autorité et légitimité du cadre de santé

Transcription

autorité et légitimité du cadre de santé
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTÉ
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTÉ
AUTORITÉ ET LÉGITIMITÉ
DU CADRE DE SANTÉ
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Cadre de Santé
Option Infirmière
Aurélie GRANDJEAN-VERNIER
Promotion 2015-2016
Directeur de mémoire
Line PEDERSEN, Docteure en sociologie
Université de Franche-Comté
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTÉ
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTÉ
AUTORITÉ ET LÉGITIMITÉ
DU CADRE DE SANTÉ
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Cadre de Santé
Option Infirmière
Aurélie GRANDJEAN-VERNIER
Promotion 2015-2016
Directeur de mémoire
Line PEDERSEN, Docteure en sociologie
Université de Franche-Comté
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont
contribué à la réalisation de mon mémoire de fin d’études.
Je remercie particulièrement :
 Madame Line Pedersen qui, par son soutien, son accompagnement et
sa patience, m’a guidée pour l’élaboration de ce travail de recherche
 La direction de l’Hôpital Nord Franche-Comté qui m’a fait confiance et
m’a permis de suivre cette formation
 L’équipe pédagogique de l’unité de formation des cadres de santé et
tout
particulièrement
Monsieur
Éric
Durand
pour
son
accompagnement et ses encouragements en tant que référent
pédagogique
 Les cadres de santé rencontrés et leur disponibilité pour répondre à
mes sollicitations
 Mon époux, Romain, pour son soutien sans faille et pour avoir pris
soin de notre fille Agathe durant cette année
 Mes collègues et complices de cette année si singulière : Chantal,
Katia et Marie-Laure pour nos moments riches d’échanges et de
soutien mutuel
SOMMAIRE
SOMMAIRE
INTRODUCTION................................................................................................ 7
1. CADRE CONTEXTUEL ............................................................................... 10
1.1 Situation de départ .................................................................................. 10
1.2 Enquête exploratoire ............................................................................... 13
1.2.1 Le cadre de santé ............................................................................. 13
1.2.2 L’équipe ............................................................................................ 15
1.3 Synthèse ................................................................................................. 18
1.4 Problématique et hypothèse de recherche ............................................. 20
2. CADRE CONCEPTUEL ............................................................................... 22
2.1 L’identité professionnelle ........................................................................ 22
2.1.1 La socialisation ................................................................................. 23
2.1.2 L’identité ........................................................................................... 24
2.1.3 L’évolution de l’identité ..................................................................... 24
2.1.4 Le cadre de santé ............................................................................. 26
2.2 L’autorité ................................................................................................. 28
2.2.1 Définitions ......................................................................................... 28
2.2.2 Théorie de Max Weber : la domination ............................................. 29
2.2.3 Le cadre de santé et l’autorité .......................................................... 31
2.2.3.1 L’autorité à l’Hôpital ................................................................. 31
2.2.3.2 Cadre de santé : deux fonctions distinctes .............................. 32
2.3 Synthèse ................................................................................................. 35
3. METHODOLOGIE ........................................................................................ 38
3.1 Méthodologie .......................................................................................... 38
3.2 Choix de la population ............................................................................ 39
3.3 L’étape d’observation .............................................................................. 39
3.3.1 Instrument d’observation .................................................................. 39
3.3.2 La collecte des données ................................................................... 40
3.4 Les limites ............................................................................................... 42
3.5 Analyse des entretiens semi-directifs...................................................... 43
4. ANALYSE..................................................................................................... 45
4.1 Déterminants sociaux ............................................................................. 45
4.2 Analyse du discours ................................................................................ 48
4.2.1 Le changement de fonction : d’infirmière à cadre de santé .............. 48
4.2.2 La relation d’autorité du cadre de santé au sein de l’équipe
paramédicale ............................................................................................. 53
4.2.3. L’identité collective des cadres de santé ......................................... 61
4.2.4. La reconnaissance du cadre de santé ............................................. 68
5. DISCUSSION ............................................................................................... 73
6. ENSEIGNEMENTS IDENTIFIES ................................................................. 77
6.1 Au niveau du travail de recherche........................................................... 77
6.2 Au niveau de la fonction cadre ................................................................ 78
CONCLUSION ................................................................................................. 81
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 84
ANNEXE 1 : Canevas d’entretien..................................................................... 89
ANNEXE 2 : Tableau d’analyse ....................................................................... 90
ANNEXE 3 : Pyramide de Maslow ................................................................... 91
INTRODUCTION
INTRODUCTION
Avant d’entrer en formation cadre de santé à l’institut de formation de
professions de santé de Besançon, j’ai été, durant deux ans, faisant fonction
cadre de santé dans une unité de chirurgie à l’Hôpital Nord Franche-Comté
(HNFC). Cette période de faisant fonction a permis de concrétiser mon projet
professionnel qui mûrit depuis quelques années. La mise en situation m’a
confrontée aux difficultés du positionnement du cadre de santé par rapport à
l’équipe paramédicale. Un questionnement a alors surgi :
Comment se positionner en tant que cadre de santé dans une équipe ?
Comment être légitime dans ma fonction d’encadrement ? Quels liens puis-je
faire entre ma fonction infirmière et ma fonction cadre de santé ? Qui suisje en tant que future cadre de santé ? Voici les questions fondamentales que
je me pose en tant que future cadre de santé. Comment construire une
identité professionnelle ? Quelle est ma légitimité en tant que cadre de santé
auprès d’une équipe soignante que je suis amenée à encadrer et manager
au quotidien ?
Dans le cadre de la formation cadre de santé, le module 3 intitulé « Travail
d’initiation à la recherche », en lien avec l’arrêté du 18 août 1995 relatif à la
formation cadre de santé [1], me donne l’opportunité d’approfondir et
d’effectuer une initiation à la recherche sur un sujet de mon choix, en lien
avec la fonction cadre de santé.
Je choisis alors d’effectuer mon travail de recherche sur la légitimité du cadre
de santé en lien avec l’autorité dont il est dépositaire, au sein de l’équipe
paramédicale.
Pour cela, je présente une situation de départ qui m’a interpellée en tant que
faisant fonction cadre de santé avec une question de départ à mon travail de
recherche.
Après avoir effectué des lectures et des entretiens exploratoires, je propose
une problématique et une hypothèse de recherche.
7
À la suite de cela, j’approfondis les deux concepts en lien avec mon
hypothèse de recherche qui sont : l’identité et l’autorité.
Puis, j’effectue une enquête qualitative auprès de huit cadres de santé, en
menant des entretiens semi-directifs. J’analyse ensuite les déterminants
sociaux et le discours recueilli selon des thèmes, afin de pouvoir discuter
mon hypothèse de recherche.
Enfin, j’identifie les enseignements tirés au cours de mon travail d’initiation à
la recherche tant sur la méthodologie qu’en tant que future cadre de santé.
8
CADRE CONTEXTUEL
1. CADRE CONTEXTUEL
1.1 Situation de départ
Je suis infirmière de formation initiale, faisant fonction cadre de santé à l’Hôpital
Nord Franche-Comté (HNFC), sur le site de Montbéliard, en unité de chirurgie,
d’octobre 2013 à août 2015.
À partir de décembre 2013, le service dans lequel j’exerce est mutualisé avec
un service de chirurgie de spécialité différente du même site. Des périodes de
mutualisation de services sont définies durant tous les congés scolaires à venir,
selon un calendrier établi par la direction. En effet, le projet d’établissement
2012-2016 précise la fusion de deux sites urbains sur un nouveau site : le
nouvel hôpital situé à Trévenans (90). Cet hôpital est en cours de construction
et regroupera les deux sites urbains de Belfort et Montbéliard. Dans l’attente du
déménagement et de la mutualisation définitive de services, les deux unités
sont mutualisées par périodes de 2 à 8 semaines jusqu’au déménagement
(janvier 2017).
En tant que cadre faisant fonction de l’unité qui accueille une nouvelle équipe
médicale et paramédicale, je suis directement confrontée à une réorganisation
de l’activité soignante. La mutualisation implique la prise en charge de patients
ayant des pathologies différentes par tout le personnel. De plus, la
mutualisation met en exergue un nombre de soignants supérieurs à l’effectif
moyen. Le personnel supplémentaire exerce en remplacement ou renfort dans
des unités en difficulté, ceci étant géré par le cadre de pôle en fonction des
besoins de l’institution.
Nous avons eu deux réunions pour organiser cette fusion de services. Les deux
cadres de proximité étaient présents ainsi que les cadres de pôle et les
médecins chefs de service. Nous avons pris la décision de mutualiser les
équipes durant ces périodes afin de garantir les prises en charge en lien avec
l’expertise des soignants et les compétences de chacun. Cette décision a été
présentée au personnel des deux unités et mise en application dès la première
mutualisation par les deux cadres respectifs. Nous avons également réalisé une
10
réunion commune des deux équipes afin de présenter le projet, répondre aux
interrogations et organiser le changement de l’organisation habituelle.
Pendant la fusion des unités, le cadre de l’autre unité est détaché sur l’autre
site et donc peu présent dans l’unité. J’ai en charge les deux équipes réunies
dans l’unité que je gère habituellement.
L’organisation des secteurs de soins s’est bien déroulée dans l’ensemble :
l’unité a été scindée en deux secteurs afin de répartir les patients par spécialité
dans la mesure du possible, mais certaines prises en charge ont été vécues
difficilement par les soignants. Devant des situations complexes, certains
professionnels se sont retrouvés en difficulté : par la non-connaissance d’une
conduite à tenir ou d’un savoir-faire spécifique. Les infirmiers, notamment, se
sentent en insécurité et le verbalisent lors de nos échanges quotidiens, les
expriment également par des émotions telles que la colère, des pleurs et de
l’énervement. De plus, l’absentéisme est plus marqué durant ces périodes, ce
qui provoque de la tension dans l’équipe et des réactions d’énervement.
Je remarque également que chaque équipe reste séparée de l’autre. Elles ne
prennent pas de pauses communes, collaborent peu entre elles, se séparent
dans des pièces différentes lors des temps d’échanges. Des tensions
apparaissent lors des longues périodes de mutualisation (8 semaines l’été), des
désaccords sur les prises en charge et des conflits éclatent. L’équipe se
retrouve alors scindée en deux ; il y a peu d’échanges, pas de consensus
concernant les modes de prises en charge, et de nombreux conflits éclatent.
En tant que cadre de santé de l’unité, mon vécu de la situation est difficile.
En effet, je maîtrise et je comprends la conduite du projet demandée par
l’institution. Je la respecte et applique la demande. Je suis convaincue de
l’utilité de cette mutualisation pour permettre la pérennité des activités et
préparer le déménagement dans la nouvelle structure. Je comprends
également l’aide des personnels en surnombre dans les unités en difficulté afin
de garantir la sécurité des soins. Malgré l’écoute, ma présence, les explications
et l’explicitation du contexte, l’équipe fait bloc et n’adhère pas au projet. Les
soignants de mon unité disent « se sentir envahis par un autre service ». Pour
11
autant, les équipes réunies ne forment plus qu’une équipe au service des
patients accueillis qui ont droit à une qualité de prise en charge optimale.
Je trouve que cette mise en commun de compétences, les échanges et la
nouvelle organisation ne peuvent être que positifs par l’enrichissement de
chacun. Mais je constate une résistance importante et une difficulté à travailler
ensemble dans un but commun. En effet, au niveau personnel, je considère le
changement et la conduite de projet comme un challenge à relever, un
bousculement des habitudes pour acquérir de nouvelles compétences.
Au niveau professionnel, je me suis remise en question sur la façon de
procéder. J’ai alors demandé à mon cadre de pôle de m’aider à clarifier la
situation lors d’entretiens et réunions avec les personnels du service. La
direction des soins est également intervenue pour resituer le projet et la
situation. Je me suis sentie soutenue, mais également garante de la mise en
application de la nouvelle organisation avec une nouvelle équipe constituée.
J’ai gardé confiance en moi, ce qui m’a permis de conduire ce projet autant que
possible.
Mais je me sens insatisfaite, car la souffrance et le malaise constatés des
soignants sont importants. De plus, cette situation de tension ne s’améliore pas
au bout de 18 mois. Les périodes de regroupement sont difficiles et les tensions
toujours présentes s’accentuent. Par exemple, la souffrance de l’équipe et les
résistances sont omniprésentes, ce qui met une pression et une impression de
non-aboutissement de ma mission. Il n’y a pas de cohésion d’équipe autour
d’un projet de soins. La qualité des soins et la sécurité peuvent-elles être alors
garanties ?
Je me sens, en tant que cadre de santé, démunie face à cette situation et j’ai le
sentiment d’un travail inachevé. Malgré le soutien de ma hiérarchie lors des
entretiens, je suis entre l’équipe et la direction, et cette position m’a paru
inconfortable. La situation attendue est l’adhésion de l’équipe au projet, ceci
afin de créer une cohésion d’équipe autour de valeurs communes pour la prise
en charge de qualité des patients accueillis dans notre unité de soins.
Après analyse de cette situation que j’ai vécue en tant que faisant fonction
cadre de santé, je me questionne : comment gérer deux équipes soignantes
12
lors d’une fusion ? Comment mettre en lien les compétences pour optimiser les
prises en charge ? Comment le cadre de santé peut-il mener un projet ?
Comment rendre un projet attractif et créer une dynamique d’équipe ?
Comment donner du sens au travail commun ? Comment créer des liens dans
une équipe ? Quelle est la place du cadre de santé dans l’institution ? au sein
de l’équipe soignante ? Quels sont les leviers pour favoriser une cohésion
d’équipe ?
À l’issue de mon questionnement en lien avec ma situation de départ, je pose la
question de départ suivante :
Quelle est la place du cadre de santé de proximité dans la
cohésion d’équipe ?
1.2 Enquête exploratoire
Après avoir posé ma question de départ, je souhaite éclaircir des notions clés
abordées, à l’aide de lectures en lien avec la fonction cadre de santé et le
travail en équipe.
Par la suite, début novembre 2015, je réalise trois entretiens dits exploratoires,
avec des cadres de santé, pour aiguiller mes futures recherches et étayer ma
réflexion.
1.2.1 Le cadre de santé
Tout d’abord, j’évoque la place du cadre de santé de proximité au sein de
l’équipe qui compose l’unité de soins.
J’ai exercé durant deux ans en tant que faisant fonction cadre de santé en
chirurgie. Avant, depuis 2005, j’étais infirmière successivement dans trois unités
différentes et encadrée par des cadres de santé.
13
Qui est le cadre de santé ? Pourquoi et comment les cadres existent-ils dans
l’institution hospitalière ?
La notion de cadre de santé est assez récente, elle est apparue en 1995 avec
la création du diplôme de cadre de santé [2, chapitre 5].
Historiquement, on retrouve le modèle de l’infirmière-chef à partir du
XVIIIe
siècle. L’infirmière-chef apparaît, car l’institution hospitalière se structure,
en lien avec l’organisation des soins et l’accueil des patients. La présence de
l’infirmière-chef est un pouvoir hiérarchique sur l’équipe de soins qui se trouve
auprès du malade.
Au milieu du XXe siècle, les modèles de soins infirmiers naissent, avec
notamment Virginia Henderson, Marta Rogers et d’autres personnalités.
Le décret du 17 avril 1943 [3] instaure les surveillants qui ont pour mission
l’organisation des services hospitaliers. Il n’y a pas de formation prévue pour
ces surveillants. Le surveillant est donc un soignant nommé par expérience
dans son métier d’origine [4].
La première école est fondée en 1951 par la Croix-Rouge ; le « certificat
d’aptitude aux fonctions d’infirmier surveillant et d’infirmier moniteur », avec une
formation de 8 mois, est créé en 1958.
En 1975, l’appellation « cadre infirmier » est créée avec le « certificat de cadre
infirmier » et une formation de 9 mois obligatoire pour obtenir le certificat. Le
cadre infirmier a un rôle qui se précise : il définit les objectifs de soins et le
projet du service. Il est responsable de la gestion et de l’organisation de l’unité,
gestion administrative du service. Il a aussi un rôle d’encadrement, d’animation
et de formation du personnel dont il a la responsabilité [4].
Enfin, le 18 août 1995, le terme « cadre de santé » apparaît avec une formation
de 10 mois en institut de formation de cadre de santé. Les fonctions du cadre
de santé sont la gestion, le management, la formation et la pédagogie [4, p. 21].
Treize formations paramédicales peuvent prétendre à la fonction cadre de
santé
(infirmier,
préparateur
en
pharmacie,
ergothérapeute,
kinésithérapeute…). Il est donc impératif d’être issu d’une filière paramédicale
pour devenir cadre de santé.
14
Walter Hesbeen, dans un ouvrage [5], évoque la fonction du cadre de santé,
cadre de proximité.
Il accompagne les soignants de son équipe qui prodiguent des soins. Il
n’effectue pas de soins, mais agit sur l’organisation et la mise en œuvre du
projet de soins par les soignants. Walter Hesbeen en donne une définition
[5, p. 95] : « Le cadre de santé de proximité a pour fonction d’organiser et
d’accompagner la relation singulière du soin au sein même des pratiques du
quotidien. »
Comment alors le cadre de santé exerce-t-il au quotidien ?
Le cadre de santé de par ses fonctions d’encadrement et de management est
responsable d’une ou plusieurs unités de soins, composées d’une équipe de
soins.
Les trois cadres rencontrés lors des entretiens exploratoires insistent sur cette
notion. L’une d’elles dit : « Le cadre de santé est le leader de l’équipe, celui qui
la manage et qui gère au quotidien. »
Si le cadre de santé est responsable d’une unité de soins en lien avec une
équipe de soins. Qu’est-ce qu’une équipe de soins ? Comment est-elle
composée ?
1.2.2 L’équipe
L’équipe est définie par Mucchielli. Pour lui, c’est un « petit groupe coopératif,
motivé par une tâche commune, solidaire, caractérisé par l’unité, la cohésion et
l’esprit d’équipe » [6, p. 192]. Les cadres de santé interviewés, pendant mes
entretiens exploratoires, soulignent qu’une équipe est composée de différents
membres, de métiers d’origine différents : il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire,
une équipe de travail. Mucchielli donne la définition de Campbell concernant
l’équipe de travail. C’est un « groupe d’individus qui sont proches et
semblables, et qui partage un destin commun dans les événements se
rapportant à la tâche » [6, p. 192].
15
De plus, pour Mucchielli, l’équipe comporte sept caractéristiques : le petit
nombre, la qualité du lien interpersonnel, l’engagement personnel, une unité
particulière, une intentionnalité commune vers un but collectif accepté et voulu,
des contraintes qui en découlent pour les membres et une organisation qui
existe [6].
Les cadres de santé interrogés confirment ces propos lorsqu’elles abordent la
notion de « projet de soins communs pour tous les membres de l’équipe ».
En effet, chacun a un rôle défini par sa fonction, mais tous ont le même but :
prodiguer des soins de qualité.
Pour exercer dans un but commun, le cadre doit créer une cohésion d’équipe,
dont m’ont parlé les trois cadres de santé rencontrés.
Comment peut-on définir la cohésion d’équipe ? Comment se traduit-elle
concrètement sur le terrain clinique ?
« Une équipe n’existe et ne se donne à son travail que dans la mesure où elle
présente une certaine cohésion. » [6, p. 41]
Pierre Cauvin ajoute : « Une équipe, cela se construit, l’esprit d’équipe cela se
cultive. Il faut y consacrer du temps, de l’énergie, de la volonté. […] une équipe
orientée vers la réalisation d’un but commun. » [7, p. 9]
Pour Schachter, « la cohésion représente la totalité des forces qui poussent les
membres à rester dans le groupe… ; elle augmente avec la valence du groupe
pour ses membres » [6, p.41].
Kurt Lewin parle de dynamique de groupe, c’est-à-dire la manière dont les
individus exercent et se comportent entre eux. Ainsi, trois facteurs contribuent à
la dynamique de travail en équipe : l’identification au groupe ou esprit d’équipe,
la cohésion d’équipe et la coopération entre les membres [8, p. 61-62].
Pour les trois cadres de santé interviewés, le cadre de santé est un acteur clé
dans la cohésion d’équipe. En effet, elles évoquent toutes le rôle de la
communication pour créer une cohésion d’équipe. Elles insistent sur les
échanges, sur l’écoute et la relation de confiance établie entre le cadre de
proximité et les collaborateurs.
16
Deux personnes insistent sur la création de liens entre les membres de l’équipe
pour créer une cohésion. Par ailleurs, la première insiste sur la fonction contrôle
du cadre de santé, qui vérifie, réajuste les pratiques. Il doit créer du lien dans
l’équipe et ainsi une cohésion d’équipe autour d’un projet commun et en même
temps être celui qui évalue, recadre et parfois sanctionne.
Quelle est la place du cadre de santé dans l’équipe ? En fait-il partie
intégralement ou partiellement ?
À cette question, le cadre de santé est considéré comme le leader de l’équipe,
une cadre de santé parle de « chef d’orchestre ».
Pour Roger Mucchielli :
« Le chef symbolise le groupe, et la relation normale au chef signifie
et résume les liens de l’individu avec son groupe. Ces remarques
s’appliquent tout particulièrement à l’équipe comme groupe primaire
cohésif, motivé et orienté vers une tâche commune acceptée et
positive » [6, p. 87]
C’est ce que les cadres de santé interrogés ont appelé le « projet de soins » en
lien avec les besoins de l’organisation.
Henry Mintzberg, dans Le manager au quotidien : les dix rôles du cadre, décrit
le cadre en tant que leader de l’équipe : « L’objectif essentiel du rôle de leader
est d’effectuer l’intégration entre les besoins des individus et les buts de
l’organisation […] l’autorité dont il est investi lui donne un pouvoir potentiel
important. » [9, p. 73]
En cela, le cadre de santé est celui qui guide, mène le projet de soins de
chaque équipe. Un cadre rencontré lors d’un entretien exploratoire dit : « Le
cadre de santé est celui qui crée le projet de soins en concertation avec les
membres de l’équipe. Il échange, écoute les propositions de chacun. »
Quelle est la place du cadre de santé dans l’équipe ? Sa filière d’origine a-t-elle
une influence ?
Après analyse de mes entretiens exploratoires, les personnes interrogées
parlent de l’expertise du cadre de santé issu de la filière infirmière, dans les
soins prodigués. Il peut ainsi évaluer et réajuster les soins. Il participe donc à la
17
qualité et la sécurité de soins. Même si le cadre de santé n’effectue pas les
soins directs, il coordonne, organise l’unité pour permettre aux collaborateurs
d’être efficients dans leurs prises en soins. Pour cela le cadre de santé manage
une équipe de soins dont il a la responsabilité.
1.3 Synthèse
J’ai commencé mon travail de recherche en évoquant une situation
managériale et d’encadrement qui m’a posé des difficultés quant à mon
positionnement en tant que cadre de santé faisant fonction dans l’unité.
De multiples questions se sont alors posées face à cette situation. Ma question
de départ est donc, à ce stade :
Quelle est la place du cadre de santé de proximité dans la
cohésion d’équipe ?
Ensuite, j’ai effectué des recherches documentaires et des entretiens
exploratoires qui m’ont permis d’éclaircir l’historique du métier de cadre de
santé et son lien avec l’équipe de soins. Ensuite, j’ai approfondi la notion
d’équipe afin de voir le positionnement du cadre de santé au sein de cette
équipe.
Au terme de cette phase exploratoire, je m’aperçois que le cadre de santé a
une place singulière au sein de l’équipe soignante. Il a une fonction
managériale et d’encadrement face à cette équipe. Il est issu du domaine
paramédical de par sa profession d’origine, mais il devient un cadre manager
qui n’a plus les mêmes fonctions et occupe une place singulière dans l’unité.
Ces différents aspects soulèvent de nouvelles questions quant à mon identité
professionnelle en tant que future cadre de santé. En effet, ma pratique de
faisant fonction cadre de santé, issue de la filière infirmière, m’a fait prendre
conscience de la difficulté d’être un cadre qui manage et encadre une équipe
de soin.
18
Également, je repère que le cadre de santé a un statut particulier avec l’équipe,
un statut hiérarchique qui lui confère une autorité face aux soignants dont il a la
responsabilité.
De plus, je souligne que le cadre de santé est un soignant d’origine, infirmier ou
autre. Il a donc une expérience professionnelle d’au moins 4 ans dans une
profession paramédicale [1]. Le soignant a donc une identité professionnelle qui
lui est singulière. Le cadre de santé, par son changement de statut, s’approprie
une identité professionnelle également. Je me demande alors quels sont les
liens entre les deux fonctions ? Le cadre de santé doit-il faire le « deuil » de son
passé de soignant ou au contraire le mettre à profit de sa nouvelle fonction ?
De plus, comment peut-il se positionner face à l’équipe dont il n’est plus le pair
direct, de par son changement de statut ?
Toutes ces recherches, réflexions et échanges avec mon directeur de mémoire
m’amènent à formuler une problématique et une hypothèse de recherche.
19
1.4 Problématique et hypothèse de recherche
Je propose à l’issue de cette phase exploratoire une problématique afin de
poursuivre mon travail de recherche.
Dans quelles mesures le passé de soignant du cadre de santé
entre-t-il en conflit avec l’identité managériale et d’encadrement
induite par la fonction cadre et l’institution ?
Suite à la formulation de la problématique qui sous-tend ma recherche, je
propose une hypothèse de recherche, avec l’aide de ma directrice de mémoire,
qui m’accompagne dans la formulation de cette hypothèse :
L’identité de soignant et les valeurs portées par le cadre de
santé peuvent rendre difficile son positionnement dans une
relation d’autorité pourtant inhérente à la fonction managériale
et d’encadrement.
Néanmoins, cette relation d’autorité peut se construire grâce à
l’identification à un collectif de cadres.
20
CADRE CONCEPTUEL
2. CADRE CONCEPTUEL
Dans cette partie, je souhaite éclaircir les concepts déterminants en lien avec
l’hypothèse de recherche posée qui est :
L’identité de soignant et les valeurs portées par le cadre de
santé peuvent rendre difficile son positionnement dans une
relation d’autorité pourtant inhérente à la fonction managériale
et d’encadrement.
Néanmoins, cette relation d’autorité peut se construire grâce à
l’identification à un collectif de cadres.
Dans un premier temps, j’aborde le concept d’ « identité professionnelle » et
dans un second temps celui d’« autorité ». Ces deux concepts sur lesquels
s’appuie mon hypothèse sont prédominants dans le travail d’initiation à la
recherche mené.
2.1 L’identité professionnelle
En tant que faisant fonction cadre de santé et dans ma pratique d’infirmière
durant huit années, je me demande comment se construit l’identité
professionnelle. Est-ce qu’elle peut évoluer ou au contraire être constante ?
Comment se définit-elle ?
En sociologie, le postulat est que l’identité professionnelle est une construction
sociale nommée « la socialisation » [10]. Elle constitue un cheminement
perpétuel : de la naissance, pendant l’enfance et tout au long des étapes de la
vie.
Je souhaite alors comprendre ce qu’est la socialisation.
22
2.1.1 La socialisation
Madame Lucie Cros, doctorante en sociologie, donne une définition de la
socialisation : « C’est l’intériorisation de normes et de valeurs qui permettent de
vivre en société. Parler de socialisation c’est comprendre quelle action la
société exerce sur les individus. » [10]
Pour les interactionnistes, les sociétés doivent, pour survivre, reproduire à la
fois leur culture et leur structure sociale.
Pour réussir cette reproduction est évoqué le « processus de reproduction
sociale » [10]. Ce processus passe par la transmission, la reproduction par
l’individu, l’intériorisation des normes, des valeurs qui déterminent son
appartenance à un groupe social. Ce processus commence dès la naissance et
tout au long du parcours de vie : tant dans la famille ou plus tard au travail.
En sociologie, il existe trois lieux de socialisation : la famille, l’école et le travail.
Ensuite, dans les années 1980, Claude Dubar et Renaud Sainsaulieu
proposent une nouvelle conception de la socialisation. Ils la définissent comme
un processus de construction-déconstruction-reconstruction d’identité qui sont
liées entre les différentes sphères d’activités qui sont professionnelles,
familiales, religieuses…
Pour ces auteurs, il existe deux types de socialisation.
La socialisation primaire relève de la famille et de l’école. La socialisation
secondaire est en lien avec le monde du travail, ce qui permet d’étendre le
concept de socialisation au monde du travail [10].
En effet, le travail constitue un élément central de la socialisation pour chaque
personne de par son appartenance à un groupe professionnel distinct. Karine
Abikhzer cite Claude Dubar pour qui « le travail constitue un élément central et
structurant de socialisation pour l’identité professionnelle » [11, p. 50].
Par ailleurs, Strauss pense la socialisation comme une construction de soi avec
un rôle des interactions vis-à-vis de cette construction et dans les
transformations de l’identité. La construction ne s’effectue jamais seule, elle
dépend tout autant de soi que des interactions avec les autres [10].
23
Comment
alors
en
tant
qu’individu
puis-je
construire
une
identité
professionnelle ? Quels mécanismes entrent alors en action dans cette
construction ?
2.1.2 L’identité
Tout d’abord je me demande : qu’est-ce que l’identité ?
Claude Dubar donne une définition de l’identité : « L’identité est le résultat
stable et provisoire, individuelle et collective, subjective et objective,
biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui
construisent les individus et définissent les institutions. » [10]
Pour Hegel, à propos de l’identité, « il s’agit de la construction dialectique du
sujet dans son rapport à autrui » [12, p. 107]. L’identité se construit donc dans
un rapport, une interaction avec les autres.
Micheline Wenner soutient ce propos en argumentant : « Avec l’identité, le sujet
existe en tant que personne, personnage social qui assume des rôles, des
fonctions, des relations, des statuts […] le sujet s’inscrit dans son milieu de vie
et dans la société. » [13, p. 41]
Après ces définitions, je m’interroge sur l’évolution de l’identité. Comment et en
quoi peut-elle évoluer ?
2.1.3 L’évolution de l’identité
Une conception sociologique de l’identité « estime que les transformations de
l’identité sont possibles » [14, p. 9].
L’individu au long de sa vie et sa carrière professionnelle peut évoluer dans son
identité professionnelle.
D’ailleurs, Vincent Caradec indique deux types de transitions identitaires
soutenues par Strauss: « les changements de statut organisés et les moments
critiques » [14, p. 9].
24
Le passage de soignant à cadre de santé est un changement de statut par
rapport à au statut d’origine. Je suis pour ma part passée du statut d’infirmière à
celui de cadre de santé. Ce changement de statut était un acte volontaire, que
j’ai décidé à une étape de ma vie professionnelle. En effet, j’ai décidé de
devenir faisant fonction cadre de santé par désir d’évoluer professionnellement.
Mettre des compétences managériales et d’encadrement au profit des patients
pris en soins dans les unités dont j’ai la responsabilité.
Comment alors se produit ce changement identitaire ?
Selon Vincent Caradec, l’identité est « un accomplissement qui se réalise à
travers un triple mécanisme : la réflexivité, l’action et le dialogue avec autrui »
[14, p. 11].
Le premier mécanisme est le processus réflexif : Giddens (cité par Caradec)
indique que l’identité « n’est pas un trait distinctif, ni même un ensemble de
caractéristiques personnelles. Elle est le Soi tel qu’il est conçu par l’individu, de
