Anne-Marie Garat - Bibliothèques de Lambre

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Anne-Marie Garat - Bibliothèques de Lambre
Dans le torrent du 20ème siècle avec Anne-Marie Garat
Anne-Marie Garat a beaucoup écrit : des articles, des romans, de la littérature pour la
jeunesse : et pourtant, elle n’est pas connue du grand public ; sa carrière est cependant semée
de prix littéraires : « L’Insomniaque », Prix François-Mauriac, 1988 - « Chambre noire », Prix
Alain-Fournier, 1991 - « Aden », Prix Femina et Prix Renaudot des lycéens, 1992 - – « Istvan
arrive par le train du soir », Prix Thyde Monnier, 1999 - « Les Mal famées », Prix MargueriteAudoux, 2001. C’est un beau palmarès, certes, mais qui ne l’a pas aidée à se faire connaître du
grand public… Mais était-ce son objectif ?
Née en 1946, à Bordeaux, elle a fait des études de lettres et de cinéma (elle a enseigné
d’ailleurs l’image à l’université, et ce n’est pas sans importance) ; après de nombreux romans,
elle est contactée par un scénariste de la télévision pour le synopsis en 2 pages d’une série de
fiction : mais ce qu’elle écrit ne convient pas, car ce n’est pas un « sujet de société » ; elle va
ensuite essayer de développer ses idées, mais elle n’est pas satisfaite ! Ecrivain exigeant, elle se
met au défi d’écrire une grande fresque sous la forme d’un roman feuilleton à l’ancienne :
toute l’année 2005, elle écrit furieusement des épisodes qu’elle envoie à sa fille et à un ami
lecteur, afin de les tester. Le résultat est un long roman de 1000 pages, un roman « fleuve » qui
est un monde à lui tout seul, que le lecteur ne peut pas lâcher : « Dans la main du diable »,
sorti en 2006 aux éditions Actes Sud. Cette fresque nous retrace l’année 1913 : une intrigue
complexe tissée comme une toile d’araignée, une famille de type « tribu », des personnages
secondaires travaillés, le tout servi par un style éblouissant: on lit du Victor Hugo, du Zola, on se
croit au cinéma, on comprend les événements historiques en voyant arriver l’horreur de la
grande guerre, on s’attache à Gabrielle, à Mme Mathilde et à son autorité de maîtressefemme, à Pierre de Galay, médecin au grand cœur, on s’attendrit sur Camille, on est terrifié par
Michel Terrier, en bref, le lecteur s’imprègne de l »époque et de son histoire.
suite
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Mais l’auteur ne va pas en rester là : en 2008 paraît « L’enfant des ténèbres » où l’on retrouve
avec bonheur les ingrédients qui ont fait la force du premier volume ; la romancière jongle avec
tous les genres : comédie, espionnage, politique : toute l’Europe est évoquée où plane
« l’ombre tentaculaire », qui va donner un nouveau conflit : le lecteur retrouve les enfants des
héros au premier plan : Camille, en quête d’identité, Pauline, qui rêve d’être Chanel, Elise,
discrète libraire qui cache son jeu, Etienne Louvain, jeune homme plein de charme et sauveur
providentiel, et Grubensteiger, figure absolue du mal : le nazisme est déjà présent et nous
avons le cœur serré de le voir installer son pouvoir. Toute la force de l’auteur est dans sa
maîtrise du romanesque : la reconstitution est minutieuse, mais jamais lassante, (l’auteur s’est
livrée à un fantastique travail de documentation) et le scénario nous embobine littéralement,
comme au cinéma !
Le dernier volume « Pense à demain », paru en 2010 nous transporte en 1963 : les héros de la
fresque sont tous évoqués, leurs petits enfants continuent la lutte contre le mal : ce sont les
trente glorieuses, mais le monde continue de dérailler ! L’auteur nous dit : « Nous vivons
entourés par cette monstruosité et la question de «qui tourne la manivelle» du film de la
condition humaine se pose sans cesse. Un des paris de mes livres, c’est d’opposer la puissance
de l’énergie vitale, en réponse au nihilisme ambiant. Cette question ne se résout pas en termes
policiers. Je laisse la fin ouverte sur le mystère des êtres. » Dans une interview, elle regrette de
n'avoir pas pensé dès le départ à regrouper cette trilogie sous ce titre unique : "Les ogres et les
orphelins". Ogres ou orphelins qu'elle entend rendre dans toutes leurs ambiguïtés : "Les ogres",
rappelle-t-elle, "ont la complexité d'êtres humains et des côtés séduisants. Et les orphelins sont
souvent très dangereux : ayant tout perdu, ils n'ont plus rien à perdre".
Cette trilogie est disponible à la bibliothèque de Bougé-Chambalud.