Viens, Poux-poule

Transcription

Viens, Poux-poule
de la classe. Mais le pire, c’est quand elle
nous mettait sous son bureau, cela sentait
les pieds. Un jour, j’ai dit : « Madame, ça
pue » et une autre fois, je l’ai même
mordue ! »
Inutile de dire qu’avec un tel modèle, la
petite fille n’est pas armée des intentions les
plus douces, avec sa baguette de noisetier
au milieu d’élèves aussi peu disciplinées !
Les coups de bâton pleuvent, les plumes
volent et les deux fillettes, tout en brandissant des ardoises où elles écrivent les
leçons à la craie, s’égosillent pour se faire
entendre... Dans le poulailler, l’heure est à
la confusion et les captives affolées crient
tellement fort qu’elles finissent par alarmer
les ouvriers de la ferme.
Retour au calme pour les poules et monumentale fessée pour les fillettes. Il paraît
que les poules, déboussolées, ont mis plusieurs jours à se remettre de leur aventure.
Mais pour les petites, l’histoire est loin
d’être terminée. Elles mangent ce soir-là
leur dîner en silence et tête baissée, tant
l’ambiance est lourde. Si elles ont pris soin
de mettre un coussin sur leur chaise de
paille pour avoir moins mal au postérieur,
il y a un autre problème : les deux cousines
commencent à se gratter la tête. La tante
repère aussitôt la présence des poux rouges
des poules, qui se sont installés dans leurs
cheveux !
À l’époque, le remède contre les poux, c’est
le pétrole. Le cuir chevelu des fillettes
en est donc badigeonné et, pour faire « infuser » la mixture, on leur met un foulard bien
serré et noué au-dessus de la tête. Sur ce, la
journée a été suffisamment mouvementée :
au lit !
Le lendemain matin, quand il faut dénouer
les foulards pour laver les cheveux, les
fillettes grimacent de douleur : le pétrole
Viens,
Poux-poule
C’était il y a presque 75 ans et Caroline
s’en souvient toujours. comme de l’une des
plus grosses bêtises qu’elle a faites dans
son enfance ! Nous sommes en 1940 et
Caroline passe ses vacances d’été avec sa
cousine germaine dans une grande maison
bourgeoise à la campagne, où sa tante est
cuisinière. Autour de la maison, de grands
enclos abritent de nombreux animaux qui
font la joie des petites filles. Lesquelles ont
un après-midi « une brillante idée » : elles
décident de rentrer les poules au poulailler
pour « leur faire la classe ». Aussitôt, elles
vont se confectionner des baguettes de noisetier et s’arrangent pour faire rentrer dans
le hangar la trentaine de poules et de coqs,
surpris et légèrement inquiets de devoir
re-joindre le poulailler en plein milieu de la
journée !
À l’intérieur, c’est le grand désordre : les
poules ne comprennent décidément pas ce
qu’on attend d’elles. Elles volettent partout,
courent en rond, caquettent, cherchent la
sortie. Pour les fillettes, c’est pourtant clair :
il faut que les volatiles s’installent sur leurs
perchoirs et restent sages car elles veulent
jouer à la maîtresse. L’ennui, c’est que la
maîtresse de Caroline à l’époque, n’est pas
une tendre : « Mon institutrice, explique-telle, était méchante, elle avait une grande
robe et un grand tablier noir. Elle nous faisait peur et nous punissait souvent ; au minimum, on devait aller au coin de l’estrade
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leur a « mangé la peau derrière les oreilles »
qui restent collées au crâne... Direction, le
médecin.
Les fesses, les oreilles... Leçon contre leçon,
les poules de l’été 1940 ont fait payer cher
leur petit jeu aux apprenties maîtresses !
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