Etat des lieux de l`Adoption Internationale en France

Transcription

Etat des lieux de l`Adoption Internationale en France
Intervention de Richard BOS
Secrétariat Général de l’Autorité Centrale pour l’Adoption Internationale
« Etat des lieux de l’Adoption Internationale en France »
Eu égard, notamment, au nombre relativement faible d’enfants à adopter dans les
pays occidentaux, à l’accroissement du nombre d’adoptants et à la facilitation des
déplacements à l’étranger, l’adoption internationale a connu un développement
significatif depuis 1980. Or, l’état général du dispositif de l’adoption internationale en
France fait ressortir, en dépit d’enjeux fondamentaux, l’existence de difficultés, tant
quantitatives que qualitatives.
Pour apprécier le contexte qui a conduit à reconnaître la nécessité d’une réforme
en France, il convient de rappeler quelques chiffres bien connus qui illustrent l’évolution,
sur les 25 dernières années, de l’adoption internationale par des familles françaises.
1 – L’approche statistique de l’adoption internationale
Après une croissance importante du nombre des adoptions internationales depuis
une vingtaine d'années, celle-ci se stabilise, depuis trois ou quatre ans, dans l'ensemble
des pays d'accueil.
En 1980, 935 adoptions avaient été menées par des familles françaises dans 10
pays ; en 1987, année de création de la Mission de l’Adoption Internationale, 1.723
enfants étrangers avaient été adoptés par des Français dans 25 pays ; en 1998, année
de l’entrée en vigueur en France de la convention de La Haye du 29 mai 1993, 3.769
avaient été réalisées dans 68 pays, et en 2005, le nombre atteignait 4.136 adoptions
dans 67 pays.
Le nombre total d’enfants adoptés à l’étranger par des familles françaises au titre
de l’année 2006, soit 3.977, est en léger recul (- 3,8 %) par rapport à l’année
précédente alors que pour ces deux années le nombre total de pays d’origine des enfants
adoptés restait sensiblement le même : 69 pays en 2006, 67 en 2005.
Les 4 premiers pays d’origine représentent à eux seuls 53 % des adoptions (51 %
en 2005). Le nombre d’adoptions augmente de façon très importante en Haïti (de 475 à
571), remonte sensiblement en Russie (de 357 à 397) et demeure en légère hausse en
Ethiopie (de 397 à 408) et en Colombie (de 293 à 321), alors qu’il chute en Chine (de
458 à 314).
En 2006, comme en 2005, les 10 premiers pays représentent près de 80 % des
adoptions réalisées. L’augmentation sensible des adoptions originaires des pays parties à
la convention de La Haye (32% en 2006 au lieu de 26% en 2005), s’explique par la
comptabilisation de la Chine parmi eux à depuis le 1er janvier 2006.
Les adoptions internationales en 2006 se caractérisent également par une
répartition géographique sensiblement identique à 2005. En effet l’Asie reste le premier
continent avec 32% (36 % en 2005), puis suivent le continent américain avec 26 % des
adoptions (22 % en 2005) et l’Afrique 25% (26 % en 2005). La part des enfants
originaires d’Europe se stabilise avec 17 % (16% en 2005).
En 2006, 36,6% des adoptions ont été accompagnées par les OAA, 48,8% ont été
menées en démarches individuelles et 14,6% via l’Autorité centrale. Au regard de ce
dernier chiffre, il ressort des données relatives aux 9 premiers mois de l’année 2007, qui
laissent présager une nouvelle diminution du nombre d’adoptions internationales
réalisées par des familles françaises, que 18,2% ont été menées à leur terme par
l’Agence Française de l’Adoption.
Toutefois, il convient de souligner une tendance générale de la diminution du
nombre d’adoption internationales en 2006 dans les pays d’accueil : moins 10 % pour les
Etats-Unis, moins 20 % pour la Suède et moins 25 % pour la Norvège ; l’Allemagne et le
Canada avaient déjà enregistré une baisse en 2005 ; seule l’Italie a réalisé plus
d’adoptions en 2006 qu’en 2005 mais reste cependant en dessous du maximum atteint
en 2004.
2 – Les acteurs publics et privés
La réforme de l’adoption internationale, concrétisée par la loi n° 2005-744 du 4
juillet 2005, a entendu renforcer le dispositif institutionnel français au service des
adoptants en créant l’Agence Française de l’Adoption (AFA) et en clarifiant les rôles
respectifs des acteurs publics dans ce domaine, qu’ils soient publics ou privés, nationaux
ou décentralisés.
C’est ainsi que, au niveau des départements, la réforme porte d’abord sur
l’harmonisation de la procédure d’agrément et ensuite sur l’accompagnement des enfants
adoptés par les services d’aide sociale à l’enfance.
L’AFA a reçu la mission générale d’information et de conseil des adoptants qui
incombait précédemment à la Mission de l’Adoption Internationale (MAI). Elle est
également habilitée par la loi à intervenir dans tous les Etats parties à la convention de la
Haye. A ce titre, elle a repris notamment les fonctions de gestion des dossiers individuels
que la MAI assumait directement vis-à-vis de ces Etats pour les demandes d’adoption
n’émanant pas de l’un des organismes français autorisés pour l’adoption de droit privé
(OAA). Elle a vocation enfin à intervenir dans tous les autres pays d’origine, au fur et à
mesure de son habilitation par le ministère des Affaires étrangères et européennes et de
son accréditation par les autorités de ces pays. Groupement d’intérêt public, l’AFA
dispose de correspondants départementaux et à l’étranger.
