programme Minorités 2
Transcription
programme Minorités 2
2e COLLOQUE INTERNATIONAL THÉÂTRE DES MINORITÉS Université d’Avignon 8-10 décembre 2008 Ce colloque est organisé par le laboratoire Identité culturelle, textes et théâtralité (EA 4277) de l’Université d’Avignon avec le concours de l’Ambassade du Canada en France. PROGRAMME Les séances du colloque se dérouleront à l’Université d’Avignon, 74 rue Louis Pasteur, dans la salle du Conseil de l’Université, située au 3e étage du bâtiment ancien, dans la zone « Présidence ». Un fléchage sera mis en place. Lundi 8 décembre 9h00 Accueil des participants 9h30 Ouverture du colloque : Emmanuel ETHIS, Président de l’UAPV 10h00-12h30 Présidence : Patrice BRASSEUR 10h00 Roger PARENT, Université de l’Alberta : « La quête d’authenticité dans les industries culturelles ». 10h30 Stéphanie CLERC, Université d’Avignon : « De la scène sociale à la scène de théâtre ». 11h00 Pause 11h30 Edoardo ESPOSITO, Université d’Avignon : « Du pénitencier aux planches : les modalités d’une quête de la liberté ». 12h00 Virginie GRANDHOMME, Université de Nantes : « Le théâtre de l’opprimé : quand les “minorités” s’adonnent au plaisir politique de la subversion par le jeu ». 12h30 Repas au R.U. 14h00-17h30 Présidence : Madelena GONZALEZ 14h00 Katia LÉGERET, Université de Paris 8: « Un théâtre innommable : le modèle indien du concept de minorité ». 14h30 Jean-Pierre SIMARD, Université Jean Monnet, Saint-Étienne : « Entre résistance et visibilité revendiquée, le théâtre doublement identitaire de Christopher Deans en Écosse ». 15h00 Hélène ALFARO, Université de Paris 12-Val de Marne : « Le théâtre communautaire à Belfast et la question de l’identité culturelle au cours des années 90 ». 15h30 Pause 16h00 Eleanor STEWART-TANGUY, Université d’Avignon : « A Pageant of Great Women (1909) : entre spectacle historique et protestation suffragiste ». 16h30 Xavier LEMOINE, Université de Nantes : « Big Art Group : Art total minoritaire queer». 17h00 Francine TOLRON, Universté d’Avignon : « “Maoritude”, revitalisation spirituelle et adaptation : les arts traditionnels du spectacle maori sur la scène néozélandaise postcoloniale ». 17h30 Apéritif offert par le laboratoire ICTT et de l’UFR Lettres et sciences humaines Mardi 9 décembre 9h30-12h30 Présidence : Claudine MOÏSE 9h30 Paola PUCCINI, Université de Bologne (Italie) : « L’auto-traduction du théâtre de Marco Micone : à la recherche d’une reconfiguration identitaire ». 10h00 Élise SAINCOTILLE, Université de Cergy-Pontoise : « Yves Sioui Durand : le théâtre comme territoire imaginaire ». 10h30 Louise LADOUCEUR, Université d’Alberta, Campus Saint-Jean (Canada) : « Minorité et légitimité : donner à entendre la parole bilingue des communautés francophones de l’Ouest canadien ». 11h00 Pause 11h30 Lise GABOURY-DIALLO, Sandrine HALLION-BRES et Marc PRESCOTT, Collège universitaire de Saint-Boniface, Manitoba (Canada) : « L’œuvre de Marc Prescott. Le théâtre de la relève au Manitoba français ». 12h30 Repas au R.U. 14h30-17h30 Présidence : Roger PARENT 14h30 Cécile FOUACHE, Université de Rouen : « First Nations issues in Tomson Highway’s Drama ». 15h00 Klára KOLINSKÁ, Masaryk University, Brno (République tchèque) : « Staging Changes that Hurt: Contemporary Drama and Theatre of the Inuit in Canada ». 15h30, Martin PSENICKA, Charles University in Prague (République tchèque) : First Nations’ Theatre in the Canadian Prairies and Saskatchewan Native Theatre Company ». 16h00 Pause 16h30 Iga WYGNANSKA, Université Nicolas Copernic, Torun (Pologne) : « Jeu des identités minoritaires et enjeux de traduction-adaptation. Trois cas de figure de Tremblay en Europe ». 17h00 Cécilia CAMOIN, Université de Paris IV : « Le “théâtre cadien” : la scène comme manifeste linguistique ». 19h30 Repas du Colloque. Mercredi 10 décembre 9h30-12h30 Présidence : Paola RANZINI 9h30 Hélène LAPLACE-CLAVERIE, Université d’Avignon : « Le premier théâtre d'Aimé Césaire, entre révolte politique et rébellion poétique ». 10h00 Brigitte PROST, Université de Rennes 2-Haute-Bretagne : « Le théâtre Talipot : théâtre des communautés ou théâtre des minorités ? » 10h30 Soomi CHO, Paris X-Nanterre : « “L’inconnu” comme minorité : Traduire l’étranger comme découverte de soi (avec l’exemple du théâtre coréen) ». 11h00 Pause 11h30 Elena BARTHOUIL, Université d’Avignon : « De Iaşi (Roumanie) à New-York : naissance et vie du théâtre yiddish ». 12h00 Dominique DOUMA, Université de Paris 3 : « Les rituels tchikumbi et bwiti ». 12h30 Repas au R.U. 14h00-17h00 Présidence : Hélène LAPLACE-CLAVERIE 14h00 Ophélie LANDRIN, Université de Paris X-Nanterre : « Évolution de la communauté artistique chicana : une quête identitaire ». 14h30 Hélène FINET, Université de Paris 7 : « Création théâtrale dans le Chili des années Pinochet : le TIT de Raúl Osorio ou la transgression esthétique d’une minorité culturelle et politique ». 15h00 Magali DUMOUSSEAU-LESQUER, Université d’Avignon : « De l’ombre à la lumière: théâtralisation et auto-mise en scène de la minorité underground madrilène de la Nueva Ola (1979-82) dans les productions artistiques du Todo Vale ». 15h30 Pause 16h00 Paola RANZINI, Université d’Avignon : « Marco Martinelli et la Romagna africana. De l’Arlecchino Mor des Vingt-deux infortunes (1993) à Ubu buur (2007) ». 16h30 Conclusions du colloque RÉSUMÉ DES COMMUNICATIONS Le théâtre communautaire à Belfast et la question de l’identité culturelle au cours des années 90 Hélène ALFARO Université de Paris 12 Val de Marne Dans les années 70 et 80, le théâtre communautaire s’est développé en marge des institutions, voire contre elles, tant d’un point de vue artistique que politique. Essentiellement présent dans les quartiers ouvriers catholiques, il est l’expression, au sein de la communauté catholique, minorité exclue de la sphère publique, d’une forte volonté de changement et d’un désir de reconnaissance politique. À partir du début des années 90, la situation évolue. La reconnaissance en 1985, dans le cadre de l’Accord anglo-irlandais, de l’existence de deux traditions culturelles en Irlande du nord a placé la question culturelle au cœur du débat constitutionnel. Le Community Relations Council, créé en 1990 afin d’encourager la diversité culturelle dans un esprit de tolérance, a pour mission de financer des projets intra- et intercommunautaires pour favoriser la connaissance et le respect de l’autre communauté. Identifié comme moyen privilégié d’explorer les questions identitaires, le théâtre communautaire va bénéficier de subventions beaucoup plus importantes. On observe qu’à partir de 1995, des projets intracommunautaires (single-identity work) voient le jour au sein de la communauté protestante qui, déstabilisée par les mutations profondes à venir, cherche à « réaffirmer » son identité. En 1999, un projet transcommunautaire très ambitieux (The Wedding Community Play) rencontre un énorme succès à Belfast. De Iaşi (Roumanie) à New-York : naissance et vie du théâtre yiddish Elena BARTHOUIL Université d’Avignon Le théâtre yiddish a été précédé d’une longue tradition de théâtre oral, anonyme et amateur, dont il est naturellement issu. Le théâtre yiddish a pris naissance en Roumanie à Iaşi, dans le