Infirmier libéral, une petite mort programmée

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Infirmier libéral, une petite mort programmée
Toulouse, le 18 octobre 2016
Infirmier libéral, une petite mort programmée
La profession d'infirmier libéral fait l'objet d'une remise en question comme rarement une profession
de santé a pu en être victime.
L'infirmier libéral est l'un des Acteurs et Garants fondamental de notre système de santé, face à
l’évolution des pathologies chroniques et évolutives, à l’absorption du virage ambulatoire, mais aussi
face la réalité d'une population vieillissante ou isolée, pour qui l’infirmier libéral est souvent le seul
contact avec la société.
Le maintien à domicile, en dehors de toutes ses finalités morales, humanitaires et soins de qualités,
représente une économie dans notre système de santé de l'ordre de 20 à 30 fois moins élevées par
rapport à une hospitalisation ou à une prise en charge dans une résidence de personnes âgées
médicalisée.
Notre système de santé est en déficit et le maintenir demande de trouver des solutions.
Le propos n'est pas de considérer que les infirmiers libéraux et leurs conditions d'exercice ne doivent
pas faire l'objet, comme tous les acteurs de santé, de mesures d'économie et de contrôles, pour
contribuer à un assainissement de la situation financière de la Sécurité sociale.
Cependant, l'injustice et l'absurdité de ces mesures d'investigation, pourtant légitimes dans leurs
objectifs, sont inacceptables car elles apparaissent comme une volonté manifeste d'asphyxier et de
programmer la mort d'une profession.
En effet, les infirmiers libéraux font l'objet tous les jours de contrôles et de plaintes auprès du Conseil
de l'Ordre des Infirmiers, devant les tribunaux correctionnels, et sont victimes de procédures
contentieuses pour récupération d'indus.
L'ensemble de ces plaintes ne sont pas justifiées dans la majorité des cas.
Certes la profession d'infirmier libéral a également en son sein, "des brebis galeuses" comme dans
toutes les autres professions, peut-être d'ailleurs un peu moins, de par la vocation humanitaire
habitant les hommes et femmes l'exerçant, mais l'immense majorité d'entre eux sont motivés par le
bien être de leur prochain !
Sur le terrain, cela se traduit par des filatures d'inspecteurs de la Sécurité Sociale qui vérifient l'heure
d'arrivée et l'heure du départ d'un infirmier au domicile de son patient ? par des convocations parfois
"pièges" de la CPAM, pour régler soi-disant quelques anomalies de facturations et mettre l'infirmier
libéral devant un choix s'assimilant à un chantage qui se résume à signer un protocole d'accord (déjà
préparé) déterminant une indemnité forfaitaire avec des sommes parfois très élevées comme 50 000
euros, 100 000 euros voir plus, en contrepartie de l'absence de poursuites ou en cas de refus, la
menace de la mise en place de procédure ordinales, correctionnelles,...etc.
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Mais également par des enquêtes menées à charge auprès de patients âgés, faibles, diminués par la
maladie, apeurés, qui, selon les questions posées, vont confirmer des temps de passages de leur
infirmier à la minute près !
Les infirmiers libéraux ont l'impression qu'ils sont présumés coupables et que la motivation principale
des services contentieux des CPAM est de récupérer le plus d'argent possible pour respecter des
objectifs financiers.
Des infirmiers libéraux n'osent même plus facturer certains soins, de peur de leur remise en cause,
de plus en plus renoncent à exercer leur métier, ou pire encore, on déplore des suicides, qui se
multiplient et que personne n'évoque.
Un exemple parmi d'autres pour illustrer le malaise de la profession:
Les infirmiers de Montagne bénéficiaient de par la Nomenclature des actes professionnels, d'une
prise en charge forfaitaire de leur déplacement (indemnités kilométriques de montagne: IKM).
Cette prise en charge appliquée depuis des années auprès de toutes les CPAM de France permettait
aux infirmiers de montagne de compenser le temps passé sur les routes encombrées par les
vacanciers adeptes des sports d'hiver, les risques d'accidents dus aux intempéries, à l'état des
routes, la dégradation des véhicules, les frais d'essence...etc.
La CPAM de Chambéry vient d'annoncer que l'application de l'article 13 de la NGAP visant cette
prise en charge ne serait plus appliquée de manière forfaitaire.
Il faut préciser également que les médecins continuent à bénéficier de l'application de l'article 13 de
la NGAP pour le remboursement de leur frais, peut être que leur essence est plus chère ?
Il est navrant de constater une différence de traitement entre les deux professionnels de santé.
Jusqu'alors, chaque patient visité permettait le calcul d'une indemnité kilométrique en partant du
cabinet infirmier.
Or, elle sera aujourd'hui calculée au kilomètre près soit d'un patient visité à un autre patient.
La CPAM se justifie en invoquant le fait qu'elle avait fait preuve d'une certaine tolérance à ce jour.
Cela peut paraître insignifiant sur le papier mais lorsqu'un infirmier libéral se déplace, avec toutes les
difficultés évoquées et conséquences financières, pour injecter une insuline à un patient diabétique
pour 6,30 euros, il travaille à perte !
La conséquence de cette modification de remboursement est que 77 cabinets infirmiers de la région
ont pris la décision économique de procéder à la fermeture de leur cabinet d'ici la fin de l'année
2016.
Certains cabinets ont déjà fermés provisoirement.
Tous les patients concernés, ne pouvant plus être maintenus à domicile, devront se faire hospitaliser.
Les cabinets de médecins vont pour un certain nombre également devoir fermer.
Les élus locaux, maire, conseillers généraux ont réagi pour dénoncer cette absurdité qui va
désertifier leur région.
Une pétition rassemblant près de 10 000 signatures de médecins, patients, élus locaux invitant la
CPAM de Chambéry à revoir sa copie n'a eu, à ce jour, aucun effet.
La profession d''infirmier libéral est d'ailleurs la seule devant pratiquer des actes gratuits notamment
la pose de bas de contention, préparation de pilulier, prise de tensions,...etc.
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Quand on imagine que pour des fins de vie, l'infirmier est parfois appelé dans la nuit par la famille
d'un patient en souffrance, et doit se rendre à son domicile, lui injecter de la morphine et rester
auprès de lui jusqu'à ce qu'il s'endorme, et après rentre à son domicile pour parfois en repartir
aussitôt pour commencer ses tournées et cela gratuitement !
Tous ces exemples doivent faire prendre conscience que l'on ne peut pas continuer à laisser détruire
une profession comme celle d'infirmier libéral sans réagir et dénoncer l'acharnement dont elle fait
l'objet.
N’oublions pas que si l’on rapproche parfois aux infirmiers libéraux de bien gagner leur vie, c’est
souvent au détriment de leur vie privée, d’un grand nombre d'heures effectuées et de la
responsabilité vis-à-vis-du patient chaque jour plus grande eu égard aux nouvelles prises en charge.
En l’occurrence, rien ne peut justifier l’acharnement, l’asphyxie, et in fine la petite mort programmée
d’une profession .....
Elisabeth Maylié, Présidente.
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