Protection d`une invention faite en France

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Protection d`une invention faite en France
 BREVETS Protection d'une invention faite en France
Un premier dépôt en France est-­‐il obligatoire ? En règle générale, la première demande de brevet pour la protection d'une invention faite en France doit être déposée en France, quelle que soit la nationalité de l'inventeur et celle du déposant. 1. Cette règle résulte des Articles L.612-­‐8 à L.612-­‐10 du Code de la Propriété Intellectuelle qui concernent l'interdiction de divulgation pour des raisons de Défense Nationale. En particulier, l'Article L.612-­‐9 stipule que "Les inventions faisant l'objet de demandes de brevet ne peuvent être divulguées et exploitées librement aussi longtemps qu'une autorisation n'a été accordée à cet effet. Pendant cette période, les demandes de brevet ne peuvent être rendues publiques, aucune copie conforme de la demande de brevet ne peut être délivrée sauf autorisation, et les procédures prévues aux Articles L.612-­‐14, L.612-­‐15 et au 1° de l'Article L.612-­‐21 ne peuvent être engagées. Sous réserve de l'Article L.612-­‐10, l'autorisation prévue au premier alinéa du présent article peut être accordée à tout moment. Elle est acquise de plein droit au terme d'un délai de cinq mois à compter du jour du dépôt de la demande de brevet. Les autorisations prévues aux premier et au deuxième alinéa du présent article sont accordées par le Ministre chargé de la propriété industrielle sur avis du Ministre chargé de la défense". 2. Des dispositions similaires sont prévues par les Articles L.614-­‐3 à L.614-­‐5 du même Code relatifs au dépôt de demandes de brevet européen ; l'autorisation est considérée comme acquise à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de dépôt de la demande de brevet européen. De plus, l'Article L.614-­‐2 stipule, au second alinéa, que "La demande doit être déposée auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, lorsque le déposant a son domicile ou son siège en France et qu'il ne revendique pas la priorité d'un dépôt antérieur en France ". Et une disposition analogue est prévue par l'Article L.614-­‐18 du Code pour le dépôt des demandes internationales PCT; l'autorisation est considérée comme acquise à l'expiration d'un délai de cinq mois à compter du dépôt de la demande PCT. www.bdl-ip.com 3. Les sanctions applicables en cas de non-­‐respect de ces dispositions sont des sanctions pénales. En particulier, l'Article L.615-­‐13 du Code énonce "Sans préjudice, s'il échet, des peines plus graves prévues en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, quiconque a sciemment enfreint une des interdictions portées aux Articles L.612-­‐9 et L.612-­‐10 est puni d'une amende de 30,000 F. Si la violation a porté préjudice à la Défense Nationale, une peine d'emprisonnement de cinq ans pourra, en outre, être prononcée ". Des sanctions similaires sont prévues pour les demandes européennes (Article L.615-­‐16 du Code). 4. D'après les textes ci-­‐dessus, notamment l'Article L.615-­‐13 du Code, on voit que les dispositions prescrivant un premier dépôt à l'INPI concernent non seulement les inventions susceptibles d'intéresser la Défense Nationale, mais aussi toutes les autres inventions. 5. Les textes suivants doivent également être pris en considération : -­‐ la loi n° 80.538 du 16 juillet 1980 interdit la communication de documents et de renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique par un citoyen français ou une personne ayant son lieu d'activité habituel en France à des autorités et des personnes physiques ou morales étrangères quand une telle communication peut porter préjudice aux intérêts économiques ou à l'ordre public de la France ; -­‐ le Nouveau Code Pénal régit, dans son Titre I, les "Atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation", dont une définition très large est donnée par l'Article 410.1 : "les intérêts fondamentaux de la Nation consistent dans [...] les éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique..." Cet Article 410.1 indique plusieurs domaines d'application de cette disposition et se réfère notamment à la loi du 16 juillet 1980 susvisée et aux sanctions prévues par cette loi. Les Articles 411.1 à 413.12 du Nouveau Code Pénal traitent de différents cas d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, en particulier la violation du secret lié à la Défense Nationale (Articles 413.9 à 413.12) et la communication d'informations à un pays étranger (Article 411.6). www.bdl-ip.com -­‐ Enfin, l'Article L.621.1 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit des sanctions pénales en cas de violation de secrets de fabrique. 6. Il résulte de l'ensemble des dispositions ci-­‐dessus que le dépôt, dans un pays autre que la France, de la première demande de brevet pour la protection d'une invention faite en France est fortement déconseillé, que l'invention soit susceptible ou non d'intéresser la Défense Nationale ; en particulier, la notion d'"éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la Nation" mentionnée dans le Nouveau Code Pénal doit être interprétée dans un sens large : même s'il est difficile de considérer que toute invention que l'on envisage de protéger par un dépôt de brevet correspond à cette définition, il faut noter que l'intérêt économique d'une invention n'apparaît souvent qu'après le dépôt, par exemple au moment où l'exploitation est entreprise. 7. Il convient de souligner qu'il est possible de demander au Ministre chargé de la Défense Nationale une autorisation exceptionnelle pour le dépôt, dans un pays autre que la France, de la première demande de brevet protégeant une invention faite en France. Actuellement, cette autorisation peut être obtenue assez rapidement à condition qu'une description complète de l'invention concernée soit annexée à la demande d'autorisation. Toutefois, il faut noter que l'autorisation donnée par le Ministre de la Défense se réfère expressément à la seule interdiction de divulgation et de libre exploitation de l'invention, c'est-­‐à-­‐dire aux dispositions des Articles L.612-­‐8 à L.612-­‐10 du Code de la Propriété Intellectuelle. Il en résulte, à notre avis, que cette autorisation ne permet pas de considérer que les autres textes mentionnés au paragraphe 5 ci-­‐dessus ne s'appliquent pas à l'invention concernée. Evelyne ROUAH © Cabinet Beau de Loménie/Octobre 2001 www.bdl-ip.com