dernier quart du 19e siècle, lorsque Abraham Goldfaden y fonde le premier théâtre yiddish professionnel, auquel il confiera quelques « missions » essentielles. Nous verrons pourquoi et comment. Goldfaden fut lui-même un homme de théâtre complet (acteur, dramaturge, chanteur, metteur en scène et gestionnaire). Il est considéré unanimement – et symboliquement – comme le « père fondateur » du théâtre yiddish sur le plan mondial. Le théâtre yiddish de Goldfaden – et celui qui (s’en)suivra –, s’acheminant vers la modernité, a essaimé dans le monde entier, mais surtout vers l’Amérique, plus particulièrement à New-York. Cela, au détriment de l’Europe. Mais en Roumanie il a continué d’exister : à Bucarest, en plein centre de la capitale, existe toujours le « Teatrul Evreiesc de Stat » (Théâtre Juif d’État), depuis 1948. Institution bien vivante et active ; même si les spectacles s’y donnent maintenant plutôt en roumain, avec des acteurs juifs et roumains associés. L’année 2008 est celle du centenaire de la mort (à New-York) d’Abraham Golfaden, commémorée comme il se doit à Iaşi, en Roumanie (octobre 2008, 5e édition du « Festival International A. Goldfaden », fondé en 2002. Les médias américains – New-York Times, Euronews, etc. – ont rendu compte des éditions précédentes de ce festival). Quel en sera l’avenir ? Le « Théâtre cadien » : la scène comme manifeste linguistique Cécilia CAMOIN Université de Paris IV Avec la Convention de 1921, la Louisiane, de tradition francophone, se voit interdire l’usage du français dans les écoles et les administrations. Cette tentative d’assimilation est aussitôt contrée dans l’oralité, grâce aux récits racontés lors des veillées et la musique des « fais-dodo ». Lorsque la Louisiane est officiellement déclarée, sous la pression des groupes pro-francophones, bilingues (francophones et anglophones), la première forme poétique écrite émergente est le théâtre, comme pont entre l’oral et l’écrit. La troupe théâtrale du « Théâtre cadien », apparue à la fin des années 1970, lance des concours entre jeunes dramaturges et s’attache à retranscrire avec exactitude le parler franco-cadien. Le théâtre devient un instrument de culture, à la frontière entre plusieurs genres : entre travail littéraire, linguistique et culturel. Des tables rondes sont organisées, en Acadiana, pour débattre, entre spectateurs, comédiens, et dramaturges, de la problématique identitaire en Louisiane. Car le théâtre cadien procède, au-delà de la quête des origines, à une véritable enquête identitaire : le théâtre aura comme rôle de dénoncer ceux qui ont voulu assassiner le français en Louisiane. Dans cette investigation identitaire, le dramaturge n’agit pas sous couverture. Bien au contraire, il expose les indices et les preuves du crime. Le drame cadien donne sur la scène des témoignages de victimes, de coupables et, le plus souvent, de personnages à la fois victimes et coupables de l’assimilation. L’espace scénique devient ainsi tribunal public et lieu de réconciliation sociale. « L’inconnu » comme minorité : traduire l’étranger comme découverte de soi (avec l’exemple du théâtre coréen) Soomi CHO Doctorante, Paris X - Nanterre On ne saurait plus réduire le terme de minorité à des groupes autochtones et/ou ethnoculturels vivant dans le pays considéré. Aujourd’hui, à l’ère mondiale, se mêlent diverses populations et cultures sans lien historique direct. D’une manière élargie, est donc minoritaire, dans un pays ou une langue donnée, le théâtre d’un pays peu connu ou considéré comme inconnu. Minoritaire, le théâtre coréen l’est indéniablement. Encore totalement ignoré, il doit souvent se parer d’exotisme, de folklore, ce qui l’empêche d’être perçu dans sa particularité. En absence d’images propres de ce pays en France, il est, au mieux, confondu avec ses homologues, chinois ou japonais. L’annexion de l’inconnu, de l’Autre minoritaire, se fait également sur une dimension autre que territoriale. J’aborderai cette question par le biais de la traduction du théâtre coréen. Le domaine de la traduction s’avère un lieu privilégié des questions de l’identité/altérité. Généralement, les canons de l’édition et les conventions imposent au traducteur un devoir de « belle langue », polie des aspérités originelles. La singularité du texte original ne devrait-elle pas être restituée dans la culture et la langue d’accueil ? La traduction ne seraitelle pas un lieu où l’altérité vient nourrir l’identité, plutôt qu’un lieu de conflit ? De la scène sociale à la scène de théâtre Stéphanie CLERC Université d’Avignon Parce que le théâtre contemporain est l’un des moyens privilégiés de l’expression des minorités ethnoculturelles, Mouloud Bélaïdi1, ancien animateur social dans un de ces quartiers avignonnais que l’on dit « sensibles », La Croix-des-Oiseaux, a choisi de quitter la scène sociale pour saisir cet art de lecture critique du monde (R. Abirached 2008) qu’est le théâtre et raconter la vie de ceux dont il a partagé les souffrances : ces laissés-pour-compte, Français venus d’ailleurs, Maghrébins, Gitans ou encore ceux qui vivent sous la menace de l’expulsion, sociale ou territoriale. Le théâtre est pour lui un outil qui permet de modifier les regards (souvent méfiants) et d’œuvrer pour le progrès social. Il veut « parler au nom de l’autre, pour l’autre » 2, parler pour dévoiler, démasquer. Son personnage, Monsieur Baboudi Raigoune (le fils du muet, en arabe) « prête sa voix au nom de tous les bâillonnés du monde, et même des alentours » (ibid.), il parle aussi au nom de tous ces immigrés qui, depuis les années soixante, sont restés silencieux. Sa trilogie (La santé en prison, monsieur le Ministre ; L’exclusion selon Baboudi ; Déviation) dénonce les injustices sociales, les discriminations, l’enfermement (en prison dans Déviation ou dans les quartiers ghettoïsés3 dans L’exclusion selon Baboudi), les politiques sociales conçues par des élites ignorant les réalités du terrain, se succédant sans continuité et qui apportent au mieux des pansements sans chercher à éradiquer les causes. Le travail de la compagnie Le fils du muet nous permettra de réinterroger les fonctions du théâtre contemporain : le théâtre comme un outil, comme un pont entre les cultures qui se juxtaposent sans se rencontrer et comme un observatoire social. Déviation, par exemple, brise le quatrième mur, interroge le spectateur et les motivations qui le conduisent au théâtre : vient-il se distraire ou/et mieux comprendre le monde et les hommes ? Nous tenterons dans la continuité d’apporter un éclairage à une autre des questions posées par ce colloque (« Le théâtre contemporain est très marqué par une esthétique de l’hybridité – qu’en est-il du théâtre des minorités ? ») en montrant que le théâtre des minorités privilégie peut être davantage l’hybridité d’une esthétique que l’esthétique de l’hybridité. Nous verrons aussi que ce théâtre est un observatoire linguistique puisque les textes de Mouloud Bélaïdi puisent dans les quartiers cette langue qui entremêle français, arabe, gitan et se faisant, redonne toute sa légitimité à cette langue que l’on désigne sous le vocable de « langue des cités » et que certains discours stigmatisent4. L’œuvre de Mouloud Bélaïdi nous conduira enfin à nous interroger sur cette appellation de « théâtre des minorités » dans la mesure où ce théâtre-là ne met pas en scène des minorités mais plutôt une majorité de gens qui, quelles que soient leurs origines ethniques, ont en commun de ne pas faire partie des 20% de la population (une minorité donc) dont les revenus permettent de vivre à l’abri de la précarité. Devrait-on alors parler, pour reprendre Bourdieu, de « théâtre des dominés » ? 