6
17,0
Détenus (hommes seulement)
37,0
16,7
Groupes témoins confondus
43,7
16,1
SR (83)
14,1
3,6
Probationnaires (83)
56,3
16,9
Hommes seulement
(B) SR c. probation (D et SC)
31
Nota : D = dédommagement; SC = service communautaire.
VIOLATION = arrestation / condamnation avec détention / manquement aux conditions à
18 mois.
CONDAMNATION = condamnation avec détention à 12 mois.
Le taux plus faible de récidive dans le groupe SR, comparé à celui des détenus, est non
seulement très encourageant, mais semble aussi ouvrir la voie à de nouveaux développements
dans le programme. Les similitudes entre les détenus et les clients du programme de SR pour les
facteurs personnels-démographiques et les antécédents criminels montrent qu’il existe peut-être
parmi les détenus tout un groupe qui pourrait tirer parti de la surveillance du programme SR. Vu
les difficultés que le programme a éprouvées à recruter des clients avant le prononcé de la
sentence, cibler ce groupe de détenus en vue d’accélérer leur libération permettrait peut-être de
trouver les candidats manquants.
Récidive : SR et probationnaires. Il y avait deux groupes témoins formés de
probationnaires4. L’un d’eux correspondait aux clients SR pour six facteurs. Le deuxième se
composait de probationnaires à qui on avait imposé comme condition de verser un
dédommagement ou de rendre des services communautaires. Comme on l’a déjà dit, le taux de
correspondance entre les groupes était excellent. Le tableau 8 illustre une comparaison entre les
délinquants qui participaient au programme de SR et les probationnaires d’après d’autres
caractéristiques. Les trois groupes étaient très semblables, et seulement quelques différences ont
été décelées. En moyenne, les délinquants SR avaient atteint un niveau de scolarité plus élevé
que les probationnaires du groupe A (t = 7,81, p < 0,001), mais ils étaient susceptibles d’avoir, à
leur actif, plus d’incarcérations (t = 2,49, p < 0,05) et de manquements aux conditions
d’ordonnances de probation (t = 2,51, p < 0,05). Le plus important est que le groupe SR avait un
score plus élevé que celui des deux groupes de probationnaires selon la mesure de classification
des risques et des besoins du Manitoba (p < 0,05).
Les taux de récidive des clients SR et des deux groupes de probationnaires figurent aux
tableaux 7A et 7B. Pour la variable CONVICT, le taux des probationnaires a été établi d’après la
récidive dans l’année suivant le programme. En ce qui concerne la variable VIOLATION, le
32
taux a été calculé d’après les échecs pendant le programme et pendant la période de probation.
Comme les membres des deux groupes étaient sous surveillance dans la collectivité, la variable
VIOLATION est peut-être la mesure la plus appropriée pour comparer les taux de récidive des
délinquants SR et des probationnaires. Un suivi à 18 mois a été utilisé, parce que cela
correspondait à la période de risque moyenne dans la base de données sur la probation.
4
Environ la moitié des probationnaires faisaient partie des deux groupes.
33
Tableau 8. Comparaison entre les délinquants SR et
les groupes témoins de probationnaires (n)
Variable
SR
Probation A
Probation B
Homme (%)
79,8
79,8
80,7
Âge
27,0
26,4
26,8
Niveau des études
11,6
9,3
11,7
Autochtone (%)
22,3
24,5
21,7
Emploi
49,5
35,6
50,0
Famille
7,5
2,2
7,3
42,0
42,3
42,7
Contre la personne
28,7
28,7
27,7
Contre les biens
68,1
69,1
69,9
3,2
2,2
2,4
Première infraction (%)
52,1
41,3
55,4
Nbr. manquements antér.
0,9
0,3
0,8
Nbr. incarcérations antér.
2,5
1,1
2,1
Faible
8,6
8,5
9,6
Moyen
49,5
50,0
56,6
Élevé
41,9
41,5
33,7
10,6
9,4
9,1
Source de revenu (%)
Aide sociale / autre
Infraction la plus grave (%)
Alcool / conduite / autre
Antécédents criminels
Niveau de risque
Total risques-besoins
Nota : A. Correspondance pour les facteurs sexe, âge, race, niveau de risque, première infraction et
infraction la plus grave (n = 94).
B. Ordonnance de dédommagement ou de services communautaires. Correspondance pour les
facteurs sexe et niveau de risque (n = 83).
34
Quelle que soit la mesure utilisée, le taux de récidive était nettement plus bas pour les
clients SR. Si on les compare aux probationnaires qui devaient verser un dédommagement ou
rendre des services communautaires (voir le tableau 7B), ils ont tout de même un taux de
récidive notablement plus faible (χ2 = 24,98, p < 0,001 pour VIOLATION et χ2 = 7,93,
p < 0,01 pour CONVICT). En général, il semble que les services offerts par le Programme de SR
sont associés à une réduction de la récidive, si on les compare aux services de probation
traditionnels.
Les résultats de l’analyse de la récidive montrent clairement que les délinquants
surveillés par le personnel du Programme de SR ont un taux de récidive plus bas que celui des
délinquants faisant l’objet d’une surveillance correctionnelle ordinaire. Il est vrai que les groupes
témoins n’ont pas été choisis de façon aléatoire et que chacun présente des lacunes sur le plan
méthodologique. Néanmoins, la constance des conclusions tend à confirmer l’efficacité du
Programme de SR dans la gestion des délinquants dans la collectivité. Si nous situons ces
constations dans le contexte de la littérature générale sur l’efficacité des programmes de justice
réparatrice, le Programme de SR se compare favorablement. Dans notre méta-analyse de la
littérature (annexe A), le coefficient phi moyen est de 0,08. Le calcul des coefficients phi, pour la
récidive, dans la présente évaluation, va de 0,13 (avec la comparaison aux détenus) à 0,22 (avec
le groupe de probationnaires qui doivent verser un dédommagement ou rendre des services
communautaires).
Résumé et conclusions
Au début de la partie du présent rapport intitulée « Résultats et discussion », nous avons
fait observer que les programmes de justice réparatrice avaient plusieurs objectifs. Ils
comprennent la prestation de services de justice réparatrice, la proposition d’une authentique
solution de rechange à l’incarcération et l’amélioration de la sécurité du public en réduisant le
taux de récidive chez les délinquants. Nous avons vu dans quelle mesure le Programme de SR
atteignait ces objectifs et avons conclu qu’il était généralement fructueux.
35
Si on les compare aux délinquants en probation ordinaire, les clients SR sont plus
susceptibles de verser un dédommagement à leur victime et d’avoir dans leur plan de
surveillance des services communautaires. À la différence de la probation traditionnelle, le
Programme de SR a organisé des rencontres entre la victime et le délinquant, bien que ces
rencontres n’aient pas été aussi fréquentes qu’on le souhaitait. En outre, les délinquants ont
envoyé des lettres d’excuses aux victimes. À la lumière de ces constatations, on peut dire que le
Programme de SR a généralement réussi à respecter les principes de la justice réparatrice.
Une observation importante est que le programme a réussi à cibler des délinquants qui
auraient probablement été envoyés en prison, n’eût été du programme. Si on laisse de côté les
délinquants qui ont été à la fois mis en détention et inscrits au programme, celui-ci a été une
authentique solution de rechange à l’incarcération pour 81 délinquants. Le nombre absolu de
délinquants déjudiciarisés peut sembler faible, si on tient compte du fait que l’évaluation porte
sur une période de trois ans et demi. Mais la faiblesse de ce nombre n’est pas attribuable à
l’incapacité du programme d’assurer un service. Elle dépend en grande partie du degré de
coopération et de soutien de la part des procureurs de la Couronne et des tribunaux. Ce sont eux
qui semblent avoir contrôlé le nombre de délinquants confiés au personnel du programme. Les
résultats de la présente évaluation permettront peut-être de sensibiliser davantage les praticiens
de la justice pénale à la valeur du Programme de SR comme solution de rechange efficace à
l’incarcération. L’identification d’une population carcérale qui pourrait être détournée vers le
programme serait peut-être un autre moyen de trouver des candidats.
Enfin, selon toutes les analyses sauf une, les clients SR ont un taux de récidive
significativement plus faible que celui des groupes témoins. Le calcul des coefficients phi, qui
vont de 0,13 à 0,22, donne une estimation simple de la réduction de la récidive associée au
Programme de SR. On peut s’attendre à une réduction de 13 % à 22 % du taux de récidive. Cette
réduction est plus forte que celle normalement obtenue grâce aux programmes de justice
réparatrice. Nous soupçonnons que les services de traitement offerts par le Programme de SR
peuvent expliquer les résultats plus favorables.
