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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2013) 140, 143—149 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com FICHE THÉMATIQUE / ANTICORPS Anticorps de la sclérodermie systémique : ce que le dermatologue doit savoir Systemic sclerosis autoantibodies: What dermatologists must know S. Hüe a, S. Ingen-Housz-Oro b,∗, A. Cosnes b a Laboratoire d’immunologie biologique, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, université Paris-Est-Créteil (UPEC), CHU, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France b Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, CHU, AP—HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France Reçu le 7 septembre 2012 ; accepté le 23 novembre 2012 Disponible sur Internet le 16 janvier 2013 Introduction Les sclérodermies sont un groupe hétérogène de maladies de cause inconnue caractérisées au plan cutané par un épaississement fibreux du derme. Il est important de distinguer les formes localisées, ou morphées, sans atteintes viscérales, des formes systémiques de sclérodermie (SSc) avec un risque élevé d’atteinte viscérale pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Les SSc comportent une atteinte microvasculaire dont l’expression majeure est le syndrome de Raynaud (SR), et une composante immunologique dont une des expressions est l’association à des anticorps (Ac) antinucléaires traduisant la présence d’auto-Ac particuliers [1]. Ces Ac particuliers sont pour la plupart dirigés contre des structures impliquées dans la régulation transcriptionnelle. Certains d’entre eux, en particulier les Ac anti-Scl70 ou anti-topo-isomérase, les anti-centromères (les plus fréquents et les plus connus étant les anti-CENP-B) et les anti-nucléoles permettent d’identifier différentes formes cliniques ou évolutives de SSc et sont donc utiles en pratique médicale courante non seulement au diagnostic mais aussi au pronostic de la maladie. D’autres caractérisent les syndromes de chevauchement comme les Ac anti-PM- ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Ingen-Housz-Oro). Scl (polymyosite-sclérodermie) et les anti-U1 SnRNP (Small nuclear RiboNucleoProtein). Physiopathologie Des dysfonctionnements des fibroblastes, des cellules endothéliales et des cellules du système immunitaire sont à l’origine des lésions de fibrose cutanée et/ou viscérale (pulmonaire notamment) observée au cours de la SSc [2]. Anomalie des fibroblastes L’accumulation de collagène dans le derme est constante chez les patients atteints de SSc. Le dysfonctionnement des fibroblastes se caractérise par une activation incontrôlée de la voie du Transforming Growth Factor- (TGF), une synthèse inadaptée de Connective Tissue Growth Factor (CTGF) et de radicaux libres, favorisant la synthèse de matrice extracellulaire en excès [3]. Anomalies des cellules endothéliales Les cellules endothéliales synthétisent en excès de l’endothéline 1, vasoconstricteur puissant, produisent de grandes quantités de NO-synthase inductible et subissent 0151-9638/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2012.11.012 144 S. Hüe et al. une apoptose précoce. Le stress oxydant semble jouer un rôle majeur dans la progression de la SSc. Anomalies de l’immunité cellulaire et humorale Une prédominance de cytokines de type Th-2 est en général observée dans les maladies fibrosantes. Des taux élevés d’IL4 ont été trouvés dans le plasma et le derme des malades atteints de SSc. La majorité des patients ont des auto-Ac détectables dans le sérum. Certains sont dirigés contre des protéines nucléaires ubiquitaires bien identifiées mais n’ont pas de rôle pathogène démontré. D’autres auto-Ac reconnaissent les cellules endothéliales et/ou les fibroblastes et pourraient avoir un rôle pathogène [4]. Des études récentes suggèrent qu’une séquence d’événements pathogéniques aboutit à la formation de la fibrose et à la production d’auto-Ac (Fig. 1). Un facteur étiologique inconnu déclenche des lésions microvasculaires avec des modifications structurales et fonctionnelles des cellules endothéliales aboutissant à une vasculopathie fibroproliférative progressive et une raréfaction des vaisseaux. L’activation des cellules endothéliales induit l’attraction et l’accumulation de cellules du système immunitaire qui conduit à une inflammation chronique avec participation des lymphocytes