l`histoire du mouvement coopératif en turquie
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l`histoire du mouvement coopératif en turquie
L’HISTOIRE DU MOUVEMENT COOPÉRATIF EN TURQUIE La documentation relative aux coopératives et autres formes d’organisations d’agriculteurs soutient que les mouvements et/ou événements suivants ont ouvert la voie à leur développement en Turquie : i) Le mouvement Ahi (12ème siècle), ii) Country Chests (19ème siècle), et iii) le mouvement des producteurs de figues (19ème siècle). Le mouvement Ahi à l’époque pré-ottomane Certains érudits considèrent l’organisation Ahi comme étant la première représentante du mouvement coopératif dans la République pré-turque en Anatolie. Ahi Evran, un artisan du cuir, érudit turc, économiste et figure religieuse révérée, a vécu en Anatolie Centrale de 1172 à 1261. Il était le patron d’une guilde de tanneurs et fondateur de l’organisation ahi (signifiant « fraternité ») qui se basait sur un ensemble de valeurs morales, économiques, sociales et politiques. « Des relations pacifiques entre les riches et les pauvres, les producteurs et les consommateurs, le travail et le capital, la nation et l’Etat » étaient les aspects fondamentaux du système social Ahi. Les caractéristiques communes à l’organisation Ahi et aux coopératives d’aujourd’hui sont les suivantes : i) L’adoption d’une approche « axée sur le service » plutôt que d’une approche « menée par l’argent » (axée sur le profit), ii) le libre arbitre d’adhérer à l’organisation ou de s’en retirer, iii) la gestion démocratique (gestion basée sur des droits égaux et légaux pour les membres au moyen de comités élus démocratiquement), iv) l’allocation de ressources pour la formation théorique et pratique, v) l’achat en gros de moyens d’exploitation et la distribution aux membres, vi) le versement de dividendes aux membres, vii) l’organisation verticale depuis la base jusqu’aux niveaux régionaux et nationaux, et viii) le versement d’une portion déterminée du profit individuel dans un fonds commun utilisé pour les obligations de l’organisation telles que impôts, sécurité sociale et frais d’entretien pour les propriétés/installations, salaires des employés, frais de réunions, etc. Les Country Chests à l’époque ottomane En 1863, le Gouverneur de l’Empire Ottoman du sud-est de la Serbie a initié un fonds dénommé « Country Chest » dans la ville de Pirot (Nish) pour les agriculteurs qui souffraient du manque de financement rural et ployaient sous le poids de lourdes dettes envers des personnes fortunées. Le fonds de roulement du Country Chest créé principalement grâce à la contribution des agriculteurs était placé sous la protection de l’Empire et utilisé pour octroyer des crédits aux personnes dans le besoin, comme le modèle de « coopérative de crédit » d’aujourd’hui. C’est une coïncidence intéressante qu’un an plus tard Friedrich Wilhelm Raiffeisen ait créé la première coopérative d’épargne et de crédit en Allemagne. Il s’agissait là d’un institut de crédit ou institut bancaire basé sur l’idée d’autoassistance. Il est généralement reconnu que c’est Raiffeisen qui a élaboré les règles qui régissent les coopératives d’aujourd’hui. Dans l’Empire ottoman, les Country Chests ont emprunté une voie semblable et comme résultat de leur expansion, la Banque Agricole (« Ziraat Bankasi ») a été fondée à Istanbul en 1888 pour répondre à la demande en finances croissante du secteur agricole. Le mouvement des producteurs de figues Un autre mouvement au début du 20ème siècle concernait les producteurs de figues de la région égéenne qui ont organisé une conférence en 1912 et encouragé leurs pairs à s’unir pour briser le monopole dans la commercialisation des figues. En 1914, une banque a été créée pour répondre aux besoins en crédit des producteurs de figues. Les premières années de la République Les premiers efforts concertés pour le développement coopératif ont été déployés en 1923 au moment de l’instauration de la République de Turquie sous Atatürk qui considérait que les coopératives étaient l’un des moyens de moderniser la société turque en distribuant largement les bénéfices économiques et en encourageant la participation démocratique. À cette époque, le pays était en majeure partie rural. La loi sur les coopératives de crédit agricole (No. 1470) a été adoptée en 1929. Les colonies (villages, villes) ne comptant pas moins de 100 foyers et ayant une population d’au moins 500 personnes avaient le droit de fonder des coopératives. Dans celles qui desservaient un ou plusieurs villages, les membres avaient une responsabilité illimitée et dans celles des villes, leur responsabilité était égale à cinq fois leur part sociale enregistrée. En l’espace d’un an, 191 coopératives comptant un total de 29.170 membres dans 550 villages ont été créées. Deux autres lois ont été mises en vigueur en 1935 concernant les ventes agricoles et les coopératives de crédit (lois No. 2834 et 2836) ; elles ont pavé la voie à l’union économique des producteurs. Lorsqu’Atatürk mourut en 1938, le mouvement était bien ancré. Le premier Congrès Coopératif National a eu lieu en 1944. Il a donné la possibilité au mouvement de s’articuler et de faire des plans de manière plus indépendante pour un développement continu du secteur. La période planifiée du développement national (1962 – aujourd’hui) À partir de 1962, les politiques intersectorielles de développement national de la Turquie ont été guidées par des plans gouvernementaux de développement quinquennaux. Le premier Plan de Développement Quinquennal (1962-67) voulait encourager et soutenir les coopératives, en particulier celles créées par des petits et moyens producteurs et fabricants, généralement dans le secteur de la commercialisation et de l’octroi du crédit. La loi sur les coopératives (No. 1163) qui est entrée en vigueur en 1969 a accéléré la création de coopératives. Alors qu’il n’existait que 670 coopératives pendant la période allant de 1941 à 1968, leur nombre s’est élevé à 7.080 pendant la période 1969-1979. Le Deuxième Plan de Développement Quinquennal (1968-72) a mis l’accent spécialement sur les coopératives. Les sujets qui étaient auparavant abordés sous la rubrique de, par exemple, « les villages et leurs problèmes », « les crédits agricoles » ou « le secteur de la fabrication », ont été traités dans une section spécialisée appelée « secteur coopératif » et le Plan de Mise en Œuvre (du Plan de Développement) comprenait plusieurs mesures pour le développement des coopératives. Dans les plans de développement qui suivirent, le leitmotiv général devint qu’ « un soutien serait apporté aux coopératives fortes, efficaces et démocratiques basées sur des initiatives volontaires ». Certains plans se concentraient sur l’octroi de crédit, d’autres soulignaient l’importance des organisations au sommet et de leurs relations avec les coopératives primaires. On peut aussi observer des étapes importantes vers l’atteinte de changements au sein du système coopératif dans le sixième, le septième et le huitième Plan de Développement. En Turquie, l’Etat a adopté un rôle paternaliste pour les coopératives depuis presque un siècle. Cette tradition les a empêchées de devenir des entités matures et responsables de leurs opérations, de leurs échecs et de leurs succès. Celles qui se sont libérées de cette protection ont pu se développer et devenir des organisations autonomes et démocratiques qui ont rendu leurs membres économiquement indépendants en haussant leurs revenus et en créant des emplois, en répondant à leurs besoins sociaux et culturels et en leur donnant confiance dans l’avenir.