1 Compagnie Le fils du muet. Dossier de présentation de la compagnie Le fils du muet. 3 Maurin, E. (2004), Le ghetto français, Enquête sur le séparatisme social, Paris, Seuil. 4 Alain Bentolila (2007), « Contre les ghettos linguistiques », Le Monde, 20.12.2007. 2 Les rituels : tchikumbi et bwiti Dominique DOUMA Doctorant, Université Paris 3 Le théâtre africain revêt un caractère authentique, grâce à une configuration de sa trame mettant en jeu des rituelles sacrées ou d’initiations. Depuis des lustres, l’influence mimétique et le narcissisme du théâtre occidental ont considérablement mis au rang mineur l’expression théâtrale francophone d’Afrique. Aujourd’hui elle se ressource aux cérémonies ritualisées du terroir, pour réhabiliter les rituels essentiels à son progrès mais en voie de disparition tel le chikumbi, ou encore pratiqué comme le bwiti, deux symboles primitifs du fondement d’un théâtre africain. Actuellement, la recherche ethnoscénologique et anthropologique restitue l’égalité des peuples à travers les us et coutumes qui fondent le spectacle vivant. mais l’équilibre cosmogonique est loin d’être atteint. L’intégration approfondie des rituels dans le théâtre contemporain, peut elle apporter une nouvelle donne ?... De l’ombre à la lumière: théâtralisation et auto mise-en-scène de la minorité underground madrilène de la Nueva Ola (1979-82) dans les productions artistiques du Todo Vale Magali DUMOUSSEAU-LESQUER Université d’Avignon Au début des années 80, après la mort du général Franco, la minorité underground madrilène dont l’existence a été niée sous le franquisme et qui n’a pas bénéficié de l’élan libertaire généré par le mai 68 français, peut enfin sortir de l’ombre. Son besoin de reconnaissance identitaire se traduit alors par une mise en lumière extrême qui signe la mort de l’aspect underground et l’adoption d’un style pop par définition beaucoup plus populaire et commercial. Le passage de l’ombre à la lumière se traduit alors par une véritable théâtralisation des comportements et une auto-mise en scène permanente dans des œuvres présentées lors d’expositions collectives. Pour ce petit groupe de « marginaux » la vie devient un jeu basé sur l’élaboration d’une nouvelle réalité créée sur des fantasmes non assouvis jusqu’alors. Le centre de Madrid se transforme ainsi en une scène de théâtre en construction permanente dont les décors se modifient au gré des trois actes qui forment le phénomène socioculturel dénommé Movida, et dont les acteurs assument à ce point leur rôle qu’ils finissent par s’identifier à leur personnage de fiction. Madrid se modifie, change de couleur, de rythme, animée par des acteurs dévoilant leur véritable identité par le biais du costume du personnage qu’ils choisissent d’incarner ou plus précisément de révéler et finalement d’assumer lors du baisser de rideau final où chacun accepte enfin de retirer son masque et de se présenter sous sa véritable identité. Cette réflexion se basera sur l’analyse du procédé de théâtralisation (Cartier-Bresson, Barthes) dans les photos de Ouka Lele, Pablo Pérez Mínguez, Juan Ramón Yuste, les écrits de Pedro Almodóvar et Fanny MacNamara, les tableaux des Costus et autres productions du Todo Vale (1979-86). Du pénitencier aux planches : les modalités d’une quête de la liberté Edoardo ESPOSITO Université d’Avignon Cette communication va retracer l’expérience du projet théâtral de la compagnie « La Fortezza », fondée en 1988, au sein du centre pénitencier de Volterra, en Italie. La programmation des nombreux spectacles montés aux cours de ces vingt dernières années va être analysée en fonction des choix des textes et des auteurs retenus ainsi que de la médiation particulière que représente l’investissement à la fois existentiel et artistique de comédiens-détenus. Les modalités de la quête de la liberté de ces personnes qui représentent une minorité, en termes de configuration sociale et d’exclusion, vont être suivies à la trace, à l’aide également des témoignages des nombreux « acteurs » impliqués dans cette expérience hors du commun : praticiens du théâtre, responsables de l’administration pénitentiaire, élus locaux, autorités nationales et, bien entendu, prisonniers cherchant à se situer autrement dans le monde au moyen de la pratique théâtrale. Création théâtrale dans le Chili des années Pinochet : le TIT de Raúl Osorio ou la transgression esthétique d’une minorité culturelle et politique Hélène FINET Université Paris 7 Le théâtre chilien, tout comme le théâtre latino-américain, traduit d’abord la « légitimation des identités bafouées », et ce depuis la conquête. L’expérience traumatique de la dictature s’inscrit également dans ce désir de reconquête d’un espace identitaire mis à mal par la loi du silence et la mémoire oublieuse. Le coup d’État du général Pinochet entraîne un véritable cataclysme dans les milieux culturels, où l’on assiste à une « purge des éléments marxistes ». Pour la société chilienne débute un long processus de déconstruction et de reconstruction identitaires à partir de l’assimilation de l’expérience traumatique du coup d’État au quotidien. Les listes noires circulent dans les milieux du théâtre et s’accompagnent de pratiques de répression systématique : arrestations, spectacles annulés, salles incendiées… À partir de 1976, des compagnies indépendantes telles que Ictus, Teatro Imagen, Teatro La Feria ou le T.I.T (Taller de Investigación Teatral) défient la censure et réaniment la création théâtrale chilienne. Le metteur en scène Raúl Osorio est l’un des principaux animateurs du TIT. Grâce à des financements étrangers et à l’aide de la Vicaría de la Solidaridad (association catholique luttant contre la dictature), le TIT parvient à monter des pièces au Chili et à les présenter à l’étranger, brisant ainsi les frontières de la dictature. Le T.I.T met notamment en scène Los Payasos de la Esperanza en 1977 (création collective) et Tres Marías y una Rosa en 1979. Comme il le dit lui-même, « il faut tenir compte non seulement des valeurs politique de l’action du TIT, mais aussi des propositions artistiques, esthétiques et créatives qui nous ont permis, contre tous les pronostics de la dictature, de voyager dans le monde tout en diffusant le message d’un pays fracturé » (Rául Osorio, juin 2008)1. Nous nous proposons donc, grâce aux liens privilégiés que nous entretenons avec Raúl Osorio (suite à une collaboration sur la tournée française de Una Casa Vacía en 2000 au Centre dramatique national de Normandie dans le cadre du festival Surtitrages sur le théâtre chilien) d’explorer les perspectives esthétiques et politiques d’un théâtre représentatif d’une minorité politique qui parvient, contre toute attente, à affirmer une identité originale. 1 Les réalisations théâtrales du TIT se poursuivent après la dictature comme en témoigne l’adaptation théâtrale du roman de Carlos Cerda Una Casa Vacía en 1998, dans laquelle la mémoire agit comme le moteur de la création théâtrale et se veut résolument un « acte du présent » (la pièce est d’ailleurs jouée la même année qu’éclate « l’affaire Pinochet »). Raúl Osorio est maintenant directeur du Théâtre National du Chili. First Nations issues in Tomson Highway’s Drama Cécile FOUACHE Université de Rouen Tomson Highway, a Cree writer who experienced the trauma of Indian residential schools in Canada, an experience which he then remarkably fictionalized in his only novel, Kiss of the Fur Queen (1998), is betterknown for his plays, in which he stages the life and aspirations of the inhabitants of the imaginary, mythical Wasaychigan Indian Reserve. Thus in The Rez Sisters he portrays seven women attempting to find a way out of their plight by trying their luck at “the biggest bingo in the world”, while its companion play, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, features seven men and the game of hockey, both under the watchful eye of Nanabush the Trickster. This paper proposes to examine the choice of drama as a genre to express the Native condition and to make out the specificity of the representation of First Nations issues in Canada in Tomson Highway’s plays. Le théâtre de l’opprimé : quand les « minorités » s’adonnent au plaisir politique de la subversion par le jeu Virginie GRANDHOMME Doctorante, Université de Nantes Cette proposition émane de travaux ethnographiques consacrés aux formes alternatives de luttes politiques, et notamment à l’existence d’une troupe de « théâtre de l’opprimé(e) » installée à Nantes. Le principe du théâtre de l’opprimé, tel que l’a défini Augusto Boal1, repose sur la possibilité qu’offre l’art théâtral aux « minorités », qu’elles soient ethnoculturelles, économiques, politiques, religieuses, sexuelles ou de genres, de remettre en cause les oppressions qu’elles subissent. Ici, c’est la fonction suggestive et subversive de l’art en général, en tant que moyen d’interroger le monde tel qu’il est, qui offre parfois la possibilité aux acteurs, via l’acte créatif, d’en proposer une version moins inéquitable. Compte tenu de son lieu d’émergence, la pratique du TO a longtemps servi la cause des minorités dites visibles. Aujourd’hui, cet outil de reconfiguration identitaire et politique s’est exporté géographiquement et socialement. Les situations d’oppression et/ou d’inégalité de traitement existant à tous les niveaux de l’échelle sociale, des catégories de populations très diversifiées l’utilisent. Leur point commun étant de rassembler des individus se revendiquant de conceptions du monde « non majoritaires » et donc minorées politiquement en regard de la culture globale/mondiale dominante. 1 Metteur en scène et militant politique brésilien. L’œuvre de Marc Prescott, le théâtre de la relève au Manitoba français Lise GABOURY-DIALLO Sandrine HALLION Marc PRESCOTT Collège universitaire de Saint-Boniface, Manitoba (Canada) Marc Prescott, auteur de plusieurs pièces – dont la plus récente, Rencontres rapides, a été écrite sur invitation dans le cadre des festivités du 400e anniversaire de la ville de Québec1 – jouit d’une réputation enviable et grandissante. Récipiendaire de nombreux prix et distinctions, il s’est surtout démarqué au début de sa carrière à cause de sa volonté de reproduire sur scène les particularités diglossiques de la langue parlée par les Franco-Manitobains. Puis, à chaque nouvelle pièce, la critique souligne l’humour caustique et l’innovation parfois choquantes de la production de ce « bad boy » (Léveillé 2006) de la dramaturgie franco-manitobaine. Cette session explorera trois volets liés à la production de ce dramaturge qui œuvre en situation minoritaire. L’auteur lui-même, Marc Prescott, parlera des défis d’écrire et de présenter des pièces dans un contexte minoritaire. Il fera également la lecture de quelques extraits de ses textes Sandrine Hallion Bres traitera de la problématique de l’emploi des langues et des variétés de langues dans les textes de Prescott et analysera sa portée tout en montrant l’évolution de la démarche de l’auteur vis-à-vis de cette question. Lise Gaboury-Diallo abordera la question de la réception de cette œuvre, d’une part au Manitoba français et, d’autre part, ailleurs dans la francophonie. Le théâtre, comme l’affirme Louise Ladouceur (2005), demeure un lieu privilégié d’affirmation et de résistance culturelles pour les francophones du Canada, et nous nous intéressons particulièrement à la question des enjeux identitaires soulevés par les sujets abordés dans les textes de Prescott. Ce projet de création théâtrale s’intitule « Regards 9 » et regroupe des textes signés par Marie Brassard, Jean Marc Dalpé, Koffi Kwahulé, Robert Lepage, François Létourneau, Alexis Martin, Michel Nadeau, Anne-Marie Olivier et Marc Prescott. 1 Staging Changes that Hurt: Contemporary Drama and Theatre of the Inuit in Canada Klára KOLINSKÁ Masaryk University, Brno, Czech Republic One of the still frequently repeated bonmots among the Inuit of the Canadian North has it that every Inuit family consists of a father, mother, four children and an anthropologist. The saying comments, with an ironic twist, on the lasting fascination that the Aboriginal people of Canada’s North have held for the majority of Canadians, to the point of the Inuit culture serving as one of the country’s authentic trademarks, and thus confirming the positive and attractive image of Canada within and without. In 1986, the Inuit Tunooniq Theatre of Pond Inlet in Canadian Northwestern Territories, which then had only been in existence for several months, took up on the invitation to represent Canada at the Expo in Vancouver, and created for the occasion a collective performance piece titled Changes. The play draws upon the traditional Inuit performative practices of shamanism, storytelling, dance and chant, while addressing in its theme a number of grievous social concerns faced by the Inuit today. By reconciling the mythological sources of their imaginary with the Western theatrical format, the Tunooniq theatre managed to represent their culture on the larger, even international stage, and effectively to use the opportunity for “returning the gaze” of the mainstream colonizing society and expressing their situation and discomfort therewith. The paper proposes to analyze the Western, as well as Aboriginal theatrical techniques applied by Tunooniq theatre and other Inuit theatre groups in Canada for subverting the mainstream anthropologizing stereotypes of the Inuit as a primitive, ahistorical and acultural people, and for protesting against the white culture’s interference into the genuine patterns of Inuit life. The ongoing success of Tunooniq provides convincing evidence of the possibility of the effective reconciliation of diverse cultural and aesthetic models for the sake of promoting and celebrating the coalescent purpose of humanity. Minorité et légitimité : donner à entendre la parole bilingue des communautés francophones de l’Ouest canadien Louise LADOUCEUR Campus Saint-Jean, University of Alberta Parce qu’il est chargé de faire résonner une langue et une culture menacées sur la place publique, le théâtre est un lieu privilégié d’affirmation identitaire et de résistance culturelle pour les francophones du Canada (Ladouceur). Vaste et diversifiée, la francophonie canadienne constitue 30,69 % de la population du pays en 2006, incluant 13,24 % de francophones unilingues, qui résident en majorité au Québec, et 17,45 % de bilingues répartis sur tout le territoire, dont 2,17 % sont disséminés dans les quatre provinces de l’Ouest du Canada1. Avec sa forte majorité francophone, le Québec occupe la position centrale dans l’institution théâtrale francophone du Canada. Il en constitue la norme et régit la circulation des œuvres canadiennes d’expresion française sur le marché national et international. Toutefois, les grandes distances qui séparent les communautés francophones canadiennes et les différences marquées dans les contextes qui leur sont propres font en sorte que les œuvres créées ont parfois peu en commun d’une région à l’autre. Sur le plan linguistique, notamment, les récentes productions issues de l’ouest du pays (Marc Prescott, Kenneth Brown) donnent à entendre un métissage linguistique et un hétérolinguime (Rainier Grutman) très prononcés, représentatifs du bilinguisme des petites minorités francophones exposées au contact avec un anglais dominant. Ne pouvant s’adresser qu’au public restreint partageant ce profil linguistique, la parole bilingue des textes dramatiques franco-canadiens les contraint à circuler en périphérie des métropoles théâtrales du Canada, qui sont le plus souvent unilingues, les privant ainsi d’une légitimité nécessaire auprès des organismes subventionnaires dont ils dépendent. Pour échapper à l’effet discriminatoire de la parole bilingue, ces textes doivent nécessairement passer par la traduction, sans se dépouiller toutefois de la dualité linguistique qui est au cœur de la réalité francophone dont ils témoignent. La communication envisagée traitera des procédés hétérolingues mis en œuvre dans certaines pièces récentes issues des minorités francophones de l’Ouest canadien et des stratégies visant à ouvrir à ces pièces un marché francophone élargi tout en conservant leur spécificité linguistique. Brown, Kenneth (2005), Cow-boy poétré. Traduction et adaptation de Laurier Gareau. Manuscrit fourni par l’Unithéâtre, Edmonton. Grutman, Rainier (2006), “Refraction and recognition: Literary multilingualism in translation”, Reine Meylarts (dir.), Target, International Journal on Translation Studies 18/2, pp. 17-47. Ladouceur, Louise (2005), Making the Scene: la traduction du théâtre d’une langue officielle à l’autre au Canada, Québec, Éditions Nota bene. Prescott, Marc (2001), Bullshit; Big; Sex, lies et les Franco-manitobains, Saint-Boniface, Les Éditions du Blé. 1 Voir les tableaux de Statistiques Canada portant sur la connaissance des langues officielles : http://www40.statcan.ca/l02/cst01/demo15_f.htm?searchstrdisabled=langues%202006&filename=demo15_f.htm&lan=fre Le premier théâtre d’Aimé Césaire, entre révolte politique et rébellion poétique Hélène LAPLACE-CLAVERIE Université d’Avignon Publiée en 1946, la première pièce d’Aimé Césaire, Et les chiens se taisaient, se présente comme un oratorio tragique qui illustre de deux manières la problématique minoritaire : par sa thématique d’abord, puisque Césaire y prend position de façon personnelle et originale sur le fait colonial ; par sa forme ensuite, dans la mesure où ce texte théâtral fut inséré à l’intérieur d’un recueil poétique, Les armes miraculeuses, avant de conquérir son autonomie scénique. Le but de cette communication sera donc de cerner les enjeux d’un projet situé en marge des grands modèles et des certitudes, qu’ils soient d’ordre esthétique ou politique. Évolution de la communauté artistique chicana : une quête identitaire Ophélie LANDRIN Université de Paris X-Nanterre L’émergence du théâtre chicano est liée historiquement au mouvement des droits civiques et à la revendication d’un nationalisme culturel incarné par le « Brown Power ». El Teatro Campesino, fondé par Luis Valdez en 1965, est considéré comme le point de départ du mouvement théâtral chicano, un théâtre aux formes accessibles permettant de partager les idées de la communauté. En 1979, la pièce de Luis Valdez, Zoot Suit, fut produite à Broadway où elle remporta un grand succès, marquant une reconnaissance nationale du théâtre chicano et des artistes latinos en général. Nous montrerons ainsi à travers un certain nombre d’artistes chicanos contemporains tels que Guillermo Gómez-Peña et le collectif Culture Clash les problématiques propres à cette communauté. Nous verrons que l’ensemble de la littérature et de la scène chicana aborde la question de la division des terres, de la frontière, de la complexité des relations américano-mexicaines, des discriminations, de la fragmentation identitaire et du sentiment de non-appartenance. Nous étudierons de quelle manière certains artistes comme Guillermo Gómez-Peña traitent les conséquences de la mondialisation sur la communauté en créant un langage et des formes artistiques hybrides. Un théâtre innommable : le modèle indien du concept de minorité Katia LÉGERET Université Paris 8 En Inde, dans le premier tiers du 20e siècle, un grand nombre de traditions théâtrales changent de nom ou de formes pour éviter leur disparition et se forger progressivement une identité postcoloniale. Elles utilisent le concept de minorité inhérent à leurs principes esthétiques fondamentaux comme une stratégie de résistance à trois périls interartistique, interculturel et international que nous interrogerons historiquement en analysant des exemples précis d’artistes de Kathakali et de Bharata-Nâtyam dans un contexte franco-indien, ce depuis les années quatre-vingt. 1. Pour survivre en tant que théâtre, cet art multiplie les interfaces avec les autres arts en intégrant des formes particulières de minorité : la poésie apprend aux acteurs à devenir étranger dans leur propre langue, la danse métamorphose un même acteur en une multitude de personnages jusqu’à perdre son identité, la musique à subdiviser à l’infini les tons et les rythmes en intervalles mineurs pour conduire l’acteur soit à une soumission aux codes soit à la liberté d’improviser. 2. Face au risque d’une interculturalité mondialisante le noyant dans une terminologie complexe (théâtre-patrimoine immatériel, exotique, rituel, religieux, classique, sanscrit, bollywoodien, performance …), le théâtre est pratiqué par certains acteurs comme « un devenir minoritaire », sans nom propre. 