T et B et des macrophages, sécrétion et libération de cytokines et de facteurs de croissance. Ces molécules activent les fibroblastes qui se transforment en myofibroblastes. Cela aboutit au développement progressif de la fibrose et la production des auto-Ac spécifiques de la SSc [5]. Un modèle intégrant auto-antigènes et auto-Ac Agent éologique Altéraons vasculaires Acvaon des cellules endothéliales Recrutement des leucocytes et adhésion Inflammaon Acvaon des macrophages Acvaon des lymphocytes T Producon cytokines Producon chemokines Lymphocytes B Producon des AutoAc: ANA, Scl-70, centromère, RNA polymérase et autres Fibroblastes Recrutement Acvaon Myofibroblastes Fibrose ANA : Ac antinucléaires Figure 1. Séquence des événements pathogéniques aboutissant à la fibrose et à la production d’auto-anticorps dans la sclérodermie systémique. a été récemment proposé dans la cascade pathologique aboutissant à la fibrose. La topo-isomérase peut être relarguée dans le milieu extracellulaire par l’apoptose des cellules endothéliales, et peut se lier alors à la surface des fibroblastes adjacents à l’endothélium et les activer avec sécrétion de chemokines et cytokines permettant le recrutement de cellules inflammatoires [6]. La topo-isomérase permet également le recrutement d’Ac spécifiques antitopo-isomérase et induit l’adhésion et l’activation des monocytes. Cette cascade d’événements aboutirait à l’amplification de la réponse immunitaire et à la fibrose [7]. Il existe une part génétique dans la physiopathologie de la sclérodermie. À ce jour, les résultats les plus convaincants ont été obtenus avec des gènes impliqués dans la réponse immunitaire (HLA, IRF5 et STAT4). Il est probable que l’existence de plusieurs polymorphismes chez un même individu contribue au risque de la maladie, chacun isolément ayant un effet minime [7]. Quand demander une recherche des Ac de sclérodermie systémique ? Bilan d’un syndrome de Raynaud Le SR est fréquent, touchant 8 à 10 % des femmes et 3 à 5 % des hommes dans les pays tempérés [8]. L’interrogatoire doit d’abord préciser la réalité du SR, typiquement marqué par trois phases : syncopale (blanche), cyanique (bleue), érythrosique (rouge, au réchauffage). Néanmoins, des formes a minima ou incomplètes sont possibles, surtout les premières années. Les pouls sont tous perçus. On distingue le phénomène de Raynaud primitif (ou maladie de Raynaud), idiopathique, le plus fréquent, et le phénomène de Raynaud secondaire, symptôme d’une affection générale. L’âge de début précoce, la bilatéralité et la symétrie, les antécédents familiaux similaires, la longue durée d’évolution, l’absence de troubles trophiques et l’amélioration avec l’âge sont des signes rassurants en faveur du caractère idiopathique. Un SR vrai justifie un bilan comportant la recherche d’auto-Ac de la SSc, une radiographie pulmonaire et une capillaroscopie périunguéale par un médecin entraîné. La détection de mégacapillaires (avec ou sans raréfaction capillaire) est évocatrice de SSc (mais non spécifique car se voit aussi dans la dermatomyosite), où le SR touche 95 % des patients et peut précéder la maladie de plusieurs années [9]. Cependant, les autres causes de SR secondaire sont nombreuses : autres collagénoses, iatrogènes (médicamenteuses), professionnelles, neurologiques ou artérielles, endocriniennes, néoplasiques (Tableau 1). Ainsi, le diagnostic de SR idiopathique reposera sur l’exclusion des causes secondaires après un bilan biologique, immunologique, capillaroscopique et radiologique éventuellement répété. Signes cutanés pouvant évoquer une sclérodermie systémique Il peut s’agir d’une sclérose cutanée distale (acrosclérose, Fig. 2A) ou plus étendue, de télangiectasies palmaires Anticorps de la sclérodermie systémique : ce que le dermatologue doit savoir Tableau 1 145 Causes du syndrome de Raynaud. Connectivites Sclérodermie systémique, lupus érythémateux systémique, dermatomyosite, connectivite mixte (syndrome de Sharp), syndrome de Sjögren, périartérite noueuse, polyarthrite rhumatoïde Causes iatrogènes (médicamenteuses ou toxiques) Bêtabloquants ++, dérivés de l’ergot de seigle, certaines chimiothérapies (bléomycine, vinblastine), ciclosporine, clonidine (agoniste adrénergique), bromocriptine, méthysergide (antagonistes de la sérotonine), interféron alpha, arsenic, amphétamines Causes professionnelles Intoxication par les