Moscou suffoque sous la canicule et les fumées

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Moscou suffoque sous la canicule et les fumées
Moscou suffoque sous la canicule et les
fumées
| 07.08.10 | 13h41
AP/Misha Japaridze
Incendies en Russie.
Moscou Correspondance
Chers passagers, le ministère des situations d'urgence vous informe des risques liés aux
incendies." Le métro moscovite, enfumé comme l'ensemble de la ville, diffuse désormais des
messages rappelant aux voyageurs les dangers liés aux feux de forêt et de tourbières qui se
multiplient près de la ville. Il aura fallu quatre semaines d'une canicule historique suivie
d'incendies sans précédent pour que les autorités annoncent, du bout des lèvres, que le taux de
mortalité avait fait un bond dans la capitale.
Le président Medvedev invite à la "patience"
Le président russe Dmitri Medvedev a appelé, vendredi 6 août, les Moscovites à faire "preuve
de patience" face aux fumées. "En effet, on suffoque, c'est irrespirable", a-t-il déclaré lors
d'une visite d'une centrale d'appel des urgences médicales de Moscou retransmise à la
télévision publique. "J'espère que, finalement, tout se terminera bien, bien que la situation ne
soit pas simple actuellement", a-t-il ajouté. "Hier (jeudi), ça allait mieux, et je me réjouissais
déjà. Et aujourd'hui, je me suis réveillé et la situation était monstrueuse", a-t-il relevé. "Bien
sûr, ce n'est pas nous qui décidons, c'est en haut", a-t-il conclu, levant la main vers les cieux.
Vous êtes en Russie ou vous en revenez : quelles sont les conséquences des fumées ? Avezvous dû prendre des mesures particulières ? Qu'en disent les Russes ? Une sélection de vos
témoignages sera publiée sur le Monde.fr.
Le service central de l'état civil de la ville de Moscou affirmait, vendredi 6 août à midi, à
l'AFP, que près de 5 000 décès supplémentaires avaient été comptabilisés en juillet par
rapport à l'année dernière, soit une augmentation de 50 %. Ces chiffres ne concernent pas les
premiers jours du mois d'août, qui risquent d'être encore plus meurtriers en raison de la fumée
et de la canicule -persistante. Les incendies eux-mêmes ont fait 52 morts dans le pays.
Signe d'un certain malaise, les autorités sanitaires rivalisent d'ingéniosité pour rassurer la
population. Ainsi, la porte-parole du département de la santé de la ville de Moscou reconnaît
une certaine hausse de la morbidité depuis quelques semaines, en raison de la chaleur, mais
refuse de communiquer les données exactes "afin de ne pas faire monter la tension" ! Au
niveau fédéral, Guennadi Onichtchenko, qui dirige les services sanitaires fédéraux, s'est
insurgé contre ces affirmations, qui "n'ont aucune base objective"...
Malgré cette rétention d'informations, une équipe de la télévision russe s'est rendue, en
caméra cachée, dans des cliniques et des morgues de la capitale, réticentes à communiquer sur
la situation. Le résultat est accablant : certains crématoriums refusent désormais les dépouilles
mortelles, faute de place.
Dans les interminables escalators du réseau souterrain, le tiers des passagers arborent, depuis
vendredi matin, un masque chirurgical, vaine protection de coton contre une fumée qui
s'infiltre partout. Un brouillard opaque et nauséabond s'est abattu sur la ville, sur les quais du
profond métro comme dans les rues, où les voitures roulent pleins phares à toute heure.
En cause, les tourbières en feu de la banlieue immédiate, qui polluent l'air moscovite. Les
marécages, qui entouraient autrefois la ville, ont été asséchés par les autorités soviétiques afin
d'en extraire de la tourbe, un combustible populaire et bon marché. De même que les forêts du
sud et du sud-est de Moscou, les tourbières des faubourgs sont désormais en flammes.
Vendredi, les autorités russes estimaient que 229 hectares de tourbières brûlaient à proximité
de Moscou, soit six fois plus de surface que la veille. Selon les météorologues, la situation ne
devrait pas s'améliorer durant au moins trois jours, en raison notamment de la direction des
vents dominants. Les observations atmosphériques effectuées ces derniers jours ne sont
d'ailleurs en rien optimistes. Selon l'organisme MosEcoMonitoring, la concentration de
microparticules dans l'air moscovite a dépassé la norme "supportable maximale" de plus de
5,2 fois en fin de matinée vendredi, à l'un des capteurs situé à quelques centaines de mètres du
Kremlin.
Malgré tout, la capitale russe fonctionne à un rythme normal, même si les agences de voyage
enregistrent une hausse imprévue de réservations pour de courts séjours à l'extérieur de
Moscou, voire à l'étranger, pour ce week-end.
A Moscou, quelques entreprises ont bien donné congé à leurs salariés, mais les commerces
restent ouverts et les employés de la voirie sont au travail. Seules, les terrasses des restaurants
sont désertées au profit des salles climatisées et des sous-sols, alors que le mercure annonçait,
vendredi après-midi, 37 degrés à l'ombre.
Commentaire [bw1]: Une autre
conséquence, indirecte, du changement
climatique.
La mortalité accrue suite à cette
catastrophe en démontre la dimension.
Les trois aéroports de la capitale fonctionnent quasi normalement, malgré une dizaine de vols
détournés vers d'autres aéroports vendredi, la visibilité étant inférieure à 300 mètres sur les
pistes de la capitale. L'ambassade d'Allemagne a choisi de fermer ses services jusqu'à nouvel
ordre, et déconseille les voyages "qui ne sont pas nécessaires" dans les régions touchées par
la catastrophe. Le Quai d'Orsay recommande aussi aux "personnes fragiles" d'éviter les
provinces affectées, notamment Moscou.
Sur la place Rouge, les touristes défilent en aussi grand nombre qu'à l'habitude, munis
toutefois d'un masque protecteur. Le grand bâtiment rouge du Musée d'histoire, lui, a dû
fermer ses portes vendredi : ses détecteurs de fumée ne cessaient de se déclencher...
Alors que Moscou suffoque, son indéboulonnable premier magistrat, Iouri Loujkov, qui dirige
la ville depuis 1992, serait toujours en vacances. Son porte-parole, Sergueï Tsoï, interrogé par
la presse ce vendredi, s'insurgeait : "Quels problèmes y a-t-il à Moscou, c'est la région de
Moscou qui est concernée, pas la ville !" Quant à savoir où se trouve le maire : "Quand nous
voudrons vous le dire, nous vous le dirons."
Alexandre Billette

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