3. Pour répondre à l’état de diaspora revendiqué par des castes dominantes, à partir du premier colloque international sur ce sujet, au Columbia College de Chicago en 2001, des metteurs en scène tentent des réécritures et des adaptations de leur corpus littéraire pour rendre minoritaires certains héros et mettre en valeur des questions sociales d’actualité. Big Art Group : Art total minoritaire queer Xavier LEMOINE Université de Nantes Le théâtre est-il un art minoritaire tant par son public limité (une fréquentation de moins de 15% aux États-Unis) que par les multiples points de vue minoritaires qui s’y expriment ? La fréquentation minoritaire fait écho à la question de l’impact d’un art à la marge de la société de masse qui, pourtant, permet de s’interroger sur elle. Ce point de vue minoritaire correspond-il aux positions des minorités ? Le dernier spectacle de la troupe new-yorkaise the Big Art Group, Cinema Fury : The Imitation, accueillie au Festival Exit de la Maison des Arts de Créteil en avril 2008, permet de réfléchir à une théâtralité spéculaire. En effet, le Big Art Group construit une vision minoritaire sur la médiation technologique et la production d’images, dans la mesure où ce processus a lieu sur scène. Ce cadrage permet une réflexion sur les conditions de production du sens dans la société contemporaine parce qu’il met en avant les outils matériels (caméras, écrans, etc.) mais aussi les identités complexes créées par cette performance. En produisant des images en direct qui travestissent les corps, les sexes et les images, cette troupe permet-elle d’approfondir les questions minoritaires aujourd’hui ? Le Big Art Group en invitant le performer queer Justin Bond à rompre l’image théâtrale filmée par des numéros de concert punk rock formule-t-il une sorte de vision paradoxalement minoritaire et totale ? Serait-ce là une nouvelle théâtralité englobant les points de vue identitaires minoritaires sexuels et les innovations multimédias de la société contemporaine ? La quête d’authenticité dans les industries culturelles Roger PARENT Campus Saint-Jean, University of Alberta Comme tous les arts, le théâtre relève d’une industrie culturelle. Les processus organisationnels de ces industries « manufacturent » en partie le sens des produits de culture qu’elles réalisent. La fabrication de la signification à travers le contrôle des moyens de production suscite la problématique de l’authenticité des produits de culture, dont ceux du théâtre, par rapport à l’expression créatrice des artistes face aux milieux desservis. Cette communication approfondira la gestion de la créativité dans ces milieux organisationnels. À partir d’une perspective interdisciplinaire et internationale, l’étude fera état des stratégies courantes que déploient les artistes et les producteurs afin de maintenir l’authenticité de leurs créations. Ces pratiques seront ensuite confrontées aux problématiques et aux besoins de visibilité des cultures aborigènes au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande de manière à identifier les formes d’ethnocentrisme qu’exercent les cultures dominantes à travers leurs industries culturelles : universalisme, appropriation, etc. La démarche fera ressortir des principes et des stratégies d’intervention par lesquels les intervenants en théâtre peuvent contribuer à décoloniser les pratiques courantes dans leur industrie envers les populations marginalisées et mieux exprimer la diversité culturelle grandissante dans nos sociétés occidentales. Le théâtre Talipot : théâtre des communautés ou théâtre des minorités ? Brigitte PROST Université de Rennes 2-Haute-Bretagne Mon intervention consistera à montrer – notamment à travers Ma’Ravan, la dernière création de la Compagnie –, comment le théâtre Talipot oscille entre un théâtre qui vise à rendre compte d’une dimension universelle de l’homme et un théâtre qui cherche à servir la mémoire d’une communauté d’hommes et de femmes descendants de l’esclavage et du colonialisme. En effet, c’est de l’histoire, des mythes et des rituels des townships d’Afrique du Sud, des plateaux malgaches, des tribus kanaks, comme des communautés indiennes et mauriciennes dont il est question dans leurs créations, mais aussi de l’homme colonisé, pour une mémoire très vive d’une communauté du Pacifique donnée comme « minoritaire ». First Nations’ Theatre in the Canadian Prairies and Saskatchewan Native Theatre Company Martin PSENICKA Charles University in Prague, Czech Republic Since 1986 when Tomson Highway’s play The Rez Sisters had its world premiere at the Native Earth Performing Arts in Toronto, drama and theatre of Canadian First Nations has become one of the most crucial and vital voices of Canadian art scene and culture per se. (Self-)Representing and promoting nearly annihilated world of ab-original peoples, First Nation’s theatre and drama serves as a powerful medium by means of which both First Nations community as well as “white” majority are re-activated and educated about colonial past and post-colonial, multicultural present. However classified as postcolonial or minority, First Nations’ theatre and drama is not only a political “weapon” strategically and directly destabilizing and subverting colonial power but, mostly, a vehicle providing Native as well as wider community with a sense of true entertainment and spiritual energy which transcends narrow borders of political theatre. The presented paper intends to examine First Nation’s theatre and drama in the Canadian prairies, i.e. in three provinces –Manitoba, Saskatchewan, and Alberta—with a particular focus on the activity of Saskatchewan Native Theatre Company (SNTC) based in Saskatoon, Saskatchewan. Founded in 1999 in order to “promote authentic and positive images of aboriginal peoples and to create cultural understandings that strengthen the spirit of our communities,” SNTC represents an exemplary minority performing arts organization that “creates, develops and produces artistic presentations by Canadian Aboriginal artists that […] contribute positively to the local and national performing arts scene.” Operating not only as a typical professional theatre but also as a cultural centre and training facility that “enhances the spiritual, physical, emotional and intellectual development of individuals and communities through the arts,” SNTC serves as a community centre introducing theatre art to younger generations of Native Canadians. Developing artistic skills and sharing collective consciousness “through respectful and meaningful artistic experiences and cultural teachings,” SNTC’s commitment is to positively foster Native culture as an integral part of Canadian presence. L’auto-traduction du théâtre de Marco Micone : à la recherche d’une reconfiguration identitaire Paola PUCCINI Université de Bologne, Italie Marco Micone, écrivain québécois d’origine italienne, se distingue pour sa production théâtrale1, vraie mise en scène de la mémoire sur l’émigration italienne au Québec. Son œuvre se présente comme le lieu de dénonciation de discriminations et d’injustices sociales et, surtout, comme le laboratoire d’une quête toujours renouvelée d’une nouvelle identité. L’originalité du travail de Marco Micone réside dans le fait que cette quête se poursuit, de manière parallèle à travers une réflexion sur la marginalité de l’espace d’où travailler son identité et à travers une opération de traduction de son ouvrage théâtral qui conduit l’auteur à une incessante reprise et modification des ses œuvres. Se traduire défie un peu les conventions et la traversée des frontières linguistiques permet de contorsions, métaphore d’un malaise identitaire dont la guérison réside dans l’éternel narration et reformulation de l’histoire de la « maladie-émigration2 ». Par notre travail nous voudrions réfléchir sur cet acte d’autotraduction et sur ses enjeux identitaires à travers des instruments interdisciplinaires qui vont de l’approche linguistique (la théorie de la traduction), à une approche littéraire en passant par une approche anthropologique. 1 Marco MICONE, Gens du silence, Montréal, Québec Amérique, 1982. Marco MICONE, Addolorata, Montréal, Guernica, 1984. Marco MICONE, Voiceless People, Montréal Guernica, 1984. Marco MICONE, Déjà l’agonie, Montréal, L’Hexagane, 1988. Marco MICONE, Gens du silences, Montréal, Guernica, 1991. Marco MICONE, Trilogia, VLB, Editeur, 1996. Marco MICONE, Silences, Montréal, VLB Editeur, 2004. Marco MICONE, Migrances suivi de Una Donna, VLB Editeur, 2005. Marco MICONE, Il fico magico, Potenza, Edizioni Iannone, 2007. 2 Mircea ELIADE, Le mythe de l’éternel retour, Paris, Gallimard, 1969. Marco Martinelli et la Romagna africana. De l’Arlecchino Mor des « Vingt-deux infortunes » (1993) à « Ubu buur » (2007). Paola RANZINI Université d’Avignon Le fait de consacrer une communication au travail de Marco Martinelli au sein d’un colloque sur le « théâtre des minorités » pourrait paraître paradoxal. Car dans le théâtre de Martinelli le rapport entre le théâtre en tant qu’expression de la culture de la tradition occidentale et le théâtre en tant qu’expression d’une minorité culturelle est inversé. Si les « minorités » jouent un rôle important dans le théâtre de Martinelli, ce rôle est précisément celui de refuser la notion même de « minorité ». Les « minorités » s’approprient la grande tradition du théâtre occidental. La perspective adoptée n’est pas la perspective du théâtre occidental qui montre et met en scène la culture « autre » des minorités : il s’agit ici des minorités qui s’expriment au travers de la tradition « haute » du théâtre occidental. Notre communication propose l’analyse de deux spectacles de Marco Martinelli et son groupe (Teatro delle Albe, Romagna Teatro) : I ventidue infortuni di Mor Arlecchino (1993) et Ubu buur (2007). Ces deux productions se fondent sur une formule qui sera constamment exploitée par Marco Martinelli : la friction entre un groupe d’acteurs qui affichent leur appartenance à une culture régionale bien précise (celle de la région italienne de la Romagna) et un groupe d’acteurs sénégalais. Dans le spectacle de 1993 c’est la tradition de la Commedia dell’Arte (forme célèbre de théâtre d’acteur souvent considérée comme une forme de théâtre populaire) qui devient africaine. Nous remarquerons par ailleurs que, dans cette pièce, la perspective « dominant-dominé » est maintenue : car l’africain issu d’une immigration récente est ici le serviteur affamé qui ne parvient jamais à satisfaire sa grande faim. Dans Ubu buur (2007) nous assistons en revanche à l’assimilation de la tradition du théâtre d’auteur et d’une culture « autre » ; la double perspective « culture dominante-culture dominée » (ou minorité) disparaît. L’Ubu roi d’Alfred Jarry (Ubu buur en wolof signifie précisément « Ubu roi ») devient l’expression de la culture sénégalaise et la pièce se fait alors porteuse d’un sens inédit. Yves Sioui Durand1 : le théâtre comme territoire imaginaire Élise SAINCOTILLE Étudiante, Université de Cergy-Pontoise Pour Yves Sioui Durand, l’écriture théâtrale est la construction d’un territoire imaginaire qui lui permet d’affirmer une identité amérindienne. L’œuvre de l’auteur établit deux grands axes mythologiques : « l’axe du maïs » qui unit de nombreux peuples d’Amérique (cette plante a été découverte par les proto-Mayas et sa culture s’est diffusée dans presque toute l’Amérique) ; et « l’axe des nomades » qui unit l’Asie à l’Amérique (des peuplades ont migré de la Sibérie vers l’Amérique il y a plus de 35 000 ans). Ma communication vise à mettre en évidence deux points : D’une part, c’est la présence des mythes et textes anciens que l’auteur s’approprie par le théâtre. La relecture des mythes, leur ouverture à la réalité contemporaine et leur confrontation à d’autres cultures est une manière de les faire renaître et de leur redonner force. Selon une expression de Gérard Genette, il s’agirait de « relancer les œuvres anciennes dans un nouveau circuit de sens2 ». D’autre part, c’est l’entremêlement de littératures issues de zones géographiques éloignées. Il s’agit, pour Yves Sioui Durand, de transgresser les frontières établies par les Européens et de tracer sa propre géographie, créant ainsi de nouvelles solidarités. Les pièces de théâtre deviennent ainsi un territoire imaginaire où toutes les rencontres et toutes les transformations sont possibles, invitant à une « lecture relationnelle3 », et présentant une possibilité du devenir humain autre que le chaos ou l’uniformisation. 1 Yves Sioui Durand est né à Québec. Il est descendant Huron-Wendat. Installé à Montréal, il fonde, en 1985 et avec Catherine Joncas, la compagnie de théâtre Ondinnok. La même année, il participe au premier Festival de théâtre des Amériques avec sa pièce Le Porteur des peines du monde. Par la suite, il fut amené à travailler en collaboration avec le Nouveau théâtre expérimental de Montréal et il rencontra des personnalités du milieu théâtral québécois contemporain : JeanPierre Ronfard, Robert Lepage et Jean-Frédéric Messier. Plus tard, il travailla également sous la direction d’Ariane Mnouchkine du Théâtre du Soleil, à Paris. Sa mission est de créer un théâtre mythologique amérindien intégrant : tradition initiatique et théâtralité contemporaine. Un théâtre innovateur, ouvert sur le monde actuel qui croit au pouvoir de l’art sur la réalité. Yves Sioui Durand a écrit plus d’une dizaine de textes dramatiques qu’il a lui-même mis en scène. Deux de ses œuvres ont été publiées : Le Porteur des peines du monde, aux éditions Leméac, en 1987, et La Conquête de Mexico, aux éditions Trait d’union, en 2001. Actuellement, il poursuit sa création artistique tout en donnant des ateliers pour former des acteurs dans le milieu amérindien. 2 Gérard Genette, Palimpseste, La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, p. 453. 3 Ibid., p. 452. Entre résistance et visibilité revendiquée, le théâtre doublement identitaire de Christopher Deans en Écosse Jean-Pierre SIMARD Université de Saint-Étienne Affranchi de son statut minoritaire diffus dans le théâtre britannique, le théâtre contemporain écossais affirme sa différence. Christopher Deans est doublement représentatif ; il associe dans ses pièces une double appartenance minoritaire : jeune dramaturge écossais en cohérence avec ses pairs émergents et revendication politique et esthétique d’une homosexualité de ses jeunes personnages en proie aux codes normatifs, notamment religieux. Nous examinerons ces questions à travers trois pièces récentes : The Sauna Lads, 2000, Another Space, 2001, Smells & Bells, 2004. Jouées par sa propre compagnie militante gay ou par la compagnie engagée créée par J. McGRath 7:84, elles reflètent ce double parcours indissociable de celui des compagnies et lieux de création alternatifs, autre particularité écossaise aujourd’hui. Art d’avant-garde et représentation populaire d’une visibilité revendiquée, résistance au