manière réflexive, en termes biographiques » [14, p. 11] ; c’est-à-dire que
chaque individu a une histoire personnelle, un héritage familial qui rendent
l’individu singulier.
Le deuxième mécanisme est le processus pragmatique, c’est-à-dire fondé sur
les actions et l’engagement de l’individu, ce qui rejoint la motivation de
l’individu, à son investissement.
Le troisième mécanisme est le processus dialogique, c’est-à-dire les relations à
autrui, ce que les autres renvoient à l’individu. Cela rejoint la notion d’identité
pour autrui, de Claude Dubar. L’individu s’adapte aux attendus d’autrui qui peut
être la société, l’institution, etc.
Ces trois mécanismes sont alors interdépendants dans la construction
identitaire.
Au-delà de ce processus en trois phases, l’identité est un système complexe
d’articulation.
C’est une combinaison, une articulation particulière de deux éléments [10] : tout
d’abord, la détermination objective, c’est-à-dire le contexte, la situation et la
société. Il s’agit alors de l’axe synchronique.
25
Ensuite, la singularité ou subjectivité qui relève de l’individualité. Il s’agit de
l’axe diachronique lié à une trajectoire subjective et à l’histoire personnelle de
l’individu.
Cette articulation des deux éléments, voire des tensions entre les deux crée
une forme identitaire qui représente l’identité. Elle est le résultat de cette
combinaison : société et individualité. L’individu construit donc son identité
professionnelle avec ce qu’il est en tant qu’individu singulier, mais également
avec ce qui est attendu de lui, de par son statut ou sa fonction.
Pour Claude Dubar, « l’identité personnelle n’est pas qu’une construction
individuelle, elle est le résultat d’un processus relationnel inhérent aux relations
avec les autres » [10].
Une identité professionnelle se construit donc par rapport à un groupe
professionnel.
À cette étape, je me demande comment définir l’identité professionnelle du
cadre de santé ? Quelles sont les missions spécifiques qui lui sont conférées en
lien avec ses fonctions de cadre de santé ?
2.1.4 Le cadre de santé
Selon le répertoire des métiers de la santé et de l’autonomie de la fonction
publique hospitalière, le métier de cadre de santé se nomme : « Encadrant
d'unité de soins et d'activités paramédicales » ; il fait partie de la sous-famille
des métiers de management et d’organisation des soins. Le terme « cadre de
santé » est inscrit dans la partie « autre appellation » [15].
La fiche métier donne une définition du métier :
« Organiser l'activité de soins et des prestations associées, manager
l'équipe et coordonner les moyens d'un service de soins,
médicotechniques ou de rééducation, en veillant à l'efficacité et la
qualité des prestations, développer la culture du signalement et gérer
les risques, développer les compétences individuelles et collectives,
participer à la gestion médico-économique au sein du pôle. »
26
Cette définition du métier exhaustive décrit toutes les composantes du métier
de cadre de santé de proximité, au sein d’une unité de soins.
La fiche métier regroupe également les connaissances requises pour exercer et
le niveau attendu.
Existe-t-il des correspondances entre cette fiche métier et la fiche métier
infirmière de soins ?
J’étudie la fiche métier de l’infirmier en soins généraux [16], et je retrouve au
niveau de la rubrique « connaissances requises », des similitudes dans les
items proposés dans les
deux fiches, par exemple : les soins,
la
communication, le droit des usagers du système de santé, l’éthique et la
déontologie professionnelle…
L’étude de ces deux fiches métiers me permet de faire du lien entre deux
fonctions différentes, mais qui présentent tout de même des similitudes.
Les valeurs soignantes qui sous-tendent notre fonction d’origine infirmière
seraient-elles exploitables en tant que cadre de santé ?
Walter Hesbeen dans son ouvrage Cadre de santé, un métier au cœur du
soin [5], donne une définition du cadre de santé et le définit selon trois
orientations : l’orientation gestionnaire, l’orientation technique et l’orientation
soignante. Pour lui, la valeur ajoutée du cadre de santé soignant est
d’accompagner les soignants qui sont au plus proche du patient. Il est dit
« cadre de proximité », c’est-à-dire à proximité des soignants, des patients et
des familles pour les accompagner. Il précise que le cadre de proximité doit
« se vouloir présent comme un compagnon de voyage » [5, p. 89]. Le cadre ne
doit pas être uniquement gestionnaire ou technique, mais doit « avoir une
considération pour l’humain au sein du système de santé » [5, p. 93].
En cela, le cadre de santé qui est passé de la fonction d’infirmier à celle de
cadre de santé retrouverait les valeurs d’empathie, d’écoute, de bienveillance
qu’il avait lors de l’exercice du métier précédent.
Les valeurs humanistes des infirmières pourraient aider à la construction
identitaire du cadre en devenir. Le changement d’identité serait donc partiel et
surtout le fruit d’une évolution au cours de la vie professionnelle.
27
Néanmoins, les fonctions de management et d’encadrement du cadre, et le
positionnement hiérarchique impliquent une relation d’autorité avec l’équipe
qu’il manage.
Enfin, Walter Hesbenn décrit cette notion d’autorité dont doit faire preuve le
cadre de santé pour mener à bien ses missions et encadrer la pratique
quotidienne de soignants [5].
À ce terme de mes recherches et en lien avec mon hypothèse de recherche, je
souhaite approfondir le concept d’autorité.
2.2 L’autorité
Qu’est-ce qui définit l’autorité ? Comment et pourquoi le cadre de santé a-t-il
une relation d’autorité envers l’équipe soignante ? L’autorité est-elle une forme
de pouvoir ?
2.2.1 Définitions
Tout d’abord, étymologiquement le mot « autorité » a une source latine. Il vient
de « augere », c’est-à-dire « celui qui entreprend sous des augures
favorables » et de « auctor », « celui qui fait croitre » [17, p. 23].
De plus, selon l’Encyclopedia Universalis, « l’autorité est le pouvoir d’obtenir,
sans recours à la contrainte physique, un certain comportement de la part de
ceux qui y sont soumis » [17, p. 23].
Chantal Del Sol, dans son ouvrage L’Autorité, ajoute : « L’autorité est un
phénomène social, traduisant un mode de vivre ensemble. Les sociétés ne
fonctionnent pas d’une addition de décisions ou d’actes individuels, mais
d’œuvres collectives. » [18, p. 6]
De plus, l’autorité se distingue du pouvoir comme le souligne Jean-François
Dortier : « Le pouvoir agit par la contrainte. L’autorité, elle, impose par le
28
respect. Dans le sens courant, le mot “autorité” désigne un certain type de
pouvoir reconnu comme légitime. » [19, p. 32]
Quelle légitimité de l’autorité au sein de l’institution ? Quelles formes prend
l’autorité ?
2.2.2 Théorie de Max Weber : la domination
Max Weber, dans La domination, évoque la domination qu’il définit comme suit :
« La domination au sens tout à fait général du pouvoir, à savoir la possibilité de
contraindre d’autres personnes à infléchir leur comportement en fonction de sa
propre volonté. » [20, p. 44]
Il existe deux types de domination :
« D’un côté la domination en vertu d’une configuration d’intérêts (en
particulier en situation de monopole) et, de l’autre, la domination en
vertu d’une autorité (pouvoir de donner ses ordres et devoir
d’obéissance). » [20, p. 45]
Qu’entend Weber par « domination en vertu d’une autorité » ?
Il précise alors qu’« un aspect décisif de la domination réside dans l’existence
d’une autorité symbolique reconnue comme telle en impliquant un devoir
d’obéissance » [20, p. 21]. L’obéissance est pour Weber « l’acceptation d’une
norme valide » [20, p. 50].
Weber précise :
« La domination est plus relationnelle que le pouvoir en ce qu’elle
implique un acquiescement en retour de la personne dominée et pas
seulement une modification d’un comportement sous l’influence
externe d’un autre comportement » [20, p. 21].
Selon Weber, pour que la domination en vertu de l’autorité soit possible, il est
nécessaire qu’il y ait la volonté et l’intention d’une part, en ce qui me concerne,
29
l’institution, et une reconnaissance d’autre part, c’est-à-dire la légitimité de cette
volonté.
L’autorité est alors un système de relations entre les individus au sein de
l’institution, d’une équipe, d’un groupe en liens. La contrainte est alors exclue
de champs, ce qui la différencie du pouvoir.
Sur quels principes se fonde la légitimité de l’autorité ?
Weber décrit trois modes de dominations légitimes : il s’agit de la domination
traditionnelle, la domination charismatique et la domination rationnelle légale.
La domination traditionnelle « repose sur le respect du sacré, des coutumes et
de ceux qui détiennent le pouvoir en vertu de la tradition » [21, p. 21].
Ensuite, il s’agit de la domination charismatique qui « repose sur le dévouement
des partisans pour un chef en raison de ses talents exceptionnels » [21, p. 21] ;
on parle alors de leaders charismatiques qui imposent naturellement une
obéissance.
Et enfin, la domination rationnelle-légale qui « repose sur la validité de la loi,
établie rationnellement par voie législative ou bureaucratique » [21, p. 21]. Ce
dernier type de domination repose sur le statut conféré à l’individu et par sa
fonction au sein de l’institution. C'est cette légitimité qui serait prévalente dans
le cadre des professions.
Le cadre de santé exerce ses fonctions décrites dans sa fiche de poste au sein
de l’institution hospitalière, mais il met en œuvre également d’autres
compétences informelles au quotidien, comme la gestion de conflits, les
relations avec les familles de patients…
Quelle place l’autorité a-t-elle au quotidien dans sa fonction managériale et
d’encadrement pour le cadre de santé ?
30
2.2.3 Le cadre de santé et l’autorité
Le cadre de santé par sa position hiérarchique au sein de l’équipe soignante est
détenteur de l’autorité par délégation de l’institution.
En quoi et comment devient-il dépositaire de cette autorité ? Qui la lui confère
et comment ? En quoi son autorité est-elle légitime ?
2.2.3.1 L’autorité à l’Hôpital
Les évolutions récentes au sein des organisations hospitalières sont en lien
avec la loi du 21 juillet 2009, loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire (HPST) [22].
En effet, le détenteur de l’autorité hiérarchique à l’Hôpital est le directeur qui est
le chef d’établissement. Il peut déléguer cette autorité au directeur des soins
pour lui permettre en particulier d’assurer la mise en œuvre de la politique de
soins par les cadres de santé. [23, p. 13].
En plus de cette autorité hiérarchique, la loi HPST a permis la mise en place
des pôles d’activités au sein de l’hôpital. Les pôles d’activités sont gérés par les
médecins chefs de pôles. La loi HPST « précise que le médecin, chef de pôle,
organise,
avec les
équipes médicales,
soignantes,
administratives
et
d’encadrement du pôle, sur lesquelles il a autorité fonctionnelle » [23, p. 14].
Donc, il existe deux types d’autorité à l’Hôpital : l’autorité hiérarchique et
l’autorité fonctionnelle.
Quelles sont les fonctions en lien avec chaque type d’autorité ? Ces autorités
sont-elles opposées ou complémentaires ? Comment cohabitent-elles au sein
de l’institution hospitalière ?
Tout d’abord, il y a l’autorité hiérarchique, qui est « définie dans le statut de la
fonction publique comme ayant le pouvoir de nomination et le pouvoir de
subordination » [23, p. 15].
Ensuite, il y a l’autorité fonctionnelle, qui « ne permet pas de nommer et de
gérer la carrière mais de revenir sur les décisions prises par les
31
collaborateurs » [23, p.15]. Cette autorité s’appuie sur l’expertise de celui qui en
est détenteur.
Après l’étude de ces types d’autorité, elles paraissent opposées de par leurs
attributs. Néanmoins, les deux types d’autorité cohabitent à l’Hôpital. En cela,
les différents acteurs et détenteurs d’autorité doivent nécessairement cohabiter
pour assurer la mission de service public de l’Hôpital. En cela, la collaboration
avec la « recherche permanente de cohérence, d’efficacité dans la prise en
charge
du
patient
et
dans
le
fonctionnement
institutionnel
est
indispensable » [23, p. 15].
Si la cohabitation des deux types d’autorité est indispensable pour permettre à
l’Hôpital de pérenniser son activité et garantir la prise en charge des patients,
quelle place occupe le cadre de santé ?
2.2.3.2 Cadre de santé : deux fonctions distinctes
Le cadre de santé détient une place stratégique au sein de l’institution
hospitalière. En effet, il « occupe une place intermédiaire au cœur des logiques
soignantes, médicales et administratives » [21, p. 19].
Deux fonctions sont dévolues au cadre de santé. D’une part la fonction
management et d’autre part la fonction d’encadrement.
Quelle est la différence entre les deux fonctions ? Comment le cadre de santé
les met-il en œuvre au quotidien ?
La première fonction est la fonction management.
Management vient de « manus » qui signifie « la main », qui est un dérivé de
« managgiare », c’est-à-dire « manœuvrer ». Ardoino en 1970, donne une
définition du management : « Celui qui conduit les hommes et les organisations
à la main » [24], c’est-à-dire que le cadre de santé met en œuvre et coordonne
les fonctions.
Quels modèles sous-tend cette mise en œuvre ?
32
Jean-Marie Révillot, docteur en sciences de l’éducation, présente deux grands
modèles |24] : tout d’abord, le taylorisme qui est centré sur la tâche. Le
manager trouve la meilleure méthode pour organiser le travail sous forme de
tâches successives à effectuer.
Ensuite, il décrit le modèle de Crozier et Friedberg en lien avec la pensée
systémique. Pour eux, l’action collective est bénéfique et la coopération des
hommes permet de résoudre les problèmes : le sujet n’est plus agent mais
devient donc un acteur.
Dans le management, les deux modèles coexistent, c’est-à-dire que d’une part
l’agent a peu d’initiative et exécute les tâches prescrites, mais, d’autre part, il a
également un rôle et une zone de liberté. Le manager peut lui confier une
certaine initiative dans l’exécution de la tâche.
Comment le cadre de santé peut-il procéder au quotidien auprès d’une équipe
qu’il manage ?
Plusieurs modèles de management coexistent et sont utilisés par le cadre de
santé en fonction des situations qui se présentent |25].
Tout d’abord les styles de management directif, persuasif et délégatif. Dans ces
styles, la relation est hiérarchisée. La relation d’autorité est marquée entre le
cadre et ses collaborateurs. La cadre confie une mission que le collaborateur
doit mener à bien.
Ensuite, le cadre de santé peut lors de certaines situations avoir un
management participatif. Il est utilisé lorsque le cadre veut que tout le monde
décide. Ce type de management est alors employé, notamment lors de groupes
projets. La relation du cadre de santé est plus médiatrice.
Le cadre de santé met en œuvre différents styles de management, on peut
alors dire qu’il utilise un management situationnel où la relation est tactique et
adaptative au contexte [25]. Le management place le cadre de santé en
technicien de la relation, c’est-à-dire qu’il est capable de s’adapter aux
situations, au contexte, aux acteurs présents. Il peut passer de l’un à l’autre
modèle en fonction de la situation et de ces attentes. On peut dire que le cadre
de santé est un stratège lorsqu’il s’agit de manager l’équipe. Le cadre est alors
dans un système de gestion lorsque l’on évoque le management.
33
La deuxième fonction du cadre de santé est l’encadrement de l’équipe
paramédicale. Le cadre de santé encadre des professionnels qui sont au cœur
du « prendre soin ». Il se place alors dans la proximité des soignants et des
patients au quotidien. Qu’est-ce alors que l’encadrement ?
Dupuy, sociologue, auteur de La faillite de la pensée managériale, et cité par
Jean-Marie Révillot, donne une définition : « Un cadre, c’est un élément
diacritique qui sépare l’œuvre du réel. Il peut être plus ou moins enluminé,
selon les types, pourvu qu’il garde sa fonction de mise au premier plan de ce
qui est lieu de la médiation comme le dit Lacan. » [24]
En d’autres termes, l’œuvre est un idéal vers lequel on veut tendre au
maximum. Et le réel est fait de difficultés et de problématiques que le cadre
reconnaît.
Le cadre de santé est comme un équilibriste entre le réel et l’œuvre à
accomplir. Être dans la fonction d’encadrement permet de faire verbaliser les
choses qui ne vont pas et ensuite rechercher des solutions ou temporiser. Là, le
cadre de santé a davantage un rôle de médiateur.
Pour permettre cela, le cadre de santé se positionne « à » proximité et « de »
proximité. La fonction d’encadrement associe ces deux types de proximité.
Quelles distinctions y a-t-il entre les deux ?
Le cadre « à » proximité gère l’espace, apporte des aides ponctuelles et il est
référent de l’organisation soignante.
Le cadre « de » proximité s’inscrit dans la durée ; il incarne les valeurs du
collectif et apporte une aide dans la durée.
Toute la difficulté est d’associer ces deux types de proximité afin d’avoir une
fonction d’encadrement efficace auprès des soignants.
Comment le cadre de santé met-il en œuvre cette fonction d’encadrement au
quotidien ?
Tout d’abord en reconnaissant les difficultés et ne pas les occulter. Ensuite, il
peut valoriser ceux qui prennent des initiatives. Il peut également mobiliser le
groupe pour trouver des solutions à un problème récurrent.
34
Le cadre de santé est alors celui qui seconde autrui pour qu’il grandisse, non
pas en faisant à sa place, mais en lui donnant des pistes de réflexion afin
qu’autrui puise dans ces ressources pour grandir. L’encadrement s’apparente
alors à de l’accompagnement. « Accompagner » signifie « servir de guide »
[26].
Par l’autorité qui est conférée au cadre de santé par sa fonction au sein de
l’équipe, il a toute légitimité pour encadrer cette équipe. Je reviens sur la
définition de l’autorité qui permet à celui qui la détient de faire grandir l’autre, de
le faire croître. Par cette fonction d’accompagnement, le cadre de santé aide
autrui à progresser. Il ne fait pas « à la place », mais l’aide à y arriver.
2.3 Synthèse
Au terme de l’étude des concepts d’ « identité » et d’ « autorité », je me rends
compte que l’identité professionnelle est une construction complexe dans la
relation avec autrui. L’identité du cadre de santé se construit lors de sa prise de
poste mais aussi en formation cadre de santé. Elle est mouvante, instable et
évolue tout au long de la carrière professionnelle. Le cadre de santé a d’abord
une identité de soignant et ensuite il se forge une identité de cadre de santé, en
lien avec ses valeurs. Par quel processus va-t-il passer ?
Le cadre de santé occupe une place particulière dans l’institution qui se situe
entre les soignants et l’équipe de direction. Il est au carrefour des acteurs et
doit s’adapter aux différentes demandes institutionnelles, aux besoins des
soignants et des patients.
De plus, pour asseoir son autorité auprès de l’équipe, comment le cadre de
santé adopte-t-il une posture légitime envers l’équipe paramédicale ?
Quel est le lien étroit entre la légitimité et l’autorité ?
L’autorité du cadre de santé est-elle innée ou acquise ? Comment se
développe-t-elle ?
De plus, le cadre de santé est auprès de l’équipe soignante, il est souvent
appelé « cadre de proximité », car il est « à » et « de » proximité.
35
Comment alors peut-il construire son identité professionnelle avec ses pairs ?
Ne risque-t-il pas de se sentir isolé ?
Comment l’institution gère-t-elle la place du cadre de santé dans l’équipe ?
Quelles sont ces relations avec ses collègues cadres de santé ?
Toutes ces questions me renvoient à mon hypothèse de recherche qui est :
L’identité de soignant et les valeurs portées par le cadre de
santé peuvent rendre difficile son positionnement dans une
relation d’autorité pourtant inhérente à la fonction managériale
et d’encadrement.
Néanmoins, cette relation d’autorité peut se construire grâce à
l’identification à un collectif de cadres.
36
MÉTHODOLOGIE
3. METHODOLOGIE
Ce travail d’initiation à la recherche s’inscrit dans le champ des recherches en
sciences sociales. Cette démarche de recherche est composée de différentes
étapes.
Dans un premier temps, la phase exploratoire est développée dans la partie
situation et cadre contextuel. Cette étape exploratoire, qui succède à ma
question de départ et qui est composée de lectures et d’entretiens
exploratoires, m’a permis d’identifier une problématique, puis une hypothèse de
recherche.
Le second temps de mon travail de recherche consiste à recueillir et analyser
des données qui me permettent de confronter mon hypothèse de recherche qui
est :
L’identité de soignant et les valeurs portées par le cadre de
santé peuvent rendre difficile son positionnement dans une
relation d’autorité pourtant inhérente à la fonction managériale
et d’encadrement.
Néanmoins, cette relation d’autorité peut se construire grâce à
l’identification à un collectif de cadres.
3.1 Méthodologie
La méthodologie retenue pour ce travail d’initiation à la recherche est une
observation d’un échantillon de personnes de type qualitatif. Ceci est préconisé
par le temps à consacrer à l’étude qui est assez court. La méthode qualitative
permet de récolter des données auprès d’un échantillon de personnes. Il donne
ensuite la possibilité d’analyser ces données et de les confronter à l’hypothèse
de recherche [27].
38
3.2 Choix de la population
Ma démarche de recherche s’intéresse à la relation d’autorité du cadre de
santé, sa légitimité envers une équipe soignante et sa construction identitaire.
Ainsi, je décide, avec ma directrice de mémoire, d’observer une population
précise qui est celle des cadres de santé en exercice professionnel et diplômés
de l’école des cadres, avec une ancienneté plus ou moins longue.
En effet, les personnes observées sont « des témoins privilégiés. Il s’agit de
personnes qui, par leur position, leurs actions ou leurs responsabilités, ont une
bonne connaissance du problème » [28, p. 65].
Je souhaite rencontrer des cadres de santé en exercice, dans deux
établissements de tailles différentes et de deux régions afin d’enrichir l’analyse
qui va suivre et permettre des comparaisons.
Je décide donc de rencontrer des cadres de santé dans un centre hospitalier
universitaire de Bourgogne-Franche-Comté (environ 5 000 agents) et des
cadres de santé d’une clinique privée de la région Grand Est (environ 400
agents).
3.3 L’étape d’observation
L’étape d’observation « comprend l’ensemble des opérations par lesquelles le
modèle d’analyse (constitué d’hypothèses et de concepts) est soumis à
l’épreuve des faits, confrontés à des données observables » [28, p. 155].
3.3.1 Instrument d’observation
Cette étape consiste à créer un instrument qui permet de recueillir des données
indispensables afin de confronter et tester l’hypothèse de recherche.
39
Je décide de mener des entretiens semi-directifs. II permet de recueillir des
données, des points de vue, des fonctionnements… en posant des questions
semi-ouvertes donnant la possibilité à la personne interviewée de discourir avec
peu d’interruptions.
Ensuite, j’élabore un canevas d’entretien en collaboration avec ma directrice de
mémoire. Ce canevas comprend quatre questions principales, en lien avec mon
hypothèse et les indicateurs relevés (cf. annexe 1, p. 89). Les quatre questions
principales sont tout d’abord une question sur les déterminants sociaux, ensuite
les liens entre la fonction « soignante » et la fonction « cadre de santé », puis
l’identité collective des cadres de santé, et enfin les signes de reconnaissance.
Pour étayer le discours, j’insère des questions de relance dans chaque question
principale afin d’avoir notamment des exemples concrets dans l’exercice
professionnel et de développer certains aspects en lien avec mon hypothèse de
recherche.
Après l’élaboration de mon canevas d’entretien provisoire, je le soumets à
validation par ma directrice de mémoire. Après relecture et quelques
modifications, la grille a été validée début janvier 2016.
Je teste alors sa conduite auprès d’une cadre de santé avec qui j’ai exercé
auparavant. Cela me permet d’intégrer le canevas, de m’exercer à poser les
questions de relance et de voir si mes questions sont compréhensibles par
autrui.
3.3.2 La collecte des données
La collecte des données « constitue la mise en œuvre de l’instrument
d’observation » [28, p. 185].
Mi-janvier 2016, je contacte les directions des soins de deux établissements de
santé : un centre hospitalier régional universitaire et une clinique privée.
J’envoie un courrier de demande d’entretiens qui présente ma problématique et
mon hypothèse de recherche ainsi que mon canevas d’entretien. Je précise
40
également les critères au regard des personnes que je souhaite interviewer. Je
demande à rencontrer des cadres de santé, des femmes et/ou des hommes,
avec au moins une expérience d’encadrement d’au moins deux ans et diplômés
d’une école des cadres depuis au moins une année. Je désire rencontrer des
cadres de service de médecine ou chirurgie afin de varier les secteurs
d’activités et les nombres de collaborateurs de l’équipe.
Ma demande de départ est d’interviewer trois cadres de santé d’un centre
hospitalier universitaire et trois cadres de santé d’une clinique. L’étude
qualitative porterait donc sur six entretiens.
Quelques jours après envoi par mail de mes demandes, je reçois trois réponses
positives par la direction des soins de la clinique, qui me donne le nom et le
numéro de téléphone de trois cadres de santé d’accord pour me rencontrer. Je
prends alors immédiatement rendez-vous avec les trois cadres de santé de la
clinique.
Dans le même temps, je reçois une réponse positive du centre hospitalier
régional universitaire qui m’autorise à contacter les cadres supérieurs de santé
de mon choix. Je contacte donc par mail trois cadres supérieurs de santé de
trois pôles différents et leur envoie ma demande avec mes critères ainsi que
mon canevas d’entretien. Je reçois dans la semaine trois propositions
d’entretiens avec un cadre de santé par pôle qui est disponible.
Par ailleurs, deux semaines plus tard, je reçois deux demandes spontanées de
cadres de santé intéressés par le thème de recherche, après échanges avec
leur cadre supérieur.
Naturellement, j’accepte de rencontrer ces personnes après échanges avec ma
directrice de mémoire. Je décide donc de réaliser et analyser huit entretiens
afin d’enrichir ma phase d’analyse de cette opportunité.
Après avoir pris les rendez-vous, je mène huit entretiens entre le 9 février 2016
et le 25 février 2016. Les entretiens durent entre vingt-cinq minutes et une
heure quinze pour le plus long.
41
Je suis accueillie à chaque fois dans le bureau du cadre de santé. Sept
entretiens sur huit sont interrompus par au moins un appel téléphonique.
Afin de pouvoir collecter les données de manière exhaustive, je demande
l’accord pour enregistrer les entretiens. Ma demande est acceptée à chaque
fois. Je peux ainsi retranscrire fidèlement les propos recueillis après chaque
entretien. Cette étape est longue mais indispensable pour m’imprégner des
propos et des faits mentionnés lors des échanges.
3.4 Les limites
Tout d’abord, l’élaboration de mon travail de mémoire est mon premier travail
d’initiation à la recherche. Il est donc important que je m’approprie la
méthodologie, et ceci est possible grâce à l’accompagnement de ma directrice
de mémoire et aux différents cours reçus en institut de formation des cadres de
santé.
Ensuite, je constate, après la réalisation des entretiens semi-directifs, leurs
limites. En effet, je ne maîtrise pas au départ la technique de l’entretien semidirectif.
Au fur et à mesure des entretiens, je connais mon canevas par cœur et je me
sens à l’aise dès le quatrième entretien. Je ne pose pas les questions dans
l’ordre prévu par le canevas, mais je m’adapte en fonction des réponses
données par mes interlocuteurs et pose les questions de relance en fonction
des réponses données. De plus, la concentration doit être continue du début à
la fin des entretiens afin de rebondir de façon appropriée à ce que j’entends. Il
en est de même lors des interruptions téléphoniques. Un entretien en a une à
six, je dois donc à chaque interruption reposer la question à mon interlocuteur
afin de poursuivre l’échange. Je me rends compte qu’à partir du deuxième
entretien dans la journée je ressens plus de difficulté de concentration et je dois
faire un effort pour être aussi attentive qu’au premier.
J’essaye d’instaurer un climat de confiance entre les interviewés et moi-même
par le respect de la confidentialité et l’écoute active. Cela permet une parole
42
« vraie » et je sens au fur et à mesure des échanges une relation de confiance
qui s’installe. Je me rends compte également que certaines questions peuvent
déstabiliser les personnes interviewées. Pour la quatrième question qui porte
sur la reconnaissance, je trouve que certains cadres sont touchés par cette
question et des réactions d’émotions constatées. Il est difficile pour moi de
rester neutre lors de ces réactions émotionnelles. Je me suis alors aidée des
questions de relance pour rebondir et terminer mes entretiens.
Je prends également un temps après l’enregistrement pour échanger quelques
minutes avec les cadres afin de clôturer l’entretien de façon plus informelle.
Enfin, je désire rencontrer des hommes et des femmes lors des entretiens, mais
les directeurs des soins et les cadres supérieurs m’orientent vers des cadres de
santé féminines. Je reprends cela dans la partie suivante en lien avec les
déterminants sociaux. Le critère temps de la réalisation ne me permet pas de
changer de lieux d’entretiens ; je mène donc huit entretiens avec les cadres de
santé qui acceptent de me rencontrer dans les délais impartis.
3.5 Analyse des entretiens semi-directifs
Après la réalisation des entretiens, je les retranscris en intégralité. Le discours
ainsi posé à l’écrit, je peux m’appuyer dessus pour la construction de mon
analyse. Chaque entretien est ensuite décortiqué, et les idées importantes me
permettent d’identifier des thèmes prévalents.
J’élabore ensuite un tableau de classification par thème, qui reprend pour
chaque thème les propos des cadres de santé interviewés, puis j’analyse les
écarts observés entre le cadre conceptuel et le terrain clinique (cf. annexe 2,
p. 90).
Les cadres de santé rencontrés sont appelés CDS 1, CDS 2, CDS 3… et sont
classés dans l’ordre chronologique des entretiens réalisés.
43
ANALYSE
4. ANALYSE
.
Cette étape, qui fait suite à la réalisation des entretiens semi-directifs,
comprend deux parties. La première consiste à exploiter les déterminants
sociaux des cadres de santé interviewés et la seconde à analyser le discours
recueilli. Cette partie d’analyse est réalisée à l’aide d’un tableau (cf. annexe 2,
p. 90)
4.1 Déterminants sociaux
Tout d’abord, je recueille les déterminants sociaux collectés lors des entretiens
semi-directifs. J’ai rencontré huit cadres de santé : cinq qui exercent dans un
centre hospitalier universitaire de Bourgogne-Franche-Comté et trois qui
exercent dans une clinique privée de la région Grand Est.
Je présente les déterminants sociaux dans le tableau suivant en présentant
l’âge, le sexe, la situation familiale, le parcours professionnel et sa durée,
l’année d’obtention du diplôme cadre de santé, l’ancienneté dans cette fonction,
le lieu d’exercice actuel et le nombre d’agents placés sous sa responsabilité
(voir le tableau récapitulatif page suivante).
Utilisation d’acronymes dans le tableau :
CDS = cadre de santé
IDE = infirmier(ère) diplômé(e) d’État
IBODE = infirmier(ère) de bloc opératoire diplômé(e) d’État
FFCDS = faisant fonction cadre de santé
CHRU = centre hospitalier régional universitaire
45
Âge
Sexe
CDS 1
41
F
CDS 2
55
F
CDS 3
32
F
CDS 4
52
F
Situation
familiale
Pacsée, 1
enfant
Mariée,
pas
d'enfants
Mariée,
1 enfant
Mariée,
3 enfants
Parcours
professionnel
Cadre
grande
surface
IDE/ IDE
PUER
= 10 ans
IDE/IBODE
= 27 ans
IDE
= 5 ans
IDE
= 11ans
Diplôme CDS
2012
2010
2014
2013
Ancienneté
dans la fonction
2 ans
FFCDS
4 ans
diplômée
1 an
FFCDS
6 ans
diplômée
3 ans
FFCDS
2 ans
diplômée
16 ans
FFCDS
3 ans
diplômée
CHRU
CHRU
70
70
25
20
CDS 5
CDS 6
CDS 7
CDS 8
Âge
60
43
45
42
Sexe
F
F
F
F
Situation
familiale
Divorcée,
pas
d'enfants
Célibataire
pas
d'enfants
Divorcée,
2 enfants
Mariée,
3 enfants
Parcours
professionnel
IDE
= 5 ans
IDE
= 8 ans
IDE
= 8 ans
IDE
= 14 ans
1995
2008
2007
2008
12 ans
FFCDS
21 ans
diplômée
2 ans
FFCDS
8 ans
diplômée
5 ans
FFCDS
9 ans
diplômée
3 ans
FFCDS
8 ans
diplômée
CLINIQUE
CHRU
CHRU
CHRU
30
60
85
60
Lieu d’exercice
Nombre
d'agents
Diplôme CDS
Ancienneté
dans la fonction
Lieu d’exercice
Nombre
d'agents
46
CLINIQUE CLINIQUE
J’ai rencontré des cadres de santé exclusivement de sexe féminin, qui ont entre
32 et 60 ans, ce qui me permet d’avoir un échantillon d’âges assez large pour
mon travail de recherche.
De plus, tous les cadres de santé sont d’origine infirmière au départ, sauf CDS
1 qui, avant d’être infirmière, était cadre manager en grande surface.
Six cadres de santé rencontrées étaient infirmières avant d’être cadres de
santé, pendant 5 à 14 ans.
Deux autres étaient infirmières, puis se sont spécialisées. La première était
infirmière puéricultrice pendant 10 ans et la seconde était infirmière de bloc
opératoire pendant 20 ans.
Mon étude se limite donc à l’étude des infirmières de sexe féminin qui sont
devenues cadres de santé.
Ensuite, j’ai choisi de rencontrer des cadres de santé avec une expérience
variable : elles sont diplômées de l’école des cadres depuis 2 ans jusqu’à 21
ans.
Néanmoins, je relève que deux cadres de santé de santé ont une expérience
de faisant fonction longue : CDS 4 de 16 ans et CDS 5 de 12 ans. J’identifie
que les expériences longues de faisant fonction sont réalisées en clinique
privée.
Ensuite, je remarque que les cadres de santé rencontrés ont la responsabilité
d’unités de taille différentes avec un nombre d’agents qui va de 20 à 85
personnes sous leur responsabilité.
Enfin, j’ai décidé de mener des entretiens dans deux établissements de tailles
différentes : un centre hospitalier universitaire et une clinique privée afin de voir
si des points divergents ou convergents existent entre les deux en lien avec
mon hypothèse de recherche.
47
4.2 Analyse du discours
Dans un second temps, j’analyse le discours recueilli en le classant selon
quatre thèmes qui sont :

