Racines257_juillet2014_Mise en page 1
Transcription
Racines257_juillet2014_Mise en page 1
Racines257_juillet2014_Mise en page 1 20/06/14 11:38 Page6 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | VIE LOCALE | PORTRAIT Jean-Claude Drouot “Je veux rester libre” Qu’il incarne Thierry la Fronde, Jean Jaurès ou qu’il soit parrain de “La Vendée recrute ses talents”, l’acteur et metteur en scène Jean-Claude Drouot reste fougueux, insoumis et libre. V (Photo : Julien Marchione) este en velours noir, pantalon bleu marine, chemise rose à carreaux, cravate aux motifs de la croix de Camargue… Ce jour-là, les vêtements de ville de Jean-Claude Drouot sont ceux du manadier Guilhem Cabreyrolle d'Azérac qu’il incarnait dans Le Grand Batre, la saga de l’été de France 2 en 1997, aux côtés de Marie-Christine Barrault. “Pour faire du cinéma, il faut être un archétype alors que, moi, je suis beaucoup plus protéiforme. C’est pour cela que j’ai été fidèle à la télévision. Ce qui m’intéresse, c’est la rencontre avec des personnages que j’aurais pu être dans la vie : un éleveur de chevaux, un propriétaire terrien… Vous savez, je suis un rural.” L’acteur belge qui vit entre sa propriété des Causses, à Limogne (Lot) et sa maison à colombages à Évry (Essonne) est un homme proche de la nature. Il presse son raisin, Jean-Claude Drouot, 75 ans : “J’aime le Bocage, je pourrais être Vendéen !” | 6 | RACINES | Juillet 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Racines257_juillet2014_Mise en page 1 20/06/14 11:38 Page7 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | fabrique du miel, cultive son potager… De passage en Vendée pour parrainer “La Vendée recrute ses talents”(1), le comédien se prête pour nous à une séance photo dans le parc de la Longère de Beaupuy : “Cet endroit est très beau. La Vendée est superbe. J’aime le bocage, je pourrais être Vendéen, vous savez ! Je connais bien Noirmoutier car ma fille y habite mais je n’ai pas encore eu l’occasion de découvrir Mouchamps où Clemenceau est enterré. J’espère avoir un peu de temps pour y aller avant de repartir. J’ai découvert l’homme politique grâce à la pièce "Jaurès-Clemenceau, quelle république voulons-nous ?" dans laquelle je joue Jaurès. Ce dernier me réjouit, il était d’une sincérité, d’une intégrité… Je sens que Clemenceau peut me plaire aussi.” “Au théâtre, on est dans l’éphémère” L’acteur, dont la notoriété a explosé en 1963 avec le rôletitre de Thierry la Fronde, se consacre désormais au théâtre. “C’est une discipline au quotidien. La page blanche chaque jour. Au théâtre, on est dans l’éphémère, il y a une mise en danger qui rend la relation vivante et unique. Mais le danger c’est aussi que la richesse de ce répertoire soit de moins en moins accessible. Regardez les candidats de "La Vendée recrute ses talents", on trouve des chanteurs, des humoristes, des danseurs, mais très peu de gens de théâtre. Parce que le rapport au verbe est compliqué. Parce que cela demande un effort de pénétrer l’intelligence du texte. Mais la beauté musicale du verbe… C’est magnifique.” “ La transmission d’un chemin de vie, c’est un devoir” Celui pour qui Jean Vilar reste “un phare et un modèle” estime avoir pour devoir de “transmettre [son] expérience et [son] chemin de vie aux jeunes générations.” Il a connu la gloire très jeune et peut en témoigner : “Pour faire ce métier, il faut se méfier et surtout ne pas tricher avec soi-même. Le désir d’être connu est artificiel. À 20 ans, j’ai connu cela avec Thierry la Fronde. Des bandes de gamins me filaient au train ! À un moment, j’ai refusé d’être l’otage du public. J’avais signé un contrat pour deux ans, je n’ai pas fait plus. Le fameux quart d’heure de gloire de Warhol, c’est à la fois trop et pas assez…” Aujourd’hui, le comédien qui vit une “amitié sincère avec le public” a toujours la même force de caractère que le jeune homme qu’il était : “Je veux rester libre et indépendant. Je ne veux pas avoir à demander la permission.” En 1985, il dirige le Théâtre national de Belgique… jusqu’en 1990 où il reprend sa liberté car “ce n’était pas mon bâton de maréchal”. En 1999, il devient VIE LOCALE | Portrait chinois Un livre de chevet. “Je redécouvre actuellement Jacques le fataliste de Diderot. D’habitude, j’ai plus d’affinité avec la littérature du XVIIIe mais, là, l’ironie ludique de ce livre me parle.” Un film culte. “On fêtera l’an prochain le 100e anniversaire de sa naissance, alors je vais dire Citizen Kane d’Orson Welles. Ce film a littéralement révolutionné la façon de faire du cinéma.” Un rôle rêvé. “J’en ai fait beaucoup mais il resterait Antonio, le marchand de Venise de Shakespeare. Pour l’aspect statue du commandeur car mon agent me dit parfois que j’incarne cette image-là auprès des gens du métier…” pensionnaire à la Comédie française… et la quitte en 2001 pour “ne pas se sentir emprisonné”. En 1968, il tourne aux côtés d’Anna Karina dans La Chambre obscure ; en 1971 avec Kirk Douglas et Yul Brynner dans Le phare du bout du monde… JeanClaude Drouot aurait pu choisir une carrière hollywoodienne mais, là encore, son insoumission sera plus forte. “La tentation était là mais je sentais que quelque chose ne me correspondait pas. J’ai fait des choix en toute lucidité. Aujourd’hui, je peux dire que je me sens vraiment au bon endroit. C’est comme une évidence.” À 75 ans, le comédien se souvient encore de Jacques Brel qu’il croisa en 1965 à l’Olympia : “Le film d’Agnès Varda, "Le bonheur", venait de sortir. Je jouais avec ma femme, Claire. Le f ilm était interdit aux moins de 18 ans. Et Brel me dit juste ces quelques mots : "Ça, c’est bien !" Je ne les ai jamais oubliés.” L’homme est fidèle… À ses convictions (“J’essaye d’être loyal, en accord avec moi-même”), à certains metteurs en scène (Nina Companeez, Thierry Binisti, Serge Moati…), à sa famille (54 ans de mariage avec Claire !). Le metteur en scène est enthousiaste et fougueux : “J’ai une foi au monde qui peut presque devenir une ferveur.” Le comédien est en quête perpétuelle : “Quand on est jeune, on apprend à jouer, puis la vie vient vous façonner dans vos convictions, dans vos expériences. Il faut alors désapprendre à jouer pour être.” Plus de cinquante ans de carrière et l’artiste remonte sur les planches dans quelques jours avec la pièce de Paul Claudel L’Annonce faite à Marie. Son personnage affirme : “Nous sommes trop heureux. Et les autres pas assez.” Une phrase que Jean-Claude Drouot, l’altruiste, pourrait faire sienne. Delphine Blanchard (1) Les lauréats 2014 de “La Vendée recrute ses talents” ont été dévoilés le 16 juin dernier en présence de Jean-Claude Drouot. Ce sont Pierre Herman (magie), Compagnie Force Jazz (danse), Chapuze (humour), Compagnie Indigo (danse), Romaric Dubreuil (théâtre), Anne-Élizabeth Dubois (danse), The Ones (chant), Marie Ardouin (chant), Nina Kibuanda (chant), Léonie (chant). | 7 | RACINES | Juillet 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine