rolling stones

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rolling stones
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OLLING STONES
Fils d’un professeur de gymnastique, sportif comme son père,
Mick Jagger est né le 26 juillet
1943 à Dartford dans le Kent. Dans le numéro du
7 février 1974 du New Musical Express, il confie :
« Mon père était un bourgeois, ma mère issue de
la classe ouvrière. J’ai eu une bonne éducation et
ai été accaparé par des études qui me plaisaient.
Très tôt, je me suis branché sur la musique en
écoutant la BBC et Radio Luxembourg. On
n’avait pas d’électrophone à la maison. A douze
ans, je me suis intéressé à la pop. A treize, je suis
devenu un fan de Little Richard. Je n’étais pas
très friand de Bill Haley et Elvis Presley, je leur préférais Chuck Berry, Jerry Lee Lewis. Puis je suis
passé à Buddy Holly, au blues de Big Bill Broonzy
et Muddy Waters. Je regardais à la télé Cool For
Cats, 6.5 Special, Oh Boy ! Durant mes études,
j’ai eu pas mal de petites amies. Je choisissais
celles qui couchaient, ce qui n’était pas évident
car il n’y avait pas la pilule ! »
Habitant à côté de chez les Jagger, Keith Richards, né le 18 décembre 1943 à Dartford, raconte qu’il a connu Mick très jeune : « J’avais
cinq-six ans. On traînait ensemble. Puis je ne l’ai
plus vu pendant des années. Je l’ai rencontré,
une fois, il vendait des glaces et je lui en ai acheté
une. » Le succès « Rock Around The Clock »
par Bill Haley l’attire. « J’ai d’abord juste eu envie
d’écouter du rock, pas d’en jouer. Puis il y eut le
skiffle, avec ses trois accords, qui a permis à Lonnie Donegan de devenir une vedette. Little Richard, Elvis Presley, Fats Domino, Jerry Lee
Lewis sont devenus d’énormes stars en Angleterre contrairement à Chuck Berry. J’admirais
Little Richard qui avait un public de teddy-boys.
Ces types violents fréquentaient les bals munis de
rasoirs et de chaînes de vélo. J’étais aux BeauxArts et je les évitais. Ensuite, j’ai découvert Big Bill
Broonzy, Josh White, Robert Johnson. J’étais
partagé entre ces guitaristes de folk-blues et le
rock de Chuck Berry. » A quinze ans, ses parents
lui offrent une guitare espagnole sur laquelle il apprend tous les accords de Chuck. Préférant le
rock à ses études, Keith est renvoyé du collège
technique de Dartford et atterrit à la Sidcup Art
School avec Dick Taylor (futur co-fondateur des
Pretty Things).
Avec ce dernier, vers 1958, Mick Jagger fonde
Little Boy Blue & The Blue Boys. Dick Taylor se
souvient : « Notre amitié est née quand on avait
douze ans. Mick tenait à ce mot, blue, afin qu’on
ne passe pas pour un groupe de rock comme
tous ceux qui sillonnaient le pays. Il aimait Big Bill
Broonzy, Leadbelly, Robert Johnson et des rockers noirs tels Chuck Berry et Little Richard, alors
que nos camarades ne voyaient que par les
Blancs comme Elvis Presley, Cliff Richard, Bill
Haley ou Tommy Steele. » Mick Jagger tate de la
guitare lors du boum du skiffle. « J’ai joué avec
Dick Taylor à une époque où les orchestres skiffle
faisaient aussi du folk, du rock, des trucs comme
« Baby, Let’s Play House ». Je reprenais
« Whole Lotta Shakin’ Goin’ On ». » En avril
1960, Mick et Keith se retrouvent, comme l’explique celui-ci : « Un matin, j’ai croisé Mick dans le
train. J’allais en cours, lui à la London School Of
Economics. Il avait quatre-cinq albums de Chuck
Berry, Muddy Waters... Il m’a salué et demandé
où je me rendais. Je lui ai dit : Toi aussi tu écoutes
Muddy Waters. C’est une coïncidence. Il m’a raconté qu’il possédait d’autres 33 tours, ajoutant
qu’il avait écrit chez Chess, à Chicago, qui lui
avait envoyé une liste de disques en vente par
correspondance. Impressionné, je l’ai invité à
boire une tasse de thé chez moi et il m’a fait
écouter ses disques. On habitait à Dartford, près
de Londres. Dick Taylor était avec moi aux BeauxArts. Mick avait déjà eu l’occasion de chanter du
Buddy Holly avec un groupe. Chez nous, depuis
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Jacques Barsamian poursuit son évocation
du formidable mouvement qui a secoué
l’Angleterre dans les années 60. Après
l'explosion du rock'n'roll 1956-62 (JBM
N°113 à 135), puis l’épopée merseybeat
1963-65 (N°136 à 148), il nous emmène
tout droit dans le bouillonnant creuset du
british R&B et du blues-boom. De 1962 à
1969, suivant l’axe Rolling Stones-Cream,
chronologie puis dictionnaire (avec discographie anglaise sélective) permettent
de revivre tous les événements et la carrière des artistes qui ont revivifié cette
musique, la faisant redécouvrir dans son
pays d’origine, les Etats-Unis. Bel exploit.