le changement de fonction : d’infirmière à cadre de santé,

la relation d’autorité du cadre de santé dans l’équipe paramédicale,

l’identité collective des cadres de santé,

la reconnaissance du cadre de santé.
4.2.1 Le changement de fonction : d’infirmière à cadre de santé
Je débute l’analyse par le thème du changement de fonction, c’est-à-dire le
passage d’infirmière à cadre de santé. Pour cela, je recherche, dans le discours
de chaque cadre de santé, comment le processus de changement identitaire
s’est amorcé.

Processus de changement identitaire
Sur les huit cadres de santé rencontrés, quatre ont vécu ce passage entre les
deux fonctions comme une « continuité ». Il s’agit des cadres de santé 1, 5, 6 et
7. Pour les CDS 1 et 5, on reste soignant à la base, et cela est une continuité
de parcours en tant qu’évolution professionnelle. CDS 5 dit : « Ben, on reste
soignant quand même, à la base. On n’oublie pas son métier », et CDS 1 dit :
« Il y a plein de liens entre mon métier d’origine et ma fonction cadre de santé.
Pour moi c’est la continuité en fait. »
Pour les CDS 6 et 7, cela est vécu comme une progression professionnelle.
CDS 6 dit : « Je l’avais prévu, j’ai eu besoin finalement de passer à la vitesse
supérieure, à un échelon non pas supérieur, mais avec un peu plus finalement
de latitude ». CDS 7 dit : « J’ai trouvé mon compte et je pense que j’ai plus de
48
possibilités d’action pour agir sur l’amélioration de la qualité de la prise en
charge du patient en étant cadre qu’infirmière. »
Pour ces cadres de santé, trois sont du secteur public exerçant en CHU et une
cadre est du secteur privé exerçant en clinique. Le changement de fonction
serait une évolution professionnelle avec une prise de responsabilité tout en
restant soignant infirmier au fond de soi. Le changement identitaire serait donc
en lien avec une évolution possible de carrière, et le choix viendrait de la
personne elle-même pour la moitié des cadres de santé rencontrés.
Par ailleurs, l’autre moitié des cadres de santé, CDS 2, 3, 4 et 8, évoquent le
passage d’une fonction à l’autre après que quelqu’un ou quelque chose les y ait
poussés sans volonté claire, au départ, de leur part.
Trois des cadres indiquent que ce changement s’est fait « naturellement »,
c’est-à-dire que leur hiérarchie les a incités à prendre un poste de faisant
fonction cadre de santé, car elle voyait en elles le potentiel. CDS 3 dit : « Ça
s’est fait naturellement, mais c’est ma directrice qui m’a reconnu des qualités, je
pense […] elle a dit : “Il y a quelque chose, vous êtes un petit leader”, alors que
j’en avais pas du tout conscience. » CDS 4 évoque la même chose : « C’est
une décision institutionnelle… en fait, ce changement s’est fait tout
naturellement. »
CDS 8 indique également avoir été incitée par sa directrice : « C’est ma
directrice qui m’a inscrite à la préparation concours en me disant : “Je pense
que ce serait bien que vous fassiez cette préparation.” Mais honnêtement, ce
n’était pas du tout un choix de ma part, voilà. »
Le CDS 2 évoque ce changement de fonction par dépit, sans être un choix au
départ, mais s’y est résigné par la force des choses, après plus de 20 ans
d’exercice en tant qu’infirmière : « Et puis un jour, je me suis dit : “bon”, je me
suis dit : “tu vas passer ta vie à te plaindre ; soit tu acceptes les cadres et tu
t’écrases, soit tu fais l’école, et toi tu feras à ta façon”. »
Pour trois cadres de santé, il semblerait que la hiérarchie institutionnelle ait
reconnu des capacités et des compétences en lien avec la fonction cadre. Elle
les aurait ainsi incités à se projeter dans cette nouvelle fonction. Le
49
changement identitaire serait alors dû à une entité externe et ne viendrait pas
au départ de l’individu lui-même. Il a été auparavant convaincu par sa
hiérarchie qui est la direction des soins. On voit aussi l'importance que peut
avoir le jugement des compétences par la hiérarchie sur l’orientation du projet
professionnel. Le directeur des soins est lui-même issu de la filière soignante et
devenu directeur de soins par évolution professionnelle. Il pourrait s’agir ici d’un
phénomène de reproduction professionnelle. Le directeur de soins recherche
des professionnels qui correspondent aux critères et compétences attendus
dans l’institution qu’il représente.
Enfin, je relève que toutes les femmes CDS vues en entretiens ont effectué un
temps plus ou moins long : entre 1 et 16 années de « faisant fonction cadre de
santé » avant d’entrer en formation. Je peux dire que le processus de
professionnalisation se fait donc en deux temps : un temps de mise en situation
professionnelle, puis l’entrée en formation afin de développer et asseoir les
compétences attendues.

Liens entre fonction soignante et fonction cadre de santé
Dans un deuxième temps, j’analyse les liens entre la fonction soignante IDE et
la fonction cadre de santé au niveau des compétences.
Six des cadres de santé indiquent que les compétences d’organisation et
gestion sont prédominantes en tant que cadre de santé et font le lien avec la
profession d’infirmière. Ces compétences acquises avant d’être cadre de santé
seraient alors utilisées dans la nouvelle fonction. CDS 1 dit : « Quand on est
IDE ou “puer”, on est beaucoup dans l’organisation aussi, et là c’est pareil ; un
CDS travaille beaucoup sur l’organisation. »
Pour autant, les six indiquent que l’organisation est à un autre niveau, au
niveau de soignants. Par exemple CDS 5 dit : « De leur permettre de bien faire
leur travail, de pouvoir faire leur travail, de mettre en place des conditions pour
pouvoir bien travailler. » Les compétences organisationnelles se situeraient
donc au niveau de la fonction du cadre que sont le management et
50
l’encadrement des équipes de soins. Le cadre de santé n’assure donc plus de
missions soignantes à proprement parler auprès du patient.
Néanmoins, le changement de fonction imposerait un changement identitaire et
ne serait pas si simple en pratique. C’est ce que souligne le CDS 5 en
indiquant : « À un moment donné, il faut faire le deuil de toute façon de l’IDE,
parce que sinon on n’est pas un bon cadre, sinon on n’est pas un bon manager.
Sinon on reste toujours dans les soins. » Le CDS 6 ajoute : « Pour être un bon
cadre, le management des agents est différent de prendre soin des patients car
pas de maternage. » Ces deux cadres de santé ont évoqué la notion de « faire
le deuil de sa fonction infirmière pour devenir cadre de santé ». Ce changement
d’identité professionnelle serait donc vécu comme un deuil par les
professionnels.
Le processus de deuil est identique à un individu qui perd un être cher. Kets de
Vries a décrit les différentes étapes du processus de deuil qui sont : la peur,
l’incrédulité, le renoncement, et enfin l’acceptation. Ce processus décrit le
passage d’un état stable à un autre état stable, et les stades sont plus ou moins
marqués selon les individus [29, p. 165].
Je remarque alors que le CDS 4 n’évoque pas cette notion de deuil mais au
contraire dit : « Savoir ce qui se passe, être la personne de référence pour les
soignants, pour moi. Ce matin encore, elles avaient un problème, elles avaient
un doute, c’est réconfortant ma place. Elles me demandent : “Qu’est-ce que tu
en penses ? et ce que tu peux voir ?” ».
Je relève que la fonction soin est encore très présente et on peut donc
supposer que les cadres de santé doivent pour certains « faire le deuil » d'une
identité soignante sans pour autant délaisser leurs compétences soignantes. Je
note également qu’avant d’entrer en formation cadre, ce cadre de santé a
travaillé 16 ans en tant que faisant fonction cadre de santé.
Le changement d’identité professionnelle serait complexe et difficile pour les
cadres de santé qui sont issus de la formation initiale infirmière, ce qui est le
cas pour les cadres de santé rencontrés. Les soins et le « prendre soin » sont
omniprésents dans leur fonction initiale. Certains parlent de deuil de la fonction
51
infirmière et d’autres se placent en tant que référent expert du personnel
soignant.

Motivations
Enfin, j’analyse la motivation au quotidien qui anime les cadres de santé.
Sept cadres de santé interviewés mettent en avant leur motivation qui est de
prendre soin de l’équipe pour qu’elle prenne au mieux en charge le patient.
Par exemple, CDS 8 dit : « La recherche de la satisfaction du patient, surtout.
C’est prioritairement cela. »
De plus, CDS 6 ajoute : « Ce qui me fait me lever le matin et déjà à l’époque,
c’était prendre soin des soignants pour qu’ils prennent soin des patients. J’ai
mis une personne entre le patient et moi, entre guillemets, je schématise, mais
c’est ça qui me motive et faire le moins mal possible. »
Les sept cadres de santé évoquent la bienveillance auprès de soignants. Ceuxci seraient alors bienveillants auprès des patients.
Dans un article, Jean-François Dortier, donne une définition de la bienveillance
dans les hôpitaux : « Être bienveillant, c'est considérer le malade comme autre
chose qu'un corps à soigner. Il est une personne, dont il convient de respecter
l'intimité. » [30, p. 56] Plus loin, il transpose la bienveillance dans l'entreprise et
la décline selon trois principes élémentaires qui sont : considérer les personnes,
veiller à la qualité des relations humaines et respecter les conditions de travail
[30].
Dans le dictionnaire des risques psychosociaux, Stéphanie Carpentier
(Docteure en sciences de la gestion), écrit :
« Sur le plan
du management
des ressources humaines, la
bienveillance permet en effet au manager qui la pratique d'instaurer de
la confiance avec l'ensemble de son personnel, de faire adhérer la
52
majorité à sa démarche, de développer leur capacité à aider les autres
à se projeter dans l'avenir. » [31, p. 70]
Le cadre de santé serait alors, par son management et son encadrement, non
seulement un gestionnaire de ressources humaines, mais également dans « le
prendre soin ». Cette valeur soignante serait alors encore prégnante dans la
fonction cadre de santé.
Néanmoins, le CDS 8 n’évoque pas cette notion de « prendre soin de l’équipe
pour prendre soin du patient », mais en revanche se situe en tant qu’infirmière
en cas de besoin dans l’unité. Elle dit : « Si besoin, je peux aider et faire de
soins directs. » Elle ferait donc les soins à la place des infirmiers si besoin.
Deux autres cadres de santé qui ont évoqué « le prendre soin » de l’équipe
effectue également des soins directs au besoin. Il s’agit des CDS 3 et 5. CDS 3
dit : « Je ne suis pas quelqu’un de directive mais plutôt dans le donnantdonnant. Je suis plus dans ce registre-là. C’est vrai que je fais quand même
des soins, mais ce n’est pas ma fonction première. »
Donc trois cadres sur huit donnent des soins directs auprès des patients
accueillis dans leurs unités.
Je rencontre à ce stade de mon analyse deux visions différentes de la légitimité
de la fonction cadre de santé.
L’une est basée sur l’expertise soignante et la pratique de soins directs en cas
de besoin en effectuant des soins infirmiers.
Et l’autre est une fonction de management et d’encadrement pour permettre
aux soignants de prendre en charge les patients et effectuer des soins de
qualité.
4.2.2 La relation d’autorité du cadre de santé au sein de l’équipe
paramédicale
Dans cette deuxième partie, j’analyse la relation d’autorité au sein de l’équipe
paramédicale dont elle a la responsabilité.
53
Par sa position hiérarchique, dans l’établissement, le cadre de santé est à la
jonction de l’équipe paramédicale et de la direction des soins. Il occupe donc
une place singulière dans l’institution hospitalière en centre hospitalier
universitaire ou en clinique.

Positionnement
du
cadre
de
santé
envers
l’équipe
paramédicale
Tout d’abord, je concentre l’analyse sur le positionnement du cadre auprès de
l’équipe en tant qu’autorité hiérarchique et sur leur définition de cette autorité.
CDS 1 dit : « Mon job, c’est quand même de les encadrer, je dois fixer un
cadre » ; CDS 3 ajoute : « Ce que je demande doit être fait » et CDS 6 dit : « Je
suis là pour les sécuriser et mettre un cadre... les sécuriser, c’est aussi donner
des limites et faire preuve d’autorité. » CDS 8 dit : « De temps en temps, parce
que ça arrive, lors d’un conflit ou autre, je rappelle la règle. Je suis le cadre du
service. »
Les 8 cadres de santé rencontrés évoquent leur mission en tant que cadre de
santé : mettre un cadre, rappeler à la règle, donner les limites. En tant que
cadres de santé responsables de la gestion de l’unité, elles sont garantes de
l’application des règles et des normes en vigueur.
Également, elles indiquent toutes que les injonctions de la direction doivent être
appliquées. Le CDS 4 donne un exemple concret : « Il y a des choses où c’est
comme ça et point final. Par exemple, pour la certification du mois de juin 2015,
la directrice des soins trouvait que la tournée n’était pas sécurisée parce qu’elle
la faisait à deux. Donc, il a été décidé que chacune faisait sa tournée. Après
que la certification soit passée, tout à coup j’ai dit : “J’hallucine ça
recommence”. Donc là voilà j’ai dit : “Stop, ce n’est pas négociable, les
tournées se font chacune dans son secteur et séparément, c’est tout”. »
54
De même, CDS 3 annonce : « Il y a des choses qu’on me demande à moi
d’appliquer, et c’est clair que je vais dire : “Voilà c’est comme ça”. Si ça doit être
appliqué, et ben ça doit être fait et appliqué. »
Les injonctions et demandes de la hiérarchie seraient imposées par le cadre de
santé à l’équipe paramédicale sur application d’une demande. La position
hiérarchique du cadre instaurerait une forme d’obéissance à ce qui est
demandé d’être appliqué. Cela ferait penser à une autorité fondée sur le
pouvoir hiérarchique du cadre de santé ou « autorité traditionnelle » du cadre
de santé décrite par Max Weber.

Typologies de l’autorité
Néanmoins, j’analyse le mode d’application des décisions au niveau de l’équipe
et la typologie qui seraient alors présentes dans cette relation d’autorité.
CDS 2 indique : « Je trouve que c’est important de discuter et de collaborer
parce que autrement ça ne marche pas. Si on veut qu’une décision fonctionne
ou qu’une règle soit bien mise en place, c’est pas en faisant de l’autorité simple
que ça marche. »
De plus, CDS 3 dit : « Sur d’autres choses, c’est vrai que parfois on arrive à
discuter. Il y a des choses où j’arrive à demander : “Qu’en pensez-vous ?”
Parfois si c’est moins important, je les fais réfléchir en groupe. Dire : “Ben voilà,
ça doit être fait, comment est-ce qu’on peut y arriver ensemble ?” Ce n’est pas
moi qui impose, j’écoute leur avis. Ça, c’est quand quelque chose doit être fait
et que la manière de le réaliser n’est pas imposée. Donc là par exemple, on
peut en discuter si ce n’est pas une directive. »
Il semblerait que le cadre de santé laisse une place aux échanges, à la
négociation sur la mise en place d’une décision afin que celle-ci soit appliquée
par l’équipe. L’autorité traditionnelle ne suffirait pas sur les applications dans la
durée et ne serait pas légitime face à l’équipe.
En effet, le cadre aurait un rôle dans l’explication des décisions et pour faire le
relais entre la direction et le terrain opérationnel. L’adhésion serait alors plus
55
importante quand les soignants se sentent impliqués et donnent du sens à une
directive. Les directives ne seraient pas appliquées si les soignants n’y trouvent
pas de sens. Donner du sens serait alors source de motivation pour les
collaborateurs.
Le cadre de santé chercherait, par ce fonctionnement, un consensus et
susciterait ainsi l’adhésion des soignants. Les bonnes relations faciliteraient la
relation d’autorité avec l’équipe soignante.
Par exemple, CDS 7 indique : « À partir du moment où on donne du sens à ce
qu’on fait on est capable d’embarquer les équipes et surtout expliquer. Pourquoi
ça ? Ben, ce n’est pas une lubie, ce n’est pas pour un confort personnel et à
partir du moment où on explique aux gens et qu’on met du sens à ce qu’on fait
ça se passe bien. »
Par ailleurs, au quotidien, les cadres de santé interviewés ont la responsabilité
de 20 à 85 collaborateurs qui sont en poste pour assurer la continuité de soins,
les équipes de jour et de nuit, et chaque jour de la semaine. Le cadre de santé,
seul, n’est pas toujours présent dans l’unité qu’il gère. J’analyse comment
l’autorité s’applique au quotidien et la légitimité du cadre de santé au sein de
l’unité même durant son absence.
Pour plusieurs cadres de santé rencontrés, les aspects de confiance et
d’authenticité envers les équipes apparaissent dans le discours.
CDS 1 dit : « Je ne suis pas directive, je suis franche. Voilà c’est ça, avec elles,
les choses sont mises sur la table, c’est-à-dire elles bossent, pas de problème.
Il y a un truc qui va pas, je vais leur dire. En fait, cette relation de confiance
nous permet d’avancer. »
CDS 6 ajoute : « Je pense fondamentalement que les soignants sont des
personnes intelligentes, pas plus ni moins que la moyenne, mais je leur renvoie
beaucoup que quand elles sont toutes seules à la maison, c’est des êtres
intègres, je veux dire par là que ce sont des adultes qui mènent leur vie et qui, à
la maison, prennent des décisions. Je fais beaucoup appel à ça, c’est-à-dire
que ce sont des personnes, des individus qui sont en capacité de réfléchir, et je
56
mets une certaine confiance à ça. […] Ce que je trouve intéressant, c’est
qu’eux-mêmes trouvent la limite. Et ça, j’y arrive à le faire avec les équipes, et
c’est hyper intéressant, et ça permet aussi une autorégulation de l’équipe. Donc
faire confiance quand je suis absente ».
D’autre part, deux cadres de santé n’évoquent pas cette autorégulation de
l’équipe, mais plutôt la fonction contrôle qui doit être mise en œuvre pour
pérenniser l’organisation mise en place. Ces deux cadres sont issus d’une
clinique et encadrent respectivement 20 et 25 agents.
CDS 3 dit : « À un moment donné, il y a quand même des règles de
fonctionnement, sinon c’est le flou artistique, il n’y a plus personne qui sait ce
qui doit être fait. Donc moi j’aime bien recadrer les choses. Par exemple : le
relevé de températures. À un moment donné, c’était plus fait, puis après la nuit,
puis après le jour. Bon attendez, c’est l’AS du matin qui relève, et c’est comme
ça, point. À un moment donné il faut trancher. »
CDS 4 ajoute : « Et tout d’un coup, vous vous rendez compte que dès qu’il y a
moins de surveillance derrière, c’est la catastrophe. Même dans la meilleure
des équipes, elles ont besoin… »
D’une part, j’observe des cadres de santé qui ont une certaine relation de
confiance envers l’équipe qu’ils encadrent et parle d’autorégulation en lien avec
le cadre posé par le cadre de santé, avec le respect et application des
demandes. Cela évoquerait l’autonomie laissée aux collaborateurs dans un
cadre précis et délimité. Cette autonomie plus ou moins importante dans un
cadre donné est appelée zone d’incertitude, c’est-à-dire que le collaborateur a
des marges de manœuvre dans la limite de ses responsabilités [32, p. 155]. Le
cadre de santé laisse alors aux agents une zone d’autonomie dans la limite de
leurs compétences. L’autorité du cadre de santé serait également basée sur la
confiance accordée aux équipes.
D’autre part, il y a des cadres de santé qui ne ressentent pas d’autorégulation
dans leur équipe de soins et recadrent régulièrement : la zone d’autonomie
serait alors plus réduite pour ces agents.
57
Mais, CDS 4 ajoute : « Il y a ce besoin de contrôle, et pour les soignants c’est
important. Ça permet aussi de valoriser leur travail puisque je regarde. » Cette
nuance sur la fonction contrôle du cadre de santé me renvoie à la définition du
concept d’autorité que nous avons vue dans la partie conceptuelle. De plus, ces
deux cadres de santé n’ont évoqué au cours de l’entretien leur fonction soin
qu’en besoin ou absentéisme. L’autorité serait alors basée sur l’expertise
infirmière avec contrôle du travail comme type d’autorité par rapport aux
soignants de l’équipe.
La typologie d’autorité soulève alors deux aspects :
D’une part, la fonction contrôle qui est exercée par le cadre de santé dans le
cadre qu’il fixe à l’équipe, en lien avec l’expertise infirmière.
D’autre part, la notion de confiance et d’autonomie dans ce cadre. La fonction
contrôle est alors là pour permettre aux agents de repérer les défaillances et les
limites sans pour autant sanctionner, mais plutôt encourager, valoriser et
chercher des solutions. Cela me renvoie aux propos de Walter Hesbeen, lors
d’une conférence à l’IFPS de Besançon, qui énonce : « L’autorité est d’aider les
membres de l’équipe à grandir, à se questionner sur ce qu’ils font envers les
patients. » [33] La typologie de l’autorité serait alors liée à l’encadrement du
cadre de santé : son rôle en tant qu’accompagnateur de l’équipe.

Légitimité du cadre de santé dans l’équipe paramédicale
Enfin, j’analyse la légitimité du cadre de santé dans l’équipe soignante. Après
analyse de ce thème dans les différents discours, je retiens plusieurs
indicateurs.
Tout d’abord, le cadre de santé doit avoir une bonne connaissance de l’équipe
dont il a la responsabilité. Pour encadrer et manager, il doit avoir une
connaissance des compétences de chacun, s’approprier les organisations de
l’unité et s’adapter aux logiques professionnelles de chaque corps de métiers.
58
CDS 8 dit : « Ce qui me semble important avec l’équipe, c’est la confiance,
voilà. Elles savent quels sont les objectifs, je pense, quelles sont mes attentes ;
je pense qu’elles les connaissent quand même assez bien. De plus, je les
connais relativement bien également. Du coup, j’ai l’impression que ça se fait
comme ça l’autorité, naturellement. »
De plus, le cadre de santé se montre disponible pour l’équipe, pour se
« montrer utile au quotidien » [21, p.20], ce qui lui permet d’avoir une relation
privilégiée avec l’équipe. Sa place sera alors reconnue par l’équipe soignante.
Ce que reprend CDS 6 ajoute à ce propos : « Je suis là pour les sécuriser et
mettre un cadre... les sécuriser, c’est aussi donner des limites et faire preuve
d’autorité. Cela ne me pose aucun souci, le fait d’être présent, le fait que
j’incarne ça ; c’est à la fois un point de repère, et puis je suis celui qui va dire
“oui”, “non”, qui tranche et que j’assume complètement. »
Le cadre de santé doit se « montrer capable d’influence » [21, p. 20], c’est-àdire qu’il connaît les contraintes des soignants, car, à leur côté, au quotidien, il
peut expliquer, argumenter certaines positions qu’il prend. Cela lui permet
d’établir un climat de confiance avec l’équipe. En effet, le cadre de santé qui est
un soignant à l’origine partage une culture du soin avec l’équipe qui passe par
un langage et un objectif communs : la prise en charge optimale de la personne
soignée.
Par ailleurs, le cadre de santé est un cadre d’origine infirmière dans mon travail
de recherche, c’est-à-dire qu’il possèderait des valeurs d’empathie, d’écoute et
qu’il pourrait les utiliser envers l’équipe par la relation de proximité qui est la
sienne. Ces valeurs sont partagées par de nombreux cadres et sont des
valeurs plutôt informelles. Cela lui permet de reconnaître le travail des
soignants, de gérer des conflits, de gérer les problématiques rencontrées par
les collaborateurs ou les patients. Sa fonction de proximité lui permettrait d’être
reconnu par l’équipe soignante, non pas comme un cadre gestionnaire, mais
comme un cadre de proximité, présent pour valoriser et aider l’équipe
soignante.
59
Néanmoins, le cadre de santé doit garder une certaine distance avec l’équipe
dont il est le responsable hiérarchique avec une place singulière. Pour Chantal
Del Sol, « l’homme d’autorité va comprendre ses semblables, écouter leurs
confidences, participer à leurs chagrins et à leurs joies. Mais il ne trahira pas
devant eux ses propres sentiments. […] D’où sa distance, qu’il lui faut
préserver » [18, p. 114].
Les cadres de santé rencontrés ont évoqué cette notion à diverses reprises.
Par exemple CDS 1 dit : « Je lui dis : “Mais je ne suis pas ta pote, je suis ta
chef, moi je suis là pour vérifier que le boulot soit fait”. Alors là, tout le monde
s’est regardé, et j’ai dit “je fais comme vous, vous faites votre boulot, et moi je
fais le mien”. Après ça peut très bien se passer, mais il faut accepter que le
chef soit là pour vous dire ce qu’il y a à faire, voilà ».
CDS 5 ajoute : « Moi les IDE ne sont pas mes collègues, même si je travaille
avec des personnes que je connais depuis longtemps ; elles savent à quoi
s’attendre, voilà… »
Le cadre de santé a donc une place singulière dans l’équipe de soin et doit
légitimer son autorité de cadre en se positionnant en tant que tel.
De même, pour quelques cadres de santé rencontrés, l’autorité est
« naturelle », ce qui rappelle « l’autorité charismatique » et « traditionnelle »
décrite pas Weber. Néanmoins, au vu du processus engagé dans la relation
d’autorité au quotidien, je pourrais dire que l’autorité s’acquiert et s’ajuste au
gré des situations rencontrées. Cela rappelle la notion du « management
situationnel » vu dans la partie conceptuelle, au regard des différents types de
management. L’autorité du cadre de santé ne serait pas réduite à un type de
management, mais à un management en fonction des situations rencontrées :
tantôt directif, tantôt délégatif ou participatif.
Au surplus, le management par la négociation semblerait prépondérant dans la
relation d’autorité auprès des équipes. La négociation étant une « relation de
face à face où des acteurs interdépendants et en rapport de dépendance et de
pouvoir recherchent par des ajustements réciproques un arrangement
recueillant leur accord et leur permettent de réduire leurs divergences »
60
[32, p. 259]. Atkinson, en 1975, recense quatre phases dans le processus de
négociation : « l’échange d’information, l’équilibrage, l’échange de concessions
et le dénouement » [32, p. 207].
La légitimité du cadre de santé auprès de l’équipe serait alors reconnue par son
mode de management enclin à la négociation tout en fixant un cadre et des
limites.
Cela rend l’autorité charismatique et traditionnelle moins légitime pour le cadre
de santé sur la durée. En effet, les cadres de santé qui évoquent ce type
d’autorité laissent peu d’autonomie à leur collaborateur et sont dans la fonction
contrôle quasi permanente. Le troisième type d’autorité décrite par Weber est
« l’autorité rationnelle légale » (décrite dans la partie conceptuelle), ce type
d’autorité qui permet au cadre de fixer le cadre et les limites par son statut. Par
l’accompagnement de l’équipe et les relations, le cadre de santé aurait
légitimité dans la relation d’autorité. Cela s’est vu avec la majorité des cadres
de santé rencontrés qui évoquent la relation entre elles et les soignants de
l’équipe, primordiale pour la mise en œuvre des projets, des organisations sur
la durée.
4.2.3. L’identité collective des cadres de santé
Les cadres de santé qui exercent en établissements sanitaires ou médicosociaux ne sont pas seuls. S’ils travaillent dans un établissement sanitaire, ils
sont attachés à un pôle d’activité depuis la loi HPST [22] sous la responsabilité
du cadre supérieur de pôle et/ou la direction des soins selon la taille de
l’établissement.
En sociologie, le postulat de la construction identitaire dans une institution est
celui-ci : « L’identité individuelle repose sur des identités collectives » [34, p. 9495] ; en effet, « l’identité individuelle est toujours encadrée par des identités
collectives qui sont des stéréotypes mis en avant par une collectivité pour se
définir » [34, p. 95].
61

Relation du cadre de santé dans l’établissement et dans un pôle
d’activité
Je commence l’analyse du thème de l’identité collective des cadres de santé
par les relations entre les cadres de santé dans un établissement et au sein
d’un pôle d’activité.
Tous les cadres de santé rencontrés, exerçant en centre hospitalier régional
universitaire (cinq cadres de santé), parlent du manque de rencontres formelles
entre cadres de l’établissement.
Par exemple, CDS 1 dit : « C’est vrai que les autres cadres, on les voit plus
trop, non on les voit vraiment plus trop. On est vraiment séparés, ils nous ont
vraiment scindés ». CDS 7 ajoute : « L’institution nous a séparés, donc c’est
vraiment personnel. Peut-être pas consciemment, je n’en sais rien, mais en tout
état de cause, c’est comme ça. »
En revanche, pour les cadres de santé rencontrés en clinique, CDS 3, CDS 4 et
CDS 5, les rencontres formelles avec la direction des soins et leur hiérarchie
directive sont mentionnées comme régulières et très prégnantes.
Par exemple, CDS 3 dit : « On a des réunions d’encadrement avec tous les
cadres de santé qui sont 10 avec les cadres sages-femmes. On se voit tous les
15 jours en réunion d’encadrement. » Elles précisent que ces temps sont des
temps d’échanges sur les problématiques rencontrées dans les unités.
Néanmoins, les cinq cadres de santé du CHRU (CDS 1, CDS2, CDS 6, CDS 7
et CDS 8) évoquent des rencontres informelles pour pouvoir échanger avec les
autres cadres de l’établissement et s’entraider.
Par exemple, CDS 8 annonce : « Pour le reste du CHU, c’est une grosse
institution, alors comme on travaille beaucoup par pôles, effectivement on ne se
voit pas beaucoup. Ça fait quand même un gros problème… Après je ne sais
pas… Oui, j’ai quelques collègues avec qui je mange le midi, parce que je les
apprécie personnellement, mais on parle pas forcément boulot ; du coup, je ne
sais pas ce qui se passe réellement dans les autres pôles. »
62
Et CDS 1 ajoute : « C’est vrai que les autres cadres, on les voit plus trop, non
on les voit vraiment plus trop. On est vraiment séparés, après je ne dis pas que
j’ai moins de relations avec les autres cadres parce que je trouve que je prends
le temps de les rencontrer de façon informelle. En fait, je les rencontre parce
que je suis dans des projets transversaux […] Je vais voir des collègues si elles
ont besoin de moi, et du coup sur des échanges comme ça on apporte de l’aide
ponctuelle, des conseils ».
Il en est de même pour les cadres de santé du secteur privé qui évoquent aussi
les temps informels, riches en échanges et partage.
Par ailleurs, au-delà des cadres de santé de l’établissement, elles insistent
toutes les huit sur les échanges formels entre cadres de santé du même pôle
d’appartenance. CDS1 dit : « Par contre il y a énormément d’entraide dans le
pôle » ; CDS 8 ajoute : « Globalement, nos rapports sont transparents je pense,
musclés et transparents, et beaucoup de respect, voilà. Donc on se voit tous les
jours, on a des postes partagés, on se prête des IDE ; voilà on dépend assez
les unes des autres même si on est des personnes très indépendantes, voilà.
C’est-à-dire que l’on se ressemble, mais, en même temps, on est très
différentes, mais il y a un truc, c’est qu’on se respecte. »
CDS 4 dit : « Tous les matins, on se rencontre à 9 h pour faire le point par
rapport à la charge de travail pour voir comment on peut partager, combien de
patients on a ; c’est là où on parle des soucis de personnels aussi. On se
rencontre alors à cinq cadres tous les matins des services de chirurgie. »
Les échanges et les relations seraient unanimement présents au niveau des
pôles, quel que soit le secteur d’activité, en CHRU ou en clinique. Pour ce qui
concerne l’ensemble de l’établissement, je note des réunions formelles en
clinique et son absence en CHRU. Néanmoins, tous les cadres de santé
rencontrés évoquent l’importance des temps de rencontre informels pour
pouvoir échanger. CDS 2 illustre ce propos : « On est tous les jours une tablée
de cinq ou six cadres, et je trouve ça important, car on s’appelle, on essaye de
se voir tous, et j’ai tellement de liens que j’ai construit avec mes anciens
collègues. […] On se rend compte que finalement les problèmes, et bien que ce
63
soit en “cardio” ou en “chir”, on a les mêmes. Et quand on se rend compte qu’un
problème est partagé entre tous, on le fait remonter. »
Ces temps d’échanges plutôt informels sembleraient être un atout pour les
cadres de santé rencontrés avec des temps de partage, d’écoute, de recherche
de solutions pour des problématiques qui sont souvent similaires.
En revanche, une cadre de santé du CHRU, CDS 2, évoque ses relations avec
ses collègues comme de l’entraide, mais relate un sentiment d’isolement en
tant que cadre de santé : « C’est une petite équipe de cadres, on est six cadres
de proximité. Par contre, moi je suis sûre que le cadre est isolé, travaille
souvent seul, mais c’est vrai que, alors sentiment d’appartenance… oui, car si
je ressens une grosse difficulté, et j’en ai eu heuuu… Donc oui, j’aurai de l’aide,
mais ça n’empêche pas que le cadre soit vraiment, vraiment seul. »