Les principales constatations se résument ainsi :
1.
Il y a une importante attrition entre la présentation de candidatures au
Programme de SR et la décision des tribunaux d’y envoyer les délinquants. Il y
36
2.
a eu 297 cas aiguillés vers le programme et 99 cas (33,3 %) acceptés par les
tribunaux. Ceux-ci ont accepté 82,5 % des plans élaborés par le personnel du
Programme de SR.
Près du tiers des cas aiguillés (n = 99) ne satisfaisaient pas aux critères du
programme et 8 % (n = 24) n’ont pas été acceptés pour diverses raisons (p. ex.,
manque de motivation).
3.
Le programme a accepté 174 des cas aiguillés, et 91,4 % des délinquants
acceptés par le personnel étaient sous le coup d’une recommandation de peine
d’emprisonnement de plus de six mois. De plus, 90 % des délinquants SR
étaient considérés comme présentant des risques et des besoins moyens ou
élevés. Par conséquent, le personnel du programme ciblait des délinquants
destinés à la prison.
4.
Les tribunaux ont atténué l’impact du programme comme moyen de détourner
des délinquants de la prison. En effet, les tribunaux ont envoyé 19 % des
clients SR en prison avant leur participation au programme communautaire.
Dans le tiers des cas, les peines étaient discontinues.
5.
Les procureurs de la Couronne jouent un rôle de première importance pour
aiguiller les délinquants vers le Programme de SR. Les candidatures proposées
par la Couronne étaient celles qui avaient le plus de chances d’être acceptées
par le personnel du programme et les tribunaux.
6.
En ce qui concerne la participation de la victime au processus de justice pénale
et l’obtention d’un dédommagement de la part des délinquants, la réussite a été
moyenne. Seulement 10,3 % des victimes ont accepté de rencontrer le
délinquant, même si 78,6 % d’entre elles ont fait des déclarations d’impact.
Nous n’avons décelé aucune composante de justice réparatrice pour 12 clients
SR. Environ le quart des victimes ont reçu du délinquant une lettre d’excuses.
Des services communautaires ont été recommandés dans 69 % des plans.
Cependant, ces services sont devenus depuis un an et demi une composante
normale des plans de SR. Dans 56,4 % des cas, les tribunaux ont ordonné un
dédommagement; c’est ainsi que plus de 130 000 $ ont été versés aux victimes.
7.
Selon toutes les analyses sauf une, le taux de récidive des clients SR est plus
faible, et ce, de façon statistiquement significative. Ces résultats sont constants
quels que soient le groupe témoin ou la mesure employés dans l’analyse.
8.
Le Programme de SR est une option relativement sûre et viable pour surveiller
les délinquants en milieu communautaire et promouvoir la participation de la
victime au processus de la justice.
37
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40
Annexe A
Justice réparatrice (JR) et récidive : résultats de la méta-analyse
Étude
Type de JR
Échantillon
Roy (1993)
PRVD et D.
jeunes
-0,02
Wiebush (1985)
SC
jeunes
0,03
Kruissink (1990)
SC et D
jeunes
0,29
Pearson (1988)
SC et D
adultes
0,17
PRVD et D
adultes
-0,09
SC
a) jeunes
0,19
SC
b) jeunes
0,03
SC et D
a) jeunes
0,09
b) jeunes
0,06
Bonta et coll. (1983)
Levi (1982)
Butts et Snyder (1992)
Phi
Shichor et Binder (1982)
PRVD, D et SC
jeunes
0,14
Umbreit (1992; 1994)
PRVD, D et SC
jeunes
0,10
Heinz et coll. (1976)
D
adultes
0,39
Weibush (1993)
SC
a) jeunes
0,01
b) jeunes
-0,16
a) jeunes
0,10
b) jeunes
0,02
c) jeunes
-0,10
d) jeunes
-0,45
Griffth (1983)
SC
Cannon et Stanford(1981)
SC
jeunes
0,07
Schneider (1986)
D
jeunes
0,07
Nota : D = Dédommagement; SC = Services communautaires
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