Outre l’AFA, le réseau des intermédiaires agréés pour l’adoption repose sur les
organismes autorisés pour l’adoption (OAA), relevant du régime de la loi de 1901.
Au nombre d’une quarantaine, ces organismes privés français ne peuvent fonctionner
qu’après avoir obtenu une habilitation pour exercer dans chaque pays étranger.
Un décret du 8 septembre 2006 a placé directement auprès du ministère des
Affaires
étrangères
et
européennes
l’Autorité Centrale pour l’Adoption
Internationale (ACAI), chargée d’« orienter et de coordonner l’action des
administrations et des autorités compétentes en matière d’adoption internationale ».
Instance collégiale, composée de deux représentants de chacun des trois ministères
concernés (Affaires Etrangères, Justice et Famille) et de deux représentants des conseils
généraux désignés par l’Assemblée des Départements de France (ADF), l’ACAI est dotée
d’un secrétariat général placé au sein de la direction des Français à l’étranger et des
étrangers en France du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Ce
Secrétariat
général de l’Autorité
centrale
pour l’adoption
internationale (SGAI), est chargé d’assurer au quotidien, les fonctions de l’Autorité
centrale française au regard de la mise en oeuvre de la convention de La Haye. Il est
notamment chargé de l’exercice, par le ministère des Affaires étrangères :
- des relations et négociations avec les autorités étrangères en charge de
l’adoption,
- de la veille juridique, la centralisation et la diffusion de l’information sur les
conditions et procédures d’adoption dans les pays d’origine (site internet),
- de l’habilitation géographique des OAA et du contrôle de leur activité, ainsi que
de l’habilitation de l’AFA pour les pays non parties à la convention de la Haye,
- du pré-contrôle de la légalité des procédures locales sous forme de l’autorisation
de délivrer les visas adoption sur requête des services consulaires.
Par ailleurs, la réforme a positionné le Conseil Supérieur de l’Adoption en tant
qu’instance unique de consultation sur l’adoption tant nationale qu’internationale.
3 - Les difficultés de l’adoption internationale
Le nombre d’adoptions internationales tend désormais à se stabiliser, voire à
diminuer, du fait, dans certains pays d’origine, d’une part, de divers facteurs (baisse de
la fécondité, diminution des abandons d’enfants, amélioration des systèmes de protection
sociale, croissance économique, développement de l’adoption nationale) et, d’autre part,
de la multiplication des conditions de toute nature imposées aux adoptants étrangers
(âge de l’adoptant, écart d’âge entre adoptant et adopté, composition de la famille,
rapports de suivi post-adoption, revenus) ainsi que d’un encadrement local plus strict des
procédures, et ce dans l’intérêt des enfants et le respect des principes internationaux.
Le déséquilibre actuel entre le nombre d’enfants adoptables à l’international et
celui des familles en démarche d’adoption, qui semble devoir s’accroître, laisse sans
réponse de nombreuses familles qui ont des attentes extrêmement fortes du fait,
notamment, des espoirs suscités par la réforme engagée en 2004.
Plusieurs facteurs participent à ce déséquilibre et au sentiment croissant
d’insatisfaction de la part des adoptants français :
Le nombre élevé d’agréments en vue d’adoption délivrés par les conseils
généraux (8.000 environ délivrés par an et un stock d’environ 30.000 en cours de
validité) n’est pas compatible avec le nombre d’enfants effectivement adoptés :
moins de 1.000 en France et près de 4.000 à l’étranger.
Le déploiement de l’AFA dans les pays étrangers s’effectue progressivement et,
en dépit de l’appui déterminé des institutions publiques françaises, a rencontré
des ralentissements dus, notamment, à la nécessité de respecter des procédures,
quelquefois lourdes et lentes, d’accréditation dans les pays étrangers, puis
d’envois contingentés de dossiers de demandes d’adoption.
la capacité limitée d’intervention des OAA, au regard d’une répartition
géographique inégale, ainsi que d’une faible mutualisation pour une plus grande
efficacité.
les liens insuffisants entre l’aide française au développement publique (Etat ou
collectivités locales) voire aussi privée, consacrée d’une manière ou d’une autre à
la protection de l’enfance et les besoins des pays d’origine en la matière, alors que
certains pays d’accueil, dont l’Espagne et surtout l’Italie, accompagnent leurs
démarches d’adoption internationale à l’étranger d’actions humanitaires et de
coopération, ce qui pourrait expliquer le nombre croissant ou la baisse moindre
d’adoptions internationales réalisées par ces Etats. Or, de nombreuses actions de
ce type sont réalisées par des institutions publiques, au premier chef desquelles
les collectivités locales et le ministère des Affaires étrangères et européennes.
Disparates et méconnus, ces programmes pourraient être mieux valorisés voire
réorientés dans le respect des règles et principes de la convention de la Haye du
29 mai 1993.
* * *
La multiplication des normes juridiques internationales, françaises et étrangères,
conjuguée au recours croissant à l’adoption internationale, a renforcé la dimension
publique de cette dernière. Les Etats sont les garants en dernier ressort des valeurs et
des règles de l’adoption internationale ; ils ont le devoir de les faire respecter pour
préserver les droits de l’enfant.