modèle spectaculaire dominant, ces pièces et leur représentation dessinent une esthétique de l’hybridité provocatrice. A Pageant of Great Women (1909) : entre spectacle historique et protestation suffragiste. Eleanor STEWART Université d’Avignon Au début du 20e siècle, alors que le mouvement suffragiste se donne en spectacle grâce à des manifestations de masse, les femmes de théâtre engagées mettent en scène des pièces de propagande par le biais de monologues, de sketches et de cavalcades historiques. On assiste à une instrumentalisation de la scène théâtrale qui a pour objectif de transmettre un message idéologique plutôt que d’offrir une expérience esthétique nouvelle. Les œuvres réactivent un ensemble de techniques préexistantes (mélodrame, pièce à thèse, farce et moralité). Ce théâtre désigne moins un genre homogène qu’un phénomène social et artistique. Les suffragettes revendiquent un théâtre polémique, facile à produire et accessible à tous. En 1909, A Pageant of Great Women, la pièce de Cicely Hamilton et de Christopher St. John, est mise en scène au Scala Theatre à Londres par Edith Craig. Cette communication se propose d’examiner la façon dont une pièce suffragiste, que l’on peut qualifier de « marginale » dans le contexte édouardien, puise dans l’esthétique populaire de la cavalcade historique et de la moralité allégorique. Il s’agira de montrer comment les auteurs suffragistes se réapproprient et subvertissent des formes anciennes, à des fins politiques, en particulier pour rendre leur message plus acceptable et pour toucher un plus large public. L’intérêt de la pièce réside moins dans son argumentation que dans les technique employées pour faire passer le message féministe. Notre analyse portera sur le statut hybride de l’œuvre qui se situe, selon nous, entre tradition et innovation, entre célébration et protestation. Les deux termes clés du titre – « Pageant » et « Great Women » – annoncent d’emblée le propos contestataire. Si le terme pageant semble placer la pièce dans une tradition patriarcale (mystères médiévaux, défilés religieux…) le fait qu’il s’agisse uniquement de femmes illustres montre la volonté de contester la tradition et de réécrire l’histoire. La primauté du visuel de la pièce renvoie aux parades et aux défilés déjà très exploités par le mouvement suffragiste. Le défilé de figures historiques crée des images positives de la féminité mais se fait l’écho de la ferveur du mouvement édouardien. Le recours à l’histoire permet de protester contre la version dominante. La présence de figures historiques établit des parallèles entre le passé et la situation actuelle, ce qui a pour effet d’anoblir et de légitimer la cause féministe. L’histoire et la tradition populaire de la cavalcade sont donc mises au service de la politique. Selon Hamilton et St. John, l’histoire ne doit plus servir à célébrer l’ordre dominant mais à le modifier radicalement. Dans un deuxième temps, nous examinerons l’utilisation subversive d’une autre tradition populaire – l’allégorie. Le style allégorique de Pageant la rapproche de la forme médiévale moralité (morality play) : les personnages qui sont des personnifications de qualités abstraites (Justice, Prejudice) la dimension didactique, l’importance du visuel (costumes, défilé). Cependant, les dramaturges réutilisent ces caractéristiques à des fins féministes. Au lieu de représenter le pèlerinage vers la rédemption par la mort comme dans Everyman, Pageant ne comporte aucune dimension religieuse ; après avoir gagné son procès, la femme renaît en obtenant le vote. Il faut également s’interroger sur le choix de formes anciennes pour montrer quel était l’intérêt de représenter un problème contemporain sous forme allégorique. Enfin, s’il s’agit bel et bien d’un théâtre alternatif en marge du grand théâtre commercial, Pageant transcende, à nos yeux, l’étiquette parfois réductrice de « suffragiste ». Au-delà de la dimension politique, sa mise en scène contribue à renouveler les conditions de production et de circulation et génère une véritable démocratisation du processus théâtral. Événement spectaculaire, chaque représentation donne l’occasion à 52 actrices (professionnelles et amateurs) de proposer des images positives de femmes sur scène. Spectacle qui sillonne le pays, c’est la pièce du mouvement qui a mobilisé le plus grand nombre de femmes et qui a été jouée devant le plus grand nombre de personnes. Ces mises en scène qui attirent des foules s’inscrivent dans des événements suffragistes de grande ampleur et qui ont lieu dans des théâtres traditionnels, pendant des fêtes communales ou lors de réunions politiques. Le théâtre devient un lieu de fête qui célèbre des valeurs partagées par une communauté de femmes. On peut parler ainsi d’un théâtre « populaire », de « participation » car il retrouve le contact direct avec le groupe. Le théâtre suffragiste repose ainsi sur un paradoxe : ce type de théâtre, soi-disant marginal, revendique sa spécificité (un théâtre des femmes), mais vise aussi un public de masse et une visibilité maximale. « “Maoritude”, revitalisation spirituelle et adaptation : les arts traditionnels du spectacle maori sur la scène néo-zélandaise postcoloniale » Francine TOLRON Université d’Avignon Cette communication s’intéresse aux formes contemporaines des arts du « spectacle » traditionnels maoris, essentiellement le kapa haka (danse mixte), et s’interroge sur son adaptation au contexte actuel de la Nouvelle-Zélande : si le haka paka appartient toujours au système culturel maori, en ce sens qu’il demeure la mise en scène codifiée du discours mythique, il se décline aujourd’hui sous des régimes inédits (compétitions, spectacles touristiques, par ex.) qui suscitent des questions. Pourquoi ce patrimoine immatériel doit-il faire preuve de malléabilité ? Jeu des identités minoritaires et enjeux de traduction-adaptation. Trois cas de figure de Tremblay en Europe Iga WYGNAŃSKA Doctorante, Université Nicolas Copernic, Toruń (Pologne) Notre communication vise à mettre en lumière les enjeux traductifs qui sont soulevés par l’écriture théâtrale de Michel Tremblay. Notre étude portera en particulier sur trois illustres pièces de l’écrivain québécois qui s’inspire de la question des représentants des communautés isolées, parfois dominées par les communautés plus fortes d’un point de vue social. Dans cette optique, nous proposerons un bref aperçu des textes à savoir : la traduction polonaise de Les belles-sœurs, Les anciennes odeurs mise en scène à Paris et Hosanna adaptée pour le public belge. Dans ces trois pièces, la langue parlée des communautés minoritaires (ouvrière montréalaise, homosexuelle) est employée avec tout son imaginaire social et culturel. Par ce biais, certaines valeurs identitaires sont véhiculées. Dans notre approche, nous analyserons alors l’un des aspects essentiels des transferts culturels de l’opération traductive, à savoir la (re)construction des images identitaires. Nous nous interrogeons sur les changements au niveau du texte qui sont introduits pour que les pièces, à l’arrivée, véhiculent les valeurs identitaires des pièces originales, tout en assurant leur individualité étrangère et leur caractère « jouable ».