Valeurs communes des cadres de santé
Dans un second temps, je relève les valeurs communes retrouvées dans le
discours des huit cadres de santé. Les huit cadres de santé ont évoqué lors du
discours des valeurs communes qui sont l’échange, l’entraide, la solidarité, le
sens de la relation, le respect, le partage (de compétences, de ressources, de
matériel) et deux ont évoqué l’équité.
Toutes partagent ses valeurs qui semblent être prégnantes dans leur fonction
au quotidien. En effet, « l’action sociale est guidée par les normes et les
valeurs » [34, p. 72]. « Les normes sont les règles qui régissent l’action des
individus à l’intérieur des sociétés. » [34, p. 72] et « les valeurs ont une
influence sur le réel et participent à l’orientation de l’action en conférant aux
normes leur légitimité » [34, p. 72]. Les valeurs présentées ici donneraient une
vision de la fonction d’encadrement et de management pour les cadres de
santé rencontrés et conforteraient l’identité collective des cadres par des
valeurs communes qui les rendraient légitimes dans leur posture. Ces valeurs,
qui se rapprochent des valeurs soignantes, seraient également une légitimation
de leur action envers l’équipe.
64

Identification au niveau de la hiérarchie
Dans un troisième temps, je précise mon analyse sur l’identification au niveau
de la hiérarchie. Sept cadres de santé rencontrés insistent sur l’importance du
cadre de santé supérieur et/ou de la direction des soins dans la motivation au
quotidien. CDS 4 dit : « On a la chance par rapport à notre directrice des soins,
qui, justement, nous encourage à ce travail en commun, à partager, à
mutualiser au niveau des effectifs. »
Elles insistent également sur les moments d’échanges, la disponibilité du cadre
supérieur de santé, sur le respect de la hiérarchie et de l’autorité. CDS 5
présente ses échanges avec la direction des soins ainsi : « C’est vrai qu’au
niveau direction, il y a certaines choses où je ne suis pas toujours d’accord
avec elle. On n’est pas toujours d’accord avec ma direction, on se dit les
choses, mais c’est pas grave, non, c’est pas grave. Et je peux aussi me le
permettre parce que je n’ai pas d’enjeux, aucun enjeu. Et c’est quand même un
avantage, je suis à deux ans de la retraite aussi. »
L’ancienneté de 30 ans du CDS 5 dans la fonction cadre de santé et la
proximité de la retraite sous-entendrait une prise de recul par rapport à la
hiérarchie et face aux décisions prises.
Néanmoins, je relève un positionnement d’argumentation d’autres cadres de
santé interviewés comme CDS 6 qui dit : « Moi, je suis très respectueuse de
l’autorité ; je sais que ma cadre “sup” au début, elle était très impressionnée par
moi parce que je ne lâche pas et je cherche les arguments et, si je suis
vraiment convaincue, je ne lâche pas. »
La huitième cadre de santé (CDS 8) évoque sa hiérarchie en notifiant son
évitement ; elle dit seulement : « Donc on a des réunions par pôle ou par petits
groupes de pôles comme nous, car on est un petit pôle. Maintenant, je
m’autorise, je ne vais quasiment pas à ces réunions parce qu’il ne s’y passe
rien du tout, donc voilà. Et puis, je n’apprends rien à part des informations, donc
voilà. Franchement je n’y vois aucun intérêt, c’est sans intérêt… »
65
Les cadres de santé argumentent et se positionnent face à leur supérieur
hiérarchique quand une conviction professionnelle serait engagée. Je retrouve
alors le concept de « négociation » qui serait alors le même que celui mis en
œuvre par le cadre de santé au sein de l’équipe qu’il gère. La négociation est
citée par les cadres de santé comme des « échanges et argumentation » tout
en respectant le lien d’autorité représenté par la hiérarchie.

Identification au niveau de ses pairs
Enfin, je souhaite analyser l’identification du cadre de santé à ses collègues
cadres de santé.
Six cadres de santé évoquent le sentiment d’appartenance à un collectif de
cadre de santé au niveau du pôle pour le CHRU et au niveau de l’établissement
pour la clinique.
Ce collectif permettrait les échanges d’idées ; CDS 2 ajoute : « On se rend
compte alors que tout le monde vit les mêmes choses. » De plus, les cadres de
santé évoquent la cohésion d’équipe, l’entraide, la collaboration.
CDS 3 dit : « Donc je trouve que la cohésion de cadres est quand même
importante pour nous, pour tenir le coup au quotidien avec ce qu’on nous
demande, oui » et CDS 8 enchérit : « Le sentiment d’appartenance des cadres,
c’est petit quoi. Parce que tout seul, on ne fait rien, on n’a pas de poids, on n’a
pas de pouvoir. Même si la collaboration est obligatoire et nécessaire. »
Pour deux cadres de santé, il n’existe pas de cohésion même si elle évoque
l’importance de celle-ci. La première dit (CDS 5) : « Sentiment d’appartenance,
non, moi je suis une indépendante. Ce n’est pas ça, c’est important d’avoir le
sentiment d’appartenance à une équipe cadre, c’est vraiment important. Voilà,
chacun essaye de se valoriser et il n’y pas de cohésion, non. Donc moi je ne
me sens pas appartenir à ce groupe. »
Et CDS 6 ajoute : « J’ai confiance en mes collègues. Après, je suis quelqu’un
d’assez autonome, indépendante, je n’ai pas besoin forcément des autres, je ne
me sens pas protégée en groupe, je n’en ai pas besoin. » Les deux cadres de
66
santé se disent indépendantes par rapport à leurs collègues. Une exerce en
clinique, l’autre en CHRU. Mais les deux évoquent dans le paragraphe
précédant l’importance des échanges, de l’entraide entre les cadres de santé.
Donc, je pourrais préciser que par des temps d’échanges, par des rencontres
formelles et informelles, par les valeurs partagées par l’ensemble des cadres de
santé rencontrés, par les relations avec la hiérarchie et avec leurs collègues
cadres de santé, les cadres de santé sembleraient partager une identité
collective.
Pour Renaud Sainsaulieu : « S’il y a identité collective, c’est que les individus
ont un commun une même logique d’acteur dans les positions sociales qu’ils
occupent. » [35, p. 399]
La majorité des cadres de santé rencontrés évoquent un sentiment
d’appartenance à ce collectif cadre.
« Le sentiment d’appartenance est en partie le résultat de processus
d’intégration et d’assimilation des valeurs sociales car tout être
humain vit dans un milieu social qui l’imprègne de son ambiance, de
ses normes et de ses modèles. » [36, p. 67]
Plusieurs cadres de santé rencontrés évoquent les notions de « modèle » et de
« contre-modèle » auxquels elles peuvent s’identifier.
Par exemple, CDS 1 : « Mon modèle a toujours été dans la proximité tout en
ayant en tête le respect de la hiérarchie, les règles, c’était elle. C’est le cadre
que j’ai voulu être, elle m’a beaucoup, énormément influencée. »
Les femmes cadres de santé rencontrées ont toutes suivies la formation cadre
de santé depuis au moins une année. J’émets l’hypothèse que la formation qui
se déroule sur 10 mois permettrait l’appropriation et l’identification de normes et
de modèles. Cela participerait au processus d’appartenance au collectif cadre
de santé qui se poursuivrait ensuite dans le pôle majoritairement et dans
l’établissement en général pour les plus petites structures. Cette phase
d’appropriation participerait à la légitimité du cadre de santé en fonction.
67
4.2.4. La reconnaissance du cadre de santé
Pour asseoir sa légitimité au sein de l’unité qu’il encadre et gère, le cadre de
santé recevrait ou non des signes de reconnaissance de sa hiérarchie ou/et de
l’équipe paramédicale. Il est situé entre ces deux entités, et il est intéressant
d’identifier les signes de reconnaissance de part et d’autre.

Reconnaissance de la hiérarchie
Je débute mon analyse par les signes de reconnaissance de la hiérarchie qui
permette de légitimer la fonction cadre : en reconnaissant le travail effectué au
quotidien par le cadre de santé.
Pour six cadres rencontrés sur huit, la direction de leur établissement ne leur
envoie pas de signes de reconnaissance formels. Par exemple, CDS 1
dit : « Reconnue en tant que cadre par la direction, non, non. […] Ils ne me
connaissent pas et cherchent pas à me connaître, je trouve ça dommage. ».
Un des autres cadres de santé CDS 5 ajoute : « Ce qui est important, c’est la
reconnaissance de la hiérarchie, et puis il n’y a pas de reconnaissance de la
hiérarchie, je suis désolée. Il n’y a pas de reconnaissance de la hiérarchie, et ça
c’est clair, voilà. Faut pas s’attendre à comment dire, heu… attendez, je choisis
mes mots, la reconnaissance, la motivation, faut pas l’attendre de là-haut, de la
direction. Il faut se motiver soi-même, mais ce n’est pas évident. »
Je remarque que les cadres de santé déplorent ce manque de reconnaissance
de leurs directions respectives, sauf pour deux cadres de santé qui ont une
vision différente.
Tout d’abord, CDS 4 qui exerce en clinique et qui a une relation de proximité
avec sa direction, dit : « Au niveau de la directrice des soins, elle est très
justement dans cette démarche aussi. S’il y a quelque chose qui ne va pas, ou
qui est pas bien, elle va le dire. Mais d’un autre côté, dans la reconnaissance
quand quelque chose est bien fait, par exemple lors de la certification, voilà
68
quand on a pris des initiatives pour avancer, elle nous a remerciés, elle félicite
facilement. »
Ensuite, CDS 7 appuie ce propos : « Ça m’arrive aussi assez souvent que la
direction des soins fasse appel à moi régulièrement. C’est pour moi une forme
de reconnaissance. Voilà, c’est des points où quand l’institution vous laisse
dans vos fonctions d’encadrement, elle vous reconnaît à votre place. »
CDS 7 parle alors de reconnaissance informelle par la direction, alors qu’un
seul cadre de santé parle de reconnaissance formelle.
En revanche, je note dans l’analyse que les cinq cadres de santé du CHRU ont
un discours différent quant à leur hiérarchie proche que sont les cadres
supérieurs. Cela, je ne le retrouve pas en clinique où les réponses sont les
mêmes, car la direction est leur hiérarchie de proximité directe.
Pour les trois des cadres sur cinq, le cadre supérieur de santé a une
reconnaissance formalisée et entendue, par exemple, pour CDS 2 : « Par ma
hiérarchie directe, cadre supérieur, oui, je suis reconnue. J’ai des signes de
reconnaissance et je sais qu’elle apprécie mon boulot et ma façon de voir les
choses. » CDS 8 ajoute : « C’est clair entre nous. Je comprends sa position de
cadre “sup” et elle comprend ma position de cadre. Et encore une fois, je pense
qu’elle me fait confiance, sur mon travail. »
L’importance serait donc la proximité avec le supérieur sur le terrain qui peut
alors reconnaître le travail fourni par son subordonné hiérarchique.
Par ailleurs, une cadre de santé dit ne pas avoir besoin de reconnaissance pour
exercer sa fonction de cadre :
« Moi je suis comme ça, mais ça ne me fait pas souffrir de ne pas le ressentir,
ni en étant victime, voilà ; mais finalement je ne joue pas avec le système et je
ne cherche pas d’intérêt, je n’attends pas de reconnaissance. En plus, ça me
laisse une grande liberté, et c’est pour cela que je ne rentre pas dans le rang. »
69
Tous les autres cadres de santé, soit sept, énoncent l’importance de la
reconnaissance par la hiérarchie, comme facteur de motivation au quotidien, de
leur place auprès des équipes soignantes.

Reconnaissance de l’équipe
Je poursuis l’analyse en recherchant les signes de reconnaissance de l’équipe
envers son cadre de santé. Je cherche à savoir si les attentes du cadre sont les
mêmes face à l’équipe.
Tous les cadres de santé rencontrés durant les entretiens ont souligné la
présence de signes de reconnaissance de la part des soignants qu’elles
encadrent. Certains en citent plus que d’autres, mais à l’unanimité elles sont
d’accord.
Par exemple, CDS 5 dit : « Je crois aux valeurs humaines, je crois en cette
gestion humaniste par rapport à l’équipe, à tout ce que l’on demande, voilà et
ça se répercute au niveau du patient. Je pense que voilà si le cadre ne soutient
pas l’équipe et bien l’équipe ne peut pas faire du bon travail non plus. Je dis
que c’est normal, et elles me disent que non, pas forcément. Je leur dis que ça
me fait plaisir qu’elles le reconnaissent même si pour moi c’est normal que je ne
vous laisse pas seuls face aux difficultés. Mais le fait que ce soit reconnu et
remercié, ça fait plaisir aussi. »
CDS 2 dit : « Et si ben là oui une ASH qui me dit souvent “vraiment on apprécie,
ça a changé et on va y arriver”. Des fois, je sais pas, elle doit me sentir pas en
forme, alors elle me dit : “Ben on va y arriver, ne vous inquiétez pas”. » CDS 8
ajoute : « De la part des soignants, heu… pas très souvent, mais de temps en
temps lors d’échanges collectifs ou individuels, de temps en temps, elle glisse
un petit… on entend que ce n’est pas comme ça ailleurs […]. Après, je ne sais
si j’attends de la reconnaissance, je me dis pas ça tous les matins, mais
effectivement c’est important de temps en temps, je crois que c’est important
oui. »
70
J’ajoute que le cadre de santé (CDS 6) qui n’attend pas de reconnaissance de
sa hiérarchie dit au sujet de la reconnaissance de l’équipe : « J’ai une
reconnaissance dont je ne suis pas en quête non plus, mais dans les faits, les
faits prouvent, de mes équipes. C’est-à-dire que je n’attends pas qu’on m’aime,
même si je sais que des gens m’apprécient ; par contre, le boulot qui est à faire
est fait et le moins mal possible, mais je tends vers le mieux possible. […] On
continue à se reconnaître dans le respect, dans la discussion ouverte. Ça, ça
vaut tout l’or du monde, voilà. Et ça c’est important, et je me dis que mon boulot
est bien fait. »
La reconnaissance valoriserait le travail mené avec l’équipe, pour la satisfaction
du patient et la qualité des soins dispensés, cela est source de motivation
également pour le cadre de santé. Cela conditionnerait sa légitimité envers
l’équipe en tant que cadre et légitimerait également son autorité en tant que
cadre de santé « de » et « à » proximité des soignants dans un but commun.
En effet, la notion de reconnaissance est un besoin qui a été décrit par
Abraham Maslow dans les années 1940 [37]. Il a hiérarchisé les besoins dans
une pyramide (cf. annexe 3, p. 91).
Tout d’abord, il évoque les besoins primaires : de survie et de sécurité, qui sont
les besoins vitaux de l’être humain.
Ensuite, il mentionne les besoins secondaires : le besoin d’appartenance qui
pourrait être relié au niveau professionnel à l’identité collective des cadres de
santé, le besoin de reconnaissance que je viens d’analyser dans ce chapitre.
Ce besoin d’estime et de reconnaissance permettrait d’atteindre le dernier
besoin, la réalisation de soi, qui serait la légitimité en tant que cadre de santé
accompli et positionné dans sa fonction d’encadrement et de management.
Cette reconnaissance par l’équipe soignante et par la hiérarchie légitimerait le
cadre de santé et son positionnement au sein de l’organisation et en particulier
auprès de l’équipe soignante.
71
DISCUSSION
5. DISCUSSION
Dans cette partie, je vais discuter mon hypothèse de recherche qui fait suite à
la problématique posée. Ma problématique est :
Dans quelles mesures le passé de soignant du cadre de santé entre en
conflit avec l’identité managériale et d’encadrement induite par la fonction
cadre et l’institution ?
Mon hypothèse de recherche est alors :
L’identité de soignant et les valeurs portées par le cadre de santé peuvent
rendre difficile son positionnement dans une relation d’autorité pourtant
inhérente à la fonction managériale et d’encadrement.
Néanmoins, cette relation d’autorité peut se construire grâce à
l’identification à un collectif de cadres.
L’analyse présentée fait suite aux huit entretiens menés auprès de cadres de
santé féminines infirmières à l’origine.
Après cette étape d’analyse du discours, il semblerait que le positionnement du
cadre de santé et sa légitimité dépendent de plusieurs facteurs.
Tout d’abord, le cadre de santé qui était auparavant infirmier a changé de
fonction. Il quitte la fonction soin et devient cadre avec deux fonctions :
management et encadrement. Pour cela, il passerait par un processus qui
semble être plus ou moins difficile, tout en gardant une culture soignante ; il
devient responsable d’une équipe avec une fonction d’autorité inhérente à sa
fonction.
Ceci étant, il semble reconnu par sa hiérarchie comme apte à la fonction, car il
répondrait aux critères pour être manager et encadrant d’une équipe. Son choix
ou son absence de choix de devenir cadre de santé serait subordonné à sa
hiérarchie qui choisirait le profil de cadres souhaités pour son établissement.
Ensuite, le cadre de santé a une autorité dans l’équipe, autorité hiérarchique,
mais pas seulement pour être efficace au quotidien. Le cadre de santé devra
acquérir
une
légitimité
pour
entraîner
l’équipe
dans
les
projets
et
l’investissement. La légitimité sera au-delà de l’autorité charismatique et de
73
l’autorité traditionnelle qui sont présentes chez certains cadres de santé, mais
qui sembleraient être insuffisantes pour légitimer la fonction cadre sur la durée.
En effet, le cadre de santé par son management et son encadrement doit
donner du sens aux décisions prises afin de les mettre en œuvre sur le terrain
clinique, par exemple au niveau de l’organisation, car il doit faire adhérer ses
collaborateurs et trouver des sources de motivation.
Pour cela, le management par la négociation semblerait être un atout pour le
cadre de santé, dans un système qui serait donnant-donnant entre le cadre de
santé et l’équipe.
Néanmoins, le cadre de santé par sa posture singulière dans l’équipe est
responsable du management dans son unité. Il est garant du cadre et des
limites à ne pas franchir. Dans ce cadre, comme le respect des règles par
exemple, le cadre de santé donne une marge d’autonomie aux acteurs que sont
les agents ; la fonction contrôle est alors présente, afin d’améliorer les
pratiques. Par contre, si la fonction contrôle est prédominante, cela resserre les
marges d'autonomie des soignants, et peut diminuer l'adhésion de ces derniers
aux décisions et aux règles de fonctionnement.
Pour aider le cadre de santé à acquérir sa légitimité au sein de l’équipe, il
pourrait s’identifier à un collectif de cadres qui lui permettrait de s’identifier à un
groupe professionnel. Au-delà des échanges formels qui semblent manquer, les
cadres échangent beaucoup lors de temps informels et soulèvent des
problématiques communes. Il semblerait également que ces temps d’échanges
soient riches et appréciés. De plus, les cadres de santé rencontrés partagent
des valeurs communes et soulèvent toutes un sentiment d’appartenance
prégnant, des valeurs, vues dans l’analyse, qui sont proches des valeurs
soignantes que possèdent les infirmiers. Nous pouvons alors parler de valeurs
en lien avec la culture du soin qui est la nôtre. De plus, je repère que l’expertise
soignante peut dans certains cas apporter une certaine légitimité de la place du
cadre de santé.
Enfin, il semble important que le cadre soit reconnu dans sa fonction au
quotidien pour asseoir sa légitimité auprès de l’équipe, mais également auprès
de sa hiérarchie. Ce besoin de reconnaissance est un élément moteur pour le
74
cadre de santé, son estime de soi en est un également qui permettrait de se
réaliser professionnellement.
Le cadre de santé serait alors légitime dans sa fonction s’il se positionne en tant
que cadre de santé au plus près des équipes de soin et qu’il assume ses
fonctions appuyées par sa hiérarchie en étant un cadre de proximité.
Mon hypothèse de recherche est
L’identité de soignant et les valeurs portées par le cadre de santé peuvent
rendre difficile son positionnement dans une relation d’autorité pourtant
inhérente à la fonction managériale et d’encadrement.
Néanmoins, cette relation d’autorité peut se construire grâce à
l’identification à un collectif de cadres.
Au vu de l’analyse effectuée, j’observe que mon hypothèse de recherche est
validée de manière partielle. Mais d’autres prismes seraient intéressants à
approfondir pour répondre à la problématique formulée.
Il semblerait important que le cadre de santé acquière une éthique de sa
fonction dans le cadre des prérogatives et des changements actuels (fusions,
réorganisations…) qui s’imposent à lui.
Afin de poursuivre mon travail de recherche, je propose l’hypothèse suivante :
Le cadre de santé acquiert une légitimité au sein de son équipe
en donnant du sens à son action au quotidien par un
management éthique.
75
ENSEIGNEMENTS
IDENTIFIÉS
6. ENSEIGNEMENTS IDENTIFIES
6.1 Au niveau du travail de recherche
Ce travail d’initiation à la recherche fut un parcours initiatique pour moi. J’ai
alors dû m’approprier la méthodologie structurée et rigoureuse de la démarche
de recherche. Plusieurs cours donnés à l’institut de formation de professions de
santé m’ont aidée à assimiler la méthodologie. Et ma directrice de mémoire m’a
permis de bien respecter les différentes phases de la méthode de recherche.
J’ai alors appris à expliciter mon questionnement professionnel, à problématiser
et à faire un choix quant à l’hypothèse de recherche.
Ce travail d’initiation m’a permis d’organiser mes idées à l’écrit, de respecter les
échéances fixées avec ma directrice de mémoire concernant l’avancée de mon
travail. De plus, l’enquête de terrain a été riche en enseignements et échanges
avec les professionnels.
J’ai également découvert la sociologie et l’étude des phénomènes sociaux que
je n’identifiais pas avant mon entrée en formation cadre. J’ai pu découvrir
différentes théories en lien avec l’étude des concepts qui enrichissent mes
connaissances, mais également mon questionnement.
Néanmoins, la phase de rupture a été, pour moi, difficile à atteindre, mais je
peux dire que j’y suis parvenue grâce aux lectures diverses, mais aussi par les
échanges constructifs avec ma directrice de mémoire. Les entretiens réalisés
m’ont permis également de me placer en tant qu’enquêteur, afin de pouvoir
analyser le discours avec le plus de neutralité possible.
77
6.2 Au niveau de la fonction cadre
Ce travail d’initiation à la recherche, qui a pour thème la légitimité et l’autorité
du cadre de santé, me fait prendre conscience de la distanciation à avoir du
terrain pour avoir un regard neutre, autant que possible, en tant que chercheur.
Ce travail de construction-déconstruction m’a fait prendre du recul par rapport à
ma courte expérience de faisant fonction cadre de santé et à mes a priori sur le
lien d’autorité avec l’équipe soignante et des difficultés que j’ai pu rencontrer.
En effet, je me suis appuyée sur les concepts d’ « identité » et d’ « autorité »
afin de m’enrichir et penser ma future fonction.
J’identifie alors que la légitimité du cadre de santé n’est pas naturelle comme
nous pourrions le penser de prime abord.
Cette relation commence par la construction identitaire du cadre de santé qui
doit entrer dans un processus de changement identitaire, plus ou moins bien
vécu par certains. Mais ce passage se révèle être fondamental pour ne pas
entrer en conflit avec son identité individuelle et l’identité collective.
En effet, on ne devient pas cadre de santé par hasard, mais le processus
engagé est en lien avec le projet professionnel et les attentes de l’organisation.
De plus, l’autorité qui au départ pourrait être ressentie comme naturelle et/ou
charismatique ne suffirait pas pour encadrer une équipe de soins sur la durée.
Le cadre de santé adopte donc des valeurs que partagent ses collègues et
s’identifie à eux : en tant que modèles et contre-modèles. Ce processus lui
permet de se positionner et de donner sens à son action au quotidien auprès de
l’équipe. La notion d’appartenance à un collectif cadre permettrait d’acquérir
une certaine légitimité. Cette légitimité s’acquiert également lors de la formation
cadre de santé qui permet une appropriation approfondie des valeurs qui soustendent
notre
fonction
future.
Philippe
Bernoux
parle
du
concept
d’ « appropriation » dans un ouvrage [37, p. 47] : il faut que l’agent ait un sens
donné à son action, afin de pouvoir s’investir au quotidien dans son travail.
En tant que future cadre de santé, je souhaite placer le patient au cœur de mon
action pour accompagner les équipes au quotidien.
78
De plus, le questionnement du cadre de santé doit être omniprésent dans sa
pratique managériale et également partagé avec ses pairs qui vivent des
problématiques similaires.
Enfin, la reconnaissance de son travail permet au cadre de santé de se
positionner et de continuer son œuvre avec motivation.
Je me suis beaucoup questionnée lors de ce travail personnel et remise en
question quant à mon positionnement en tant que future cadre de santé. La
réflexion lors de situations délicates me paraît alors essentielle. Les ressources
sont existantes, et je devrai y faire appel autant que nécessaire. La légitimité en
lien avec l’autorité sera également dépendante de mon positionnement en tant
que cadre de santé dans l’institution où j’exercerai et du sens que je pourrai
donner à mon action auprès de l’équipe et me demander quel cadre de santé je
veux être auprès de mon équipe.
79
CONCLUSION
CONCLUSION
Ce travail d’initiation à la recherche est un travail qui m’a passionnée tout au
long de son cheminement. J’ai dû prendre du recul à certains moments pour me
distancer de mon ressenti personnel et rester la plus objective possible.
L’accompagnement bienveillant de ma directrice de mémoire a permis à ma
recherche d’aboutir, conformément aux attentes de la formation cadre et à mes
attentes individuelles.
En tant que future cadre de santé, je me suis questionnée tout au long de ce
travail d’initiation à la recherche sur la légitimité et l’autorité du cadre auprès de
l’équipe dont il a la responsabilité.
Le cadre de santé que je serai est issue de la filière infirmière, et j’ai des
valeurs fortes qui m’habitent telles que la confiance, l’humilité, l’importance du
prendre soin, mais aussi le respect de l’autorité.
En tant que manager responsable d’une unité, je change de fonction, et par là
je dois acquérir une nouvelle identité de cadre de santé qui se positionne en
tant qu’autorité face à l’équipe. Ce changement identitaire a débuté en tant que
faisant fonction mais a largement mûri en formation cadre de santé.
De plus, il apparaît au fil de la recherche que cette autorité prend diverses
formes pour procurer une légitimité du cadre de santé. L’autorité est liée à la
fonction managériale du cadre de santé. Mais au quotidien et sur la durée, le
cadre de santé doit adapter son management aux situations et doit faire preuve
de qualités relationnelles envers son équipe.
Je remarque alors que le sentiment d’appartenance à un collectif cadre soutient
et conforte le cadre de santé dans sa pratique quotidienne. Ce sont des
moments de partage qu’ils soient formels ou informels, en fonction des
institutions où il exerce.
De plus, la reconnaissance semblerait être attendue par le cadres de santé de
la part de leur hiérarchie, qui par cela valide son action et son mode opératoire.
D’autre part, la reconnaissance de l’équipe elle-même serait plus prégnante
encore pour les cadres de santé rencontrés.
81
Par conséquent, le cadre de santé dit « cadre de proximité » doit adapter son
management aux situations, et doit développer ses compétences relationnelles
et ses compétences en négociation. Les collaborateurs adhéreraient mieux aux
demandes si celles-ci trouvaient un sens à leur pratique au quotidien.
Le cadre de santé avec ses valeurs soignantes ne doit pas les occulter, mais au
contraire les renforcer et les conforter en tant que manager : faire de ses
valeurs un atout pour l’accompagnement des soignants.
Dans une société où les évolutions sont nombreuses et bousculent
l’organisation de l’Hôpital et de la vie des collaborateurs, le cadre de santé doit
par son management donner du sens aux pratiques au profit du patient pris en
soins.
Sa mission est d’être au cœur du soin au plus près des patients pris en charge.
Le cadre de santé a deux fonctions qui sont le management et l’encadrement.
La fonction mangement est la gestion, l’organisation des soins dans l’unité. Et
la fonction d’encadrement est l’accompagnement des agents au regard des
compétences attendues, les aider à progresser…
À ce stade de ma recherche, je me demande :
Comment le cadre de santé peut-il légitimer son autorité auprès de
l’équipe, en adoptant un management éthique, alliant management et
encadrement, et ainsi donner du sens à son action ?
82
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87
ANNEXES
ANNEXE 1 : Canevas d’entretien
Question n° 1 : Présentation générale
*Nom, prénom, âge, sexe
*Parcours professionnel :
Ancienne fonction soignante = durée, lieu
*Fonction cadre = depuis quand ? Où ? Formation en quelle année ?
Question n° 2 : Quels sont les liens entre le métier d'origine et celui de cadre
de santé ?
*Quelles motivations pour devenir cadre de santé : depuis quand ? Pourquoi ?
Comment ?
*Par quel processus êtes-vous passé pour mener à bien ce projet ? Comment ?
Durée ?
*Quelles ont été les difficultés ? Les facilités ?
*Actuellement, liens avec la fonction d'origine au quotidien ?
*Éprouvez-vous des difficultés ou des facilités dans l'exercice de la fonction
managériale ? Pouvez-vous me donner des exemples concrets ?
Question n° 3 : Que pensez-vous de l'identité collective cadre ?
*Quels sont vos rapports avec les autres cadres de santé de l'institution ?
*Avez-vous des liens formels ? Informels ? Temps d'échanges, de rencontre ?
*Avez-vous un sentiment d'appartenance à une équipe cadre ? Pourquoi et
comment ?
*Comment cela se traduit-il au quotidien ? (Donnez-moi des exemples concrets)
Question n° 4 : Quels sont les signes de reconnaissance envers vous ?
*Par qui ? Comment se manifestent-ils ? Quand ? Où ?
*Qu'est-ce que cela produit chez vous ?
*Vous sentez-vous reconnu dans une position hiérarchique ?
89
90
Légitimité du cadre de santé par
rapport à la hiérarchie
Légitimité du cadre de santé par
rapport à l'équipe
Identification collègues
Identification équipe soignante
Identification hiérarchie
Valeurs communes des cadres de
santé
La relation
d'autorité
Relations entre cadres de santé
Typologie de l'autorité
Conception de l'équipe
Le passage
d'infirmière à
cadre de santé
Positionnement du cadre de santé
Cadre de santé au quotidien
Liens entre infirmier et cadre de santé
Déterminants sociaux
Passage infirmier à cadre de santé
Nombre agents
Lieu d'exercice
Ancienneté
Parcours professionnel
Année diplôme IFCS
Age
Sexe
Situation familiale
Cadre de santé N°
ANNEXE 2 : Tableau d’analyse
L'identité collective
La
cadre
reconnaissance
ANNEXE 3 : Pyramide de Maslow
91
Centre Hospitalier Régional Universitaire de Besançon
I.F.P.S. – Unité de formation cadres de santé
44, chemin du Sanatorium
25030 BESANÇON CEDEX
Titre :
Autorité et légitimité du cadre de santé
Aurélie GRANDJEAN-VERNIER
Année 2015-2016
Option : Infirmière
Résumé du mémoire
Je suis partie du constat de la difficulté pour le cadre de santé de créer
une cohésion d’équipe et de susciter l’adhésion de tous autour d’un
projet. Je me questionne alors sur la fonction d’autorité envers l’équipe et
comment le cadre de santé se construit en tant qu’ancien soignant.
La partie conceptuelle développe les concepts d’identité et d’autorité.
Ensuite, plusieurs éléments sont abordés dans l’analyse : l’identité du
cadre de santé et sa construction, la relation d’autorité envers l’équipe et
envers sa hiérarchie, le sentiment d’appartenance à un collectif cadre et
enfin la reconnaissance du cadre de santé par l’équipe et par la
hiérarchie.
Les recherches bibliographiques et l’analyse des entretiens permettront
de valider de manière partielle l’hypothèse de recherche, et je pourrai
identifier une piste d’ouverture pour la poursuite de mon travail de
recherche.
Mots clés :
Cadre de santé, identité, autorité, management, légitimité

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