1958, il y avait deux clans, les fans d’Elvis et ceux
de Buddy. Puis sont arrivés les Anglais, Cliff Richard, au début un authentique rocker, et Billy
Fury, qui a enregistré un fantastique 25 cm de ses
compositions. » Doris, la mère de Keith Richards,
se souvient de ces retrouvailles : « Keith est revenu de classe tout excité en me disant qu’il avait
revu Mick. Cela faisait un moment qu’il jouait de
la guitare, tout seul. Il était trop timide pour se
joindre à un orchestre, même si Dick Taylor le lui
avait souvent demandé. » Chris Jagger, le frère de
Mick, ajoute : « Dès l’instant, où il s’est retrouvé
avec Keith et Dick, Mick a abandonné la guitare
pour se concentrer sur le chant. »
Dick Taylor déclare : « On croyait être les seuls en
Angleterre à avoir entendu du R&B et on n’imaginait pas jouer un jour devant des foules. » A l’automne 1961, tous trois font souvent le bœuf, ce
Les deux pochettes du premier super 45 tours
français des Rolling Stones en 1964 et 1971.
que confirme Keith : « Mick adorait chanter, mais
ne jouait pas encore d’harmonica. Il s’est aperçu
que je me débrouillais pas mal à la guitare, on
s’est mis à répéter chez Dick. Bob Beckwick ou
Alan Etherington se joignait à nous sur des titres
de Little Walter, Chuck Berry ou Slim Harpo. En
1962, on a entendu parler d’un club de rhythm’n’blues qui venait d’ouvrir à Ealing. On y a découvert ce vieux type qui jouait de l’harmonica,
Cyril Davies, avec Alexis Korner. Celui-ci était bien
infiltré dans le métier, il avait débuté comme musicien de jazz depuis des années. » En lisant la
revue Jazz News, en mars 1962, ils découvrent
ce club à Ealing où ils vont pour la première fois
le 7 avril 1962. Mick et Keith voient le fils d’une
professeur de piano, Brian Jones (né le 28 février
1942 à Cheltenham, Gloustershire), au Marquee
avec Blues Incorporated, ce dont se souvient
Keith : « La deuxième fois où on est allé dans
cette boîte, Alexis a dit qu’il avait un invité à la guitare, venant de Cheltenham. C’était Brian qui se
faisait appeler Elmo Lewis. Quand il a terminé une
splendide version de « Dust My Blues » d’Elmore
James, on est allé le trouver car c’était le seul
jeune mec qui était dans le même trip que nous.
Outre Elmore James, Brian adorait T-Bone Walker. Nous, on lui a fait découvrir Fred McDowell,
Jimmy Reed, le blues de Chicago. » La rencontre
de Brian Jones avec Alexis Korner est décisive :
« Je suis venu à Londres à l’instigation d’Alexis,
en mai 1962. Il était monté à Cheltenham avec
Chris Barber. Une forte amitié nous a liés à jamais. Alexis, détonateur du mouvement R&B, aurait dû en récolter les fruits, ce qui n’a hélas pas
été le cas. » Korner donne sa chance à Brian
après qu’il lui ait envoyé une bande avec Paul
Pond/Jones. « Brian, raconte Alexis Korner, me
rendait souvent visite pour écouter le plus de
disques possible. Une semaine Howlin’ Wolf, puis
Slim Harpo, Elmore James, etc. » Le chanteurharmoniciste Brian Knight dit que Brian est venu
le voir quand il passait au Marquee avec Blues By
Six pour lui offrir de se joindre à un groupe : « Il
avait passé une annonce dans un journal pour recruter des musiciens ».
Les répétitions ont lieu dans deux pubs, le Bricklayers Arms, près de Berwick Street, et le White
Bear, derrière Piccadilly Circus, avec les deux
Brian, Ian Stewart, Geoff Bradford et un batteur,
mais Paul Jones préfère retourner à ses études à
Oxford. « Brian Jones m’a étonné par sa façon
d’utiliser la guitare slide » dit Geoff Bradford, dans
Blues By Six de juin 1962 à janvier 1963, les R&B
All Stars de Cyril Davies de juillet 1963 à janvier
1964, puis les Hoochie Coochie Men de Long
John Baldry jusqu’à novembre 1964. Comme
Brian Jones plus tôt, Mick Jagger rejoint Blues Incorporated où l’exigeant Cyril Davies applaudit sa
performance nerveuse et énergique. « Me rendant
tous les samedis à Ealing, j’avais vu Paul Jones et
Brian Jones faire le bœuf. Je me suis dit que je
n’étais pas plus mauvais qu’eux. J’en ai fait autant et j’ai chanté «I Got My Mojo Working»,
puis Keith a fait deux-trois classiques de Chuck
Berry. C’est là que tout a débuté. » L’hebdo Disc
du 19 mai 1962 annonce qu’un jeune chanteur
de blues de 19 ans, Mick Jagger, un ancien étudiant à la London School of Economics, chante
désormais avec Blues Incorporated, et joue aussi
de l’harmonica. Dans l’orchestre d’Alexis Korner,
il partage le micro avec Cyril Davies, Long John
Baldry, Ronnie Jones et Paul Jones. Keith Richards se souvient que Brian Jones désirait monter un groupe et s’installer à Londres avec l’une
de ses femmes : « Brian devait avoir au moins
cinq enfants qui tous lui ressemblaient ! On lui a
dit qu’on était des musiciens amateurs et qu’on
avait envie de progresser. Sur son invitation, je
suis allé dans un pub où il se produisait. Là, j’ai
fait la connaissance de Ian Stewart, un pianiste
de boogie-woogie qui se faisait des cachets dans
des clubs de jazz. Dick Taylor s’est mis à la basse.

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