métaux lourds, microtraumatismes répétés (syndrome des vibrations, syndrome du marteau hypothénar, dactylographie, pianistes) Causes artérielles ou neurologiques Artériosclérose ou thromboembolie, maladie de Buerger, artérites inflammatoires des gros vaisseaux (Horton, Takayashu), syndrome du défilé costoclaviculaire, canal carpien, algodystrophie Autres causes Endocriniennes (hypothyroïdie, acromégalie), fibromyalgie, pathologies du contenu vasculaire (cryoglobulinémie, gammapathie monoclonale, syndrome myéloprolifératif, maladie des agglutinines froides), cancers solides, tumeurs glomiques (Fig. 2B) ou du visage, d’une calcinose sous-cutanée [10]. Les sclérodermies cutanées pures, linéaires ou en plaques (morphées) ne sont pas une indication à la recherche de ces Ac [11]. simple hyperkératose (Fig. 2D). En cicatrisant, ils laissent de petites cicatrices cupuliformes [12]. En conséquence, de tels troubles trophiques doivent faire évoquer un diagnostic de SSc et faire pratiquer une recherche d’Ac spécifiques. Troubles trophiques digitaux Bilan de fibrose pulmonaire, d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), de troubles moteurs digestifs Ils sont fréquents au cours de la SSc, qu’elle soit limitée ou diffuse (15—25 % des patients avec SSc active), et sont secondaires à des mécanismes ischémiques et traumatiques. Ils sont de taille variable, fibrineux ou nécrotiques (Fig. 2C). Parfois, ils sont de petite taille et masqués par une Figure 2. En général, en l’absence de sclérose cutanée, ce n’est que secondairement que l’avis du dermatologue peut être secondairement sollicité. A. Sclérodactylie. B. Télangiectasies palmaires. C. Ulcère digital ouvert. D. Ulcère digital fermé à type d’hyperkératose. 146 S. Hüe et al. Méthodes de détection des anticorps anti-nucléaires associés à la sclérodermie Nous nous limitons aux Ac anti-nucléaires qui ont un réel intérêt clinique dans les sclérodermies et les syndromes de chevauchement. Un autre groupe hétérogène d’Ac, non recherchés en routine et relevant surtout du domaine de la recherche, comporte les Ac anti-fibrilline 1, anti-cellules endothéliales, anti-annexine V et anti-collagène [13]. Méthode de dépistage Par immunofluorescence indirecte (IFI) sur cellules HEp2, la dilution de dépistage s’effectue au 1/80. Les complexes Ag- Tableau 2 Ac sont révélés avec un conjugué polyvalent anti-humain, marqué à l’isothiocyanate de fluorescéine. L’aspect de fluorescence (homogène et nucléolaire, nucléolaire et centromère) permet d’orienter la spécificité antigénique à rechercher. Les sérums positifs doivent être titrés. Techniques d’identification Elles permettent d’identifier les cibles antigéniques des Ac anti-nucléaires. Différentes techniques peuvent être utilisées : immunodiffusion double (Ouchterlony), électrosynérèse, Enzyme Linked Immuno Sorbent Assay (Elisa), immunodot avec des antigènes purifiés ou recombinants, technologie LuminexTM (basée sur le principe de la cytométrie de flux). Ces techniques permettent d’identifier les Type et fréquence des auto-anticorps de la sclérodermie systémique. Auto-anticorps Cible antigénique Association clinique Aspect de fluorescence sur cellules HEp2 Fréquence moyenne parmi l’ensemble des patients atteints de sclérodermie systémique (%) Anti-Scl70 ADN topo-isomérase I Sclérodermie systémique généralisée Fibrose pulmonaire Homogène « dépoli » du nucléoplasme et nucléolaire 10—42 Anti-centromère Protéines CENP-A, CENP-B, CENP-C et CENP-D Sclérodermie systémique limitée (syndrome CREST) Hypertension artérielle pulmonaire 46 points fluorescents répartis en grains réguliers sur les noyaux 20—30 Anti-ARN polymérase ARN polymérase I-II-III Sclérodermie systémique généralisée Atteinte rénale Nucléolaire 10—20 Antifibrillarine/U3RNP Fibrillarine Sclérodermie systémique généralisée Hypertension artérielle pulmonaire Nucléolaire 4—7 Anti-NOR90 Protéine NOR90 (ou hUBF : human upstream binding factor) Sclérodermie systémique généralisée Hypertension artérielle pulmonaire Nucléolaire Rare Anticorps anti-To/Th/Twa Protéine nucléolaire de 40 kDa de la ribonucléoprotéine7-2/MRP-RNP Sclérodermie systémique limitée Nucléolaire 2—5 Anti-PM-Scl Complexe multimoléculaire formé de 11 protéines dont les plus importantes sont celles de 110 et 75 kDa Syndrome de chevauchement polymyositesclérodermie Fin moucheté du nucléoplasme et nucléolaire 2—3 Anti-U1RNP Ribonucléoprotéines Connectivite mixte Sclérodermie systémique limitée Moucheté gros grains 1—14 Anticorps de la sclérodermie systémique : ce que le dermatologue doit savoir 147 Ac anti-Scl70, anti-centromères, anti-PM-Scl et les antiU1RNP. Les résultats sont largement tributaires de la qualité des extraits antigéniques utilisés. C’est pourquoi la caractérisation des cibles antigéniques des anti-nucléoles reste réservée à des laboratoires spécialisés. La fréquence des Ac étant très faible, seuls ces laboratoires spécialisés sont capables de valider la qualité des antigènes utilisés. Anticorps associés à la sclérodermie systémique Ac anti-Scl70 La cible antigénique de ces Ac est l’ADN topo-isomérase I, enzyme associée à la matrice nucléaire et au nucléole (Tableau 2, Fig. 3). La fonction de la topo-isomérase est de relaxer et de décompacter la chromatine, jouant un rôle essentiel dans la réplication de l’ADN. En IFI, ces Ac donnent un aspect homogène (dit « dépoli » de l’ensemble du noyau) et nucléolaire (Fig. 3A). Ac anti-centromères Les protéines centromériques sont présentes sur le kinétochore qui correspond à la région centrale des chromosomes, site d’attachement des microtubules pour les cellules en division. Les centromères jouent un rôle dans le mouvement et la bonne répartition des chromosomes durant la mitose. En IFI, ces Ac donnent un aspect pathognomonique avec 46 points de fluorescence répartis en grains réguliers sur les noyaux des cellules en interphase et alignés au niveau de la plaque équatoriale dans les cellules en mitose (Fig. 3B). Ac anti-nucléoles Le nucléole est le lieu de synthèse des ARN ribosomaux. Il est composé d’un centre fibrillaire entouré d’une région fibrillaire et d’une zone périphérique granulaire cernée de chromatine associée (Fig. 3C). Plusieurs cibles antigéniques sont décrites : • ARN polymérase I-II-III : leur rôle est de catalyser la transcription des gènes ; • fibrillarine : localisée au niveau du centre fibrillaire, elle est impliquée dans la maturation des pré-ARN, la formation des sous-unités ribosomales et l’assemblage des ribosomes ; • autres (rares) : protéine NOR90, Ac anti-To/Th/Twa. Ac anti-PM-Scl L’antigène désigné « PM-Scl » est un complexe multimoléculaire formé de 11 protéines dont les plus importantes pour le diagnostic sont celles de 110 et 75 kDa. En IFI, ces Ac marquent le nucléole de façon homogène et le nucléoplasme de façon finement mouchetée. Ac anti-U1RNP Les U1 SnRNP (Small nuclear RiboNucleoProtein) sont des petites molécules composées d’ARN nucléaire riche en uridine et polypeptides associés. Ces ribonucléoprotéines jouent un rôle important dans l’excision des ARN prémessager. En IFI, ils sont responsables d’un aspect granuleux caractéristique. Figure 3. Aspect de la fluorescence en immunofluorescence indirecte sur cellules HEp2. A. Anticorps anti-Scl70. B. Anticorps anti-centromères (anti-CEN B). C. Anti-nucléoles. 148 Signification physiopathologique La découverte d’Ac de la SSc n’a de valeur qu’en présence de signes cliniques. Cependant leur détection chez des individus sains est très rare, et en général à faibles taux [14]. Chez un patient atteint de morphée(s), la présence de facteurs antinucléaires est fréquente mais sans Ac anti-Scl70 ni anti-centromères et leur signification pathologique et pronostique est inconnue [11]. La présence des Ac de la SSc est exclusive, à quelques exceptions près, c’est-à-dire qu’un patient avec SSc n’a généralement qu’un seul type d’Ac. Ainsi, 20 à 30 % des patients atteints de SSc ont des Ac anti-centromères, 40 % ont des Ac anti-Scl70, avec des variations ethniques (plus fréquents chez les asiatiques) et 4 à 20 % ont des Ac antiRNA polymérase, dont les sous-types I et III coexistent le plus souvent et plus fréquents dans certaines populations comme aux États-Unis [15,16]. D’autres auto-Ac sont possibles, notamment l’anti-PM-Scl, témoignant d’une forme de chevauchement polymyosite/sclérodermie le plus souvent indemne d’atteinte viscérale menaçante et corticosensible [15]. Les différentes formes de SSc sont généralement classées selon la topographie et l’étendue de la sclérose cutanée : SSc cutanée limitée (mains, pieds, avant-bras, appelée sclérodactylie si elle ne touche que les doigts), SSc cutanée diffuse (tronc et acrale). Quel que soit le sous-type, une sclérose du visage peut être associée ou non [10]. Les Ac anti-centromères sont associés à une SSc cutanée limitée, aussi dénommée CREST syndrome, associant une calcinose sous-cutanée, un SR, une atteinte œsophagienne à type de reflux, une sclérodactylie et des télangiectasies. Il s’agit le plus souvent de formes d’évolution lente et de bon pronostic. Néanmoins, à long terme, celui-ci dépend de la survenue d’une HTAP, dans 20 % des cas, et, rarement, de la survenue d’une cirrhose biliaire primitive associée. Les Ac anti-centromères ne sont pas spécifiques de la SSc et peuvent être trouvés dans quelques cas de lupus systémique ou de connectivites indéterminées. À l’opposé, les Ac anti-Scl70 sont spécifiques de la SSc. Ils sont associés typiquement à une SSc cutanée diffuse et à une fibrose pulmonaire, avec risque d’atteintes rénale et cardiaque et le pronostic vital est plus sévère [17—20]. La présence d’Ac anti-centromère ou anti-Scl70 lors du diagnostic initial d’un SR en apparence isolé est prédictive de l’évolution ultérieure vers une SSc. Cependant un recul de quelques mois ou souvent années est nécessaire avant d’établir un pronostic car on rencontre des SSc antiScl 70 qui restent peu scléreuses avec peu ou pas d’atteintes viscérales et plus rarement des SSc anti-centromères qui se compliquent rapidement d’HTAP engageant alors le pronostic vital. Les Ac anti-RNA polymérase se rencontrent dans un soustype particulier de SSc marquée par une atteinte rénale et cardiaque plus fréquente et sont associés à un mauvais pronostic [21,22]. Dans tous les cas, le titre des Ac est généralement stable chez un même patient et ne varie pas en fonction de l’activité de la maladie. Il n’est donc pas nécessaire de répéter les dosages au cours du temps. Le pronostic de la maladie repose sur les atteintes viscérales spécifiques, le ratio de mortalité standardisée (sur-risque de mortalité lié à S. Hüe et al. la maladie) est de 3,51 [IC95 % 2,74—4,50] et les principales causes de mortalité sont les atteintes pulmonaire, cardiaque et rénale [9,23]. Les messages-clés de l’article sont rappelés dans l’annexe 1. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciement Dr Chantal André pour la relecture du manuscrit et les photos d’immunofluorescence indirecte. Annexe 1. MESSAGES-CLÉS Les formes systémiques de sclérodermie s’associent à la présence d’auto-Ac dirigés contre des molécules de la régulation transcriptionnelle. Les plus connus sont les anti-Scl70 (ou anti-topo-isomérase), les anticentromères et les anti-nucléoles. En dermatologie, il est justifié de demander une recherche d’Ac de sclérodermie systémique dans les situations suivantes : bilan d’un syndrome de Raynaud, de sclérose cutanée, de télangiectasies palmaires ou du visage, de calcinose sous-cutanée, de troubles trophiques digitaux. Ces auto-Ac sont dépistés par immunofluorescence indirecte sur cellules HEp2, donnant selon la cible antigénique une fluorescence homogène et nucléolaire (anti-Scl70), centromérique (anti-centromères) ou nucléolaire (anti-nucléoles). La cible antigénique est ensuite précisée par diverses techniques, dont la technique Elisa. Ils n’ont une signification pathologique qu’en présence de signes cliniques et sont généralement exclusifs. Les anti-Scl70 s’associent à la sclérodermie cutanée diffuse, les anti-centromères à la sclérodermie cutanée limitée (CREST syndrome). Les anti-nucléoles sont beaucoup plus rares et associés à des formes cutanées généralisées. En général, leur taux est stable au cours du temps et ne suit pas l’évolution de la maladie. Références [1] Cabane J, Groupe français de recherche sur la sclérodermie. Critères de classification des sclérodermies. Presse Med 2006;35:1916—22. [2] Servettaz A, Agard C, Tamby MC, Guilpain P, Guillevin L, Mouthon L. Physiopathologie de la sclérodermie systémique : état des lieux sur une affection aux multiples facettes. Presse Med 2006;35:1903—15. Anticorps de la sclérodermie systémique : ce que le dermatologue doit savoir [3] Bhattacharyya S, Wei J, Varga J. Understanding fibrosis in systemic sclerosis: shifting paradigms, emerging opportunities. Nat Rev Rheumatol 2011;8:42—54. [4] Chizzolini C, Brembilla NC, Montarini E, Truchetet ME. Fibrosis and immune dysregulation in systemic sclerosis. Autoimmun Rev 2011;10:276—81. [5] Castro SV, Jimenez SA. Biomarkers in systemic sclerosis. 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